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16/10/2013 | FRANCE | N°12-86241

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 octobre 2013, 12-86241


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- La société La Française des jeux, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 19 juin 2012, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de M. Mickaël X... des chefs d'escroquerie et abus de confiance ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 septembre 2013 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme

de la Lance conseiller rapporteur, Mme Nocquet, conseiller de la chambre ;

Greffier de ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- La société La Française des jeux, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 19 juin 2012, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de M. Mickaël X... des chefs d'escroquerie et abus de confiance ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 septembre 2013 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme de la Lance conseiller rapporteur, Mme Nocquet, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DE LA LANCE, les observations de la société civile professionnelle HÉMERY et THOMAS-RAQUIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GAUTHIER ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 314-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a, confirmant le jugement, débouté la société La Francaise des jeux de ses demandes au titre de l'action civile ;
"aux motifs propres que comme l'a justement souligné le premier juge, il ne peut être reproché à M. X... d'avoir détourné les mises d'autres joueurs à son profit, faute du moindre élément en ce sens dans le dossier ; que, par ailleurs, il ne peut pas non plus avoir détourné la machine à enregistrer les paris, celle-ci ayant été strictement utilisée dans le but pour lequel elle est mise à disposition de l'exploitation, qui est d'enregistrer des paris ; que le fait d'enregistrer un pari sans percevoir les mises associées ne saurait suffire à constituer une manoeuvre frauduleuse permettant de retenir le délit d'escroquerie non plus, cette manoeuvre, contractuellement fautive certes, s'apparentant plutôt à un simple mensonge non punissable ; qu'aussi, la relaxe sera-t-elle confirmée, les actes incriminés relevant manifestement d'un contentieux civil et non d'une quelconque qualification pénale ;
"et aux motifs éventuellement adoptés qu'en l'espèce, il ressort tant de l'enquête de gendarmerie que des débats mêmes qu'à compter du 1er avril 2008, M. X... a exploité un fonds de commerce de tabac-presse-jeux à Ambrières-les-Vallées (53) ; que dans le cadre de son activité, il a conclu avec la SA Française des jeux (ci-après dénommée FDJ) un contrat d'agrément aux termes duquel il enregistrait les mises des joueurs sur un terminal de la FDJ, encaissait les sommes dues à la FDJ par un prélèvement hebdomadaire sur un cpt spécial ouvert à cet effet ; que ce contrat d'agrément prévoyait expressément en son article 5.4.1 la possibilité pour le détaillant de jouer, sous réserve que les mises soient payées comptant ; que s'agissant du paiement des sommes dues à la FDJ, cette dernière adressait chaque semaine à M. X... le montant qui devait être prélevé sur un compte bancaire spécifique ouvert à cet effet au Crédit agricole d'Ambrières-les-Vallées ; que ce montant était calculé en considération des mises des joueurs, des gains de ceux-ci et des commissions dues à M. X... en vertu du contrat d'agrément ; que deux comptes professionnels, portant les numéros 46362949 et 46363930 étaient ouverts auprès de l'agence de crédit agricole d'Ambrières-les-Vallées, l'un destiné à recevoir tous les flux de l'activité du fonds de commerce (en ce compris les mises des joueurs de la FDJ) et l'autre affecté exclusivement aux prélèvements périodiques de la FDJ ; qu'il résulte des relevés afférents à ces comptes que le premier (n° 46362949 ) bénéficiait d'une autorisation de découvert de 7 000 euros qui a été constamment utilisée et très rapidement dépassée ; que s'agissant du compte FDJ (numéro 46363930) il était alimenté partiellement par le compte n° 46363930 (sic) et partiellement par des versements directs émanant des époux X... eux-mêmes ; que les prélèvements de la FDJ ont été honorés jusqu'à l'échéance du 7 octobre 2009 d'un montant de 17 593,84 euros, ce dernier a été rejeté en raison probablement de l'absence de provision du compte litigieux ; que M. X... ne conteste pas avoir été dans l'impossibilité de créditer le compte FDJ du montant nécessaire ; qu'il explique qu'à compter de janvier 2009, à la suite de problèmes financiers en lien avec son activité professionnelle, il a commencé à jouer pour son compte personnel ; qu'il est alors entré dans un engrenage relevant d'une véritable addiction aux jeux ; que pour le seul mois de mai 2009, ses mises atteignaient 45 000 euros ; qu'il évalue à environ 210 000 euros les sommes jouées et à 100 000 euros les gains recueillis ; qu'il ne dissimulait nullement ses mises puisqu'il jouait sous son propre nom ; qu'il reconnaît parallèlement qu'il ne réglait pas comptant lesdites mises n'ayant pas les liquidités disponibles au moment de leur engagement ; que durant de nombreux mois, jusqu'en octobre 2009, il a alimenté le compte FDJ en prélevant sur le compte professionnel mais également en recourant à des emprunts familiaux pour un montant d'environ 100 000 euros (en ce compris des fonds propres de son épouse) ; qu'en l'état des éléments de la procédure, il n'est pas démontré que M. X... ait encaissé personnellement des fonds remis par ses clients joueurs (autres que lui) et n'a pas été en mesure de les créditer sur le compte spécifique FDJ ; que Mme X... confirme les éléments bancaires à savoir que son époux n'a pas utilisé l'argent encaissé pour le compte de la FDJ à des fins personnelles ; qu'enfin, force est de constater que l'élément intentionnel n'est pas prouvé, M. X... ayant toujours manifesté sa volonté d'honorer les prélèvements de la FDJ en créditant le compte spécifique (fusse au prix d'un lourd endettement familial), à l'exception du dernier prélèvement qui a été rejeté faute de provision, le commerce et la famille X... étant alors complètement « étranglés » financièrement ; que Mme X... a déclaré que son époux ne se rendait plus compte de son comportement et des conséquences de celui-ci ; qu'enfin, il est singulier que la FDJ, informée en 2009 de ce que M. X... avait des difficultés financières liées à de fortes mises, n'ait pas jugé opportun de modifier les conditions d'utilisation à titre personnel par le détaillant, faculté prévue par l'article 5.4.1 susvisé ; qu'au regard de l'ensemble de ces développements, les éléments constitutifs des deux infractions visées à la citation ne sont pas manifestement pas réunis et qu'il échet de renvoyer M. X... des chefs de la poursuite tant pour abus de confiance que pour escroquerie ;
"1°) alors que commet un détournement, au sens de l'article L. 314-1 du code pénal, toute personne qui s'abstient volontairement de remettre à une autre personne le prix d'un bien qu'elle est chargée d'encaisser pour son compte ; qu'il importe peu qu'aucun fonds ne lui ait été remis par des tiers ; qu'en retenant, pour écarter l'abus de confiance, qu'il n'était pas établi qu'il aurait détourné les mises d'autres joueurs à son profit, cependant qu'il n'était nullement nécessaire que le détaillant ait détourné des fonds qui lui auraient été remis par des tiers, l'abus de confiance étant caractérisé du seul fait de l'utilisation par le détaillant du terminal pour la validation de jeux pour son compte personnel, sans versement du montant des mises qu'il était chargé d'encaisser pour le compte de la société La Francaise des jeux, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
"2°) alors qu'en relevant que M. X... aurait utilisé la « machine à enregistrer les paris » dans le but pour lequel elle est mise à disposition de l'exploitant, qui serait d'enregistrer des paris, cependant qu'il était reproché à M. X... d'avoir enregistré des paris sans verser à la société Francaise des jeux le montant des mises correspondantes et qu'il convenait donc de rechercher si M. X... n'avait pas commis un détournement en s'abstenant de verser à la société Francaise des jeux le montant des mises qu'il était chargé d'encaisser pour son compte, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
"3°) alors qu'en matière d'abus de confiance, l'intention se déduit des circonstances retenues par les juges, l'affirmation de la mauvaise foi étant nécessairement incluse dans la constatation du détournement ; qu'en retenant qu'il serait impossible d'établir un élément intentionnel à l'encontre de M. X..., après s'être déterminée par des motifs impropres à caractériser l'absence de preuve de l'élément matériel de l'infraction, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés" ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que M. X..., exploitant un commerce de tabac-presse, était lié avec la société La Française des jeux par un contrat selon lequel, d'une part, il devait enregistrer les mises des joueurs sur un terminal mis à sa disposition, les encaisser et reverser les sommes dues par prélèvement sur un compte spécial ouvert à cet effet, d'autre part, il était autorisé à jouer lui-même à la condition de régler les mises comptant ; que pendant plusieurs mois, il a joué des sommes importantes sans les régler et s'est trouvé dans l'impossibilité de créditer le compte de la société La Française des jeux ; qu'après mise en demeure, cette dernière a fait citer M. X... devant le tribunal correctionnel, lui reprochant d'avoir détourné des participations aux jeux informatisés pour un montant de 17 576,20 euros en utilisant frauduleusement le terminal qui lui avait été confié ;
Attendu que, pour renvoyer M. X... des fins de la poursuite du chef d'abus de confiance, les juges énoncent qu'il ne peut lui être reproché d'avoir détourné à son profit ni les mises d'autres joueurs ni la machine à enregistrer les paris, qui a été utilisée dans ce seul but, et que son intention de ne pas honorer les prélèvements de la société La Française des jeux n'est pas établie ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il se déduit de ses propres constatations que le prévenu, qui n'a pas réglé ses mises personnelles dès leur enregistrement, a utilisé le terminal de jeux à des fins autres que celles pour lesquelles il lui avait été confié et a ainsi détourné le montant des sommes qu'il s'est abstenu volontairement de verser, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Angers, en date du 19 juin 2012, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, sur les seuls intérêts civils,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Angers et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize octobre deux mille treize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 12-86241
Date de la décision : 16/10/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ABUS DE CONFIANCE - Détournement - Chose détournée - Bien remis à titre précaire - Mises des joueurs sur un terminal de jeux - Mises personnelles du titulaire du contrat d'agrément - Défaut de versement des mises dès leur enregistrement

Commet un abus de confiance le titulaire d'un contrat d'agrément avec la société La Française des jeux qui, ne réglant pas les mises personnelles qu'il enregistre sur le terminal de jeux, utilise cet appareil à des fins autres que celles pour lesquelles il lui avait été confié et détourne le montant des sommes qu'il aurait du verser. Encourt, dès lors, la cassation l'arrêt qui, pour relaxer le prévenu de ce chef, énonce qu'il ne peut lui être reproché d'avoir détourné à son profit ni les mises d'autres joueurs ni la machine à enregistrer les paris, utilisés dans ce seul but


Références :

article 314-1 du code pénal

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 19 juin 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 oct. 2013, pourvoi n°12-86241, Bull. crim. criminel 2013, n° 191
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2013, n° 191

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : M. Gauthier
Rapporteur ?: Mme de la Lance
Avocat(s) : SCP Hémery et Thomas-Raquin

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.86241
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