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01/10/2013 | FRANCE | N°13-81813

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 01 octobre 2013, 13-81813


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- L'Etablissement français du sang,
contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de LYON, en date du 15 février 2013, qui, dans l'information suivie contre lui, a dit n'y avoir lieu de saisir la dite chambre de son appel de l'ordonnance du juge d'instruction rejetant sa demande d'actes complémentaires ;
La COUR,

Statuant après débats en l'audience publique du 3 septembre 2013 où étaient présents dans la formation prévue

à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme M...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- L'Etablissement français du sang,
contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de LYON, en date du 15 février 2013, qui, dans l'information suivie contre lui, a dit n'y avoir lieu de saisir la dite chambre de son appel de l'ordonnance du juge d'instruction rejetant sa demande d'actes complémentaires ;
La COUR,

Statuant après débats en l'audience publique du 3 septembre 2013 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Mirguet conseiller rapporteur, M. Arnould, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Leprey ;
Sur le rapport de Mme le conseiller MIRGUET, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MATHON ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 11 juillet 2013, prescrivant l'examen du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire au code de procédure pénale, 81, 82-1, 167 alinéa 4, 186-1 du code de procédure pénale, excès de pouvoir ;
" en ce que l'ordonnance attaquée a dit n'y avoir lieu de saisir la chambre de l'instruction de l'appel interjeté par l'Etablissement français du sang de l'ordonnance de rejet de sa demande d'actes rendue par le juge d'instruction le 31 décembre 2012 ;
" aux motifs que Mme Eve X... est décédée le 29 septembre 2009 des suites d'un don de plasma du 24 septembre 2009, alors que l'information a clairement établi que l'infirmière Mme Y... avait commis l'erreur de brancher le kit de l'appareil avec deux poches d'anticoagulant alors qu'il aurait fallu qu'elle utilise une poche de chlorure de sodium ; que la réalité de la commission de cette faute a été établie tant par les expertises que par les aveux ¿ il est vrai tardifs ¿ de l'infirmière ; que dès lors, l'organisation d'une reconstitution des faits ayant directement provoqué le décès de Mme Eve X... paraît totalement inutile à la manifestation de la vérité, une telle mesure ne paraissant pas susceptible de déterminer à quel moment précis l'infirmière s'était rendu compte de sa méprise et avait alors informé le médecin ; que s'il est vrai que l'infirmière Mme Y... a dans un premier temps contesté la commission d'une quelconque faute, développant par ailleurs des réactions déconcertantes, les expertises psychiatrique et psychologique sollicitées de sa personne ne paraissent pas susceptibles de concourir à la manifestation de la vérité alors que les faits sont anciens et qu'elle-même ne réclame rien ;
" 1°) alors qu'entache sa décision d'un excès de pouvoir le président de la chambre de l'instruction qui dit n'y avoir lieu de saisir la chambre de l'instruction de l'appel formé par le demandeur contre une ordonnance rejetant une demande d'actes, sans qu'il ne résulte de son ordonnance qu'il ait statué au vu de l'avis motivé du procureur de la République, exigé par les dispositions de l'article 186-1 du code de procédure pénale ; que ladite ordonnance du président de la chambre de l'instruction, qui n'est pas conforme aux conditions essentielles de son existence légale, encourt donc l'annulation ;
" 2°) alors que l'ordonnance attaquée est encore entachée d'excès de pouvoir, dans la mesure où le président de la chambre de l'instruction s'est mépris sur l'objet de la demande qu'il a dénaturée ; qu'en effet, l'Etablissement français du sang sollicitait une reconstitution des faits non pas tant pour déterminer à quel moment l'infirmière s'était rendu compte de son erreur, ni pour rechercher les causes de l'accident par lui-même, découlant sans nul doute de l'erreur commise par elle, mais bien pour tenter de déterminer du point de vue du lien de causalité si la patiente aurait pu être sauvée si au moment où l'infirmière s'est rendu compte de son erreur, elle l'avait immédiatement signalée au médecin présent ; autrement dit, il importait de rechercher si le retard pris à informer le médecin avait été déterminant sur le lien de causalité entre l'erreur commise par Mme Y... et le décès de Mme X..., un tel lien de causalité étant l'un des éléments constitutifs de l'infraction reprochée à l'Etablissement français du sang ; qu'en considérant ainsi que la mesure ne paraît pas susceptible de déterminer à quel moment précis l'infirmière s'était rendu compte de sa méprise, pour refuser ladite mesure, le président n'a pas statué sur le fond de la demande, laquelle était pourtant susceptible d'avoir une incidence déterminante sur l'existence d'un des éléments constitutifs de l'infraction devant être soumis à l'appréciation de la chambre de l'instruction ; qu'en cet état, le président a excédé ses pouvoirs ;
" 3°) alors que, par ailleurs, aux termes de l'article 186-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-2 91 du 5 mars 2007, l'appel dirigé contre une ordonnance rejetant une demande de complément d'expertise n'est plus soumis à l'autorisation préalable du président de la chambre de l'instruction de saisir ladite chambre ; qu'en la cause, l'Etablissement français du sang demandait au juge d'instruction de bien vouloir faire procéder à un examen psychologique et psychiatrique de Mme Y..., en faisant état du rapport d'expertise déposé au greffe le 24 août 2011, établi par Mme Z..., le professeur B..., le docteur C..., qui indiquait que « tous les éléments décrits (¿) plaident en faveur d'une dissimulation (par Mme Y...) de son erreur » ; qu'en décidant n'y avoir lieu à saisir la chambre de l'instruction de l'appel interjeté par l'Etablissement Français du Sang contre l'ordonnance du juge d'instruction rejetant sa demande d'expertise complémentaire, le président de la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs ;
" 4°) alors qu'en toute hypothèse, les parties ont le droit de solliciter toute mesure permettant la manifestation de la vérité, la juridiction d'instruction ne pouvant s'y opposer qu'en faisant ressortir qu'une telle mesure serait inutile ou impossible à mettre en oeuvre ; qu'en l'espèce, pour refuser de saisir la chambre de l'instruction des demandes d'expertise sollicitées, l'ordonnance attaquée considère que « les faits sont anciens et qu'elle-même (l'infirmière) ne réclame rien » ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs étrangers à l'utilité de la mesure proprement dite, le président de la chambre de l'instruction a méconnu l'obligation d'informer qui s'impose à toute juridiction d'instruction et a commis un excès de pouvoir ;
" 5°) alors enfin qu'en considérant que l'ensemble des mesures sollicitées ne « paraissent » pas susceptibles de concourir à la manifestation de la vérité, le président, qui devait se prononcer sur l'utilité desdites mesures, s'est fondé sur des motifs hypothétiques, insusceptibles de justifier son refus de saisir la chambre de l'instruction, et, ce faisant, n'a pas fait un exercice régulier de ses pouvoirs " ;
Vu l'article 186-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que, selon ce texte, d'une part, le président de la chambre de l'instruction statue sur l'appel du refus de demande d'actes, au vu de l'ordonnance attaquée et de l'avis motivé du procureur de la République, que d'autre part, si les ordonnances du président de la chambre de l'instruction ne sont pas susceptibles de recours, il en est autrement lorsque cette décision est entachée d'excès de pouvoir ;

Attendu qu'il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de la procédure que l'Etablissement français du sang, mis en examen pour homicide involontaire, a présenté, au visa de l'article 82-1 du code de procédure pénale, une demande d'actes tendant à faire procéder à une reconstitution des faits et à ordonner une expertise psychologique et un examen psychiatrique ; que, par ordonnance du 15 février 2013, le juge d'instruction a rejeté ces demandes ; qu'appel a été interjeté de cette décision par le mis en examen ;
Attendu que, par l'ordonnance attaquée, le président de la chambre de l'instruction a dit n'y avoir lieu de saisir ladite chambre de cet appel ;
Mais attendu que la Cour de cassation n'est pas en mesure de s'assurer que le président de la chambre de l'instruction a statué au vu de l'avis motivé du procureur de la République ; qu'en cet état, la décision attaquée est entachée d'excès de pouvoir ;
D'où il suit que l'annulation est encourue ;
Par ces motifs :
ANNULE, en toutes ses dispositions l'ordonnance susvisée du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 15 février 2013 ;
CONSTATE que du fait de cette annulation, la chambre de l'instruction se trouve saisie de la demande de l'Etablissement français du sang ;
ORDONNE le retour de la procédure à cette juridiction autrement présidée ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'ordonnance annulée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le premier octobre deux mille treize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 13-81813
Date de la décision : 01/10/2013
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Pouvoirs - Président - Ordonnance - Ordonnance disant qu'il n'y a pas lieu de saisir la chambre de l'instruction - Excès de pouvoir - Cas

Encourt l'annulation pour excès de pouvoir, l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction qui, suite à un appel de refus d'actes d'instruction complémentaires, refuse de saisir ladite chambre, sans l'avis motivé du procureur de la République, tel qu'exigé par l'article 186-1 du code de procédure pénale


Références :

article 186-1 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Président de la Chambre de l'Instruction de Lyon, 15 février 2013

Sur les cas d'excès de pouvoir commis par le premier président de la chambre de l'instruction pour refuser de saisir cette juridiction, à rapprocher :Crim., 4 avril 2007, pourvoi n° 07-80929, Bull. crim. 2007, n° 107 (annulation) ;Crim., 8 janvier 2013, pourvoi n° 12-84953, Bull. crim. 2013, n° 2 (annulation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 01 oct. 2013, pourvoi n°13-81813, Bull. crim. criminel 2013, n° 182
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2013, n° 182

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : M. Mathon
Rapporteur ?: Mme Mirguet
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:13.81813
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