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26/11/2013 | FRANCE | N°12-22208

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 novembre 2013, 12-22208


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Papeete, 13 octobre 2011), que M. X..., né le 13 décembre 1946, a été engagé par l'Institut de formation maritime pêche et commerce le 1er février 2002 ; qu'il a été mis à la retraite par décision du 19 septembre 2008, avec effet au 21 mai 2009 ; que le salarié s'est opposé à cette mesure, en faisant valoir qu'il ne pouvait bénéficier d'une retraite à taux plein ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale en nullité de sa mise à la retraite en i

nvoquant l'existence d'une discrimination en raison de l'âge ; qu'après avoir ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Papeete, 13 octobre 2011), que M. X..., né le 13 décembre 1946, a été engagé par l'Institut de formation maritime pêche et commerce le 1er février 2002 ; qu'il a été mis à la retraite par décision du 19 septembre 2008, avec effet au 21 mai 2009 ; que le salarié s'est opposé à cette mesure, en faisant valoir qu'il ne pouvait bénéficier d'une retraite à taux plein ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale en nullité de sa mise à la retraite en invoquant l'existence d'une discrimination en raison de l'âge ; qu'après avoir dit que la mise à la retraite devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'avoir indemnisé de ce chef, la cour d'appel a rejeté sa demande de nullité ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de statuer ainsi alors, selon le moyen :
1°/ que le principe de non-discrimination applicable en droit du travail résulte notamment du préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 ; que le licenciement lié à l'âge du salarié constitue une atteinte au principe de non-discrimination, justifiant l'annulation de la mesure ; qu'en relevant que M. X... avait fait l'objet d'un licenciement « lié à son âge » alors qu'il « ne remplissait pas au moment de la rupture du contrat de travail les conditions lui permettant de bénéficier d'une retraite à taux plein », puis en énonçant, pour le débouter de sa demande d'annulation de la mesure, que « la nullité d'un licenciement ne peut être prononcée qu'en cas de disposition la prévoyant ou de violation d'une liberté fondamentale » et « qu'aucun texte applicable en Polynésie française ne prévoit la nullité d'un licenciement fondé sur l'âge du salarié », la cour d'appel a violé, par refus d'application, le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 ;
2°/ que le principe de non-discrimination en fonction de l'âge est un principe général du droit de l'Union européenne applicable en Polynésie française ; qu'en estimant qu'aucune règle d'origine communautaire n'instaurait en Polynésie Française de principe de non-discrimination en fonction de l'âge, la cour d'appel a violé ce principe ;
Mais attendu, d'abord, qu'hors la procédure de question prioritaire de constitutionnalité, il ne peut être utilement invoqué devant le juge judiciaire un moyen tiré de la non-conformité d'une norme de nature législative à la Constitution ; que la cour d'appel a retenu à bon droit que les discriminations en raison de l'âge ne sont pas visées à l'article 2 de la loi n° 86-845 du 17 juillet 1986 relative aux principes généraux du droit du travail et à l'organisation et au fonctionnement de l'inspection du travail et des tribunaux du travail en Polynésie Française ;
Attendu, ensuite, que l'article 2 de la décision 2001/822/CE du Conseil du 27 novembre 2001 relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté européenne ne rend applicable le principe de non-discrimination en raison de l'âge que dans les domaines de coopération visés par la décision ; qu'en l'absence d'acte du Conseil relatif à la coopération avec les pays et territoires d'outre-mer en matière de droit du travail, ce principe n'est pas applicable ; qu'il résulte de l'article 10 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations que la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 n'est pas applicable en Polynésie française ; que, par ce motif de pur droit après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve justifié ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Yannick X... de sa demande d'annulation de sa mise en retraite par l'Institut de formation maritime pêche et commerce (IFM-PC) ;
AUX MOTIFS QUE la nullité d'un licenciement ne peut être prononcée qu'en cas de disposition la prévoyant ou de violation d'une liberté fondamentale ; que M. X..., qui ne remplissait pas au moment de la rupture du contrat de travail les conditions lui permettant de bénéficier d'une retraite à taux plein, a fait l'objet d'un licenciement lié à son âge ; que toutefois, aucun texte applicable en Polynésie française ne prévoit la nullité d'un licenciement fondé sur l'âge du salarié ; qu'en effet, la seule disposition relative aux discriminations est l'article 2 de la loi n° 86-845 du 17 juillet 1986 qui dispose uniquement que : « Pour l'offre d'emploi, l'embauche et la relation de travail, ne peuvent être pris en considération l'origine, le sexe, l'état de grossesse, la situation de famille, l'appartenance ou la non-appartenance à une ethnie, l'opinion politique, l'activité syndicale ou les convictions religieuses. Toutes disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit » ; que M. X... affirme que le droit communautaire relatif à la lutte contre les discriminations et notamment la directive 2000/78/CE du conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail possèdent un effet direct en Polynésie française ; que cependant, celle-ci fait l'objet du régime spécial d'association défini dans la quatrième partie du traité de l'Union européenne et que les dispositions générales de ce traité ne lui sont pas applicables sans référence expresse ; que par ailleurs, M. X... n'invoque aucune règle spéciale figurant dans le régime d'association, ni aucun acte de droit dérivé pris dans le cadre de ce régime ; qu'enfin, la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations qui a transposé la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 n'a pas été rendue applicable en Polynésie française ; que M. X... se prévaut également d'une atteinte au droit de propriété que lui reconnaît la Convention européenne des droits de l'homme ; que toutefois, son droit à la retraite n'a pas été supprimé puisque la rupture du contrat de travail ne lui interdit pas de bénéficier d'une pension correspondant aux cotisations versées ; que par ailleurs, le montant de sa pension de retraite n'a jamais été définitivement arrêté et qu'il n'existe donc pas de violation d'une situation acquise ; que, dans ces conditions, M. X... ne rapporte pas la preuve d'un défaut de respect de la Convention européenne des droits de l'homme, ni d'une atteinte à une liberté fondamentale ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le principe de non-discrimination applicable en droit du travail résulte notamment du préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 ; que le licenciement lié à l'âge du salarié constitue une atteinte au principe de non-discrimination, justifiant l'annulation de la mesure ; qu'en relevant que M. X... avait fait l'objet d'un licenciement « lié à son âge » alors qu'il « ne remplissait pas au moment de la rupture du contrat de travail les conditions lui permettant de bénéficier d'une retraite à taux plein » (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 6), puis en énonçant, pour le débouter de sa demande d'annulation de la mesure, que « la nullité d'un licenciement ne peut être prononcée qu'en cas de disposition la prévoyant ou de violation d'une liberté fondamentale » et « qu'aucun texte applicable en Polynésie française ne prévoit la nullité d'un licenciement fondé sur l'âge du salarié » (arrêt attaqué, p. 6, alinéas 5 et 7), la cour d'appel a violé, par refus d'application, le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 ;
ET ALORS, D'AUTRE PART, QUE le principe de non-discrimination en fonction de l'âge est un principe général du droit de l'Union européenne applicable en Polynésie française ; qu'en estimant qu'aucune règle d'origine communautaire n'instaurait en Polynésie française de principe de non-discrimination en fonction de l'âge, la cour d'appel a violé ce principe.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-22208
Date de la décision : 26/11/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

UNION EUROPEENNE - Travail - Salarié - Principe de non-discrimination - Directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 - Application - Etendue - Décision n° 2001/822/CE du Conseil du 27 novembre 2001 - Association des pays et territoires d'Outre-mer - Domaine de la coopération - Enumération - Exclusion - Portée

OUTRE-MER - Polynésie française - Droit communautaire - Coopération avec les pays et territoires d'Outre-mer - Droit du travail - Principe de non-discrimination en raison de l'âge - Application - Fondement - Exclusion - Portée CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Retraite - Mise à la retraite - Conditions - Age - Discrimination fondée sur l'âge - Exclusion - Cas - Polynésie française

L'article 2 de la décision 2001/822/CE du Conseil du 27 novembre 2001 relative à l'association des pays et territoires d'Outre-mer à la Communauté européenne ne rend applicable le principe de non-discrimination en raison de l'âge que dans les domaines de coopération visés par la décision. En l'absence d'acte du Conseil relatif à la coopération avec les pays et territoires d'Outre-mer en matière de droit du travail, ce principe n'est pas applicable. Il résulte de l'article 10 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations que la Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 n'est pas applicable en Polynésie française


Références :

Sur le numéro 1 : Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958

article 2 de la loi n° 86-845 du 17 juillet 1986
Sur le numéro 2 : article 10 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008
Sur le numéro 2 : Directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000

article 2 de la décision 2001/822/CE du Conseil du 27 novembre 2001 relative à l'association des pays et territoires d'Outre-mer à la Communauté européenne

Décision attaquée : Cour d'appel de Papeete, 13 octobre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 nov. 2013, pourvoi n°12-22208, Bull. civ. 2013, V, n° 281
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2013, V, n° 281

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Finielz (premier avocat général)
Rapporteur ?: M. Huglo
Avocat(s) : Me Balat

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.22208
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