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17/10/2013 | FRANCE | N°12-26178

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 17 octobre 2013, 12-26178


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :
Vu les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ,
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par trois contrats du 25 février 2000, M. X..., agissant en qualité d'usufruitier, a ouvert auprès du Crédit Industriel de l'Ouest (la banque), trois comptes titres gérés au nom de ses enfants, MM. Y... et Olivier X... et Mme Violaine Z... (les consorts X...) pris en leur qualité de nu-propriétaire, et a déposé sur chac

un de ces comptes une somme identique ; que le 17 février 2002, les consorts...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :
Vu les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ,
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par trois contrats du 25 février 2000, M. X..., agissant en qualité d'usufruitier, a ouvert auprès du Crédit Industriel de l'Ouest (la banque), trois comptes titres gérés au nom de ses enfants, MM. Y... et Olivier X... et Mme Violaine Z... (les consorts X...) pris en leur qualité de nu-propriétaire, et a déposé sur chacun de ces comptes une somme identique ; que le 17 février 2002, les consorts X... ont assigné la banque aux fins de voir prononcer la nullité des trois conventions de compte, ouvertes sans leur consentement, et ordonner à leur profit la restitution du capital initialement placé; qu'un jugement du 26 novembre 2003, confirmé par un arrêt du 6 décembre 2005 ayant accueilli leurs demandes, la banque a procédé au règlement des sommes dues aux consorts X..., sous déduction pour chacun d'eux d'une somme correspondant aux intérêts versés au titre des contrats annulés ; qu'un jugement d'un juge de l'exécution du 16 octobre 2006 l'ayant déboutée de sa demande de nullité du commandement aux fins de saisie vente délivré par les consorts X... pour obtenir le règlement du solde, la banque les a assignés aux fins de les voir condamner chacun à lui payer les intérêts versés au titre des trois contrats; que les consorts X... ont soulevé l'irrecevabilité de la demande en soutenant qu'elle se heurtait à l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 26 novembre 2003, confirmé par l'arrêt du 6 décembre 2005 ;
Attendu que pour déclarer irrecevable la demande de la banque, l'arrêt retient qu ¿il incombe aux parties de présenter, dès l'instance initiale, l'ensemble des moyens qu'elles estiment de nature à fonder leur demande, soit à justifier de son rejet total ou partiel et que l'autorité de la chose jugée s'étend non seulement aux énonciations formelles du jugement mais aussi aux questions incidentes que le juge a dû nécessairement résoudre pour y parvenir, que par jugement du 26 novembre 2003, confirmé par un arrêt du 6 décembre 2005, le tribunal a prononcé l'annulation des trois conventions de comptes gérés souscrites le 25 février 2000 par M. X... et condamné la banque à restituer à chacun des consorts X... la somme de 171 657, 59 euros correspondant au capital initialement placé, que le tribunal et la cour d'appel ont mentionné , dans les motifs de leur décision, qui sont le soutien nécessaire du dispositif et viennent l'éclairer, faire droit à la demande dès lors que la banque ne discute pas, même subsidiairement le montant de la restitution réclamée, qu'il s'en déduit que l'appréciation du montant de la créance résultant de l'annulation des contrats litigieux a été définitivement tranchée et ne saurait utilement être remise en cause sans se heurter à l'autorité de la chose jugée ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif et que la demande en restitution des intérêts formée par la banque n'avait pas été tranchée par l'arrêt de la cour d'appel qui n'avait été saisie que d'une demande principale en annulation de conventions et restitution de capital, de sorte que la banque, qui n'était pas tenue de présenter dès l'instance initiale une demande reconventionnelle en paiement des sommes qui lui seraient dues si l'annulation des conventions était prononcée, était recevable en sa demande , la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 juin 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la Banque CIC Ouest la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils pour la société Banque CIC Ouest
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande de la société Banque CIC Ouest, anciennement dénommé Crédit Industriel de l'Ouest (CIO), tendant à la restitution par M. Bertrand X..., Mme Violaine X... épouse Z... et M. Olivier X... des intérêts versés au titre des trois conventions de comptes gérés souscrites le 25 février 2000 par M. Daniel X... ;
AUX MOTIFS QUE les moyens développés par la Banque CIC Ouest ne sont pas susceptibles de remettre en cause la décision rendue par le tribunal de grande instance de Nantes le 5 novembre 2009, en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande du CIO tendant à la restitution des intérêts versés au titre des trois conventions annulées par le jugement du 26 novembre 2003 confirmé par l'arrêt du 6 décembre 2005, après avoir pertinemment relevé que:- l'autorité de la chose jugée s'étend non seulement aux énonciations formelles du jugement mais aussi aux questions incidentes que le juge a dû nécessairement résoudre pour y parvenir, et qui priveraient de tout fondement logique la décision judiciaire si elles venaient à être démenties,- il incombe aux parties de présenter, dès l'instance initiale, l'ensemble des moyens qu'elles estiment de nature à fonder leur demande, soit à justifier de son rejet total ou partiel,- en l'espèce, par jugement en date du 26 novembre 2003, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Rennes en date du 6 décembre 2005, le tribunal de grande instance de Nantes a prononcé l'annulation des trois conventions de comptes gérés souscrites le 25 février 2000 par M. Daniel X... et condamné le CIO à restituer à Mme Violaine X... et MM. Y... et Olivier X... chacun la somme de 171.657,59 ¿ correspondant au capital initialement placé;- le tribunal de grande instance de Nantes, dans les motifs de sa décision, qui sont le soutien nécessaire du dispositif et viennent l'éclairer, mentionnait faire droit à la demande telle qu'elle était présentée dès lors que «le Crédit Industriel de l'Ouest» ne discute pas, même subsidiairement le montant de la restitution réclamée;- la cour d'appel précisait pour sa part : «pas plus qu'en première instance n'est discuté le montant de la restitution réclamée, même en subsidiaire» ;- il ressort de ces éléments que l'appréciation du montant de la créance résultant de l'annulation des contrats litigieux a été définitivement tranchée et ne saurait utilement être remise en cause sans remettre en cause l'autorité de la chose jugée ; qu'il sera en outre souligné que cette question a déjà été tranchée dans la décision rendue par le juge de l'exécution le 16 octobre 2006, à laquelle s'attache également l'autorité de la chose jugée ; qu'en effet, pour rejeter la demande du CIO tendant, par imputation des intérêts versés, à diminuer la créance de restitution fixée par l'arrêt du 6 décembre 2005, le juge de l'exécution se réfère à l'autorité de la chose jugée attachée aux décisions susvisées ; que le jugement déféré doit en conséquence être confirmé en toutes ses dispositions ;
1°/ ALORS, D'UNE PART, QUE s'il incombe aux parties à l'instance de présenter dès l'instance initiale l'ensemble des moyens qu'elles estiment de nature à fonder la demande ou à justifier son rejet, elles ne sont pas tenues de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les même faits ; qu'en l'espèce, il était constant que par jugement du 26 novembre 2003, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Rennes du 6 décembre 2005, le tribunal de grande instance de Nantes, faisant droit aux demandes présentées devant lui par les consorts X..., avait prononcé l'annulation des trois conventions de comptes gérés souscrites à leur nom le 25 février 2000 par M. Daniel X... et condamné le CIO à restituer à chacun d'entre eux la somme de 171.657,59 ¿ correspondant au capital initialement placé ; que pour déclarer irrecevable la demande du CIC Ouest en restitution des intérêts versés aux consorts X..., la cour d'appel a retenu que la banque n'ayant pas discuté, dans l'instance précédente, le montant de la restitution du capital réclamée par les consorts X..., sa demande se heurtait à l'autorité de la chose jugée attachée aux décisions du 26 novembre 2003 et du 6 décembre 2005 ; qu'en statuant ainsi, bien que la banque ne fût pas tenue de présenter dès l'instance initiale une demande reconventionnelle en paiement des sommes qui lui étaient dues, une telle demande, d'un objet distinct, pouvant être présentée dans une instance ultérieure, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;
2°/ ALORS, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QUE l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'en l'espèce, comme le soutenait la Banque CIC Ouest dans ses conclusions d'appel, la précédente instance engagée par les consorts X... avait exclusivement pour objet l'annulation des conventions de comptes gérés et la restitution du capital initialement placé, de sorte que la demande de la banque en restitution des intérêts versés aux consorts X... en exécution de ses contrats n'avait pas le même objet ; que dès lors, en décidant que la demande de la banque en restitution d'intérêts se heurtait à l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 26 novembre 2003 et à l'arrêt du 6 décembre 2005, bien que ces décisions n'avaient pas tranché cette demande dans leur dispositif, la cour d'appel a violé les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;
3°/ ALORS, AU SURPLUS, QUE l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'en l'espèce, dans son dispositif, le jugement du juge de l'exécution du 16 octobre 2006, se bornait à recevoir, par référence à l'article 8 du décret du 31 juillet 1992, désormais codifié à l'article R 121-1 du code des procédures civiles d'exécution, qui lui interdit de modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, le moyen de défense des consorts X..., requalifié en fin de non-recevoir, tiré de l'incompétence du juge de l'exécution, en vertu des dispositions de l'article 8 dudit décret, à remettre en cause la chose jugée par le jugement du 26 novembre 2003 et l'arrêt du 6 décembre 2005, en imputant sur le montant du capital que le CIO avait été condamné à leur restituer en conséquence de l'annulation des contrats de comptes gérés, le montant des intérêts qu'il leur avait versés en exécution de ces contrats ; qu'ainsi, l'autorité de la chose jugée attachée au dispositif de cette décision était limitée au champ d'application de l'article 8 du décret du 31 juillet 1992 ; que dès lors, en déclarant irrecevable la demande de la banque en restitution des intérêts, comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du juge de l'exécution du 16 octobre 2006, quand, dans son dispositif, cette décision ne se référait à l'autorité de la chose jugée attachée aux décisions susvisées que dans la limite des dispositions de l'article 8 du décret du 31 juillet 1992 qui définit les pouvoirs conférés au juge de l'exécution et ne tranchait pas une demande en paiement des intérêts versés, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 1351 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 12-26178
Date de la décision : 17/10/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

CHOSE JUGEE - Identité d'objet - Définition - Exclusion - Cas - Action en nullité d'une convention de compte et demande en restitution des intérêts, formée dans une autre instance

Le jugement qui, accueillant une demande en nullité d'une convention de compte, condamne une banque à restituer le capital déposé, n'a pas autorité de la chose jugée sur la demande formée dans une autre instance par la banque en restitution des intérêts qu'elle avait versés au titre de la convention


Références :

articles 1351 du code civil

article 480 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 14 juin 2012

A rapprocher :- sur la distinction entre une action en paiement des loyers d'un immeuble et une demande tendant à faire juger la vente d'un immeuble parfaite : 2e Civ., 26 mai 2011, pourvoi n° 10-16735, Bull. 2011, II, n° 117 (cassation). - sur la distinction entre une demande tendant à faire interdire la diffusion d'une lettre circulaire et une demande en réparation résultant de cette diffusion :Com., 11 juin 2013, pourvoi n° 12-18526, Bull. 2013, III, n° 97 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 17 oct. 2013, pourvoi n°12-26178, Bull. civ. 2013, II, n° 200
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2013, II, n° 200

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Rapporteur ?: Mme Nicolle
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.26178
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