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18/02/2014 | FRANCE | N°12-29075

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 février 2014, 12-29075


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 4 octobre 2012), que les sociétés Hainaut immobilier et Créer promotion (les sociétés) ont fait assigner la société KPMG ainsi que MM. X...et Y...(les commissaires aux comptes), aux fins d'obtenir réparation du préjudice qu'elles estimaient avoir subi en raison de leur refus temporaire de certifier leurs comptes ;
Attendu que les sociétés font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes, alors, selon le moyen, que commet une faute le c

ommissaire aux comptes qui refuse de certifier les comptes réguliers, sin...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 4 octobre 2012), que les sociétés Hainaut immobilier et Créer promotion (les sociétés) ont fait assigner la société KPMG ainsi que MM. X...et Y...(les commissaires aux comptes), aux fins d'obtenir réparation du préjudice qu'elles estimaient avoir subi en raison de leur refus temporaire de certifier leurs comptes ;
Attendu que les sociétés font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes, alors, selon le moyen, que commet une faute le commissaire aux comptes qui refuse de certifier les comptes réguliers, sincères et fidèles au prétexte qu'il doute de la légalité d'un acte juridique conclu et exécuté par l'entreprise au cours de l'exercice ; qu'en décidant, au contraire, que le refus de certification des comptes opposé par la société KPMG au 30 juin 2006 n'était pas critiquable parce qu'elle n'avait pu lever qu'après cette date ses incertitudes sur la régularité de la cession immobilière intervenue le 23 septembre 2005 entre les sociétés Créer promotion et HLM du Hainaut, la cour d'appel a violé les articles L. 823-9 et L. 822-17 du code de commerce ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que les commissaires aux comptes avaient eu des doutes sur la régularité d'une opération de cession immobilière qui avait notamment pour effet de priver l'une des sociétés du groupe Hainaut d'une plus-value qu'elle s'était engagée auprès de l'administration à réinvestir dans de nouveaux logements sociaux et que l'annulation de cette opération aurait nécessairement eu une incidence sur les comptes des sociétés en cause, l'arrêt retient que ces doutes n'ont été levés qu'ultérieurement à la suite d'une lettre d'un avocat aux Conseils ; que de ces constatations, la cour d'appel a pu déduire que le refus temporaire des commissaires aux comptes de certifier les comptes ne revêtait pas un caractère fautif ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Hainaut immobilier et Créer promotion aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la société KPMG ainsi qu'à MM. X...et Y...la somme globale de 3 000 euros et rejette leur demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit février deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour les sociétés Hainaut immobilier et Créer promotion.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les sociétés HAINAUT IMMOBILIER et CREER PROMOTION de toutes leurs demandes contre la société KPMG et Messieurs François X...et Eric Y...;
AUX MOTIFS QUE : « aux termes de l'article L. 822-17 du code de commerce dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 8 septembre 2005, les commissaires aux comptes sont responsables, tant à l'égard de la personne ou de l'entité que des tiers, des conséquences dommageables des fautes et négligences par eux commises dans l'exercice de leurs fonctions ; qu'il s'ensuit que la responsabilité du commissaire aux comptes est une responsabilité pour faute, qui suppose de démontrer outre l'existence de la faute, le préjudice subi, et un lien de causalité entre la faute et le dommage ; que cette responsabilité doit être appréciée par référence à la mission légale dévolue aux commissaires aux comptes, à savoir une mission générale de certification, puisqu'il est appelé à assurer que les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle des opérations de l'exercice, de la situation financière et du patrimoine de la société à la clôture de l'exercice, une mission permanente, qui consiste à vérifier les valeurs et les documents comptables de la société et à contrôler la conformité de la comptabilité de celle-ci aux règles en vigueur, une mission générale de contrôle du fonctionnement de la société concernée, et notamment de révélation des irrégularités ou inexactitudes qu'il aurait relevées, auprès de l'assemblée générale, mais aussi auprès du procureur de la République s'il s'agit de faits délictueux ; que s'agissant plus précisément de la mission générale de certification, l'article L. 823-13 du code de commerce prévoit qu'à toute époque de l'année, les commissaires aux comptes, ensemble ou séparément, opèrent toutes vérifications et tous contrôles qu'ils jugent opportuns et peuvent se faire communiquer sur place toutes les pièces qu'ils estiment utiles à l'exercice de leur mission et notamment tous contrats, livres, documents comptables et registres des procès-verbaux ; que pour l'accomplissement de leurs contrôles, les commissaires aux comptes peuvent, sous leur responsabilité, se faire assister ou représenter par tels experts ou collaborateurs de leur choix, qu'ils font connaître nommément à la personne ou à l'entité dont ils sont chargés de certifier les comptes ; que ces experts ou collaborateurs ont les mêmes droits d'investigation que les commissaires aux comptes ; qu'en l'espèce dans le cadre de sa mission de certification des comptes annuels de l'exercice clos au 31 décembre 2005 par les sociétés CREER PROMOTION et HAINAUT IMMOBILIER, la société KPMG s'est interrogée sur la régularité de l'opération de cession immobilière intervenue le 23 septembre 2005 entre la société HLM DU HAINAUT et la société CREER PROMOTION, sociétés faisant toutes deux partie du groupe HAINAUT IMMOBILIER, dès lors notamment que la cession en bloc de logements détenus par une société HLM à une société de droit privé n'est pas prévue par le code de la construction et de l'habitat ; que cette opération lui apparaissait d'autant plus douteuse qu'outre la réalisation par la société CREER PROMOTION d'une plus-value supérieure à 50 % lors de l'achat des biens, privant ainsi la société d'exploitation HLM chargée d'une mission de service public, d'une plus-value importante qu'elle s'était pourtant engagée auprès des autorités administratives à réinvestir dans de nouveaux logements sociaux, les deux sociétés disposaient de dirigeants communs apparaissant tout à la fois comme décideurs et bénéficiaires de l'opération ; que confortée en cela par une lettre en date du 23 septembre 2004 adressée par Maître B..., avocat à la cour, au GROUPE HAINAUT faisant état de la nécessité de soumettre au préfet les conditions de l'opération, ce qui n'avait pas été le cas, et par une consultation juridique du cabinet FIDAL qui avait alors identifié quatre problèmes concernant la licéité de la cession réalisée, à savoir l'illégalité de la vente dès lors que la société CREER PROMOTION était une société privée non visée par l'article L. 443-11 du code de la construction et de l'habitat, le fait qu'une procédure irrégulière ait été suivie, la direction régionale du Nord n'étant pas une personne habilitée à donner son avis sur le projet de vente, le risque d'abus de bien social, l'organisme HLM ayant fixé un prix de vente qu'il savait inférieur au prix du marché et le risque d'annulation de la vente par toute personne intéressée, la société KPMG a fait part, dès le mois d'avril 2006, aux dirigeants des sociétés HAINAUT IMMOBILIER et CREER PROMOTION de ses doutes quant au risque d'une annulation de l'opération de cession d'actifs réalisée qui aurait nécessairement eu une incidence sur les comptes des sociétés en cause ; que si un échange de correspondances s'en est suivi, il apparaît que l'ensemble des documents lui permettant de vérifier que la procédure administrative idoine préalable à l'opération de rachat des biens avait été bien suivie ne lui ont été remis que postérieurement au 30 juin 2006, la transmission, avant cette date, d'un simple courriel daté du 25 avril 2005 émanant du chef de bureau de la réglementation des organismes constructeurs indiquant que la DGUHC ne pouvait " qu'être favorable à cette cession " étant à cet égard manifestement insuffisante alors que le courrier du 28 juillet 2005 adressé par la société HAINAUT IMMOBILIER au directeur régional de l'équipement révèle qu'elle était encore à cette date dans l'attente de l'autorisation administrative définitive de la cession ; qu'il apparaît en outre que seule la consultation particulièrement détaillée de Maître THOUIN-PALAT, avocat à la Cour de cassation et au Conseil d'Etat, transmise dans le courant du mois d'octobre 2006à la société KPMG et qui exposait que la société CREER PROMOTION avait suivi la procédure administrative requise et qu'il n'existait pas de risque de remise en cause de l'opération immobilière réalisée, a permis de lever un certain nombre des doutes légitimement émis par la société KPMG quant à la régularité de l'opération et l'a convaincue de certifier les comptes des sociétés CREER PROMOTION et HAINAUT IMMOBILIER le 15 novembre 2006, tout en prenant le soin de faire figurer à l'annexe une note complémentaire évoquant le risque, qualifié désormais de peu probable, de remise en question de l'opération ; que dans la mesure où il est ainsi établi que la société KPMG ne disposait pas au 30 juin 2006 d'éléments suffisants pour lui permettre de lever les incertitudes entourant l'opération de cession litigieuse, le refus de certification, à cette date, des comptes annuels de la société CREER PROMOTION et des comptes consolidés de la société HAINAUT IMMOBILIER pour l'exercice clos le 31 décembre 2005, n'apparaît pas critiquable ; que s'il est effectivement apparu que la procédure administrative suivie était régulière, il ne saurait être sérieusement soutenu que la société KPMG, et avec elle Monsieur François X...et Monsieur Eric Y..., auraient manqué à leurs obligations de vérification et de contrôle alors qu'ils n'ont fait qu'utiliser les moyens que la loi mettait à leur disposition à cette fin et que la condamnation, le 12 mars 2009, par le tribunal correctionnel de Valenciennes de Monsieur Z..., président du directoire de la société HLM DU HAINAUT et président délégué de la société CREER et de Monsieur A..., président du conseil de surveillance de la société HLM DU HAINAUT et président de la société CREER, pour prise illégale d'intérêt, démontre que les doutes de la société KPMG quant à la licéité de l'opération étaient légitimes et lui imposaient un devoir particulier de prudence et de vigilance auquel elle a parfaitement satisfait ; que dans la mesure où les sociétés CREER PROMOTION et HAINAUT IMMOBILIER ne produisent aucun autre élément déterminant permettant de considérer le refus temporaire de certification comme fautif, le jugement sera infirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société KPMG, de Monsieur François X...et de Monsieur Eric Y...à l'égard des sociétés HAINAUT IMMOBILIER et CREER PROMOTION, lesquelles seront en conséquence déboutées de leurs demandes formées à leur encontre » ;
ALORS QUE : commet une faute le commissaire aux comptes qui refuse de certifier les comptes réguliers, sincères et fidèles au prétexte qu'il doute de la légalité d'un acte juridique conclu et exécuté par l'entreprise au cours de l'exercice ; qu'en décidant, au contraire, que le refus de certification des comptes opposé par la société KPMG au 30 juin 2006 n'était pas critiquable parce qu'elle n'a pu lever qu'après cette date ses incertitudes sur la régularité de la cession immobilière intervenue le 23 septembre 2005 entre les sociétés CREER PROMOTION et HLM DU HAINAUT, la cour d'appel a violé les articles L. 823-9 et L. 822-17 du code de commerce.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

PROFESSIONS REGLEMENTEES (livre VIII C. com.) - Commissaire aux comptes - Exercice du contrôle légal - Mission - Certification des comptes - Doutes sur la régularité d'une opération - Refus temporaire de certifier - Portée - Absence de faute

N'est pas fautif le refus temporaire de commissaires aux comptes de certifier les comptes de sociétés en raison de doutes sur la régularité d'une opération qui, si elle avait été annulée, aurait eu une incidence sur leurs comptes, les doutes n'étant levés qu'ultérieurement


Références :

articles L. 823-9 et L. 823-10 du code de commerce

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 04 octobre 2012


Publications
Proposition de citation: Cass. Com., 18 fév. 2014, pourvoi n°12-29075, Bull. civ. 2014, IV, n° 39
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2014, IV, n° 39
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Composition du Tribunal
Président : M. Espel
Avocat général : Mme Batut
Rapporteur ?: M. Delbano
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Formation : Chambre commerciale
Date de la décision : 18/02/2014
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 12-29075
Numéro NOR : JURITEXT000028642317 ?
Numéro d'affaire : 12-29075
Numéro de décision : 41400198
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2014-02-18;12.29075 ?
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