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20/11/2013 | FRANCE | N°10-28582

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 novembre 2013, 10-28582


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 4 octobre 2010) rendu sur renvoi après cassation (Soc. 6 novembre 2008, n° 07-42. 222) et les pièces de la procédure, que M. X... a été engagé le 8 mars 1992 en qualité de technicien par la société CCB Martinique ; que cette société dont l'actionnaire de référence était la société Canon France, a été placée en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire le 23 janvier 2001 ; que par décision du 22 mars 2001, l'inspecteur du travail a autorisé le l

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 4 octobre 2010) rendu sur renvoi après cassation (Soc. 6 novembre 2008, n° 07-42. 222) et les pièces de la procédure, que M. X... a été engagé le 8 mars 1992 en qualité de technicien par la société CCB Martinique ; que cette société dont l'actionnaire de référence était la société Canon France, a été placée en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire le 23 janvier 2001 ; que par décision du 22 mars 2001, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de ce salarié protégé et le liquidateur judiciaire lui a notifié son licenciement pour motif économique le 28 avril 2001 ; que la décision d'autorisation a été annulée le 30 juillet 2001 ; que l'intéressé a demandé sa réintégration dans l'entreprise les 22 septembre 2001 et 22 décembre 2003 auprès de la société LGM bureautique, laquelle avait repris une partie des actifs de la société liquidée, ainsi que le paiement de ses salaires ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale le 28 janvier 2004 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de retrait de la pièce n° 11 correspondant au protocole transactionnel intervenu entre la société Canon France et lui-même, alors, selon le moyen :
1°/ que, le protocole d'accord transactionnel du 15 octobre 2001 le liant à la société Canon France n'ayant été produit ni par cette société, ni par lui-même, il y avait lieu d'ordonner son rejet des débats comme ayant été obtenu à la suite d'un artifice coupable, d'une fraude ou d'un abus ; qu'en déboutant le salarié de sa demande de rejet de cette pièce au motif qu'elle avait été produite par M. Y..., avocat de la société Canon France et de M. Z..., liquidateur de la société CCB Martinique, par bordereau du 29 janvier 2004, alors qu'il résulte des énonciations claires et précises de ce bordereau que M. Y... était seulement le conseil de Me Z..., le liquidateur judiciaire de la société CCB Martinique, la cour d'appel a dénaturé cette pièce et, par suite, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que la simple référence par le salarié dans ses écritures à la conclusion d'un protocole d'accord transactionnel avec la société Canon France ne constitue pas un motif de nature à dispenser la société LGM bureautique, tiers à ce contrat, du respect des procédures et des règles de preuve applicables ; qu'en se fondant sur la référence des écritures de M. X... devant la cour d'appel de Basse-Terre pour l'audience du 3 avril 2006 pour déduire la régularité de la production par la société LGM bureautique de cette convention à caractère confidentiel à laquelle elle n'était pas partie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 9 du code de procédure civile et L. 1235-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a fait ressortir que la clause de confidentialité stipulée dans la transaction conclue avec la société Canon France, en qualité d'actionnaire de référence de la société CCB Martinique, avait privé la société LGM bureautique de la possibilité d'en invoquer les effets en défense à l'action du salarié, en a déduit à bon droit, sans dénaturation, que cette dernière pouvait se prévaloir de la portée de cette transaction produite aux débats par la société Canon France ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'article 2048 du code civil, que les transactions se renferment dans leur objet et que la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, s'entend de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu ; que le préambule de la transaction énonçait d'une part, qu'il avait été expressément convenu entre la société Canon France et M. Jean Joël X... de trancher toute difficulté et toute conséquence tirée de la rupture des relations ayant existé entre M. Jean Joël X... et la société CCB Martinique et plus généralement, toute autre difficulté et litige se rattachant directement et indirectement à la procédure, dans tous ses aspects, de redressement et de liquidation judiciaire de CCB Martinique et susceptible de concerner le Groupe Canon France et/ ou ses dirigeants et d'autre part que Monsieur Jean Joël X... reprochait à la société Canon France d'avoir directement concouru à la déconfiture de la société CCB Martinique en gérant directement cette société, mais aussi en n'apportant pas suffisamment de trésorerie afin de permettre le redressement de ladite société et d'avoir commis des fautes engageant sa responsabilité tant civile que pénale qui l'oblige à réparer les préjudices qui en résultent ; qu'en déclarant que par la signature de cette transaction, M. X... a renoncé à toute demande, de quelque nature que ce soit, liée à son licenciement, la cour d'appel a violé les articles 2048 et 2049 du code civil ;
Mais attendu que si l'effet relatif des contrats interdit aux tiers de se prévaloir de l'autorité d'une transaction à laquelle ils ne sont pas intervenus, ces mêmes tiers peuvent néanmoins invoquer la renonciation à un droit que renferme cette transaction ;
Et attendu qu'ayant retenu que par l'effet de la transaction le salarié avait renoncé à remettre en cause son licenciement, la cour d'appel en déduit à bon droit que la société qui avait repris partie des contrats de travail dans le cadre de la liquidation judiciaire de l'employeur était fondée à se prévaloir de cette renonciation pour s'opposer à la demande de réintégration formée à son encontre par l'intéressé ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande de retrait de la pièce n° 11 correspondant au protocole transactionnel intervenu entre la Société Canon France et lui-même, et, par conséquent, de sa demande de réintégration sous astreinte ainsi que de sa demande de condamnation de la Société LGM Bureautique à lui payer diverses sommes à titre de salaires, d'avantages en nature, et de congés payés sur rappel de salaire et avantages en nature ;
Aux motifs que Monsieur X... était délégué syndical,. secrétaire du Comité d'entreprise et conseiller au Conseil de prud'hommes ; que le 10 mai 2001, il avait écrit à la société LGM BUREAUTIQUE : « Je considère que l'autorisation de licenciement qui avait été conditionnée à la conclusion d'un accord est caduque » ; que le 30 juillet 2001, le Ministre du travail avait annulé l'autorisation administrative de licenciement de Monsieur X... ; que cependant, les discussions entre les parties s'étaient poursuivies ; que cependant, le 15 octobre 2001, un protocole transactionnel-secret ¿ avait été signé entre la Société CANON France et Monsieur X..., attribuant à ce dernier une somme globale de 228 673 ¿ ; que ce protocole (pièce N° 11 de l'appelante) avait été régulièrement produit aux débats ¿ contrairement à ce que soutenait Monsieur X... ¿ puisqu'il avait été versé la première fois aux débats par le conseil de CANON France et Me Z... liquidateur de la société CCB MARTINIQUE par bordereau du 29 janvier 2004, la pièce versée aux débats portant bien le tampon de Me Y..., conseil de CANON France et de Me Z... ès liquidateur de CCB MARTINIQUE, (pièce n° 38 de l'appelante) ; que la production de cette pièce faisait suite à l'assignation de mise en cause des sociétés CCB MARTINIQUE et CANON France devant le Conseil des Prud'hommes de Pointe à Pitre (assignation du 15 janvier 2004) ; que de plus, dans ses écritures devant la Cour d'appel de Basse-Terre pour l'audience du 3 avril 2006, Monsieur X..., en pages 3 et 4, fait explicitement référence à cette transaction du 15 octobre 2001 en détaillant le contenu : que la demande de Monsieur X... d'ordonner, avant dire droit, le retrait de cette pièce des débats sera donc rejetée ;
Alors que, d'une part, le protocole d'accord transactionnel du 15 octobre 2001 le liant à la Société Canon France n'ayant été produit ni par cette société, ni par lui-même, il y avait lieu d'ordonner son rejet des débats comme ayant été obtenu à la suite d'un artifice coupable, d'une fraude ou d'un abus ; qu'en déboutant le salarié de sa demande de rejet de cette pièce au motif qu'elle avait été produite par Me Y..., avocat de la Société Canon France et de Me Z..., liquidateur de la Société CCB Martinique, par bordereau du 29 janvier 2004, alors qu'il résulte des énonciations claires et précises de ce bordereau que Me Y... était seulement le conseil de Me Z..., le liquidateur judiciaire de la Société CCB Martinique, la Cour d'appel a dénaturé cette pièce et, par suite, a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
Alors que, d'autre part, la simple référence par le salarié dans ses écritures à la conclusion d'un protocole d'accord transactionnel avec la Société Canon France ne constitue pas un motif de nature à dispenser la Société LGM Bureautique, tiers à ce contrat, du respect des procédures et des règles de preuve applicables ; qu'en se fondant sur la référence des écritures de Monsieur X... devant la Cour d'appel de Basse-Terre pour l'audience du 3 avril 2006 pour déduire la régularité de la production par la Société LGM Bureautique de cette convention à caractère confidentiel à laquelle elle n'était pas partie, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 9 du Code de procédure civile et L. 1235-1 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande de retrait de la pièce n° 11 correspondant au protocole transactionnel intervenu entre la Société Canon France et lui-même, et, par conséquent, de sa demande de réintégration sous astreinte ainsi que de sa demande de condamnation de la Société LGM Bureautique à lui payer diverses sommes à titre de salaires, d'avantages en nature, et de congés payés sur rappel de salaire et avantages en nature ;
Aux motifs que « compte tenu de son importance, il convient de reproduire les premiers articles, essentiels, de la transaction du 15 octobre 2001 : Article 1 : " Sans que cela emporte requalification du licenciement prononcé à l'encontre de Monsieur Jean Joël X..., ni renonciation par les parties à ce qu'elles estiment être le bien fondé de leurs argumentations respectives, la société CANON FRANCE (...) verse à la signature des présentes à Monsieur Jean Joël X... qui accepte une somme de un million cinq cent mille francs (FF 1. 500. 000) hors CSG et CRDS, à titre de dommages et intérêts, somme globale forfaitaire et définitive ; Ce montant de 1. 500. 000 FF comme indemnité forfaitaire et transactionnelle, est réglée ce jour à Monsieur Jean Joël X... en un chèque libellé à son ordre ; il en donne bonne et valable quittance à la société CANON France ; Ladite somme présente le caractère de dommages et intérêts et est destinée à mettre un terme définitif et irrévocable à toute contestation née ou à naître de toutes relations directes ou indirectes, contractuelles ou extracontractuelles, à quel que titre que ce soit et sous quelque forme que se soit, entre les parties ; Article 2 : " Du fait du présent protocole, Monsieur Jean Joël X... déclare pour sa part, se considérer comme entièrement et totalement rempli de tous ses droits (...) " ; que le 30 octobre 2001, un autre protocole est signé entre M. X... et la société LGM, prévoyant le versement au profit de M. X... d'une somme d'une indemnité transactionnelle de 45. 734, 70 ¿ ; qu'il est certain que la méconnaissance par LGM de cette transaction, intervenue sans publicité entre CANON France et M. X..., ne lui permettait pas d'argumenter valablement : qu'il y a eu, de fait, de la part des parties au protocole du 15 octobre 2001, volonté de cacher cet accord, et spécialement de la part de M. X..., le dessein d'engager la société LGM dans de nouvelles discussions qu'elle n'aurait pas poursuivies si elle avait été loyalement et complètement informée ; qu'en effet, il importe de rappeler que si les parties ont mentionné dans l'article 3 dudit protocole (3° $) que " Les parties s'obligent mutuellement à garder à la présente transaction, ainsi qu'à tous documents s'y rattachant directement ou indirectement, un caractère secret et donc à ne pas le transmettre en original, copie ou extrait et à en révéler la teneur à quiconque sauf contrainte légale ", cette confidentialité n'est pas opposable aux tiers puisque si l'article 2051 du Code civil indique que la transaction faite par l'un des intéressés ne lie point les autres, il en est autrement lorsqu'il renonce expressément à un droit dans cet acte (Civ. 1ère 5 octobre 1999, Bull. Civ. 1, N° 253 ; Civ. 1ère 25 février 2003) ; que cette solution jurisprudentielle a été également reprise par la chambre sociale de la Cour de Cassation, qui, dans une décision du 14 mai 2008 a statué comme suit : " Mais attendu que si l'effet relatif des contrats interdit aux tiers de se prévaloir de l'autorité d'une transaction à laquelle ils ne sont pas intervenus, ces mêmes tiers peuvent néanmoins invoquer la renonciation à un droit que renferme cette transaction " ; que par la signature de cette transaction, M. X... a renoncé à toute demande, de quelque nature que ce soit, liée à son licenciement et la société LGM BUREAUTIQUE est parfaitement fondée à se prévaloir de cette renonciation » ;
Alors qu'il résulte de l'article 2048 du Code civil, que les transactions se renferment dans leur objet et que la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, s'entend de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu ; que le préambule de la transaction énonçait d'une part, qu'il avait été expressément convenu entre la Société Canon France et Monsieur Jean Joël X... de trancher toute difficulté et toute conséquence tirée de la rupture des relations ayant existé entre Monsieur Jean Joël X... et la Société CCB Martinique et plus généralement, toute autre difficulté et litige se rattachant directement et indirectement à la procédure, dans tous ses aspects, de redressement et de liquidation judiciaire de CCB Martinique et susceptible de concerner le Groupe Canon France et/ ou ses dirigeants et d'autre part que Monsieur Jean Joël X... reprochait à la Société Canon France d'avoir directement concouru à la déconfiture de la Société CCB Martinique en gérant directement cette société, mais aussi en n'apportant pas suffisamment de trésorerie afin de permettre le redressement de ladite société et d'avoir commis des fautes engageant sa responsabilité tant civile que pénale qui l'oblige à réparer les préjudices qui en résultent ; qu'en déclarant que par la signature de cette transaction, Monsieur X... a renoncé à toute demande, de quelque nature que ce soit, liée à son licenciement, la Cour d'appel a violé les articles 2048 et 2049 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-28582
Date de la décision : 20/11/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

TRANSACTION - Effets - Effets à l'égard des tiers - Clause de confidentialité - Opposabilité - Conditions - Détermination - Portée

PRUD'HOMMES - Procédure - Pièces - Pièces détenues par une partie - Production - Production d'une transaction contenant une clause de confidentialité - Effet au profit d'un tiers partie au procès - Conditions - Détermination

Une cour d'appel, qui a fait ressortir que la clause de confidentialité stipulée dans la transaction conclue par le salarié avec l'actionnaire de référence de son ancien employeur en liquidation judiciaire, avait privé la société ayant repris partie des salariés de l'entreprise liquidée de la possibilité d'en invoquer les effets en défense à l'action en réintégration du salarié, en a déduit à bon droit, que cette dernière pouvait se prévaloir de la portée de cette transaction régulièrement produite aux débats par l'actionnaire de référence


Références :

article L. 1235-1 du code du travail

articles 4 et 9 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre, 04 octobre 2010

Sur l'effet à l'égard des tiers de la renonciation à un droit dans une transaction, à rapprocher :Soc., 14 mai 2008, pourvois n° 07-40.968 et suivants, Bull. 2008, V, n° 106 (rejet)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 nov. 2013, pourvoi n°10-28582, Bull. civ. 2013, V, n° 277
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2013, V, n° 277

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Richard de la Tour
Rapporteur ?: M. Hénon
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:10.28582
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