LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 276 du code civil ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que seul le créancier peut demander l'allocation de la prestation compensatoire sous forme de rente viagère ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... et M. Y... se sont mariés en 1966 ; qu'un juge aux affaires familiales a prononcé leur divorce et condamné M. Y... à verser à Mme X... une prestation compensatoire sous la forme d'une rente viagère ;
Attendu que, pour confirmer cette condamnation, l'arrêt retient que si le principe d'une prestation compensatoire n'est pas discuté, Mme X... n'ayant qu'une très faible retraite et s'étant consacrée à l'éducation de l'enfant, les demandes exorbitantes de celle-ci auraient pour effet de priver M. Y... de tout droit sur un patrimoine qu'il a constitué par son travail, qu'il n'est pas établi qu'il soit en mesure de régler une somme importante en capital, ni que son âge lui permette d'obtenir un prêt ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la créancière sollicitait une prestation compensatoire sous forme de capital, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé la prestation compensatoire sous la forme d'une rente viagère de 1 300 euros par mois, l'arrêt rendu le 31 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et le condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR alloué à Mme X..., à titre de prestation compensatoire, une seule rente viagère indexée de 1. 300 ¿ par mois et de l'avoir au contraire déboutée de sa demande de prestation compensatoire sous la forme d'un capital ;
AUX MOTIFS QUE Claudine X... est âgée de 69 ans ¿ ; qu'elle n'a travaillé que quelques années ; qu'aussi le montant de sa retraite s'élevait en 2009, à 178, 25 ¿ par mois ; qu'elle vit avec sa fille dans un appartement dont le loyer s'élève à 957 ¿ ; qu'elle acquitte les charges courantes, outre 162 ¿ de mutuelle ; qu'il ne peut être tenu compte des éventuels héritages de Claudine X..., la Cour d'appel n'ayant pas à examiner la vocation successorale des époux qui est totalement aléatoire en l'espèce ; que Louis Y..., quant à lui, est âgé de 71 ans ; qu'il bénéfice d'une retraite de 3. 515 ¿ par mois ; qu'il occupe actuellement l'immeuble commun pour lequel il devra verser une indemnité d'occupation relativement élevée à la communauté ; qu'il fait face aux dépenses habituelles de la vie courante (impôt sur le revenu, taxe d'habitation, taxe foncière) ; qu'il possède, avec six autres héritiers, une petite maison occupée par sa soeur aînée, située à Vers-sous-Selliere évaluée 60. 000 francs en 1986 ; que le couple marié depuis 45 ans a eu une vie commune de 33 ans ; qu'en effet une première ordonnance de non-conciliation est intervenue le 3 juin 1999 mais les époux ont été déboutés respectivement de leur demande en divorce par arrêt de la Cour d'appel d'Aix en Provence du 29 octobre 2008 ; que la communauté est propriétaire d'un bien immobilier situé à Velaux qui a été évalué dans la précédente procédure par l'expert Z... à 427. 000 ¿ en 2006 ; que Louis Y... conteste cette somme en faisant valoir que la maison est affectée de nombreuses fissures et produit des évaluations de l'immeuble à moins de 300. 000 ¿ ; que toutefois ces observations ont déjà été présentées à l'expert qui a maintenu cette évaluation en 2006 alors que les fissures étaient intervenues en 1999, 2003 et 2004 ; que, quoiqu'il en soit, chaque époux a vocation à la moitié de la valeur de ce bien tout comme des éventuelles actions et de la prime de licenciement de Louis Y... ; que chaque époux prétend par ailleurs que l'autre a distrait d'importantes sommes de la communauté durant la vie commune, comme l'a relevé à juste titre le premier juge ; qu'il n'y a pas lieu, dans le cadre de la procédure de divorce, de statuer sur la liquidation du régime matrimonial en l'état des contestations des époux sur la consistance de leur patrimoine et des détournements allégués par chacun d'eux au détriment de la communauté ; que, néanmoins, chaque époux est fondé à obtenir une somme minimale de l'ordre de 200. 000 ¿ sous réserve d'éventuelles récompenses ; que si le principe de la prestation compensatoire n'est pas discuté, Claudine X... n'ayant qu'une très faible retraite et s'étant consacrée à l'éducation de l'enfant, les demandes exorbitantes de Claudine X... formées tant à titre principal qu'à titre subsidiaire auraient pour effet de priver Louis Y... de tout droit sur un patrimoine qu'il a constitué par son travail ; qu'il n'est nullement démontré qu'il est en mesure de régler une somme importante en capital et que son âge lui permet difficilement d'obtenir un prêt ; qu'aussi, il y a lieu de confirmer le principe d'une rente viagère allouée à l'épouse qui sera toutefois portée à 1. 300 ¿ par mois, étant rappelé qu'en cas de prédécès de Louis Y..., Claudine X... bénéficiera d'une pension de réversion confortable ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la prestation compensatoire qui a un caractère forfaitaire prend la forme d'un capital et que son versement peut être fractionné dans la limite de huit années lorsqu'un règlement comptant, même partiel, excède les facultés du débiteur ; qu'elle ne prend la forme d'une rente viagère qu'à titre exceptionnel, à la demande du créancier, lorsque l'âge et l'état de santé de ce dernier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins ; qu'en fixant en l'espèce la prestation compensatoire sous la forme d'une rente viagère à la demande de l'époux débiteur et contre la volonté de l'épouse créancière, de surcroît, aux motifs inopérants que les demandes de l'épouse auraient été exorbitantes et qu'y faire droit serait revenu à priver l'époux de tout droit sur un patrimoine constitué par son travail et qu'il n'était pas démontré que M. Y... pût régler une somme importante en capital, la Cour d'appel a violé par refus d'application les dispositions combinées des articles 270, 274, 275 et 275-1 du code civil et par fausse application l'article 276 du même code ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE, pour déterminer le montant de la prestation compensatoire, le juge n'a pas à prendre en compte la vocation successorale et, en particulier, l'événement aléatoire que constitue la perception d'une pension de réversion par l'époux créancier en cas de prédécès de l'époux débiteur ; que la Cour d'appel qui, à la demande de l'époux débiteur, a pris cette circonstance en considération pour déterminer le montant de la prestation compensatoire, a violé les articles 270 et 271 du code civil.