LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'invoquant des actes de concurrence déloyale qu'elle imputait à la société Comexa, la société Dole France a obtenu du président d'un tribunal de commerce, statuant sur requête, la désignation d'un huissier de justice aux fins de constat et de saisie, cet officier ministériel étant constitué séquestre des documents saisis pour une durée d'une année pouvant être prorogée sur simple requête ; que la mesure a été exécutée ; que la société Dole France a sollicité la prorogation du délai du séquestre puis saisi le juge du fond ; que la société Comexa a sollicité la rétractation de l'ordonnance prorogeant la durée du séquestre ; que le juge du fond a autorisé l'huissier de justice instrumentaire, assisté d'un expert informaticien, à délivrer au tribunal une copie sur support papier de différentes pièces saisies et placées sous séquestre ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Dole France fait grief à l'arrêt de juger recevable la demande de la société Comexa tendant à la rétractation de l'ordonnance ayant prorogé le délai durant lequel des pièces saisies au siège de celle-ci devaient être conservées à l'étude de l'huissier de justice aux fins de consultation alors, selon le moyen :
1°/ que les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public ; que l'ordonnance sur requête qui proroge une mesure de séquestre récemment ordonnée constitue une mesure d'administration judiciaire qui, comme telle, est insusceptible de tout recours et ne peut donner lieu à référé à fin de rétractation ; que la cour d'appel a violé les articles 125 et 537 du code de procédure civile ;
2°/ que dans ses conclusions d'appel, la société Dole France faisait valoir que le juge étant saisi au fond, la société Comexa était désormais sans intérêt à critiquer la mesure de séquestre ; qu'en délaissant ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la décision, rendue après une première ordonnance ayant autorisé la mesure de saisie de documents et leur séquestre, qui, tout en refusant de faire droit à la demande de communication de la totalité des pièces saisies, proroge la durée du séquestre de celles-ci, n'est pas une mesure d'administration judiciaire ;
Et attendu qu'ayant rappelé que la décision du juge du fond statuant, en l'organisant, sur la communication des pièces et éléments saisis et placés sous séquestre s'imposait au juge du provisoire et retenu que la société Comexa n'avait plus d'intérêt à agir en ce qui concernait sa demande portant sur la communication des pièces, de sorte qu'elle en conservait un, s'agissant de la durée du séquestre, la cour d'appel a répondu aux conclusions prétendument délaissées ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Mais sur le second moyen : Vu l'article 500 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour rétracter l'ordonnance prorogeant la durée du séquestre des pièces et fichiers saisis, l'arrêt retient qu'il appartenait à la société Dole France de justifier, dans sa requête ayant donné lieu à cette décision, d'une situation d'urgence et de la nécessité de recourir au non contradictoire ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le juge des requêtes, en autorisant la prorogation de la mesure de séquestre des documents dont il avait ordonné la saisie n'avait fait qu'exercer les pouvoirs que lui confère l'article 149 du code de procédure civile qu'il s'était expressément réservés par une ordonnance sur requête exécutoire dont la société Comexa n'avait pas sollicité la rétractation, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a constaté, vu l'évolution du litige et le jugement du 14 février 2012, que la société Comexa est sans intérêt à demander la rétractation de l'ordonnance du 30 mars 2011 en ses dispositions portant sur la communication des documents mis sous séquestre, l'arrêt rendu le 4 juillet 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Comexa aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Comexa, la condamne à payer à la société Dole France la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société Dole France
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé recevables la demande de la société Comexa tendant à la rétractation de l'ordonnance ayant prorogé le délai durant lequel des pièces saisies au siège de la société Comexa devaient être conservées à l'étude de l'huissier aux fins de consultation ;
AUX MOTIFS QUE le principe de l'article 16 du CPC qui exige la saisine d'un juge par une voie contradictoire ne tolère que deux exceptions, la première par autorisation du juge et la seconde par autorisation de la loi ; QU'il résulte en effet des articles 493 et 875 du même code, que le président du tribunal de commerce peut, par requêtes, dites requêtes « innommées » ou « générales » ordonner toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement, alors que selon l'article 874 du même code, le président du tribunal de commerce est saisi par requête dans les cas spécifiés par la loi ; que dans ce dernier cas, la loi permet la saisine, non contradictoire d'un juge, par requête, dite alors «requête « nommée » ou « spéciale » en dispensant le requérant de prouver les circonstances justifiant une dérogation au principe de la contradiction ; qu'il ne peut donc exister des requêtes « nommées » sur, autorisation du juge ; QUE le juge de la rétractation ne pouvait, dès lors, pour refuser de rétracter l'ordonnance du 30 mars 2011, retenir que « celle-ci était le prolongement de l'ordonnance initiale, du 22 juin 2010 » ; QU'il appartenait à Dole de justifier, dans sa requête du 24 mars 2011 ayant donné lieu à l'ordonnance du 30 mars 2011, d'une situation d'urgence et de la nécessité de recourir, au non contradictoire, pour voir proroger le séquestre des pièces et fichiers saisis ; QUE ni la requête, ni l'ordonnance précitées, ne contiennent de motivation sur ces points ; QUE cette ordonnance sur requête, ne satisfaisant pas aux conditions légales, doit être rétractée; que l'ordonnance rétractée n'est pas nulle mais, de droit, sans effet ; QU'il y a lieu, en conséquence, d'infirmer l'ordonnance entreprise ;
1- ALORS QUE les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public ; que l'ordonnance sur requête qui proroge une mesure de séquestre récemment ordonnée constitue une mesure d'administration judiciaire qui, comme telle, est insusceptible de tout recours et ne peut donner lieu à référé à fin de rétractation ; que la cour d'appel a violé les articles 125 et 537 du code de procédure civile ;
2- ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (p. 8, al. 2 et 3), la société Dôle France faisait valoir que le juge étant saisi au fond, la société Comexa était désormais sans intérêt à critiquer la mesure de séquestre ; qu'en délaissant ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rétracté l'ordonnance ayant prorogé le délai durant lequel des pièces saisies au siège de la société Comexa devaient être conservées à l'étude de l'huissier aux fins de consultation ;
AUX MOTIFS QUE le principe de l'article 16 du CPC qui exige la saisine d'un juge par une voie contradictoire ne tolère que deux exceptions, la première par autorisation du juge et la seconde par autorisation de la loi ; QU'il résulte en effet des articles 493 et 875 du même code, que le président du tribunal de commerce peut, par requêtes, dites requêtes « innommées » ou « générales » ordonner toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement, alors que selon l'article 874 du même code, le président du tribunal de commerce est saisi par requête dans les cas spécifiés par la loi ; QUE dans ce dernier cas, la loi permet la saisine, non contradictoire d'un juge, par requête, dite alors « requête « nommée » ou « spéciale » en dispensant le requérant de prouver les circonstances justifiant une dérogation au principe de la contradiction ; QU'il ne peut donc exister des requêtes « nommées » sur, autorisation du juge ; QUE le juge de la rétractation ne pouvait, dès lors, pour refuser de rétracter l'ordonnance du 30 mars 2011, retenir que « celle-ci était le prolongement de l'ordonnance initiale, du 22 juin 2010 » ; QU'il appartenait à Dole de justifier, dans sa requête du 24 mars 2011 ayant donné lieu à l'ordonnance du 30 mars 2011, d'une situation d'urgence et de la nécessité de recourir, au non contradictoire, pour voir proroger le séquestre des pièces et fichiers saisis ; QUE ni la requête, ni l'ordonnance précitées, ne contiennent de motivation sur ces points ; QUE cette ordonnance sur requête, ne satisfaisant pas aux conditions légales, doit être rétractée; que l'ordonnance rétractée n'est pas nulle mais, de droit, sans effet ; QU'il y a lieu, en conséquence, d'infirmer l'ordonnance entreprise ;
ALORS QU'une ordonnance du 22 juin 2010, qui n'avait fait l'objet d'aucun recours, avait ordonné le séquestre pour une durée d'un an et dit que « la durée du séquestre pourra être prorogée sur simple requête par toute partie intéressée ; que le président du tribunal de commerce, saisi d'une telle requête, s'était donc borné, pour ordonner la prorogation de la durée du séquestre, à exécuter une ordonnance ayant force de chose jugée ; qu'en rétractant néanmoins cette mesure, la cour d'appel a violé les articles 500 et 501 du code de procédure civile.