LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, que, le 30 mars 2012, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance d'Orléans a, sur le fondement de l'article 64 du code des douanes, autorisé des agents de la direction régionale des douanes du Centre à procéder à une visite avec saisies dans des locaux et leurs annexes sis à Blois et Vineuil, occupés par la société AES ou la société Destyle et leurs gérants respectifs, M. X... et Mme Y..., où étaient susceptibles d'être commercialisés des vêtements contrefaisant une marque, de manière habituelle et illicite, ce qui était de nature à constituer le délit douanier de contrebande de marchandises prohibées ; que ces opérations ont été effectuées le 3 avril 2012 ; que les deux sociétés et leurs gérants ont relevé appel de cette autorisation et formé un recours contre le déroulement des visites ;
Sur le deuxième moyen qui est recevable :
Vu les articles 64 du code des douanes et 561 du code de procédure civile ;
Attendu qu'en application de ces textes, le premier président saisi d'un appel contre une ordonnance ayant autorisé des visites et saisies doit, en vertu de l'effet dévolutif, rechercher et caractériser lui-même les éléments laissant présumer l'existence d'une infraction de nature à justifier la requête de l'administration ;
Attendu qu'après avoir annulé l'autorisation et les opérations de visite et de saisies, l'ordonnance retient que l'effet dévolutif de l'appel « n'a pas lieu d'opérer » dès lors qu'il n'est pas concevable qu'une visite domiciliaire soit ordonnée contradictoirement ;
Attendu qu'en statuant ainsi, le premier président a violé les textes susvisés ;
Et sur le troisième moyen :
Vu l'article 367 du code des douanes ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, en matière douanière, en première instance et sur appel, l'instruction est verbale sur simple mémoire et sans frais de justice à répéter de part ni d'autre ;
Attendu qu'en condamnant l'administration des douanes aux dépens, le premier président a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 11 septembre 2012, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Versailles ; Condamne les sociétés Destyle et AES, M. X... et Mme Y... aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour le directeur général des douanes et droits indirects, le chef de l'agence de poursuites de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières et le directeur régional des douanes du Centre.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR annulé l'ordonnance rendue le 30 mars 2012 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance d'ORLEANS et, par voie de conséquence, d'AVOIR constaté la nullité des opérations de visite et de saisie effectuées le 3 avril 2012 en vertu de cette ordonnance ;
AUX MOTIFS QUE selon les articles 455 et 458 du Code de procédure civile, le jugement doit être motivé à peine de nullité ; que cette obligation de motivation qui est le propre de toute décision juridictionnelle, hors les cas où le juge dispose d'un pouvoir discrétionnaire, comme par exemple pour l'application de l'article 700 du Code de procédure civile, revêt dans le cas présent, où sont en cause des libertés fondamentales, une importance particulière ; qu'or, l'ordonnance déférée est exempte de toute motivation, le premier juge s'étant borné à viser les pièces produites par l'administration sans les analyser, ni même les désigner autrement que par des « procès-verbaux étayant les soupçons », nous mettant ainsi dans l'impossibilité de nous assurer qu'il a satisfait aux prescriptions de l'article 64 du Code des douanes, en vérifiant de manière concrète l'existence d'éléments laissant présumer l'existence des agissements frauduleux suspectés par l'administration, de nature à justifier la visite domiciliaire sollicitée ; qu'une analyse des pièces produites était d'autant plus indispensable, en l'espèce, que les soupçons de l'administration reposaient essentiellement, pour ne pas dire exclusivement sur une dénonciation anonyme ; qu'il s'ensuit que l'ordonnance entreprise mérite d'être annulée, sans même qu'il y ait à justifier d'un grief, s'agissant de la violation d'une formalité substantielle ; que, par voie de conséquence, les opérations de visite et de saisie autorisées par ladite ordonnance sont elles-mêmes nulles, étant précisé que l'effet dévolutif de l'appel n'a pas lieu ici d'opérer dès lors qu'il n'est pas concevable qu'une visite domiciliaire soit ordonnée contradictoirement et qu'il n'est pas non plus possible de valider rétroactivement les opérations déjà effectuées, ne serait-ce que parce que le juge qui les ordonne est tenu de les contrôler ;
ALORS QUE l'ordonnance par laquelle le juge des libertés et de la détention autorise l'administration des douanes à mettre en oeuvre son droit de visite et de saisie est suffisamment motivée lorsqu'elle s'est référée, en les analysant, aux éléments d'information fournis par l'administration ; qu'en affirmant que l'ordonnance d'autorisation rendue le mars 2012 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance d'ORLEANS aurait été exempte de toute motivation, quand cette ordonnance, après s'être référé aux « procès-verbaux » sur lesquels l'administration des douanes avait fondé sa requête, les a analysés en relevant qu'ils « étay(aient) les soupçons » et qu'« il en résult(ait) contre Monsieur X... Ahmed et Mme Y... Hayette, gérants respectivement des SARL AES et DESTYLE, et exerçant leur activité aux adresses suivantes (...) des indices sérieux et concordants de commercialisation habituelle et illicite de contrefaçons, en l'espèce des vêtements (jeans de marque DIESEL), constituant le délit douanier de contrebande de marchandises prohibées », le Premier Président de la Cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR annulé l'ordonnance rendue le 30 mars 2012 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance d'ORLEANS et, par voie de conséquence, d'AVOIR constaté la nullité des opérations de visite et de saisie effectuées le 3 avril 2012 en vertu de cette ordonnance ;
AUX MOTIFS QUE selon les articles 455 et 458 du Code de procédure civile, le jugement doit être motivé à peine de nullité ; que cette obligation de motivation qui est le propre de toute décision juridictionnelle, hors les cas où le juge dispose d'un pouvoir discrétionnaire, comme par exemple pour l'application de l'article 700 du Code de procédure civile, revêt dans le cas présent, où sont en cause des libertés fondamentales, une importance particulière ; qu'or, l'ordonnance déférée est exempte de toute motivation, le premier juge s'étant borné à viser les pièces produites par l'administration sans les analyser, ni même les désigner autrement que par des « procès-verbaux étayant les soupçons », nous mettant ainsi dans l'impossibilité de nous assurer qu'il a satisfait aux prescriptions de l'article 64 du Code des douanes, en vérifiant de manière concrète l'existence d'éléments laissant présumer l'existence des agissements frauduleux suspectés par l'administration, de nature à justifier la visite domiciliaire sollicitée ; qu'une analyse des pièces produites était d'autant plus indispensable, en l'espèce, que les soupçons de l'administration reposaient essentiellement, pour ne pas dire exclusivement sur une dénonciation anonyme ; qu'il s'ensuit que l'ordonnance entreprise mérite d'être annulée, sans même qu'il y ait à justifier d'un grief, s'agissant de la violation d'une formalité substantielle ; que, par voie de conséquence, les opérations de visite et de saisie autorisées par ladite ordonnance sont elles-mêmes nulles, étant précisé que l'effet dévolutif de l'appel n'a pas lieu ici d'opérer dès lors qu'il n'est pas concevable qu'une visite domiciliaire soit ordonnée contradictoirement et qu'il n'est pas non plus possible de valider rétroactivement les opérations déjà effectuées, ne serait-ce que parce que le juge qui les ordonne est tenu de les contrôler ;
ALORS QUE le premier président saisi d'un appel contre une ordonnance ayant autorisé des visites et saisies doit, en vertu de l'effet dévolutif, rechercher et caractériser lui-même les éléments laissant présumer l'existence d'une fraude de nature à justifier la requête de l'administration ; qu'en affirmant, après avoir annulé l'ordonnance d'autorisation de visite et saisie qui lui était déférée, que l'effet dévolutif de l'appel n'aurait pas lieu d'opérer, aux motifs inopérants qu'il ne serait pas concevable qu'une visite domiciliaire soit ordonnée contradictoirement et qu'il ne serait pas non plus possible de valider rétroactivement les opérations déjà effectuées, ne serait-ce que parce que le juge qui les ordonne est tenu de les contrôler, sans rechercher lui-même si la requête présentée par l'administration des douanes contenait des éléments laissant présumer la fraude dont étaient suspectées les sociétés DESTYLE et AES et Monsieur X... et Madame Y..., le Premier Président de la Cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 64 du Code des douanes et 561 du Code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR condamné l'administration des douanes aux dépens ;
ALORS QUE l'instruction de première instance et d'appel en matière douanière est faite sans frais de justice à répéter de part ni d'autre ; qu'en condamnant néanmoins l'administration des douanes et droits indirects aux dépens, le Premier Président de la Cour d'appel a violé l'article 367 du Code des douanes.