LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches, qui sont recevables :
Vu le principe « fraus omnia corrumpit » et les articles R. 351-34 et R. 351-57 du code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que la date d'entrée en jouissance d'une pension de retraite ne peut être antérieure à la date du dépôt d'une demande dans les formes et avec les justifications déterminées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que le 1er mai 2007, la caisse régionale d'assurance maladie Languedoc-Roussillon, devenue la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Languedoc-Roussillon (la caisse) a procédé à la liquidation d'une pension de retraite au nom de Saïd X... au titre de l'inaptitude au travail sur justification d'une durée d'assurance au régime général de la sécurité sociale de cent vingt-huit trimestres ; qu'il est ensuite apparu que Saïd X..., qui avait vécu et travaillé en France, était décédé en Algérie en 1978 et que son frère Abdelkader, usurpant son identité, s'était installé en France où il avait exercé une activité professionnelle à compter de 1979 ; que la caisse ayant annulé le titre de pension par décision du 15 décembre 2009, M. Abdelkader X... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que pour accueillir ce recours, dire que les droits à pension de retraite de M. Abdelkader X... doivent être rétablis compte tenu des cotisations qu'il justifie avoir personnellement versées à partir du 1er janvier 1979 et enjoindre à la caisse, sous astreinte, d'examiner le dossier de l'intéressé et de le rétablir dans ses droits à pension, l'arrêt retient que l'activité salariée qui a donné lieu au versement des cotisations à compter du 1er janvier 1979 correspond au travail effectué par M. Abdelkader X... et lui ouvre des droits à une pension de vieillesse ; que les différents relevés de situation permettent de rétablir la carrière professionnelle de l'intéressé en la distinguant de celle de son frère qui a nécessairement pris fin à son décès le 17 mai 1978 ; qu'informée de ce décès le 1er décembre 2009 par les autorités algériennes, au cours d'une enquête préalable à l'engagement d'une procédure pénale ayant abouti à la condamnation de M. Abdelkader X... par le tribunal correctionnel, la caisse n'a pas tenu compte de cette information qui lui permettait de reconstituer les droits personnels de l'intéressé ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que M. Abdelkader X... n'avait jamais demandé la liquidation de ses droits à pension de retraite sous sa véritable identité dans les formes prescrites par le règlement et que le titre de pension au nom de Saïd X... avait été obtenu par fraude, ce dont il résulte qu'il ne pouvait plus produire d'effet, la cour d'appel a violé le principe et les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne M. Abdelkader X... aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Languedoc-Roussillon.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR annulé la décision de la commission de recours amiable en date du 6 septembre 2010 rejetant le recours de monsieur Abdelkader X... à l'encontre de la décision de la CARSAT du LANGUEDOC-ROUSSILLON en date du 15 décembre 2009 mettant à néant l'attribution de la pension de retraite à effet du 1er décembre 2009, d'AVOIR dit et jugé que les droits à pension de retraite de monsieur Abdelkader X... doivent être rétablis compte tenu des cotisations qu'il justifie avoir personnellement versées à compter du 1er janvier 1979, d'AVOIR enjoint à la CARSAT du LANGUEDOC-ROUSSILLON d'avoir à examiner le dossier de monsieur Abdelkader X... et à rétablir ses droits à pension à compter du 1er janvier 1979 dans le délai de deux mois courant à compter de la signification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration dudit délai pendant deux mois, après quoi il serait de nouveau statué sur l'astreinte, et d'AVOIR condamné la CARSAT du LANGUEDOC-ROUSSILLON à payer à monsieur Abdelkader X... la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QU' « il ressort des pièces produites aux débats qu'après le décès de Saïd X... en Algérie le 17 mai 1978, il est justifié d'une activité salariée avec versement des cotisations à la Caisse de retraite à compter du 1er janvier 1979 ; cette activité, qui correspond au travail effectué personnellement par M. Abdelkader X..., doit donner lieu à son profit à l'ouverture des droits à pension de retraite correspondants ; les différents relevés de situation émanant de la CRAMLR, de la CGIS, de la CRAM du LANGUEDOC-ROUSSILLON et de PROB BTP permettent en effet de rétablir la carrière personnelle de l'intéressé en la distinguant de celle de son frère ayant nécessairement pris fin avec son décès le 17 mai 1978, sans difficulté ni prorata à envisager, dans la mesure où aucune activité ni cotisations n'ont été prises en compte pour l'année 1978 qui n'est d'ailleurs pas revendiquée par l'appelant ; selon un compte rendu de la Direction Adjointe Retraite et Données Sociales daté du 1er décembre 2009, dans le cadre d'une enquête pour présomption d'usurpation d'identité qui a été suivie d'une procédure et d'une condamnation de M. Abdelkader X... par la juridiction correctionnelle, la Caisse a interrogé le Consulat d'Algérie qui lui a confirmé le décès de M. Saïd X... au mois de mai 1978 et lui a suggéré de retirer de la carrière « du vivant » tous les reports précédant 1979 qui sont sensés appartenir au décédé et de remettre rapidement la retraite en paiement ; la Caisse, quoique clairement informée de la situation dès cette époque, n'a pas tenu compte de ces informations lui permettant de reconstituer les droits personnels de M. Abdelkader X... à compter du 1er janvier 1970, a ramené à zéro la pension de retraite le 15 décembre 2009, mise à néant confirmée par la commission de recours amiable le 6 septembre 2010, décisions à juste titre critiquées par l'appelant » ;
1°) ALORS QUE, lorsqu'une pension de retraite est perçue par un assuré social ayant usurpé l'identité d'un autre sujet de droit, la Caisse non seulement est en droit de suspendre le service de la prestation mais n'a pas l'obligation de rétablir les droits de l'assuré usurpateur en le substituant à l'assuré usurpé même si elle dispose des éléments lui permettant de reconstituer sa propre carrière ; que seul le dépôt d'une nouvelle demande dans les formes et avec les justifications déterminées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale saisit valablement la Caisse et fait naître l'obligation d'examiner son dossier ; qu'en l'espèce, il a été constaté que monsieur Abdelkader X... avait usurpé l'identité de son frère Saïd X..., décédé le 17 mai 1978, et, sous cette fausse identité, avait bénéficié d'une pension de retraite à compter du 1er mai 2007 ; qu'en considérant que la Caisse victime de cette fraude ne pouvait mettre à néant l'attribution de la pension de retraite et, sans même attendre que monsieur Abdelkader X... ait déposé une nouvelle demande dans les formes règlementaires, devait rétablir ses droits à la retraite, cela revenant à poursuivre le traitement du dossier sur le fondement d'une procédure foncièrement irrégulière, la Cour d'appel a violé les articles R. 351-34 et R. 351-37 du Code de la sécurité sociale ;
2°) ALORS en tout état de cause QUE la fraude corrompt tout et fait exception à toutes les règles ; qu'en conséquence, le titulaire d'une pension obtenue par fraude, par usurpation d'identité, ne peut bénéficier du maintien en son principe de la pension liquidée dans ces conditions ni obtenir de la Caisse qu'elle examine, hors demande distincte dans les formes requises, et donc en vertu d'un droit distinct, ses propres droits à pension de retraite aux fins de rétablissement ; qu'en décidant que la Caisse devait substituer d'office monsieur Abdelkader X... à son frère Saïd, dont il avait frauduleusement usurpé l'identité, pour obtenir une pension de retraite, la Cour d'appel a méconnu le principe fraus omnia corrumpit ;
3°) ALORS QU'une pension ne peut être servie tant que la personne titulaire n'a pas été identifiée et immatriculée et qu'ainsi les cotisations précomptées par l'employeur ont été reportées sous le numéro individuel d'identification correspondant à cet assuré ; qu'en outre, pour pouvoir être affilié et immatriculé avec attribution d'un numéro d'inscription au répertoire (NIR), l'intéressé ressortissant d'un autre Etat doit justifier de son identité en produisant des actes d'état civil du pays d'origine ; qu'en retenant que la Caisse victime de la fraude ne pouvait mettre à néant l'attribution de la pension de retraite et devait rétablir ses droits à la retraite sans même constater que ce dernier avait été à même de justifier de son identité, de sa filiation et de la régularité de son séjour permettant ainsi à la Caisse de procéder à son affiliation et à sa demande d'immatriculation afin de pouvoir, ensuite, rattacher à son identifiant les trimestres cotisés, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1983 du Code civil et L. 115-6 du Code de la sécurité sociale.