La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/06/2013 | FRANCE | N°12-84790

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 juin 2013, 12-84790


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Dieudonné X...,

- L'association SOS Racisme, parties civiles,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de TOULOUSE, en date du 7 juin 2012, qui, dans la procédure suivie contre MM. Clément Z...et Thierry A...des chefs de violences aggravées, a confirmé l'ordonnance de disqualification et de renvoi devant le tribunal correctionnel rendue par le juge d'instruction ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mÃ

©moire commun aux demandeurs et les observations complémentaires produits ;
Sur ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Dieudonné X...,

- L'association SOS Racisme, parties civiles,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de TOULOUSE, en date du 7 juin 2012, qui, dans la procédure suivie contre MM. Clément Z...et Thierry A...des chefs de violences aggravées, a confirmé l'ordonnance de disqualification et de renvoi devant le tribunal correctionnel rendue par le juge d'instruction ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire commun aux demandeurs et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 132-10, 132-76, 222-12, 5° bis, alinéa 8 et alinéa 14, du code pénal, 591, 593 du code de procédure pénale, violation de la loi, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué disqualifiant les faits commis par M. Z...et M. A...de violences volontaires ayant entraîné une ITT supérieure à huit jours et une infirmité, en réunion et en raison de la race au préjudice de M. X...a prononcé le renvoi devant le tribunal correctionnel et non devant la cour d'assises, statuant de la sorte de manière définitive sur la compétence des juridictions de jugement ainsi que le prévoit l'article 469 du code de procédure pénale ;
" aux motifs propres qu'il n'y a pas lieu de répondre aux moyens soulevés par la partie civile concernant l'infirmité dont serait atteint M. X...et qui serait liée aux coups reçus, la cour n'étant pas saisie, l'appel portant uniquement sur l'abandon par le juge d'instruction dans son ordonnance de renvoi de la circonstance aggravante de l'article 222-12, alinéa 5 bis ; que M. X...et M. C...ont constamment soutenu que M. Z...avait tenu des propos racistes avant la première agression commise sur le trottoir, M. X...précisant dans ses auditions les propos que M. Z...avaient tenus « je n'avais pas à vivre en France, que je devais rentrer dans mon pays de merde, ¿ etc. » ; que, certes, aucun autre témoin dans le bar n'aurait entendu ces propos mais les témoins entendus lors de l'enquête préliminaire sont M. de D...qui est intervenu à l'extérieur pour faire cesser les coups et qui n'a pas assisté à la première altercation, même si le patron du bar, M. E...qui soutient qu'il lui avait demandé d'intervenir pour calmer M. Z...; que M. E...pour sa part connaît bien M. Z..., qu'il ne fait pas état de propos racistes, même s'il précise que ce dernier était très excité et voulait en découdre, mais il indique également qu'il n y aurait jamais eu d'incident avec lui, alors même que la précédente condamnation de M. Z...pour violence avec usage ou menace d'une arme en date du 4 septembre 2008 s'était déroulée précisément dans son bar ; que dès lors son témoignage doit être pris avec toutes les précautions nécessaires ; que, par ailleurs, M. C...indique dans sa plainte qu'un des agresseurs avait dit à son ami « qu'est-ce que tu fais en France, tu te permets tout en France, alors qu'en Afrique nous on se fait agresser » ; qu'à l'évidence, M. C...qui ne connaît ni M. Z...ni M. A...ne pouvait connaître le passé militaire de ces derniers, ni le fait qu'effectivement M. Z...ait séjourné en Afrique ; que, par ailleurs, les propos racistes sont également rapportés par deux témoins M. et Mme F...qui rapportent avoir vu M. X...se faire frapper dans la ruelle alors qu'il était à terre et avoir entendu proférer les termes « tiens sale nègre » ; que néanmoins, l'article 222-12, alinéa 5 bis, précise que les violences doivent avoir été commises à raison de l'appartenance de la victime à une race, une nation déterminée ; qu'en l'espèce, il résulte de l'information que M. Z...et M. A...manifestement avinés voulaient en découdre avec quelqu'un, que la plupart des clients du bar étaient ce soir-là des connaissances, que dès lors qu'ils ont manifestement cherché querelle aux parties civiles sans que l'on puisse établir qu'ils se soient déterminés en raison de la couleur de peau de M. X...; qu'en effet, M. Z...a frappé en premier et, dans un premier temps, exclusivement M. C..., qui est blanc ; que dans les propos que ce dernier rapporte à son égard il ne lui a pas été reproché d'être ami avec un noir, mais simplement de ne pas connaître l'Afrique, dans une audition ultérieure, M. C...précise qu'il ne réagissait pas aux provocations de M. Z...et que ce dernier lui a, alors, donné un coup d'une très grande violence ; que dès lors, si des insultes à caractère racial ont été proférées, elles l'ont été à l'occasion des violences, mais il n'y a pas d'éléments objectifs suffisants pour démontrer que M. X...a subi des violences à raison de sa couleur de peau ;
" et aux motifs adoptés que certes, aux dénonciations concordantes des deux victimes s'agissant des propos à caractère raciste qu'aurait tenus M. Z...s'ajoutent les déclarations de Mme F...; que néanmoins, la position constante des deux mises en examen qui nient avoir tenu et entendu des propos racistes, les nombreux témoignages de personnes de leur entourage attestant ne jamais les avoir entendus tenir de tels propos et l'impossibilité pour Mme F...de déterminer l'auteur des propos qu'elle dit avoir entendus conduisent à remettre en question l'existence d'un motif raciste des faits ;
" 1°) alors que la partie civile peut interjeter appel des ordonnances prévues par le premier alinéa de l'article 179 du code de procédure pénale dans le cas où elles estiment que les faits renvoyés devant le tribunal correctionnel constituent un crime qui aurait dû faire l'objet d'une ordonnance de mise en accusation devant la cour d'assises ; qu'il résulte des pièces de la procédure qu'à l'issue d'une information ouverte pour violences volontaires ayant entraîné une ITT supérieure à huit jours, en réunion et en raison de la race au préjudice en état de récidive légale s'agissant d'un des mis en examen, le juge d'instruction a renvoyé les mis en examen devant le tribunal correctionnel sous la prévention de violences volontaires ayant entraîné une ITT de dix jours sur les personnes de M. X...et M. C..., avec les circonstances que les faits ont été commis en réunion et en état de récidive légale pour M. Z..., mais sans retenir la circonstance aggravante selon laquelle les faits avaient été commis en raison de la race au préjudice de M. X...; que les parties civiles ont déclaré interjeter appel « limité à la disqualification opérée (abandon du caractère racial) » ; qu'il s'en déduisait que les parties civiles entendaient contester la disqualification et donc, nécessairement, la compétence de la juridiction devant statuer sur des faits pouvant être qualifiés de crime ; que pour refuser d'examiner le point de savoir si l'une des parties civiles avait subi une infirmité permanente, dont la constatation était susceptible d'entraîner une requalification des faits en crime, la chambre de l'instruction a considéré qu'elle n'était pas saisie de cette question, l'appel portant uniquement sur l'abandon par le juge d'instruction dans son ordonnance de renvoi de la circonstance aggravante de l'article 222-12, alinéa 5 bis, du code pénal ; qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 2°) alors que constitue une circonstance aggravante du délit de violences volontaires la circonstance qu'elles ont été causées en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction a constaté qu'il existait des charges suffisantes contre M. Z...d'avoir commis des violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huis jours, en réunion, en récidive légale et, qu'il était, comme M. A...« manifestement aviné » lors de la commission de l'infraction ; qu'en renvoyant l'affaire devant le tribunal correctionnel, sans prendre en compte l'état d'ivresse manifeste des mis en examen comme circonstance aggravante justifiant, s'agissant de M. Z..., sa mise en accusation, la chambre de l'instruction n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations ;
" 3°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction a constaté qu'il était établi qu'avant de frapper M. X...et M. C..., M. Z...avait dit à M. X...(« Qu'est-ce que tu fais en France, tu te permets tout en France alors qu'en Afrique, nous on se fait agresser » et « Tu n'as pas à vivre en France, tu dois retourner dans ton pays de merde ») ; qu'elle a également constaté que M. X...s'était encore fait frapper dans la ruelle alors qu'il était à terre et traiter en même temps de « sale nègre » ; qu'en retenant, néanmoins, qu'il n'existait pas d'éléments objectifs suffisants pour démontrer que M. X...avait subi des violences à raison de sa couleur de peau, aux motifs inopérants que M. C..., qui est blanc, avait aussi fait l'objet de violences, la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'une contradiction de motifs " ;
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 20 septembre 2009, MM. Z...et A...ont commis des violences volontaires entraînant une incapacité de travail supérieure à huit jours sur la personne de M. X...; que le juge d'instruction, après avoir mis en examen MM. Z...et A...pour violences aggravées, notamment en raison de l'appartenance de M. X...à une race déterminée au sens de l'article 222-12, 5° bis, du code pénal, a rendu une ordonnance les renvoyant devant le tribunal correctionnel sans retenir cette circonstance aggravante ; que M. X..., partie civile, a relevé appel de cette décision ;
Attendu que dans son mémoire déposé devant la chambre de l'instruction, M. X..., qui avait limité son recours à la disqualification opérée, a fait valoir que les violences commises lui avaient finalement causé une " infirmité permanente de 2 % ", et que l'infraction commise revêtait ainsi un caractère criminel ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance entreprise, l'arrêt retient que l'appel formé est strictement limité à la décision d'abandonner, dans l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction, la circonstance aggravante définie à l'article 222-12, 5° bis, du code pénal ;
Attendu qu'en cet état, la chambre de l'instruction, qui n'était pas saisie d'un appel formé en application de l'article 186-3 du code de procédure pénale, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche :
Vu les articles 222-12, 5° bis, et 132-76, 2ème alinéa, du code pénal ;
Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que la circonstance aggravante visée au 5° bis de l'article 222-12 du code pénal est constituée lorsque l'infraction est précédée, accompagnée ou suivie de propos, écrits, images, objets ou actes de toute nature portant atteinte à l'honneur ou à la considération de la victime ou d'un groupe de personnes dont fait partie la victime à raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ;
Attendu qu'après avoir retenu que MM. Z...et A...avaient proféré des insultes à caractère raciste à l'occasion des violences commises, l'arrêt énonce que la circonstance aggravante de l'article 222-12, 5° bis, du code pénal, n'a pas lieu d'être relevée, à défaut d'éléments objectifs suffisants pour démontrer que la victime a subi des violences à raison de la couleur de sa peau ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'elle avait constaté l'existence de propos racistes tenus par les personnes mises en examen avant et pendant les violences, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse, en date du 7 juin 2012, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Barbier conseiller rapporteur, Mme Guirimand, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 12-84790
Date de la décision : 25/06/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ATTEINTE A L'INTEGRITE PHYSIQUE OU PSYCHIQUE DE LA PERSONNE - Atteinte volontaire à l'intégrité de la personne - Violences - Circonstances aggravantes - Appartenance ou non-appartenance de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée - Constitution - Infraction précédée, accompagnée ou suivie de propos, écrits, utilisation d'images, d'objets ou d'actes portant atteinte à l'honneur ou à la considération de la victime - Conditions - Détermination - Portée

Il résulte de l'article 132-76, alinéa 2, du code pénal, que la circonstance aggravante visée au 5° bis de l'article 222-12 du code pénal est constituée lorsque les violences incriminées par 'article 222-11 du même code sont précédées, accompagnées ou suivies de propos, écrits, images, objets ou actes de toute nature portant atteinte à l'honneur ou à la considération de la victime ou d'un groupe de personnes dont fait partie la victime à raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. Encourt en conséquence la cassation l'arrêt d'une chambre de l'instruction, saisie de poursuites exercées sur le fondement des articles 222-11 et 222-12, 5° bis, du code pénal, qui écarte la circonstance aggravante prévue par ce dernier texte au motif que manqueraient des éléments objectifs démontrant que la victime a subi des violences à raison de la couleur de sa peau, alors que cette juridiction a constaté que des propos racistes ont été tenus par les personnes mises en examen avant et pendant les violences


Références :

article 132-16, alinéa 2, du code pénal

article 122-12, 5°, du code pénal

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse, 07 juin 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 25 jui. 2013, pourvoi n°12-84790, Bull. crim. criminel 2013, n° 152
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2013, n° 152

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : Mme Caby
Rapporteur ?: M. Barbier
Avocat(s) : SCP Monod et Colin

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.84790
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award