LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Arcelor Mittal France du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Multiserv France ;
Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et troisième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 mai 2012), qu'il a été définitivement jugé que MM. X... et Y... étaient les coauteurs de l'invention ayant donné lieu au dépôt d'une demande de brevet français n° 91 14 590 ainsi qu'au dépôt de demandes de brevet européen et canadien ; que la société Sollac, aux droits de laquelle vient la société Arcelor Mittal France (la société), a exercé son droit d'attribution de cette invention qualifiée d'invention hors mission attribuable ; qu'une expertise a été ordonnée et que M. X... a sollicité la paiement d'une certaine somme au titre du juste prix ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. X... la somme de 320 000 euros HT avec intérêts au taux légal à compter du 1 er avril 1993, alors, selon le moyen :
1°/ que le juste prix est calculé en fonction des apports initiaux du salarié inventeur et de l'employeur, et en fonction de l'utilité industrielle et commerciale de l'invention ; qu'en l'espèce, M. X... s'est vu reconnaître la qualité d'inventeur « de l'invention ayant donné lieu, le 29 novembre 1991, au dépôt d'une demande de brevet, enregistrée sous le numéro 9114590 (¿), au dépôt d'une demande de brevet européen (n° 0545766) en date du 20 novembre 1992 ainsi qu'à une demande de brevet canadien (n° 2083800), le 25 novembre 1992) ; que tel que le soulignait l'exposante, l'expert avait établi que la demande de brevet n° 9114590 mentionnant un taux de minerai de fer de 0 à 15 % devait se lire comme couvrant un mélange comprenant jusqu'à 15 % de ces substances sans qu'elles puissent être absentes, le texte des extensions étrangères ayant été précisés en ce sens, car un mélange ne comprenant pas ces éléments était connu et protégé antérieurement, et ne pouvait en conséquence être regardé comme une invention de M. X... devant donner lieu à l'attribution d'un juste prix ; qu'en jugeant cependant que l'invention devant faire l'objet du paiement d'un juste prix s'entendait d'un mélange ne comprenant pas nécessairement du minerai de fers et des scories, sans s'expliquer sur l'objet des demandes de brevet litigieuses au regard de ces éléments, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle ;
2°/ que le juste prix est calculé en fonction des apports initiaux du salarié inventeur et de l'employeur, et de l'utilité industrielle et commerciale de l'invention ; qu'à ce titre, il convient de prendre en compte la brevetabilité des éléments apportés par le salarié ; qu'en l'espèce, il ressort du rapport d'expertise que la validité du brevet mentionnant M. X... comme co-inventeur « est nécessairement liée à l'introduction de minerai de fer et de scories dans un mélange comprenant boues grasses, de la chaux et un liant » quand « l'apport de M. X... au regard de ce brevet est limité à la définition d'un mélange qui ne comprendrait que des boues grasses, de la chaux et un liant, mélange par ailleurs connu » , un tel mélange étant antérieurement protégé notamment par un brevet japonais JP A-54 006 214 ; que dès lors, tel que le soulignait l'exposante en cause d'appel , si le brevet français et les extensions à l'étranger n'avaient porté que sur « l'idée inventive » de M. X..., il est établi que les brevets n'auraient jamais été délivrés ; qu'en omettant de prendre en compte cette circonstance pour déterminer le montant du juste prix et retenir que l'apport initial de M. X... était important, au contraire de celui, selon elle limité, de la société Sollac, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle ;
3°/ que le juste prix est évalué au jour où l'employeur exerce son droit d'attribution ; qu'en l'espèce, l'exposante a exercé son droit d'attribution dès novembre 1991, date à laquelle elle a déposé une demande de brevet ; qu'en déterminant le montant du juste prix au regard de l'exploitation et des conséquences de cette exploitation faite, postérieurement à l'attribution, par l'exposante d'un procédé qui aurait, selon la cour d'appel, correspondu à l'invention dont M. X... était co-inventeur, la cour d'appel a violé l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu, en premier lieu, que le fait générateur du paiement du juste prix est la réalisation de l'invention ; que la cour d'appel qui a relevé qu'il était définitivement jugé que M. X... était coauteur de l'invention ayant fait l'objet de la demande de brevet du 29 novembre 1991, que cette invention avait été qualifiée à son égard d'invention hors mission attribuable et que le procédé industriel effectivement mis en oeuvre par la société était celui élaboré par M. X..., a pu statuer comme elle a fait, sans procéder à la recherche visée par les première et deuxième branches que ces constatations rendaient inopérante ;
Et attendu, en second lieu, que, si le juste prix doit être évalué au jour où l'employeur exerce son droit d'attribution, des éléments postérieurs à cette date peuvent être pris en compte pour confirmer l'appréciation des perspectives de développement de l'invention ; que l'arrêt relève par motifs propres et adoptés que la société Sollac qui était confrontée, au moment où elle a exercé son droit, à des contraintes de stockage des boues grasses de laminoir et de législation environnementale, cherchait une solution, que la perspective normalement espérée en novembre 1991, par la mise en oeuvre du procédé de M. X... était de traiter 40 000 tonnes de boues grasses issues des laminoirs par an mais qu'entre 1991 et 2006, 128 375 tonnes de boues grasses seulement ont été traitées par ce procédé et que les coûts générés par sa mise en oeuvre ont été très inférieurs à ceux des deux autres méthodes de recyclage des boues ; qu'en l'état de ces constatations, dont elle a déduit que les perspectives escomptées de l'invention étaient très intéressantes tant au plan économique qu'environnemental au moment où la société Sollac a exercé son droit à attribution, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le moyen, pris en sa quatrième branche, ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Arcelor Mittal France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Arcelor Mittal France
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la S.A. ARCELLOR MITTAL France à porter et payer à Monsieur Francis X... la somme de 320.000 ¿ HT, avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 1993 (date de la saisine de la Commission Nationale des Inventions de Salariés) et une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel outre les dépens ;
AUX MOTIFS QUE « la S.A. ARCELLOR MITTAL France ne remet pas véritablement en cause la qualité d'inventeur de Monsieur Francis X... ; qu'au demeurant cette qualité a été reconnue par deux décisions de justice (le jugement rendu, le 10 septembre 1998 par le Tribunal de Grande Instance de Marseille et l'arrêt confirmatif rendu, le 30 octobre 2002, par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence 2ème chambre, passé en force de chose jugée) auxquelles l'autorité de la chose jugée est attachée ; que, de plus, la société SOLLAC qui a désigné Monsieur Francis X... en qualité de co-inventeur sur la demande de brevet du 29 novembre 1991 ne pouvait se méprendre sur le rôle effectif de Monsieur Francis X... dans l'élaboration du procédé industriel ayant donné lieu à la demande de brevet ; qu'enfin, la société SOLLAC qui avait opté pour l'attribution du procédé ayant fait l'objet de la demande de brevet, qui lui a été délivré par l'Institut National de la Propriété Industrielle, ne peut afin de se soustraire à son obligation de payer à son salarié un juste prix pour l'invention qu'il a faite dans « le domaine d'activité de l'entreprise », invoquer la nullité du brevet ou, plus exactement, sous-entendre, comme elle le fait, l'absence d'activité inventive de son salarié ; qu'au demeurant, la levée d'option opérée par la société SOLLAC concerne le procédé inventé ou découvert par le salarié et non le brevet lui-même délivré à l'employeur qui s'est fait attribuer la propriété de l'invention de son salarié ; que, surabondamment, la revendication N° 2 du brevet n'implique pas nécessairement pour obtenir le mélange, l'ajout du minerai de fers et de scories aux boues grasses issues des laminoirs, puisque la revendication mentionne que cet ajout va de 0 % à 15 % pour le minerai de fers et de 0 % à 15 % pour les scories ; que dans l'exposé préliminaire de son brevet, la société SOLLAC mentionne expressément qu'elle « s'était aperçue que le minerai de fer et les scories ne sont pas indispensables à la fabrication de l'agent refroidissant selon la présente invention » ; que dans la mise en oeuvre du procédé industriel par la société SOLLAC à partir de 1993, il n'y avait pas d'ajout de minerai de fers et de scories dans le mélange compacté en boulets, ainsi que Monsieur Francis X... l'avait préconisé ; Attendu que l'article L611-72 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction applicable (celle en vigueur au moment du dépôt de la demande de brevet), édicte que pour une invention hors mission, dont la propriété est attribuée à l'employeur, « le salarié doit en obtenir un juste prix qui, à défaut d'accord entre les parties, est fixé par la Commission Nationale des Inventions de Salariés ou par le Tribunal de Grande Instance » ; que l'évaluation du juste prix doit être faite au moment où se produit l'attribution de l'invention à l'employeur et en tenant compte des parts (« les apports initiaux ») respectivement prises par le salarié et par l'employeur dans le processus d'invention et des perspectives normalement attendues de l'invention à la date de son attribution à l'employeur au regard de son utilité industrielle et commerciale ; Attendu sur le premier point que le jugement rendu le 12 mai 1998 par le Tribunal de Grande Instance de Marseille a apprécié « l'apport initial » de Monsieur Francis X... dans l'invention ainsi qu'il suit : « il a été seul à l'origine de l'idée inventive qu'il a dû faire progresser dans un contexte professionnel d'abord hostile, si ce n'est indifférent » ; que l'arrêt de la Cour d'appel du 30 octobre 2002 souligne son rôle moteur dans l'élaboration de l'invention (il découvre l'intérêt de « l'utilisation de la mélasse comme liant, solution finalement adoptée dans le procédé breveté ») et mentionne qu'il « a par ses idées, ses initiatives personnelles, réellement participé à l'élaboration du brevet en dépit du fait qu'il n'avait aucune formation d'ingénieur » ; que l'expert Z..., pourtant critiqué par Monsieur Francis X..., relate dans son rapport d'expertise judiciaire que Monsieur Francis X... s'est heurté au scepticisme de la société SOLLAC qui « envisageait la destruction des boues par calcination » (cf. « au cours de l'année 1988, alors que Monsieur Francis X... progressait dans son invention, cette voie n'était pas reconnue comme valable par SOLLAC qui explorait deux autres procédés », « par tâtonnements successifs, Monsieur Francis X... a réussi à déterminer les éléments à ajouter aux boues grasses et à déterminer le pourcentage de chacun de ses éléments nécessaires à la mise au point de la technique de la fabrication... », « même une fois, le G.E. (groupement chargé d'étudier le "recyclage et la valorisation des boues grasses de laminoirs") créé, la société SOLLAC se désintéressait tellement de cette invention que c'est Monsieur Francis X... qui, à ses frais, en dehors de ses heures de travail rémunérées poursuivait avec l'aide des préposés de la société IMS-Somafer des essais à l'extérieur », « Monsieur Francis X... n'ayant pas la capacité technique pour rédiger lui-même les éléments permettant la prise de brevet, c'est Monsieur Serge Y... qui rédigea la note destinée au dépôt de brevet, le 31 mai 1991 ») ; que l'expert judiciaire conclut que Monsieur Francis X... « a été à l'origine du procédé mis en oeuvre par la société SOLLAC, il en a été le moteur » et « salue sa persévérance, car il n'a pas reçu pendant longtemps le moindre soutien de son employeur » ; qu'il doit être déduit des pièces du dossier et du rapport d'expertise judiciaire de Monsieur Z... que l'activité inventive de Monsieur Francis X... a été prépondérante dans l'invention qui a fait l'objet du brevet et qu'il a réussi à imposer ses vues malgré le scepticisme, voire l'hostilité initiale de la société SOLLAC ; que l'expert judiciaire, Monsieur Z... a finalement reconnu « les efforts et la persévérance de Monsieur Francis X... en vue de la mise au point d'un procédé utilisable industriellement, procédé qui a d'ailleurs été mis en oeuvre par son employeur, dans la forme que Monsieur Francis X... avait définie et non conformément aux caractéristiques protégées par le brevet » ; qu'il convient sur l'appréciation de l'expert judiciaire Z... concernant l'absence de « contribution inventive » de Monsieur Francis X... de se référer aux développements combattant l'appréciation de l'expert, contenus supra dans la motivation l'arrêt ; que le rôle de Monsieur Serge Y... s'est borné à mettre en forme les résultats de l'activité inventive de Monsieur Francis X... ; que selon l'expert Z... « alors que la société SOLLAC s'était désintéressée du procédé, face aux premiers résultats obtenus, elle commença à s'y intéresser en octobre 1990 » (alors que Monsieur Francis X..., convaincu de la justesse de son idée, « était passé aux essais pratiques dans son atelier, courant 1987 », toujours selon l'expert Z...) ; que l'expérimentation de l'idée inventive de Monsieur Francis X... ne pouvait à l'évidence être effectuée qu'avec le concours de la société SOLLAC par l'enfournement des boulets ou galettes compactées dans les convertisseurs d'aciérie pour l'affinage de l'acier, équipement industriel lourd de la société SOLLAC ; que l'apport initial de la société SOLLAC dans l'invention est donc très limité ; Attendu sur le second point que l'expert judiciaire A... indique que « la perspective normalement espérée au jour du dépôt du brevet était la consommation de 40.000 tonnes de boulets de boues grasses issues des laminoirs par an » ; qu'effectivement la société SOLLAC était confrontée au problème de leur recyclage et également à celui de « vider une partie de la lagune (de 20.000 m²) saturée (120.000 tonnes) » par les boues grasses issues des laminoirs ; que le procédé tel que décrit par Monsieur Francis X... a été effectivement mis en oeuvre par la société SOLLAC « pendant plus de 14 ans », jusqu'en 2006 sur son site industriel de Fos-sur-Mer pour, selon l'expert judiciaire, répondre « aussi et surtout à la nécessité de recycler les boues grasses issues des laminoirs » ; que cela a permis à la société SOLLAC de « limiter voire d'éviter d'autres coûts au niveau du traitement global de ses déchets et de suivre les évolutions requises par la législation environnementale », de plus en plus contraignante (la réglementation européenne et nationale interdisant finalement la mise en lagune des déchets industriels valorisables) ; que, de plus, l'expert A... note une substantielle économie liée au traitement par enfournement de boulets compactés à partir des boues de « flottateurs de coulée », boues qui étaient initialement calcinées et conclut qu'il « apparaît clairement que le coût du procédé de mise en boulets était estimé comme nettement moins onéreux que les deux autres méthodes », possiblement utilisables par calcination ou par conditionnement et stockage externe ; que l'expert observe que « la comparaison des coûts des trois procédés explique parfaitement le choix de la mise en oeuvre du procédé de mise en boulets en interne », soit le procédé inventé par Monsieur Francis X... (le coût de traitement des boues grasses issues des laminoirs par tonne étant respectivement : par calcination de -152 ¿ en 1994, par fabrication de boulets -inférieur à 100 ¿ jusqu'en 2004 et par enfouissement après traitement des hydrocarbures -« compris entre 108 et 528 ¿ » ; que l'expert chiffre à 128.375 le nombre de tonnes de boues grasses issues des laminoirs ou de flottateurs traités entre 1991 et 2006 ; que l'expert observe précisément que «face à ces solutions alternatives très onéreuses, (cf. il note « qu'il paraît évident que le traitement par calcination demeure aujourd'hui encore très onéreux et qu'il apparaît que la société SOLLAC n'avait pas d'autre choix que de tout mettre en oeuvre pour trouver un procédé de traitement en interne » ; que la société SOLLAC a, dès le dépôt du brevet, sollicité de la Commission des Communautés Européennes une aide pour la réalisation de l'installation de traitement (unité de compactage des boues) d'un coût chiffré à 12.625.000 francs en mettant en avant les « résultats très prometteurs, la diminution importante puis la suppression des stockages en lagunes et un coût beaucoup moins élevé : 25 à 30 écus la tonne au lieu de 150 à 200 écus pour un procédé de calcination et d'incinération » ; qu'il s'évince de tous ces éléments que les perspectives escomptées de l'invention qui a été aussitôt mise en oeuvre, étaient très intéressantes tant au plan économique qu'environnemental ; que l'utilité industrielle de l'invention pour la société SOLLAC était indéniable au moment où elle a levé l'option et sollicité la délivrance du brevet ; qu'en outre la mise en oeuvre du procédé mis au point principalement par Monsieur Francis X... s'est avérée fructueuse ; Attendu qu'en considération des deux critères développés ci-dessus, il y a lieu de fixer à 320.000 ¿ HT, le « juste prix » au sens de l'article L611-7 2 du code de la propriété intellectuelle, de l'invention à laquelle Monsieur Francis X... a pris une part prépondérante et qui a fait l'objet d'un brevet au bénéfice de la société SOLLAC ; (¿) Attendu que l'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ; que la S.A. ARCELLOR MITTAL France tenue aux dépens devra payer à Monsieur Francis X... une somme de 28.000 ¿ au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en cause d'appel » ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Par jugement en date du 10 septembre 1998, le présent tribunal a jugé que monsieur X... et monsieur Y... étaient les inventeurs de l'invention ayant donné lieu au dépôt d'une demande de brevet enregistrée sous le numéro 9114590 le 29 novembre 1991, a dit que pour monsieur Francis X... cette invention devait être qualifiée d'invention hors mission attribuable et qu'elle pouvait être attribuée à son employeur de l'époque, la SA SOLLAC ; en contrepartie de cette attribution, le même tribunal a dit que la SA SOLLAC devait verser à monsieur X... le juste prix de cette invention ; l'ensemble de ces dispositions a été confirmé par arrêt de la Cour d'appel en date du 30 octobre 2002 devenu définitif ; il résulte de ces deux décisions que la décision d'allouer à monsieur X... le juste prix correspondant à son invention est dotée de l'autorité de la chose jugée ; le droit de monsieur X... à percevoir une indemnité en application de l'article L611-7 du Code de la propriété intellectuelle ne peut en conséquence être aujourd'hui remis en question au motif que la brevetabilité de l'invention est contestable selon les experts chargés d'évaluer le montant de ladite indemnité. Le juste prix doit être fixé, conformément aux dispositions de l'article L611-7 2° du Code de la propriété intellectuelle en tenant compte d'une part des apports initiaux de l'employeur et du salarié, et d'autre part de l'utilité industrielle et commerciale de l'invention. Sur les apports initiaux de l'employeur et du salarié, le rapport d'expertise (pages 28 à 36) permet de constater que monsieur Y... a imaginé et mis au point le procédé de fabrication des boulets à partir des boues grasses de laminoirs entièrement seul, à ses frais, et sans aucun apport de son employeur, exception faite de la matière première à recycler ; ce n'est qu'en octobre 1990, alors que le procédé était mis au point, que selon les experts la société SOLLAC a commencé à s'intéresser à l'invention et a permis son expérimentation sur le site ; les considérations émises par les experts sur la brevetabilité de l'invention, dès lors que le procédé effectivement mis en place ne prévoyait pas comme le brevet la présence de minerai de fer et de scories, sont par ailleurs sans intérêt dans le cadre du présent jugement, le droit à un juste prix ayant été déjà reconnu par une décision définitive ; il sera en conséquence retenu que monsieur X..., avec l'aide formelle de monsieur Y..., a mis au point seul le procédé de traitement des boues grasses de laminoirs et que son employeur n'a aucunement participé à la phase d'élaboration de ce procédé. Le procédé inventé par monsieur X... a été utilisé exclusivement par son employeur, et sur un seul site, le site de FOS ; ce procédé n'a généré en conséquence aucun avantage commercial au bénéfice de la société SA SOLLAC ; le juste prix dû à monsieur X... doit en conséquence être fixé en fonction du seul avantage industriel généré par son procédé, Le rapport d'expertise permet de constater que le procédé mis au point par monsieur X... a permis en premier lieu le recyclage de boues de flottateur et une économie dans le traitement de celles-ci ; cette économie est chiffrée par l'expert pour l'année 1998 à la somme de 1.428.000 francs pour l'année 1998 (page 60). Surtout, le rapport d'expertise rappelle que le procédé de monsieur X... a permis entre 1991 et 2006, fin de son utilisation, le traitement de 128.375 tonnes de boues grasses de laminoir ; ce traitement a procuré à l'employeur une économie certaine ; il apparaît en effet des pièces telles qu'analysées par l'expert que dès 1994, la lagune de stockage retenant les boues grasses de laminoir était saturée et qu'en conséquence une solution d'élimination devait être trouvée ; il convient au demeurant de retenir que la société SOLLAC cherchait depuis plusieurs années une telle solution ; en conséquence, à supposer même que la rétention par lagunage était conforme à la législation en vigueur en 1994, il est certain que l'élimination des boues a généré une économie pour la société SOLLAC, celle ci devant soit construire une nouvelle zone d'épandage étanche, à supposer une telle solution possible, soit précéder à l'élimination des boues. L'expert et tenté de chiffrer l'économie réalisée en comparant le coût du procédé X..., 6.164 004 ¿, pour le traitement des 128.375 tonnes, au coût des autres procédés techniquement exploitables ; il retient un coût de 19 513 000 ¿ pour la calcination et un coût variant entre 13 864 ¿ et 67 782 ¿ pour le traitement par stockage externe ; ces coûts constituent manifestement des évaluations théoriques et il convient en outre de constater que le procédé X... n'est plus utilisé depuis 2006 en raison semble-t-il du renchérissement progressif de son coût ; il n'en demeure pas moins que le procédé de monsieur X... a permis durant des années à la société ARCELOR MITTAL d'éliminer les boues qui auraient dû être stockées dans une lagune saturée, et ce à un coût très largement inférieur aux autres procédés existant ; cet avantage industriel doit être qualifié de substantiel et au vu des chiffres figurant au rapport d'expertise, et notamment en ses pages 73 à 75, il convient de fixer le juste prix revenant de ce fait à l'inventeur à la somme de 70.000 ¿ ; cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la première demande formulée en justice ; en l'absence de production des conclusions initiales de monsieur X..., cette date sera fixée à la date de clôture des débats ayant donné lieu au jugement du 10 septembre 1998, soit le 18 décembre 1997. La société ARCELOR MITTAL succombant à procédure, elle devra verser à monsieur X... la somme de 4.000 ¿ par application de l'article 700 du Code de procédure civile » ;
1) ALORS QUE le juste prix est calculé en fonction des apports initiaux du salarié inventeur et de l'employeur, et en fonction de l'utilité industrielle et commerciale de l'invention ; qu'en l'espèce, monsieur X... s'est vu reconnaître la qualité d'inventeur « de l'invention ayant donné lieu, le 29 novembre 1991, au dépôt d'une demande de brevet, enregistrée sous le numéro 9114590 (¿), au dépôt d'une demande de brevet européen (n° 545766) en date du 20 novembre 1992 ainsi qu'à une demande de brevet canadien (n° 2083800), le 25 novembre 1992) ; que tel que le soulignait l'exposante (conclusions d'appel page 10 à 13), l'expert avait établi que la demande de brevet n° 9114590 mentionnant un taux de minerai de fer de 0 à 15 % devait se lire comme couvrant un mélange comprenant jusqu'à 15 % de ces substances sans qu'elles puissent être absentes, le texte des extensions étrangères ayant été précisés en ce sens, car un mélange ne comprenant pas ces éléments était connu et protégé antérieurement (rapport d'expertise page 41), et ne pouvait en conséquence être regardé comme une invention de monsieur X... devant donner lieu à l'attribution d'un juste prix ; qu'en jugeant cependant que l'invention devant faire l'objet du paiement d'un juste prix s'entendait d'un mélange ne comprenant pas nécessairement du minerai de fers et des scories, sans s'expliquer sur l'objet des demandes de brevet litigieuses au regard de ces éléments, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.611-7 du Code de la propriété intellectuelle ;
2) ALORS en outre QUE le juste prix est calculé en fonction des apports initiaux du salarié inventeur et de l'employeur, et de l'utilité industrielle et commerciale de l'invention ; qu'à ce titre, il convient de prendre en compte la brevetabilité des éléments apportés par le salarié ; qu'en l'espèce, il ressort du rapport d'expertise que la validité du brevet mentionnant monsieur X... comme coinventeur « est nécessairement liée à l'introduction de minerai de fer et de scories dans un mélange comprenant boues grasses, de la chaux et un liant » (rapport page 41) quand « l'apport de monsieur X... au regard de ce brevet est limité à la définition d'un mélange qui ne comprendrait que des boues grasses, de la chaux et un liant, mélange par ailleurs connu » (rapport page 41), un tel mélange étant antérieurement protégé notamment par un brevet japonais JP A-54 006 214 (rapport page 40) ; que dès lors, tel que le soulignait l'exposante en cause d'appel (conclusions page 13), si le brevet français et les extensions à l'étranger n'avaient porté que sur « l'idée inventive » de monsieur X..., il est établi que les brevets n'auraient jamais été délivrés ; qu'en omettant de prendre en compte cette circonstance pour déterminer le montant du juste prix et retenir que l'apport initial de monsieur X... était important, au contraire de celui, selon elle limité, de la société SOLLAC, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.611-7 du Code de la propriété intellectuelle ;
3) ALORS en tout état de cause QUE le juste prix est évalué au jour où l'employeur exerce son droit d'attribution ; qu'en l'espèce, l'exposante a exercé son droit d'attribution dès novembre 1991, date à laquelle elle a déposé une demande de brevet ; qu'en déterminant le montant du juste prix au regard de l'exploitation et des conséquences de cette exploitation faite, postérieurement à l'attribution, par l'exposante d'un procédé qui aurait, selon la Cour d'appel, correspondu à l'invention dont monsieur X... était coinventeur, la Cour d'appel a violé l'article L.611-7 du Code de la propriété intellectuelle ;
4) ALORS subsidiairement QU'en condamnant la société ARCELLOR MITTAL à payer à monsieur X... la somme de 320 000 euros avec intérêts aux taux légal à compter du 1er avril 1993 (date de la saisine de la commission nationale des inventions de salariés) sans aucunement motiver sa décision sur ce point, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.