LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 4 septembre 2012), que par un acte authentique du 4 avril 1997, Mme Marie-Yvonne X... a consenti des donations à Mme Coralie X..., sa nièce ; que le 26 juillet 2006 la donatrice a déposé une plainte pénale pour vol à l'encontre de la donataire ; que, par un acte du 21 décembre 2006, Mme Marie-Yvonne X... a sollicité la révocation des donations consenties le 4 avril 1997 à sa nièce ;
Attendu que Mme Marie-Yvonne X... fait grief à l'arrêt de confirmer la décision déclarant son action irrecevable ;
Attendu qu'après avoir souverainement fixé au 31 octobre 2005 la date à laquelle les faits reprochés à Mme Coralie X... étaient connus de Mme Marie-Yvonne X..., les juges du fond, devant lesquels cette dernière n'a pas allégué la mise en mouvement de l'action publique à la suite de la plainte qu'elle avait déposée, en ont exactement déduit qu'elle n'était plus recevable à solliciter le 21 décembre 2006 la révocation de la donation pour cause d'ingratitude, le délai d'un an fixé par l'article 957 du code civil pour former cette demande étant un délai préfix non susceptible d'interruption ni de prolongation ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Marie-Yvonne X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Marie-Yvonne X... et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à Mme Coralie X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mme Marie-Yvonne X...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que l'action en révocation pour ingratitude de la donation consentie par Mme Marie-Yvonne X... à sa nièce Mme Coralie X..., était atteinte par la forclusion;
AUX MOTIFS propres QU'il résulte de l'article 957 du code civil que la demande en révocation pour cause d'ingratitude doit être formée dans l'année, à compter du délit imputé par le donateur au donataire, ou du jour que le délit aura pu être connu par le donateur ; QUE Mme X... fait grief en second lieu au jugement querellé d'avoir retenu que sa demande était prescrite dans la mesure où elle avait eu connaissance au plus tard la 31 octobre 2005, soit plus d'un an avant l'assignation en révocation délivrée le 21 décembre 2006, du fait que sa nièce avait emporté les meubles du château de Bry, alors, selon elle, que la lettre sur laquelle s'est appuyé le tribunal pour statuer comme il l'a fait constitue un faux ; QU'elle soutient que la signature et la date de ce document ne sont pas de sa main ; Mais QUE c'est par des motifs complets et pertinents que le premier juge a écarté le moyen en retenant que l'expertise graphologique ordonnée judiciairement permettait d'établir que la lettre litigieuse était bien de la main de Mme Y... ainsi que la date et la signature de cette lettre ;
ET AUX MOTIFS adoptés des premiers juges QU'aux termes des articles 955, 956, 957 du code civil, la demande en révocation pour cause d'ingratitude notamment susceptible d'être judiciairement prononcée lorsque le donataire s'est rendu coupable envers le donateur de délits ou injures graves, doit être formée dans l'année, à compter du jour où le délit imputé par le donateur au donataire, ou du jour où le délit aura pu être connu par le donateur ; QU'il a certes été parfois admis que l'article 957 qui fixe le point de départ du délai de l'exercice de l'action en révocation pour cause d'ingratitude au jour du délit imputé au gratifié ou au jour ou ce délit aura pu être connu du disposant n'exclut pas que, lorsque le fait invoqué constitue une infraction pénale, ce point de départ soit retardé jusqu'au jour où la condamnation pénale aura établi la réalité des faits reprochés au gratifié ; QUE toutefois l'extinction de l'action révocatoire par expiration du délai étant motivée par une présomption de pardon, il est considéré que le délai prévu a le caractère non d'une prescription mais d'une forclusion ne permettant pas au donateur de revenir sur le pardon qu'il est présumé avoir donné ; QU'il est en conséquence admis que l'article 957 constitue un délai préfix de déchéance ; QUE le délai préfix de cet article est spécial à l'action en révocation et indépendant de tous autres délais ou prescriptions ; QUE l'action en révocation pourra être intentée indépendamment de l'action publique et des autres actions civiles par exemple en dommages et intérêt ; QUE ce délai ayant un caractère préfix, on ne peut invoquer ni son interruption, ni sa suspension ; QU'en l'espèce, une plainte avec constitution de partie civile destinée à établir la réalité du détournement de biens de succession du 5 octobre 2005 a certes été portée devant une juridiction pénale laquelle ne s'est à ce jour pas définitivement prononcée ; QUE cependant il ne s'agit en l'occurrence pas pour la défenderesse de faire valoir que les faits qui justifieraient la révocation n'auraient pas été commis, mais de relever que, quand bien même ils le seraient, le donateur en a en tout état de cause eu connaissance au moins dès le 31 octobre 2005 et n'a introduit son instance que le 21 décembre 2006, soit plus d'un an après ; QUE le délai préfix de l'article 957 du code civil ne saurait en conséquence être suspendu dans l'attente de l'aboutissement de la procédure pénale;
ALORS QUE si l'article 957 du code civil fixe le point de départ du délai d'exercice de l'action en révocation pour cause d'ingratitude au jour du délit civil imputé au donataire ou au jour où ce délit aura pu être connu du disposant, il n'exclut pas que, lorsque le fait invoqué constitue une infraction pénale, ce point de départ soit retardé jusqu'au jour où la condamnation pénale aura établi la réalité des faits reprochés au gratifié, peu important que le donateur ait eu auparavant la conviction que ces faits avaient été commis ; qu'il était constant que Mme Marie-Yvonne X... avait porté plainte contre sa nièce pour vol, le 26 juillet 2006, moins d'un an après avoir eu connaissance des faits litigieux, en octobre 2005, et que l'action pénale était encore en cours au jour de l'introduction de l'action en révocation, le 21 décembre 2006 ; qu'en énonçant pour dire cette action atteinte par la forclusion, que Mme Marie-Yvonne X... avait eu connaissance des faits plus d'un an avant son introduction, la cour d'appel a violé l'article 957 du code civil et le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal.