LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à Mme X... de ce qu'elle se désiste de son pouvoi en tant que dirigé contre MM. Y... et Y...
A..., et la société Y...
A...
B... ;
Sur le moyen unique :
Vu les articles 1116 et 1304 du code civil, ensemble l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que la prescription quinquennale de l'action en nullité pour dol a pour point de départ le jour où le contractant a découvert l'erreur qu'il allègue ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., fille adoptive de Marcel Z..., a assigné Mme Z..., veuve de l'écrivain, en nullité de deux actes juridiques du 29 janvier 1980, par lesquels elle cédait à cette dernière l'intégralité de ses droits successoraux et renonçait à agir en justice, actes qu'elle prétendait avoir conclus à la suite de manoeuvres dolosives émanant de Mme Z..., de leur conseil et de leur notaire communs, et destinées à lui cacher la réelle consistance du patrimoine de son père et l'étendue de ses droits ;
Attendu que pour rejeter sa demande, la cour d'appel, après avoir indiqué qu'il apparaissait singulier que Mme X... et Mme Z..., seules parties à l'acte authentique du 29 janvier 1980 consistant en une transaction relative au règlement de la succession de Marcel Z..., aient été à cette occasion assistées du même avocat, a estimé que Mme X... ne rapportait par aucun élément la preuve des manoeuvres dolosives qu'elle alléguait, qu'à supposer même que des erreurs eussent affecté la consistance du patrimoine de son père et l'étendue de ses droits, elle ne démontrait pas que celles-ci auraient été commises volontairement par Mme Z..., leur notaire et leur conseil, lequel n'avait d'ailleurs pas été attrait en la cause, afin de vicier son consentement, et retenu que dès lors, faute de preuve du dol allégué, la prescription quinquennale avait couru à compter du 29 janvier 1980, date des actes litigieux, de sorte que l'action en nullité intentée les 27 juillet, 5 et 6 août 2009, était prescrite ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, comme le soutenait Mme X..., celle-ci n'avait pas découvert l'erreur qu'elle alléguait lorsqu'elle avait consulté un avocat, en 2008, afin d'organiser sa propre succession, de sorte que le point de départ du délai de prescription était susceptible d'être reporté à cette date, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 avril 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne Mme Jacqueline Z... et M. Frédéric Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Jacqueline Z... et M. Frédéric Z... ; les condamne à payer à Mme X... la somme de 3 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé, par substitution de motifs, le jugement déféré en ce qu'il avait déclaré prescrite l'action intentée par Madame Francine Z... en annulation des actes authentiques et sous seing privé du 29 janvier 1980 ;
Aux motifs que, « Considérant que la cour relève que le litige qui lui est soumis est circonscrit à la question de la prescription de l'action en nullité pour dol des actes authentique et sous seing privé du 29 janvier 1980 ;
Considérant que Mme Francine X... prétend que, exerçant alors la profession d'esthéticienne, elle a été, lors du règlement de la succession de Marcel Z..., victime de manoeuvres dolosives de la part de Mme Jacqueline Z..., de leur conseil commun et de leur notaire commun, professionnels choisis par celle-ci et l'assistance habituellement, lesquels, en parfaite collusion, lui ont caché la réelle consistance du patrimoine de son père et l'étendue de ses droits dans le dessein de lui faire signer une cession de ses droits successoraux à « bas pris » ; qu'elle affirme n'avoir découvert le dole que grâce à l'avocat qu'elle a consulté en 2008, à l'occasion de l'organisation du règlement de sa propre succession ; qu'elle en déduit que la prescription quinquennale de l'article 1304 du code civil n'est pas acquise ;
Mais considérant que, s'il peut apparaitre quelque peu singulier que Mme Francine X... et Mme Jacqueline Z..., seules parties à l'acte authentique du 29 janvier 1980 consistant en une transaction relative au règlement de la succession de Marcel Z..., aient été à cette occasion assistées du même avocat, la cour ne peut que constater que Mme Francine X... ne rapporte par aucun élément la preuve des manoeuvres dolosives qu'elle allègue ; qu'à supposer même que des erreurs aient affecté la consistance du patrimoine de son père et l'étendue de ses droits, elle ne démontre pas que celles-ci auraient été commises volontairement par Mme Jacqueline Z..., Me Jean-Louis Y... et leur conseil commun, qui n'a d'ailleurs pas été attrait en la cause, afin de vicier son consentent ;
Considérant, dès lors, que faute de preuve du dol allégué, la prescription quinquennale a couru à compter du 29 janvier 1980, jour des actes litigieux, de sorte que l'action en nullité intentée les 27 juillet, 5 et 6 août 2009, est prescrite ;
Qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré, par substitution de motifs » ;
Alors que, d'une part, à peine de prescription, l'action en nullité d'une convention pour dol doit être engagée dans les cinq ans qui suivent la découverte de ce dol par le cocontractant ; qu'en l'espèce, en retenant, pour juger prescrite l'action en nullité intentée les 27 juillet, 5 et 6 août 2009 contre les actes authentique et sous seing privé signés le 29 janvier 1980, que Madame Francine Z... n'a pas rapporté la preuve des manoeuvres dolosives qu'elle invoque, de sorte que la prescription quinquennale aurait couru à compter du 29 janvier 1980, sans rechercher, comme elle y était d'ailleurs invitée, la date à laquelle Madame Francine Z... avait effectivement eu connaissance des faits constitutifs du dol qu'elle invoquait, dont la matérialité aurait ensuite donné lieu à un débat au fond, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de les articles 1116 et 1304 du code civil ;
Alors que, d'autre part, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en recherchant si la preuve du dol allégué avait été effectivement rapportée, quand le débat ne portait, en réalité, que sur le point de départ du délai de prescription de l'action en nullité pour vice du consentement, et donc sur le jour de la découverte par Madame Francine Z... des faits qu'elle estimait constitutifs d'un dol, la Cour d'appel a manifestement méconnu les termes du litige, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile.