LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 mars 2012), que M. X..., agissant, d'une part, en son nom personnel, d'autre part, avec son épouse, Mme Y..., ès qualités de représentants légaux de leurs deux fils mineurs, ont saisi le tribunal de grande instance de Paris d'une action déclaratoire de nationalité tendant, sur le fondement des articles 18 et 32-2 du code civil, à faire constater la nationalité française de M. X..., comme né de deux parents français, et de leurs deux fils mineurs, comme enfants nés à l'étranger d'un père français, en se prévalant de la possession d'état de Française de Mme Z..., mère de M. X..., après l'accession à l'indépendance de l'Algérie ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de constater l'extranéité de M. X..., et de ses deux enfants, alors mineurs, alors, selon le moyen :
1°/ qu' est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français ; que, par ailleurs, la possession d'état de français, visée par l'article 32-2 du code civil, de l'un des parents postérieurement à l'indépendance de l'Algérie, confère rétroactivement à l'intéressé le bénéfice du statut civil de droit commun qui lui permet d'être réputé, en vertu de l'article 32-1 du même code, avoir conservé de plein droit la nationalité française lors de la proclamation de l'indépendance de l'Algérie et fait disparaître son statut originel de droit local à compter de cette même date ; qu'en présence d'une telle possession d'état de français, la souscription éventuelle par ledit parent d'une déclaration recognitive de la nationalité française postérieurement à la proclamation de l'indépendance de l'Algérie ne peut faire revivre son statut civil de droit local ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui, par motifs propres, s'est entièrement appuyée sur cette circonstance inopérante pour refuser de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si Mme Bedira Z..., épouse X..., mère et grand-mère des consorts X..., avait la possession d'état de française postérieurement à l'indépendance de l'Algérie de nature à lui conférer rétroactivement le statut civil de droit commun à compter de cette date et à faire disparaître rétroactivement son statut civil de droit local à compter de la même date, a statué par des motifs impropres à justifier légalement sa décision au regard des dispositions combinées des articles 18, 32-1 et 32-2 du code civil (anciens articles 17, 154 et 155 du code de la nationalité) ;
2°/ que la possession d'état de français est le fait pour l'intéressé de s'être considéré comme tel et d'avoir été traité et regardé comme tel par les autorités publiques ; qu'en l'espèce, M. et Mme X... faisaient valoir que Mme Bedira Z..., épouse X..., mère de M. Réda X... et grand-mère des deux enfants mineurs de ce dernier, avait bénéficié d'un certificat provisoire d'identité lui reconnaissant la nationalité française (pièce n° 23) qui ne lui avait jamais été retiré, qu'en particulier, la décision constatant la perte de la nationalité française rendue dix ans après la délivrance de ce document n'en avait nullement ordonné le retrait, ni aucune autre décision, et que, de plus, Mme Bedira Z..., épouse X..., comme son mari, M. Mohamed X..., avaient bénéficié depuis lors d'une réintégration dans la nationalité française; qu'en se bornant à faire état, par motif éventuellement adopté des premiers juges, de la durée de validité limitée dans le temps de ce titre, sans s'expliquer sur cet usage prolongé dans le temps, ainsi qu'en faisait d'ailleurs foi sa conservation et sa production dans le cadre de la procédure qui lui était soumise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 32-2 du code civil (ancien article 155 du code de la nationalité) ;
3°/ que, ainsi que le faisaient encore valoir M. et Mme X... dans leurs conclusions d'appel (p.4), la souscription de la déclaration recognitive de la nationalité française, peu avant la naissance de M. Réda X..., manifestait la volonté claire de Mme Bédira Z..., épouse X..., de se considérer comme française, nonobstant l'indépendance de l'Algérie et ses conséquences et ne pouvait donc pas contrarier la possession d'état de française établie par un document officiel dont elle a bénéficié ultérieurement sans qu'il lui fût jamais retiré par la suite, non seulement jusqu'à sa réintégration dans la nationalité française, mais encore jusqu'à la procédure litigieuse, au cours de laquelle cette pièce a pu être produite ; qu' à supposer que, par motif éventuellement adopté des premiers juges, la Cour d'appel ait retenu que cette souscription mettait en évidence que Mme Bédira Z..., épouse X... se considérait comme étant de statut civil de droit local et non de droit commun (motif du jugement, p.3 alinéa 3), au lieu de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par les conclusions d'appel de M. et Mme X..., s'il n'y avait pas lieu d'y voir la volonté claire de Mme Bédira Z..., épouse X... de se considérer comme française, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 32-2 du code civil ;
4°/ que la possession d'état de français doit être appréciée de façon indépendante des contestations de la nationalité de l'intéressé ; qu'à supposer que, par motif éventuellement adopté des premiers juges, la cour d'appel ait considéré que la perte de la nationalité française de Mme Bedira Z..., épouse X... constatée par décision devenue irrévocable, ayant l'autorité de chose jugée, faisait obstacle à la reconnaissance de sa possession d'état de française (motif du jugement, p.3 alinéa 3 in fine), elle a alors statué par des motifs impropres à justifier légalement sa décision au regard de l'article 32-2 du code civil (ancien article 155 du code de la nationalité) ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que Mme Z... avait souscrit le 1er décembre 1964 une déclaration récognitive de nationalité française, la cour d'appel a retenu à bon droit, sans encourir les griefs du moyen, que le statut civil de droit local de celle-ci était démontré par cette souscription, après l'indépendance de l'Algérie et que les intéressés ne pouvaient être admis à faire juger, en prouvant une possession d'état de Français, dans les conditions de l'article 32-2 du code civil, que Mme Z... était demeurée française ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X... et M. Sami X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que M. Réda X..., né le 25 août 1965 à Alger (Algérie), n'est pas français et que les mineurs, Samy Racim Yanis X..., né le 26 août 1995 à Bouzareah (Algérie) et Sabri Dalyl X..., né le 8 mai 2003 à El Biar (Algérie), ne sont pas français ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE (€) M. Réda X... invoque la possession d'état de française de sa mère ; que, toutefois, si la poursuite de la possession d'état de français après l'indépendance et après l'expiration des délais de souscription des déclarations de reconnaissance fait présumer la qualité de français de statut civil de droit commun, il en va différemment lorsque le statut civil de droit local est démontré comme en l'espèce, par la souscription d'une déclaration recognitive de nationalité ; que l'intéressé ne peut donc soutenir que sa mère est demeurée française en application de l'article 32-2 du code civil ; qu'enfin, la réintégration dans la nationalité française des parents de l'appelant n'a eu aucun effet collectif sur ce dernier qui était majeur à la date du décret de réintégration ; qu'il convient de confirmer le jugement qui a constaté l'extranéité de M. Réda X... et de ses deux enfants mineurs, nés à l'étrangers de deux parents étrangers ;
Et AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE, M. Réda X..., né le 25 août 1965 à Alger (Algérie), est fils de Mohamed X... et de Mme Bedira Z..., épouse X... ; qu'il se dit français tant par filiation paternelle que par filiation maternelle ; que les deux parents du demandeur avaient souscrit devant le juge d'instance de Paris 18ème, respectivement le 1er décembre 1964 et le 11 février 1965, la déclaration recognitive prévue par l'article 2 de l'ordonnance n°62-825 du 21 juillet 1962 régissant les effets de l'accession de l'Algérie à l'indépendance sur la nationalité français des français de statut civil de droit local d'Algérie ; qu'il est toutefois constant que ces deux déclarations ont fait l'objet d'un refus d'enregistrement et que, par arrêt confirmatif rendu le 27 juin 1995 par la Cour d'appel de Paris, il a été constaté que les époux X... avaient perdu la nationalité française le 1er janvier 1963, les certificats de nationalité française qui leur avaient été délivrés étant par ailleurs annulés ; que les époux X... ont certes été réintégrés dans la nationalité française par décret du 10 mai 2006, ainsi que la mention en est portée en marge de leur acte de naissance dressé par le service central de l'état civil à Nantes ; que cependant cette réintégration n'a pas d'effet rétroactif, si bien que les époux X... n'ont pas été français entre le 1er janvier 1963 et le 9 mai 2006 inclus ;qu'il s'ensuit que M. Réda X... est né de deux parents étrangers ; que le demandeur soutient vainement, au visa de l'article 32-2 du code civil que sa mère, à qui l'administration française avait délivré un certificat provisoire d'identité valable jusqu'au 22 décembre 1965, aurait joui d'une possession d'état de française faisant présumer qu'elle était de statut civil de droit commun après l'accession à l'indépendance de l'Algérie alors que, d'une part, cette possession d'état est limitée dans le temps, alors que, d'autre part, le fait même pour Mme Bedira Z..., épouse X..., d'avoir souscrit une déclaration recognitive met en évidence qu'elle se considérait comme étant de statut civil de droit local et non de droit commun et alors, en tout état de cause, que la perte de la nationalité française de Mme Bedira Z..., épouse X... a été constatée par décision devenue irrévocable, ayant l'autorité de chose jugée ; que par ailleurs la réintégration dans la nationalité française des parents du demandeur n'a eu aucun effet collectif sur ce dernier qui était déjà majeur à la date du décret de réintégration ; que, dans ces conditions, le demandeur ne peut qu'être débouté de son action, les dépens étant à sa charge ; que les deux enfants mineurs de M. Réda X... n'ont aucun titre à être français, étant nés à l'étranger de deux parents étrangers ; qu'il convient également de constater leur extranéité ;
ALORS, DE PREMIERE PART, QU' est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français ; que, par ailleurs, la possession d'état de français, visée par l'article 32-2 du code civil, de l'un des parents postérieurement à l'indépendance de l'Algérie, confère rétroactivement à l'intéressé le bénéfice du statut civil de droit commun qui lui permet d'être réputé, en vertu de l'article 32-1 du même code, avoir conservé de plein droit la nationalité française lors de la proclamation de l'indépendance de l'Algérie et fait disparaître son statut originel de droit local à compter de cette même date ; qu'en présence d'une telle possession d'état de français, la souscription éventuelle par ledit parent d'une déclaration recognitive de la nationalité française postérieurement à la proclamation de l'indépendance de l'Algérie ne peut faire revivre son statut civil de droit local ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel qui, par motifs propres, s'est entièrement appuyée sur cette circonstance inopérante pour refuser de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si Mme Bedira Z..., épouse X..., mère et grand-mère des consorts X..., avait la possession d'état de française postérieurement à l'indépendance de l'Algérie de nature à lui conférer rétroactivement le statut civil de droit commun à compter de cette date et à faire disparaître rétroactivement son statut civil de droit local à compter de la même date, a statué par des motifs impropres à justifier légalement sa décision au regard des dispositions combinées des articles 18, 32-1 et 32-2 du code civil (anciens articles 17, 154 et 155 du code de la nationalité) ;
ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE la possession d'état de français est le fait pour l'intéressé de s'être considéré comme tel et d'avoir été traité et regardé comme tel par les autorités publiques ; qu'en l'espèce, M. et Mme X... faisaient valoir que Mme Bedira Z..., épouse X..., mère de M. Réda X... et grand-mère des deux enfants mineurs de ce dernier, avait bénéficié d'un certificat provisoire d'identité lui reconnaissant la nationalité française (pièce n°23) qui ne lui avait jamais été retiré, qu'en particulier, la décision constatant la perte de la nationalité française rendue dix ans après la délivrance de ce document n'en avait nullement ordonné le retrait, ni aucune autre décision, et que, de plus, Mme Bedira Z..., épouse X..., comme son mari, M. Mohamed X..., avaient bénéficié depuis lors d'une réintégration dans la nationalité française; qu'en se bornant à faire état, par motif éventuellement adopté des premiers juges, de la durée de validité limitée dans le temps de ce titre, sans s'expliquer sur cet usage prolongé dans le temps, ainsi qu'en faisait d'ailleurs foi sa conservation et sa production dans le cadre de la procédure qui lui était soumise, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 32-2 du code civil (ancien article 155 du code de la nationalité) ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE, ainsi que le faisaient encore valoir M. et Mme X... dans leurs conclusions d'appel (p.4), la souscription de la déclaration recognitive de la nationalité française, peu avant la naissance de M. Réda X..., manifestait la volonté claire de Mme Bédira Z..., épouse X..., de se considérer comme française, nonobstant l'indépendance de l'Algérie et ses conséquences et ne pouvait donc pas contrarier la possession d'état de française établie par un document officiel dont elle a bénéficié ultérieurement sans qu'il lui fût jamais retiré par la suite, non seulement jusqu'à sa réintégration dans la nationalité française, mais encore jusqu'à la procédure litigieuse, au cours de laquelle cette pièce a pu être produite ; qu' à supposer que, par motif éventuellement adopté des premiers juges, la Cour d'appel ait retenu que cette souscription mettait en évidence que Mme Bédira Z..., épouse X... se considérait comme étant de statut civil de droit local et non de droit commun (motif du jugement, p.3 alinéa 3), au lieu de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par les conclusions d'appel de M. et Mme X..., s'il n'y avait pas lieu d'y voir la volonté claire de Mme Bédira Z..., épouse X... de se considérer comme française, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 32-2 du code civil;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE la possession d'état de français doit être appréciée de façon indépendante des contestations de la nationalité de l'intéressé ; qu'à supposer que, par motif éventuellement adopté des premiers juges, la Cour d'appel ait considéré que la perte de la nationalité française de Mme Bedira Z..., épouse X... constatée par décision devenue irrévocable, ayant l'autorité de chose jugée, faisait obstacle à la reconnaissance de sa possession d'état de française (motif du jugement, p.3 alinéa 3 in fine), elle a alors statué par des motifs impropres à justifier légalement sa décision au regard de l'article 32-2 du code civil (ancien article 155 du code de la nationalité).