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26/06/2013 | FRANCE | N°12-13366

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 26 juin 2013, 12-13366


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 19 juin 1979, Raymond X... et Mme Y..., mariés sous le régime de la séparation de biens, ont acquis en indivision, chacun pour moitié, un immeuble financé par un emprunt engageant solidairement les deux époux ; que, par jugement du 13 avril 1990, leur divorce a été prononcé ; que, par jugement du 29 janvier 1998, ont été ordonnés la liquidation et le partage de l'indivision existant entre eux sur cet immeuble, celui-ci étant attribué préférentiellement à

Raymond X... ; que l'expert commis pour évaluer ce bien a déposé son rappo...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 19 juin 1979, Raymond X... et Mme Y..., mariés sous le régime de la séparation de biens, ont acquis en indivision, chacun pour moitié, un immeuble financé par un emprunt engageant solidairement les deux époux ; que, par jugement du 13 avril 1990, leur divorce a été prononcé ; que, par jugement du 29 janvier 1998, ont été ordonnés la liquidation et le partage de l'indivision existant entre eux sur cet immeuble, celui-ci étant attribué préférentiellement à Raymond X... ; que l'expert commis pour évaluer ce bien a déposé son rapport le 27 mai 1999 ; que Raymond X... est décédé le 22 septembre 2002 en laissant son épouse, Mme Z..., et ses deux filles nées de sa première union, Mmes A... et Hernandez ; que ces dernières et leur mère ont assigné Mme Z... en partage ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu le principe de l'égalité dans les partages et l'article 832 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006, applicable en la cause ;
Attendu que, selon ce texte, les biens faisant l'objet d'une attribution préférentielle sont estimés à leur valeur au jour du partage et, sauf accord amiable entre les copartageants, la soulte éventuellement due est payable comptant ;
Attendu que, pour dire Mme Y... créancière de l'indivision successorale d'une somme de 11 667,90 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2010, l'arrêt fixe d'abord au 27 mai 1999 la valeur de l'immeuble indivis ainsi que la date de la jouissance divise, puis opère une compensation avec les sommes dont Mme Y... est jugée créancière de l'indivision au titre des indemnités d'occupation dues jusqu'à la même date et déduit les sommes dont Mme Y... est jugée débitrice au titre des remboursements d'emprunt, des charges de copropriété et des taxes foncières supportés par Raymond X... jusqu'à cette date ; qu'il retient, enfin, que la soulte a été exactement fixée à la date du jugement du 27 mai 2010 qui lui est déféré ;
Qu'en fixant ainsi la date de la jouissance divise sans avoir égard aux intérêts respectifs des copartageants, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le second moyen, pris en ses trois premières branches réunies qui sont recevables :
Vu l'article 214 du code civil ;
Attendu que, pour dire Mme Y... créancière de l'indivision successorale d'une somme de 11 667,90 euros, l'arrêt attaqué retient qu'elle doit à l'indivision la moitié du remboursement de l'emprunt contracté pour l'acquisition de l'immeuble jusqu'à la date de jouissance divise au motif qu'elle ne peut sans contradiction inférer du seul fait que le remboursement a pu être opéré d'un compte commun le caractère également commun dudit remboursement, tout en se prévalant par ailleurs du fait qu'elle n'avait aucune ressource ou revenu ayant abondé ce compte, qu'elle établit qu'elle a exercé pendant quelques années, de 1981 à 1986, des fonctions d'institutrice et qu'elle est associée depuis 1976 dans une société civile immobilière ayant pour objet social « l'acquisition, la gestion, l'administration et la location de divers biens et droits immobiliers dépendant d'un ensemble immobilier situé à Marseille », lesquels biens ont été vendus 1 500 000 euros en décembre 2007, ce dont il y a lieu de présumer qu'elle a tiré de ces fonctions et qualité des revenus pendant cette période de sorte qu'elle ne peut vouloir faire peser sur son seul ex-mari la charge du remboursement de l'emprunt au titre de la contribution de ce dernier aux charges du mariage ;
Qu'en se déterminant ainsi sans rechercher, d'une part, qu'elles étaient les facultés respectives des époux, et, d'autre part, comme elle y était invitée, si les revenus de l'épouse entre 1981 et 1986 n'avaient pas intégralement servi à contribuer aux charges du mariage, et sans constater qu'elle avait effectivement perçu un revenu de la société civile immobilière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la dernière branche du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit Mme Y... créancière de l'indivision successorale d'une somme de 11 667,09 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2010, l'arrêt rendu le 8 septembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Z... et la condamne à payer à Mmes Y..., A... et Hernandez une somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour Mme A... et autres
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la cour d'appel d'avoir dit que Mme Y... était, par suite du jeu de la compensation judiciaire, créancière de l'indivision successorale d'une somme de 11.667,09 ¿, avec intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2010 ;
AUX MOTIFS QUE le jugement du 29 janvier 1998 ayant attribué préférentiellement l'immeuble indivis à M. X..., ce dernier y ayant eu son domicile jusqu'à son décès, et ayant réglé seul depuis cette date jusqu'à son décès les diverses charges s'y rapportant, la jouissance divise est fixée à la date du dépôt du rapport d'expertise (le 27 mai 1999), à compter de laquelle les parties avaient en possession les données chiffrées du partage ; que la valeur vénale de l'immeuble indivis doit être fixée à la date de la jouissance divise, soit à la somme de 76.224,50 ¿, comme justement évaluée par l'expert à la date du dépôt de son rapport (évaluation qui n'est elle-même critiquée par aucune des parties) ; Mme Y... est donc à ce titre créancière de la succession d'une somme de 38.112,25 ¿ (76.224,50 : 2) ; que par jeu de la compensation judiciaire, Mme Y... est créancière de la succession d'une somme de 11.667,09 ¿ (43.172,57 + 38.112,25 ¿ 50.862,41 ¿ 12.488,53 ¿ 6.266,79), avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement déféré du 27 mai 2010, la soulte ayant été exactement fixée à cette date ;
ALORS QUE la jouissance divise doit être fixée à la date la plus proche possible du partage, sauf à ce qu'il soit dans l'intérêt des copartageants et de l'égalité de s'en écarter ; que dès lors, en fixant la date de la jouissance divise au 27 mai 1999, soit plus de 12 ans avant le prononcé du partage, aux seuls motifs que l'expert avait déposé son rapport à cette date et que les parties étaient donc en possession des données pour réaliser le partage, sans rechercher si cet écart était dans l'intérêt respectif des parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 832 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;
ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE sauf convention contraire, les intérêts légaux sont dus de plein droit sur la soulte à compter de la date de la jouissance divise ; que dès lors, en assortissant la créance de Mme Y..., à l'égard de la succession, des intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2010, motifs pris que la soulte n'avait été exactement fixée qu'à cette date, après avoir pourtant constaté que Mme Y... était créancière de la succession, au titre de la soulte, de la somme de 38.112,25 ¿, correspondant à la moitié du montant auquel l'expert avait fixé la valeur vénale de l'immeuble à la date de la jouissance divise, soit le 27 mai 1999, ce dont il résultait que le montant de la soulte pouvait être fixé dès cette date, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé l'article 1153 du code civil ensemble l'article 832 du même code, dans sa rédaction applicable à l'espèce.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la cour d'appel d'avoir dit que Mme Y... était, par suite du jeu de la compensation judiciaire, créancière de l'indivision successorale d'une somme de 11.667,09 ¿, avec intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2010 ;
AUX MOTIFS QUE Mme Y... estime qu'elle n'est pas débitrice envers l'indivision qu'elle constituait avec M. X..., au titre du remboursement des échéances du prêt contracté solidairement par eux deux pour l'acquisition de l'immeuble indivis, pour la période antérieure à l'ordonnance de non-conciliation (23 février 1987), aux motifs que le remboursement a été opéré à partir d'un compte commun aux deux époux, et qu'étant à l'époque sans ressource, il incombait à M. X... de l'assumer seul au titre de sa contribution aux charges du mariage ; mais elle ne peut, en premier lieu, sans contradiction, inférer du seul fait que le remboursement a pu être opéré d'un compte commun le caractère également commun dudit remboursement, tout en se prévalant par ailleurs du fait qu'elle n'avait aucune ressource ou revenu ayant abondé ce compte ; et en second lieu, n'étant pas loyale dans l'indication qu'elle donne de ce qu'elle n'aurait perçu aucun revenu pendant la période considérée, sans fournir aucune preuve de la consistance de ses revenus, alors que Mme X... établit qu'elle a exercé pendant quelques années (de 1981 à 1986) des fonctions d'institutrice dans un établissement privé, et qu'elle est associée depuis 1976 dans une SCI Rangoi ayant pour objet social « l'acquisition, la gestion, l'administration et la location de divers biens et droits immobiliers dépendants d'un ensemble immobilier situé à Marseille », lesquels biens ont été vendus 1.500.000 ¿ en décembre 2007, ce dont il y a lieu de présumer qu'elle a tiré de ces fonctions et qualité des revenus pendant cette période, elle ne peut vouloir faire peser sur son seul ex-mari la charge du remboursement de l'emprunt au titre de la contribution de ce dernier aux charges du mariage ; il s'ensuit qu'elle est redevable envers la succession de la moitié du remboursement de l'emprunt jusqu'à la date de jouissance divise (238 échéances jusqu'au 27 mai 1999), soit la somme de 50.862,41 ¿ ; il en va de même, pour les mêmes motifs, du remboursement des charges de copropriété et des taxes foncières, et Mme Y... est à ce titre redevable envers la succession, sur la base des éléments chiffrés fournis et justifiés à l'expert, d'une somme de 12.488,53 ¿(charges de copropriété), et de 6.266,79 ¿ (taxes foncières) ;
1°/ ALORS QUE les époux doivent contribuer aux charges du mariage à hauteur de leurs facultés respectives ; que dès lors, en déclarant Mme Y... redevable de la moitié du remboursement des échéances du prêt contracté pour l'acquisition de l'immeuble indivis, ainsi que de la moitié des charges et taxes afférentes à l'immeuble pendant la période antérieure à l'ordonnance de non conciliation, motif pris qu'elle avait tiré des revenus de ses fonctions d'institutrice exercées de 1981 à 1986 et de sa qualité d'associé d'une SCI depuis 1976, sans rechercher quelles étaient les facultés respectives des époux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 214 du code civil ;
2°/ ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE Mme Y... faisait valoir, dans ses conclusions d'appel (p. 14), que les revenus qu'elle avaient perçus entre 1981 et 1986 avaient intégralement servi à contribuer aux charges du mariage, de sorte qu'elle ne pouvait être tenue d'aucune somme au titre de l'appartement indivis ; que dès lors, en mettant à sa charge la moitié du remboursement des échéances de ce prêt et des charges et taxes afférentes à l'immeuble pendant la période antérieure à l'ordonnance de non-conciliation, au motif qu'elle avait tiré des revenus de ses fonctions d'institutrice exercées de 1981 à 1986, sans rechercher si elle n'avait pas, par ailleurs, contribué aux charges du mariage et dans quelles proportions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 214 du code civil ;
3°/ ALORS, EN OUTRE, QUE la qualité d'associé d'une société civile immobilière n'implique pas l'existence de revenus ; que dès lors, en se bornant à retenir, pour déclarer Mme Y... redevable de la moitié du remboursement des échéances du prêt contracté pour l'acquisition de l'immeuble indivis et de la moitié des charges et taxes afférentes à cet immeuble pendant toute la période comprise entre le 19 juin 1979, date d'achat de l'immeuble, et le 23 février 1987, date de l'ordonnance de non-conciliation, que, depuis 1976, elle était associée de la SCI Rangoi, propriétaire de biens ayant été vendus pour 1.500.000 ¿ en 2007, et que de 1981 à 1986, elle avait exercé des fonctions d'institutrice, sans constater qu'elle avait effectivement perçu un revenu de la SCI, à tout le moins en 1979 et 1980 et postérieurement à 1986, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 214 du code civil.
5°/ ALORS, ENFIN, QUE l'indivisaire qui jouit privativement de l'immeuble indivis doit supporter toutes les charges récupérables sur l'occupant, seules les charges non récupérables étant inscrites au passif de l'indivision et supportées par tous les coïndivisaires proportionnellement à leur quote-part ; que dès lors, en déclarant Mme Y... redevable envers la succession de la somme de 12.488,53 ¿ au titre notamment de l'ensemble des charges de copropriété payées entre le prononcé de l'ordonnance de non-conciliation et la date de jouissance divise, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si ces charges ne devaient pas être, en partie au moins, supportées par M. X..., dans la mesure où il occupait privativement l'immeuble depuis l'ordonnance de non-conciliation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 815-10 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12-13366
Date de la décision : 26/06/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

MARIAGE - Devoirs et droits respectifs des époux - Contribution aux charges du mariage - Obligation - Exécution - Modalités - Remboursement de l'emprunt finançant l'acquisition d'un immeuble - Preuve - Constatations nécessaires

REGIMES MATRIMONIAUX - Régimes conventionnels - Séparation de biens - Contribution aux charges du mariage - Exécution - Modalités - Remboursement de l'emprunt finançant l'acquisition d'un immeuble - Preuve - Constatations nécessaires

Prive sa décision de base légale la cour d'appel qui, pour déterminer si le remboursement de l'emprunt ayant permis aux époux d'acquérir un immeuble a été effectué par le mari au titre de sa contribution aux charges du mariage, ne recherche pas les facultés respectives des époux ni, alors qu'elle y était invitée, si les revenus de l'épouse n'avaient pas intégralement servi à contribuer aux charges du mariage


Références :

Sur le numéro 1 : principe de l'égalité dans les partages

article 832 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006
Sur le numéro 2 : article 214 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 08 septembre 2011

Sur le n° 1 : Sur la détermination de la date d'évaluation des biens faisant l'objet d'une attribution préférentielle, à rapprocher : 1re Civ., 7 juin 2006, pourvoi n° 03-18807, Bull. 2006, I, n° 293 (1) (cassation partielle)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 26 jui. 2013, pourvoi n°12-13366, Bull. civ. 2013, I, n° 140
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2013, I, n° 140

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : Mme Petit (premier avocat général)
Rapporteur ?: M. Savatier
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.13366
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