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05/03/2014 | FRANCE | N°12-22406

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 05 mars 2014, 12-22406


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les deux moyens réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 février 2012), que l'Etat de la République d'Ouzbékistan a saisi le juge de l'exécution en annulation et mainlevée de la saisie-attribution pratiquée, le 30 novembre 2009, à son encontre entre les mains de la banque HSBC France par la société Romak sur le fondement d'une sentence arbitrale rendue à Londres à propos d'une livraison de céréales et exequaturée en France ;
Attendu que la société Romak fait grief à l'arrêt d

e prononcer la nullité de cette saisie-attribution et d'en ordonner la mainlevé...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les deux moyens réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 février 2012), que l'Etat de la République d'Ouzbékistan a saisi le juge de l'exécution en annulation et mainlevée de la saisie-attribution pratiquée, le 30 novembre 2009, à son encontre entre les mains de la banque HSBC France par la société Romak sur le fondement d'une sentence arbitrale rendue à Londres à propos d'une livraison de céréales et exequaturée en France ;
Attendu que la société Romak fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité de cette saisie-attribution et d'en ordonner la mainlevée, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en vertu des principes régissant les immunités des États étrangers, l'immunité d'exécution doit être écartée lorsque le bien appréhendé se rattache à une activité ressortissant au droit privé ; qu'en l'espèce les sommes figurant sur le compte ouvert auprès de la Banque HSBC, et appartenant à l'État de la République d'Ouzbékistan, étaient au moins pour partie nanties au profit de banques ¿ la banque japonaise Sumitomo et la banque française CCF ¿ et données en garantie de prêts contracté par la République d'Ouzbékistan, relevant normalement du droit privé ; que les fonds figurant sur les comptes étant au moins pour partie affectés à une activité de droit privé et tant que tels étrangers à l'exercice par la République d'Ouzbékistan d'une activité régalienne, les juges du fond devaient écarter l'immunité d'exécution ; qu'en décidant le contraire, ils ont violé les principes gouvernant les immunités des États étrangers et notamment l'immunité d'exécution ;
2°/ que dès lors qu'un État a renoncé à l'immunité d'exécution, s'agissant de sommes clairement identifiées, il lui est désormais interdit de se prévaloir de l'immunité d'exécution et ne peut opposer que cette renonciation ne peut jouer qu'au profit du créancier bénéficiant d'un nantissement ; qu'en l'espèce il résulte de l'article 5 du protocole de nantissement conclu avec le Crédit commercial de France puis avec la société Sumitomo, suivant actes en date respectivement des 7 octobre 1994 et 11 février 1997 que l'État de la République d'Ouzbékistan a renoncé de manière expresse à se prévaloir de l'immunité d'exécution sur les sommes objet de la saisie ; qu'en décidant néanmoins qu'il ne peut se déduire de cet article que l'État de la République d'Ouzbékistan a renoncé à son immunité d'exécution vis-à-vis de l'ensemble de ses créanciers, la cour d'appel a violé les principes régissant les immunités des États étrangers notamment l'immunité d'exécution ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le compte saisi était alimenté par des redevances de navigation aérienne dues à la République d'Ouzbékistan en raison de la souveraineté des Etats sur leur espace aérien et le survol de leur territoire, la cour d'appel en a exactement déduit que celles-ci concernaient une activité de puissance publique et étaient couvertes par l'immunité d'exécution sans que leur nantissement consenti par la République d'Ouzbékistan à d'autres créanciers en faveur desquels elle avait renoncé de manière expresse et spéciale à son immunité d'exécution ne les prive de leur caractère de fonds souverains ;
D'où il suit qu'aucun des moyens n'est fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Romak aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Romak et la condamne à payer à l'Etat de la République d'Ouzbékistan la somme de 3000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour la société Romak SA Geneva.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU' il a rejeté l'appel formé par la société ROMAK SA GENEVA et a confirmé le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris lequel a prononcé la nullité de la saisie-attribution pratiquée le 30 novembre 2009 par la société ROMAK SA GENEVA sur le compte n° 036950012980 dans les livres d'HSBC, au préjudice de la République d'Ouzbékistan et en a ordonné la mainlevée ;
AUX MOTIFS QUE « les États étrangers bénéficient par principe de l'immunité d'exécution à laquelle il ne peut être renoncé que d'une façon expresse et spéciale ; qu'il n'est autrement que lorsque le bien concerné se rattache non à l'exercice d'une activité de souveraineté mais à une opération économique commerciale ou civile relevant du droit privé qui donne lieu à la demande en justice ; qu'ainsi l'immunité doit être écartée s'il est établi, outre l'existence d'un lien entre le bien saisi et la créance cause de la saisie, le fait que l'activité à laquelle celui-ci sert de support est entièrement régie par le droit privé ; que cette immunité s'étend aux fonds déposés sur les comptes bancaires de l'État concerné ; qu'en l'espèce il n'est dénié par aucune des parties que les fonds saisis sur le compte ouvert à la banque HSBC appartiennent à l'ETAT DE LA REPUBLIQUE D'OUZBEKISTAN et que ce compte est approvisionné par des redevances de navigation aérienne par des redevances de navigation aérienne ; que s'agissant de redevances étatiques dues en raison de la souveraineté des États sur leur espace aérien et le survol de leur territoire, celles-ci relèvent d'une activité de puissance publique et sont couvertes comme telles par l'immunité d'exécution, ainsi d'ailleurs que l'avait relevé un arrêt du 26 octobre 2006 de la Cour de ce siège, déjà saisie de la contestation d'une précédente saisie portant sur ce même compte ; que le fait que ces sommes ou une partie d'entre elles soient nanties au profit de la société japonaise SUMITOMO en garantie d'un prêt contracté par la REPUBLIQUE D'OUZBEKISTAN pour la fourniture et l'installation d'un système de contrôle de trafic aérien, de surveillance radar et d'aide à la navigation aérienne, ne prive pas ces fonds de leur caractère de fonds souverains ; que par ailleurs la société ROMAK prétend que l'ETAT DE LA REPUBLIQUE D'OUZBEKISTAN a renoncé à son immunité d'exécution sur les sommes saisies, en vertu de l'article 5 du protocole de nantissement conclu avec CREDIT COMMERCIAL DE FRANCE puis avec la société SUMITOMO, suivant actes en date respectivement des 07 octobre 1994 et 11 février 1997 ; que selon cet article, "Le Constituant (la République d'Ouzbékistan) s'engage par les présentes dans un acte de commerce et ne bénéficie d'aucune immunité de juridiction et/ou d'exécution de quelque nature que ce soit. Par ailleurs le Constituant renonce d'une manière expresse à toute allégation, argumentation et/ou interprétation par laquelle il pourrait se prévaloir de l'immunité de juridiction et/ou d'exécution à l'encontre du Bénéficiaire quant à la réalisation du présent Nantissement de compte. Cette renonciation est expresse, spéciale à l'opération en cours visée par le présent Nantissement de Compte et intervient d'une manière régulière au regard du droit, et/ou des règlements qui régissent le Constituant et ses activités" ; qu'il ne peut se déduire de cet article que l'ETAT DE LA REPUBLIQUE D'OUZBEKISTAN ait renoncé à son immunité d'exécution vis-à-vis de l'ensemble de ses créanciers, la renonciation qui y est stipulée étant limitée à l'opération en lien avec le nantissement et ne s'appliquant qu'au bénéficiaire du nantissement ; que le moyen soulevé de ce chef doit donc être rejeté » ;
ALORS QUE, en vertu des principes régissant les immunités des États étrangers, l'immunité d'exécution doit être écartée lorsque le bien appréhendé se rattache à une activité ressortissant au droit privé ; qu'en l'espèce les sommes figurant sur le compte ouvert auprès de la Banque HSBC, et appartenant à l'État de la République d'Ouzbékistan, étaient au moins pour partie nanties au profit de banques ¿ la banque japonaise SUMITOMO et la banque française CCF ¿ et données en garantie de prêts contracté par la République d'Ouzbékistan, relevant normalement du droit privé ; que les fonds figurant sur les comptes étant au moins pour partie affectés à une activité de droit privé et tant que tels étrangers à l'exercice par la République d'Ouzbékistan d'une activité régalienne, les juges du fond devaient écarter l'immunité d'exécution ; qu'en décidant le contraire, ils ont violé les principes gouvernant les immunités des États étrangers et notamment l'immunité d'exécution.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU' il a rejeté l'appel formé par la société ROMAK SA GENEVA et a confirmé le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris lequel a prononcé la nullité de la saisie-attribution pratiquée le 30 novembre 2009 par la société ROMAK SA GENEVA sur le compte n° 036950012980 dans les livres d'HSBC, au préjudice de la République d'Ouzbékistan et en a ordonné la mainlevée ;
AUX MOTIFS QUE« les États étrangers bénéficient par principe de l'immunité d'exécution à laquelle il ne peut être renoncé que d'une façon expresse et spéciale ; qu'il n'est autrement que lorsque le bien concerné se rattache non à l'exercice d'une activité de souveraineté mais à une opération économique commerciale ou civile relevant du droit privé qui donne lieu à la demande en justice ; qu'ainsi l'immunité doit être écartée s'il est établi, outre l'existence d'un lien entre le bien saisi et la créance cause de la saisie, le fait que l'activité à laquelle celui-ci sert de support est entièrement régie par le droit privé ; que cette immunité s'étend aux fonds déposés sur les comptes bancaires de l'État concerné ; qu'en l'espèce il n'est dénié par aucune des parties que les fonds saisis sur le compte ouvert à la banque HSBC appartiennent à l'ETAT DE LA REPUBLIQUE D'OUZBEKISTAN et que ce compte est approvisionné par des redevances de navigation aérienne par des redevances de navigation aérienne ; que s'agissant de redevances étatiques dues en raison de la souveraineté des États sur leur espace aérien et le survol de leur territoire, celles-ci relèvent d'une activité de puissance publique et sont couvertes comme telles par l'immunité d'exécution, ainsi d'ailleurs que l'avait relevé un arrêt du 26 octobre 2006 de la Cour de ce siège, déjà saisie de la contestation d'une précédente saisie portant sur ce même compte ; que le fait que ces sommes ou une partie d'entre elles soient nanties au profit de la société japonaise SUMITOMO en garantie d'un prêt contracté par la REPUBLIQUE D'OUZBEKISTAN pour la fourniture et l'installation d'un système de contrôle de trafic aérien, de surveillance radar et d'aide à la navigation aérienne, ne prive pas ces fonds de leur caractère de fonds souverains ; que par ailleurs la société ROMAK prétend que l'ETAT DE LA REPUBLIQUE D'OUZBEKISTAN a renoncé à son immunité d'exécution sur les sommes saisies, en vertu de l'article 5 du protocole de nantissement conclu avec CREDIT COMMERCIAL DE FRANCE puis avec la société SUMITOMO, suivant actes en date respectivement des 07 octobre 1994 et 11 février 1997 ; que selon cet article, "Le Constituant (la République d'Ouzbékistan) s'engage par les présentes dans un acte de commerce et ne bénéficie d'aucune immunité de juridiction et/ou d'exécution de quelque nature que ce soit. Par ailleurs le Constituant renonce d'une manière expresse à toute allégation, argumentation et/ou interprétation par laquelle il pourrait se prévaloir de l'immunité de juridiction et/ou d'exécution à l'encontre du Bénéficiaire quant à la réalisation du présent Nantissement de compte. Cette renonciation est expresse, spéciale à l'opération en cours visée par le présent Nantissement de Compte et intervient d'une manière régulière au regard du droit, et/ou des règlements qui régissent le Constituant et ses activités" ; qu'il ne peut se déduire de cet article que l'ETAT DE LA REPUBLIQUE D'OUZBEKISTAN ait renoncé à son immunité d'exécution vis-à-vis de l'ensemble de ses créanciers, la renonciation qui y est stipulée étant limitée à l'opération en lien avec le nantissement et ne s'appliquant qu'au bénéficiaire du nantissement ; que le moyen soulevé de ce chef doit donc être rejeté » ;

ALORS QUE, dès lors qu'un État a renoncé à l'immunité d'exécution, s'agissant de sommes clairement identifiées, il lui est désormais interdit de se prévaloir de l'immunité d'exécution et ne peut opposer que cette renonciation ne peut jouer qu'au profit du créancier bénéficiant d'un nantissement ; qu'en l'espèce il résulte de l'article 5 du protocole de nantissement conclu avec le CREDIT COMMERCIAL DE FRANCE puis avec la société SUMITOMO, suivant actes en date respectivement des 7 octobre 1994 et 11 février 1997 que l'État de la République d'Ouzbékistan a renoncé de manière expresse à se prévaloir de l'immunité d'exécution sur les sommes objet de la saisie ; qu'en décidant néanmoins qu'il ne peut se déduire de cet article que l'État de la République d'Ouzbékistan a renoncé à son immunité d'exécution vis-à-vis de l'ensemble de ses créanciers, la cour d'appel a violé les principes régissant les immunités des États étrangers notamment l'immunité d'exécution.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12-22406
Date de la décision : 05/03/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

ETAT - Etat étranger - Immunité d'exécution - Etendue - Redevances relevant d'une activité de puissance publique - Nantissement - Absence d'influence

ETAT - Etat étranger - Immunité d'exécution - Exclusion - Conditions - Détermination - Portée ETAT - Etat étranger - Immunité d'exécution - Bénéfice - Renonciation - Portée PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION - Domaine d'application - Exclusion - Personnes bénéficiant d'une immunité d'exécution - Portée

La cour d'appel, qui a relevé qu'une saisie-attribution avait été pratiquée par une société sur un compte alimenté par des redevances de navigation aérienne dues à un Etat étranger en raison de la souveraineté des Etats sur leur espace aérien et le survol de leur territoire, en a exactement déduit que celles-ci concernaient une activité de puissance publique et étaient couvertes par l'immunité d'exécution. Dès lors le nantissement consenti sur ces redevances par cet Etat à d'autres créanciers, en faveur desquels il avait renoncé de manière expresse et spéciale à son immunité d'exécution, ne les prive pas de leur caractère de fonds souverains


Références :

les principes régissant les immunités des Etats étrangers, et notamment l'immunité d'exécution

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 février 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 05 mar. 2014, pourvoi n°12-22406, Bull. civ. 2014, I, n° 28
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2014, I, n° 28

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : M. Sarcelet
Rapporteur ?: M. Hascher
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Bénabent et Jéhannin

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.22406
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