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03/12/2013 | FRANCE | N°12-22093

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 03 décembre 2013, 12-22093


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 juin 2012), que la Compagnie maritime d'affrètement, aux droits de laquelle vient la société CMA-CGM (la société CGM), a assuré l'acheminement de trois conteneurs pour le compte de la société Extraco internationale Expedie (la société Extraco) du port de Rotterdam à celui de Saint-Pétersbourg ; que, parvenue au port de destination le 22 juillet 2006, la marchandise n'a pas été retirée par le destinataire ; qu'après destruction

de la marchandise en mai 2008, la société CGM a assigné le 22 juillet 20...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 juin 2012), que la Compagnie maritime d'affrètement, aux droits de laquelle vient la société CMA-CGM (la société CGM), a assuré l'acheminement de trois conteneurs pour le compte de la société Extraco internationale Expedie (la société Extraco) du port de Rotterdam à celui de Saint-Pétersbourg ; que, parvenue au port de destination le 22 juillet 2006, la marchandise n'a pas été retirée par le destinataire ; qu'après destruction de la marchandise en mai 2008, la société CGM a assigné le 22 juillet 2008 la société Extraco en paiement de frais de stationnement et de surestaries afférents aux conteneurs ;
Attendu que la société CGM fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevables comme prescrites ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que l'action en paiement des surestaries et frais de stationnement des conteneurs exposés postérieurement à la mise à disposition de la marchandise par suite de la défaillance de l'ayant droit qui refuse d'en prendre livraison n'est pas soumise à la prescription d'un an propre aux opérations de transport, les sommes ainsi dues étant étrangères au fret maritime ; qu'il s'évince des constatations de l'arrêt que la société CMA-CGM a mis le destinataire désigné au connaissement en mesure de prendre livraison de la marchandise parvenue au port de destination le 22 juillet 2006 et que celui-ci, puis un second, s'y sont refusés ; qu'en décidant que l'action exercée par la suite par la société CMA-CGM aux fins d'obtenir le paiement des surestaries et frais de stationnement exposés durant la période allant du 16 septembre 2006 au 20 mai 2008, date à laquelle la société CMA-CGM s'était vue contrainte de procéder à la destruction de la marchandise, était soumise à la prescription annale propre aux opérations de transport qui avait commencé de courir à compter du 22 juillet 2006, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 26 de la loi n 66-420 du 18 juin 1966 codifié à l'article L. 5422-11 du code des transports ensemble l'article 55 du décret du 31 décembre 1966 ;
2°/ que le point de départ d'un délai à l'expiration duquel une action ne peut plus s'exercer se situe à la date de l'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance ; qu'en fixant au 22 juillet 2006, date à laquelle la société CMA-CGM avait mis le destinataire désigné au connaissement en mesure de prendre livraison de la marchandise parvenue au port de destination, le point de départ du délai de prescription alors même que la créance due par la société Extraco au titre des frais de stationnement, surestaries et autres n'était à cette date ni liquide ni exigible, la cour d'appel a violé les articles 26 de la loi n 66-420 du 18 juin 1966 sur les contrats d'affrètement et de transport maritime et 55 du décret n 55-1078 du 31 décembre 1966 ;
3°/ que le point de départ d'un délai à l'expiration duquel une action ne peut plus s'exercer se situe à la date de l'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance ; que lorsque les parties sont en compte, la prescription ne court qu'à la date des dernières opérations comprises dans le compte ; qu'en ne recherchant pas si le point de départ du délai de prescription devait être fixé à la date des dernières factures établies par la société CMA-CGM au titre des frais de stationnement, surestaries et autres, soit le 20 mai 2008, date à laquelle la créance définitive de la société CMA-CGM à l'égard de la société Extraco était devenue liquide et exigible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 26 de la loi n 66-420 sur les contrats d'affrètement et de transport maritime, et 55 du décret n° 55-1078 du 3 décembre 1966 ;
4°/ que lorsqu'une dette est payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court contre chacune de ses parties à compter de son échéance ; qu'en ne recherchant pas si, à la date de l'assignation interruptive de prescription délivrée le 22 juillet 2008, l'action exercée par la société CMA-CGM n'était pas recevable car non prescrite en ce qu'elle avait pour objet le paiement de factures émises les 13 novembre 2007, 31 décembre 2007 et 20 mai 2008, pour un montant total de 60 167 €, et de 1 515 505,02 roubles la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 26 de la loi n 66-420 sur les contrats d'affrètement et de transport maritime, et 55 du décret n 55-1078 du 3 décembre 1966 ;
Mais attendu, en premier lieu, qu 'après avoir relevé que la mise à disposition des conteneurs ne fait pas l'objet d'un contrat spécial , ni d'une facturation distincte du fret, l'arrêt retient qu'elle concourt à l'opération de transport de manière obligée et accessoire par rapport à l'obligation essentielle d'acheminer la marchandise ; que la cour d'appel en a exactement déduit que l'action en paiement des frais d'immobilisation relevait du régime spécial de la prescription annale applicable aux actions découlant du contrat de transport ;
Attendu, en second lieu, qu'ayant, par application de l'article 55 du décret du 31 décembre 1966, énoncé que le délai de la prescription annale court du jour prévu pour la livraison, la cour d'appel, après avoir souverainement constaté que la société CGM avait mis le destinataire désigné au connaissement en mesure de prendre livraison de la marchandise parvenue au port de destination, le 22 juillet 2006, a exactement décidé que la prescription avait commencé à courir à cette date, sans avoir à tenir compte de la date d'exigibilité et des modalités de l'obligation ayant donné naissance à l'action ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société CMA-CGM aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société CMA-CGM
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables comme prescrites les demandes de la société CMA-CGM tendant à voir condamner la société Extraco Internationale Expeditie P.B. au paiement des sommes en principal de 116 017,42 ¿ et de 1 515 505,02 roubles ou la contre-valeur en euros, outre les intérêts légaux capitalisés,
Aux motifs que la société CMA-CGM a mis à la disposition du chargeur trois conteneurs standards de 20 pieds ; que la fourniture « obligée » de ce matériel et imposée par le transporteur maritime eu égard au mode de transport par porte-conteneurs ne fait pas l'objet d'un contrat spécial, ni d'une facturation distincte du fret ; que les clauses du connaissement type définissent le conteneur (« tout matériel ou tout équipement utilisé pour le transport des marchandises ») et le fret (« tout les frais à payer au transporteur ») ; qu'il s'agit donc d'un contrat de transport unique dont le prix inclut la fourniture des conteneurs servant au déplacement de la marchandise ; que la SA CMACGM se réserve d'ailleurs, selon l'article 9 c, la possibilité de dépoter la marchandise mise dans un conteneur et de la réexpédier dans un autre conteneur ou par tout autre moyen ; que le conteneur apparaît donc être un matériel éventuellement utilisé en « groupage » (mis à la disposition de plusieurs chargeurs) que le transporteur met en oeuvre pour acheminer à sa libre convenance la marchandise au port de déchargement ; que la SA CMA-CGM fonde d'ailleurs son action en paiement des surestaries ou plus exactement des frais de stationnement des conteneurs au port de déchargement sur les seules stipulations du connaissement, titre de transport ; que le contrat de transport maritime réalisant le déplacement de marchandises constitue un tout comprenant la mise à disposition des conteneurs par le transporteur maritime au profit du chargeur ; que la mise à disposition des conteneurs par le transporteur maritime lui-même concourt à l'opération de transport de manière obligée et accessoire par rapport à son obligation essentielle d'acheminer la marchandise ; que la mise à disposition n'est donc pas une prestation indépendante ou indissociable du contrat de transport ; qu'il s'ensuit que l'action résultant de la mise à disposition des conteneurs relève du contrat de transport et donc du régime spécial de prescription organisé pour les actions découlant du contrat de transport (une courte prescription d'une année) ; que l'article 55 du décret du 31 décembre 1966 dispose que « le délai de prescription des actions contre le chargeur ou le destinataire court du jour prévu pour la livraison » ; qu'en l'espèce, la SA CMA-CGM a mis le destinataire désigné au connaissement en mesure de prendre livraison de la marchandise parvenue au port de destination, le 22 juillet 2006 ; que le destinataire désigné au connaissement, puis un second s'y sont refusés ; que le point de départ du délai d'une année a commencé à courir, le 22 juillet 2006 et le délai de prescription n'a été interrompu que par l'assignation délivrée, le 22 juillet 2008, devant une juridiction hollandaise territorialement incompétente, soit de manière tardive ;
Alors, en premier lieu, que l'action en paiement des surestaries et frais de stationnement des conteneurs exposés postérieurement à la mise à disposition de la marchandise par suite de la défaillance de l'ayant droit qui refuse d'en prendre livraison, n'est pas soumise à la prescription d'un an propre aux opérations de transport, les sommes ainsi dues étant étrangères au fret maritime ; qu'il s'évince des constatations de l'arrêt que la société CMA-CGM a mis le destinataire désigné au connaissement en mesure de prendre livraison de la marchandise parvenue au port de destination le 22 juillet 2006 et que celui-ci, puis un second, s'y sont refusés ; qu'en décidant que l'action exercée par la suite par la société CMA-CGM aux fins d'obtenir le paiement des surestaries et frais de stationnement exposés durant la période allant du 16 septembre 2006 au 20 mai 2008, date à laquelle la société CMA-CGM s'était vue contrainte de procéder à la destruction de la marchandise, était soumise à la prescription annale propre aux opérations de transport qui avait commencé de courir à compter du 22 juillet 2006, la Cour d'appel a violé par fausse application l'article 26 de la loi n° 66-420 du 18 juin 1966 codifié à l'article L.5422-11 du code des transports ensemble l'article 55 du décret du 31 décembre 1966,
Alors, en deuxième lieu et à titre subsidiaire, que le point de départ d'un délai à l'expiration duquel une action ne peut plus s'exercer se situe à la date de l'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance ; qu'en fixant au 22 juillet 2006, date à laquelle la société CMA-CGM avait mis le destinataire désigné au connaissement en mesure de prendre livraison de la marchandise parvenue au port de destination, le point de départ du délai de prescription alors même que la créance due par la société Extraco Internationale Expeditie au titre des frais de stationnement, surestaries et autres n'était à cette date ni liquide ni exigible, la Cour d'appel a violé les articles 26 de la loi n° 66-420 du 18 juin 1966 sur les contrats d'affrètement et de transport maritime et 55 du décret n° 55-1078 du 31 décembre 1966,
Alors, en troisième lieu et à titre subsidiaire, que le point de départ d'un délai à l'expiration duquel une action ne peut plus s'exercer se situe à la date de l'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance ; que lorsque les parties sont en compte, la prescription ne court qu'à la date des dernières opérations comprises dans le compte ; qu'en ne recherchant pas si le point de départ du délai de prescription devait être fixé à la date des dernières factures établies par la société CMA-CGM au titre des frais de stationnement, surestaries et autres, soit le 20 mai 2008, date à laquelle la créance définitive de la société CMA-CGM à l'égard de la société Extraco Internationale Expeditie était devenue liquide et exigible, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 26 de la loi n° 66-420 sur les contrats d'affrètement et de transport maritime, et 55 du décret n° 55-1078 du 3 décembre 1966,
Alors, en quatrième lieu et à titre subsidiaire, que lorsqu'une dette est payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court contre chacune de ses parties à compter de son échéance ; qu'en ne recherchant pas si, à la date de l'assignation interruptive de prescription délivrée le 22 juillet 2008, l'action exercée par la société CMA-CGM n'était pas recevable car non prescrite en ce qu'elle avait pour objet le paiement de factures émises les 13 novembre 2007, 31 décembre 2007 et 20 mai 2008, pour un montant total de 60 167 €, et de 1 515 505,02 roubles la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 26 de la loi n° 66-420 sur les contrats d'affrètement et de transport maritime, et 55 du décret n° 55-1078 du 3 décembre 1966.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-22093
Date de la décision : 03/12/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

TRANSPORTS MARITIMES - Marchandises - Responsabilité - Action en responsabilité - Action du transporteur contre le destinataire - Prescription annale - Domaine d'application - Action en paiement des frais d'immobilisation de conteneurs

TRANSPORTS MARITIMES - Marchandises - Responsabilité - Action en responsabilité - Action du transporteur contre le destinataire - Prescription annale - Point de départ - Jour prévu pour la livraison - Définition

L'action en paiement des frais d'immobilisation de conteneurs est soumise au régime spécial de la prescription annale applicable aux actions découlant du contrat de transport maritime. Par application de l'article 55 du décret du 31 décembre 1966, ce délai court du jour prévu pour la livraison. En conséquence une cour d'appel, ayant souverainement constaté que le transporteur a mis le destinataire désigné au connaissement en mesure de prendre livraison de la marchandise parvenue au port de destination, en déduit exactement que la prescription a commencé à courir à cette date, sans avoir à tenir compte de la date d'exigibilité et des modalités de l'obligation ayant donné naissance à l'action


Références :

article 26 de la loi du 18 juillet 1966, devenu l'article L. 5422-11 du code des transports

article 55 du décret du 31 décembre 1966

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 20 juin 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 03 déc. 2013, pourvoi n°12-22093, Bull. civ. 2013, IV, n° 178
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2013, IV, n° 178

Composition du Tribunal
Président : M. Espel
Avocat général : Mme Bonhomme
Rapporteur ?: Mme Vallansan
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.22093
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