LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Guy X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 2 avril 2013, qui, pour infractions au code de l'environnement et au code de l'urbanisme, l'a déclaré coupable, a ajourné le prononcé de la peine, ordonné la remise en état des lieux sous astreinte, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 18 février 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, M. Fossier, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller FOSSIER, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, THOUVENIN et COUDRAY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CORDIER ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 160-1 du code l'urbanisme, L. 121-3 du code pénal et 815-9 du code civil, ainsi que 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné un prévenu (M. X..., le demandeur) à une peine d'amende de 2 500 euros, ainsi qu'à une mesure de remise en état, du chef d'infractions au code de l'urbanisme ;
"aux motifs que l'article UB11 du plan d'occupation des sols stipulait, s'agissant de l'aspect extérieur des constructions, que l'emploi à nu de matériaux destinés à être recouverts d'un parement ou enduit, tels que brique, carreau plâtre, agglo de ciment, était interdit et prévoyait, s'agissant des terrassements et fouilles pour l'implantation des constructions, que tout apport artificiel de terre était interdit à moins de deux mètres des limites séparatives et que l'insertion des mouvements de terre devait être obtenue par leur étalement en évitant toute rupture ; qu'il résultait des constatations mentionnées dans le procès-verbal du 8 avril 2010 et des prises de vues photographiques annexées que le mur avait été édifié en agglomérés de ciment, non recouvert d'enduit, en violation des prescriptions de l'article UB11 du plan d'occupation des sols ; que le mur établi à moins de deux mètres de la ligne séparative correspondant à la ligne supposée tracée au milieu du cours d'eau, d'une largeur de 1,25 mètre à 1,75 mètre au droit de l'ouvrage réalisé, avait été remblayé du côté de la berge par apport ajouté, donc artificiel, de terre à moins de 2 mètres de la ligne séparative ; que la propriété de la parcelle sur laquelle le mur avait été édifié et le remblai installé était distincte de celle située sur l'autre rive du cours d'eau en ce qu'elle appartenait à une indivision, et le fait que M. X... fût au nombre des propriétaires indivis n'avait pas pour effet de modifier la situation de la ligne séparative des propriétés correspondant à l'axe du cours d'eau ;
"1°) alors que chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis, conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec les droits des autres indivisaires ; que le cour d'appel ne pouvait dès lors retenir que le fait que le prévenu fût propriétaire indivis de la parcelle située sur l'autre rive du cours d'eau était indifférent pour la raison qu'en ce qu'elle appartenait à une indivision, cette propriété était distincte de celle sur laquelle le mur et le remblai avaient été établis, tout en constatant que l'infraction était constituée pour tout apport de terre à moins de deux mètres des limites séparatives ;
"2°) alors qu'il n'y a pas de délit sans intention de le commettre ; que le délit de manquement aux dispositions d'un plan d'occupation des sols n'est constitué qu'en cas de violation consciente de ces dispositions ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors se borner à constater que le mur avait été édifié en aggloméré de ciment, non recouvert d'enduit, sans également vérifier que le prévenu avait en connaissance de cause méconnu les dispositions du plan d'occupation des sols relatives à l'aspect extérieur des constructions" ;
Attendu que, pour condamner le prévenu pour avoir exécuté des travaux en méconnaissance du document local d'urbanisme, en l'espèce en construisant un mur laissé sans parement ni enduit et en apportant artificiellement de la terre à moins de deux mètres de la limite entre sa parcelle et celle qui la jouxte, la cour d'appel relève, notamment, que le prévenu a successivement déclaré vouloir enduire le mur litigieux puis le végétaliser ; que l'arrêt attaqué énonce, ensuite, que la propriété de la parcelle sur laquelle le remblai avait été accumulé était distincte de celle située sur l'autre rive du cours d'eau en ce qu'elle appartenait à une indivision ; que les juges ajoutent que le fait que M. X... fût au nombre des propriétaires indivis n'avait pas pour effet de modifier la situation de la ligne séparative des propriétés correspondant à l'axe du cours d'eau ;
Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors que la parcelle appartenant privativement au prévenu jouxtait une parcelle distincte comme appartenant à une indivision, et que l'absence de parement ou d'enduit ne pouvait relever que de la violation en connaissance de cause du document local d'urbanisme, la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 214-1, L. 214-3, R. 216-12-§I-1°, R. 214-1 du code de l'environnement, ainsi que 388, 390-1 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné un prévenu (M. X..., le demandeur) à une peine d'amende de 2 500 euros ainsi qu'à une mesure de remise en état du chef d'infractions au code de l'environnement ;
"aux motifs qu'il était établi par la production d'un plan cadastral que la parcelle cadastrée à Tullins section AI n° 287, sur laquelle le prévenu avait construit le mur litigieux, bordait la rivière « le salamot » sur une longueur de 54 mètres, et qu'ainsi la preuve avait été rapportée, contre les mentions figurant au procès-verbal d'infraction établi le 10 mai 2010 par les agents de l'ONEMA et de la direction départementale des territoires, que la longueur du mur nouvellement construit par M. X... était de 44 mètres et non de 140 mètres comme mentionné par erreur dans ce procès-verbal ; que M. X... avait construit dans sa propriété un mur dans le lit mouillé ou le lit mineur de la rivière ayant eu pour effet de réduire en moyenne de 40 % la largeur du lit par rapport à ses dimensions mesurées en amont et en aval de l'ouvrage, et d'élever corrélativement la hauteur de la lame d'eau dans une proportion de 50 % au droit de cet ouvrage ; que l'article R. 214-1 du code de l'environnement portant nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement mentionnait en sa rubrique 3.1.2.0 qu'étaient soumis à déclaration les installations, ouvrages, travaux ou activités conduisant à modifier le profil en long ou le profil en travers du lit mineur d'un cours d'eau à l'exclusion de ceux visés à la rubrique 3.1.4.0 (consolidation des berges) ou conduisant à la dérivation d'un cours d'eau, lorsque la modification de profil affectait une longueur de cours d'eau inférieur à 100 mètres, ce qui était le cas en l'espèce, la longueur du mur en cours de finition à la date des constatations effectuées étant de 44 mètres ; que la rubrique 3.1.4.0 de la nomenclature mentionnait qu'étaient soumises à déclaration la consolidation ou la protection de berges, à l'exclusion des canaux artificiels, par des techniques autres que végétales vivantes, sur une longueur supérieure ou égale à 20 mètres mais inférieure à 200 mètres, ce qui était encore le cas en l'espèce ; que la contravention qui lui était reprochée était établie et constituée en tous ses éléments ; que la déclaration de culpabilité de ce chef était confirmée ; que la nomenclature des installations classées en sa rubrique 3.1.1.0 mentionnait qu'étaient soumis à autorisation les ouvrages remblais et épis, dans le lit mineur d'un cours d'eau, constituant un obstacle à l'écoulement de crues ; qu'en l'espèce, le mur remblayé construit par le prévenu dans le lit mineur de la rivière, en ce qu'il avait pour effet de réduire de 40% la largeur du lit mouillé de ce cours d'eau au droit de l'ouvrage réalisé, constituait un obstacle objectif à l'écoulement des crues et devait ainsi, compte tenu de cette caractéristique, donner lieu au dépôt d'un dossier de demande d'autorisation, ce que M. X... s'était délibérément abstenu de faire en dépit des avertissements reçus ; que le délit d'exécution sans autorisation de travaux nuisibles au débit des eaux était établi et constitué en tout ses éléments ; que le jugement était confirmé en tant que déclaratif de culpabilité de ce chef ;
"1°) alors que les juges ne peuvent légalement statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés dans la prévention ; qu'en retenant que la rubrique 3.1.4.0 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement soumettait à déclaration la consolidation ou la protection des berges par des techniques autres que végétales vivantes, sur une longueur supérieure ou égale à 20 mètres mais inférieure à 200 mètres, la cour d'appel a excédé les limites de sa saisine qui ne visait que l'exécution des travaux, « un mur en moellons, modifiant le débit des eaux ou le milieu aquatique du Salamot, sans détenir de récépissé de déclaration » ;
"2°) alors que les juges ne peuvent légalement statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés dans la prévention ; qu'en retenant que la nomenclature des installations classées, en sa rubrique 3.1.1.0, soumettait à autorisation les ouvrages remblais et épis, dans le lit mineur d'un cours d'eau, constituant un obstacle à l'écoulement des eaux et que « le mur remblayé », en ce qu'il avait eu pour effet de réduire de 40% la largeur du lit mouillé, constituait un obstacle objectif à l'écoulement des eaux, la cour d'appel a excédé les limites de sa saisine qui ne visait que l'exécution de travaux, « un mur en moellons, nuisibles au débit ou au milieu aquatique du Salamot » ;
"3°) alors que le cour d'appel ne pouvait entériner les mesures effectuées par les agents de l'ONEMA et retenir que la construction du mur en moellons avait eu pour effet de réduire en moyenne de 40 % la largeur du lit mouillé par rapport à ses dimensions mesurées en amont et en aval de l'ouvrage, et d'élever corrélativement la hauteur de la lame d'eau dans une proportion de 50 % au droit de l'ouvrage, tout en constatant que le mur construit par le prévenu était de 44 mètres et non de 140 mètres comme mentionné par erreur dans le procès-verbal, se fondant ainsi sur des éléments de mesure également erronés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt, que le prévenu, propriétaire d'une parcelle bordée d'un ruisseau, a construit, le long de la berge, un mur de quarante-quatre mètres dans le prolongement d'un autre plus ancien ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable d'exécution de travaux nuisibles au débit des eaux ou au milieu aquatique, la cour d'appel énonce que la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement, en sa rubrique 3.1.1.0, mentionne que sont soumis à autorisation les ouvrages, dans le lit mineur d'un cours d'eau, constituant un obstacle à l'écoulement de crues ; qu'en l'espèce, le mur remblayé construit par le prévenu dans le lit mineur de la rivière, en ce qu'il avait pour effet de réduire de 40% la largeur du lit mouillé de ce cours d'eau au droit de l'ouvrage réalisé, constituait un obstacle objectif à l'écoulement des crues et devait ainsi, compte tenu de cette caractéristique, donner lieu au dépôt d'un dossier de demande d'autorisation ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a, sans excéder les limites de sa saisine, fait l'exacte application des textes visés au moyen ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, doit être écarté ;Mais sur le moyen relevé d'office, pris de la violation des articles L. 214-1, R. 214-42 et R. 214-43 du code de l'environnement ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que si plusieurs ouvrages, installations, catégories de travaux ou d'activités doivent être réalisés par la même personne sur le même site, une seule demande d'autorisation ou une seule déclaration peut être présentée pour l'ensemble de ces installations ;
Qu'il s'en évince qu'un pétitionnaire, dont l'ouvrage unique relève à la fois d'une demande d'autorisation et d'une déclaration, s'il est déclaré coupable d'exécution de travaux sans autorisation, ne peut l'être aussi pour exécution des mêmes travaux sans déclaration ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de la contravention d'exécution de travaux modifiant le débit des eaux sans détenir un récépissé de déclaration, après l'avoir condamné pour le délit d'exécution sans autorisation des mêmes travaux nuisibles au débit des eaux, la cour d'appel énonce que l'article R. 214-1 du code de l'environnement portant nomenclature qui lui est annexée, mentionne en sa rubrique 3.1.2.0 que sont soumis à déclaration les ouvrages conduisant à modifier le profil du lit mineur d'un cours d'eau, lorsque la modification de profil affecte une longueur de moins de cent mètres, ce qui était le cas en l'espèce ; que la rubrique 3.1.4.0 de la nomenclature mentionne que sont soumises à déclaration la consolidation ou la protection de berges, sur une longueur supérieure ou égale à vingt mètres -
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Grenoble, en date du 2 avril 2013, en ses seules dispositions ayant déclaré M. X... coupable de la contravention d'exécution de travaux modifiant le débit des eaux, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Grenoble et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le premier avril deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;