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21/01/2014 | FRANCE | N°12-24959

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 janvier 2014, 12-24959


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 juin 2012), que la société Hero AG est titulaire de la marque française semi-figurative « Confi'Pure », enregistrée sous le n° 3 522 924 et de la marque française tridimensionnelle « Hero Confi'Pure fraise », enregistrée sous le n° 3 535 795, lesquelles désignent des produits des classes 29, 30 et 32 et notamment les confitures, gelées, compotes et marmelades à base de fruits ; que courant janvier 2008, la société Hero France, au

x droits de laquelle se trouve la société Charles et Alice, a commercialisé ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 juin 2012), que la société Hero AG est titulaire de la marque française semi-figurative « Confi'Pure », enregistrée sous le n° 3 522 924 et de la marque française tridimensionnelle « Hero Confi'Pure fraise », enregistrée sous le n° 3 535 795, lesquelles désignent des produits des classes 29, 30 et 32 et notamment les confitures, gelées, compotes et marmelades à base de fruits ; que courant janvier 2008, la société Hero France, aux droits de laquelle se trouve la société Charles et Alice, a commercialisé un produit à base de fruits sous la dénomination « Confi'Pure » ; que la société Andros France (la société Andros) a fait assigner ces deux sociétés en annulation de ces marques et en concurrence déloyale ;
Attendu que la société Andros fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ces demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que les dispositions du code de la consommation relatives à l'étiquetage des produits alimentaires s'appliquent aux marques de fabrique ou de commerce figurant sur tout emballage, document, écriteau, étiquette, bague ou collerette accompagnant ou se référant à la denrée alimentaire ; qu'en affirmant, pour refuser d'annuler les marques de la société Hero AG, que, s'agissant d'apprécier la validité d'une marque, le droit de la consommation ne trouvait pas à s'appliquer, la cour d'appel a violé l'article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle, ensemble les articles R. 112-1 et R. 112-7 du code de la consommation par refus d'application ;

2°/ qu'est trompeur le signe qui induit le public en erreur sur les qualités des produits similaires au produit qu'il désigne, en présentant comme singulière une caractéristique commune ; qu'en se bornant à retenir, pour affirmer la validité des marques de la société Hero AG et exclure toute faute de concurrence déloyale de la part de la société Hero France, que le consommateur moyen sait qu'une confiture, compte tenu de son mode de fabrication, est bactériologiquement pure, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'utilisation de l'adjectif « pur » pour qualifier une denrée alimentaire ne renvoyait pas également à son caractère naturel, suggérant par contraste que les produits concurrents ne le seraient pas, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du code civil et L. 711-3 c) du code de la propriété intellectuelle ;
3°/ qu'en constatant tout à la fois, d'une part, que le néologisme « Confi'pure », pris dans son ensemble, était fortement évocateur des produits désignés, en particulier des « gelées, confitures et marmelades à base de fruits » et, d'autre part, qu'il conférait aux marques litigieuses un caractère arbitraire par rapport aux produits visés dans l'enregistrement, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que ne peut être adopté comme marque un signe dont l'utilisation est légalement interdite ; qu'en matière de présentation des denrées alimentaires, laquelle inclut la marque, est proscrite toute mention soulignant une caractéristique particulière que toutes les denrées alimentaires similaires possèdent ; qu'en refusant d'annuler les marques de la société Hero AG et de retenir à l'encontre de la société Hero France une faute de concurrence déloyale, bien qu'il fût interdit d'utiliser l'adjectif « pur » dans la désignation d'une confiture, laquelle est nécessairement pure, la cour d'appel a violé les articles 1382 du code civil et L. 711-3 b) du code de la propriété intellectuelle, ensemble les articles R. 112-1 et R. 112-7 du code de la consommation par refus d'application ;
Mais attendu, en premier lieu, que la marque a pour fonction de garantir au consommateur ou à l'utilisateur final l'identité d'origine du produit désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit de ceux qui ont une autre provenance, tandis que l'étiquetage a pour objet de fournir à l'acheteur et au consommateur des informations sur les caractéristiques du produit concerné ; que l'arrêt en déduit exactement que la déceptivité d'une marque s'apprécie au regard des dispositions du code de la propriété intellectuelle et non de celles des articles R. 112-1 et R. 112-7 du code de la consommation ;
Et attendu, en second lieu, que l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que le consommateur normalement avisé sait que la confiture, composée d'un mélange de fruits et de sucre, est censée ne contenir aucune bactérie tant qu'elle n'est pas ouverte ; qu'il relève encore que le signe « Confi'Pure » est un néologisme résultant de la réunion du terme « confi » et de l'adjectif « pure » qui, pris dans son ensemble, est évocateur des gelées, confitures et marmelades à base de fruits mais qui, associé à un élément figuratif constitué d'une feuille stylisée ou de la représentation en trois dimensions du conditionnement du produit, ne tend pas à en souligner la pureté et présente un caractère arbitraire ; qu'ayant ainsi souverainement estimé que le consommateur d'attention moyenne ne perçoit pas le vocable « pure » comme désignant une qualité particulière que les produits concurrents ne posséderaient pas mais comme constituant avec le terme « confi » et l'élément figuratif un terme de fantaisie ne présentant aucun caractère trompeur pour identifier l'origine des produits visés par les enregistrements et ne révélant aucun comportement fautif, la cour d'appel a, hors toute contradiction, légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Andros France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer aux sociétés Charles et Alice et Hero AG la somme globale de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Andros France.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir refusé d'annuler les marques n° 3 522 924 et 3 535 795 de la société Hero AG, d'avoir rejeté l'action en concurrence déloyale engagée par la société Andros France contre la société Hero France et de l'avoir déboutée de ses demandes, dirigées contre les sociétés Hero AG et Hero France, tendant à l'indemnisation de son préjudice et au prononcé d'une mesure d'interdiction et d'une mesure de publication judiciaire,
AUX MOTIFS QUE la déceptivité d'une marque s'apprécie au regard des dispositions spéciales régissant la marque et plus particulièrement de l'article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle ; que ne doivent pas être confondus dans cette appréciation l'usage du terme "pur" ou "pure" au sein d'une marque qui a pour finalité d'identifier les produits aux yeux du consommateur en leur conférant une garantie d'origine et l'usage de ces mêmes termes à titre de désignation générique de la composition ou des caractéristiques des produits et qui relève alors des préconisations et règlements précédemment évoqués de la D.G.C.C.R.F. et du droit de la consommation, qui ne trouvent pas à s'appliquer en l'espèce ; que le néologisme « Confi'pure » ne constitue qu'un seul élément au sein des marques en cause ; qu'il est associé à un élément figuratif qui est, dans la marque semi-figurative n° 3 522 924, une feuille stylisée remplaçant l'apostrophe entre les deux mots et, dans la marque tridimensionnelle n° 3 535 795, une représentation en trois dimensions du conditionnement du produit ; que, s'il doit être reconnu que le néologisme « Confi'pure » pris dans son ensemble, est fortement évocateur des produits qu'il désigne, en particulier des « gelées, confitures et marmelades à base de fruits », il n'a pas pour effet de souligner la prétendue pureté du produit mais de conférer audit signe un caractère arbitraire par rapport aux produits visés dans l'enregistrement des marques en cause ; qu'(un) élément figuratif (...) accompagne le néologisme « Confi'pure » dans les deux marques contestées ; qu'il s'ensuit que le signe « Confi'pure », par la création d'un néologisme et son association à un élément figuratif ne constitue pas un signe qui, en soulignant son caractère pur, s'arrogerait une supériorité par rapport aux produits de ses concurrents tout en trompant le consommateur d'attention moyenne, mais constitue au contraire un signe de fantaisie au caractère arbitraire ; que le consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé n'ignore pas que la confiture est composée de fruits et de sucre et que, pour les besoins de sa conservation, une confiture vendue dans le commerce ne contient aucune bactérie tant qu'elle n'est pas ouverte ; que, dès lors, il ne saurait être trompé sur la nature, la qualité ou la provenance d'un produit commercialisé sous les marques « Confi'pure » et « Hero Confi'pure Fraise » ;
ET AUX MOTIFS QU' il a été précédemment établi que les marques en cause faisant usage du terme de fantaisie « Confi'pure » ne présentaient aucun caractère trompeur pour le consommateur d'attention moyenne normalement informé et raisonnablement avisé ; qu'il ne pouvait de ce fait causer un quelconque préjudice à ses concurrents auxquels la société Andros appartient ; que le simple usage (...) du terme « pur » lors d'une campagne de promotion ou au sein de la communication faite pour le lancement d'un nouveau produit ne saurait être à lui seul une pratique commerciale déloyale ni être considéré comme fautif au sens de l'article 1382 du code civil ;
1°/ ALORS QUE les dispositions du code de la consommation relatives à l'étiquetage des produits alimentaires s'appliquent aux marques de fabrique ou de commerce figurant sur tout emballage, document, écriteau, étiquette, bague ou collerette accompagnant ou se référant à la denrée alimentaire ; qu'en affirmant, pour refuser d'annuler les marques de la société Hero AG, que, s'agissant d'apprécier la validité d'une marque, le droit de la consommation ne trouvait pas à s'appliquer, la cour d'appel a violé l'article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle, ensemble les articles R. 112-1 et R. 112-7 du code de la consommation par refus d'application ;
2°/ ALORS QU' en toute hypothèse, est trompeur le signe qui induit le public en erreur sur les qualités des produits similaires au produit qu'il désigne, en présentant comme singulière une caractéristique commune ; qu'en se bornant à retenir, pour affirmer la validité des marques de la société Hero AG et exclure toute faute de concurrence déloyale de la part de la société Hero France, que le consommateur moyen sait qu'une confiture, compte tenu de son mode de fabrication, est bactériologiquement pure, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'utilisation de l'adjectif « pur » pour qualifier une denrée alimentaire ne renvoyait pas également à son caractère naturel, suggérant par contraste que les produits concurrents ne le seraient pas (conclusions récapitulatives de la société Andros France, signifiées le 18 novembre 2011, p. 10 et 18), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du code civil et L. 711-3 c) du code de la propriété intellectuelle ;
3°/ ALORS QU' en toute hypothèse, en constatant tout à la fois, d'une part, que le néologisme « Confi'pure », pris dans son ensemble, était fortement évocateur des produits désignés, en particulier des « gelées, confitures et marmelades à base de fruits » et, d'autre part, qu'il conférait aux marques litigieuses un caractère arbitraire par rapport aux produits visés dans l'enregistrement, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ ALORS QU' en toute hypothèse, ne peut être adopté comme marque un signe dont l'utilisation est légalement interdite ; qu'en matière de présentation des denrées alimentaires, laquelle inclut la marque, est proscrite toute mention soulignant une caractéristique particulière que toutes les denrées alimentaires similaires possèdent ; qu'en refusant d'annuler les marques de la société Hero AG et de retenir à l'encontre de la société Hero France une faute de concurrence déloyale, bien qu'il fût interdit d'utiliser l'adjectif « pur » dans la désignation d'une confiture, laquelle est nécessairement pure, la cour d'appel a violé les articles 1382 du code civil et L. 711-3 b) du code de la propriété intellectuelle, ensemble les articles R. 112-1 et R. 112-7 du code de la consommation par refus d'application.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-24959
Date de la décision : 21/01/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

PROPRIETE INDUSTRIELLE - Marques - Eléments constitutifs - Exclusion - Signe de nature à tromper le public - Caractère trompeur - Appréciation souveraine

Justifie légalement sa décision la cour d'appel qui estime souverainement que le consommateur d'attention moyenne ne perçoit pas le vocable "pure" comme désignant une qualité particulière que les produits concurrents ne possèdent pas mais comme constituant, avec le terme "confi" et l'élément figuratif qui l'accompagne, un terme de fantaisie ne présentant aucun caractère trompeur pour identifier l'origine des produits visés par les enregistrements et ne révélant aucun comportement fautif


Références :

Sur le numéro 1 : article L. 711-3, c, du code de commerce

articles R. 112-1 et R. 112-7 du code de la consommation
Sur le numéro 2 : article L. 711-3, c, du code de commerce

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 20 juin 2012

Sur le n° 2 : Sur l'appréciation souveraine du caractère trompeur ou déceptif, dans le même sens que :Com., 3 mai 1983, pourvoi n° 81-16606, Bull. 1983, IV, n° 130 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 21 jan. 2014, pourvoi n°12-24959, Bull. civ. 2014, IV, n° 15
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2014, IV, n° 15

Composition du Tribunal
Président : M. Espel
Avocat général : Mme Batut
Rapporteur ?: Mme Mandel
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Richard

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.24959
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