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19/06/2013 | FRANCE | N°12-18979

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 19 juin 2013, 12-18979


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 29 février 2012), que la société France télécom a, sur le fondement de la voie de fait, saisi les juridictions de l'ordre judiciaire aux fins de voir ordonner le retrait des câbles et fibres optiques installés par le Syndicat intercommunal d'énergie et de e-communication de l'Ain (SIEA) dans les chambres de tirage et fourreaux lui appartenant, situés sur le territoire des communes de Versonnex et Billiat, et en réparation de son préjudic

e ; que le SIEA a sollicité qu'il soit sursis à statuer jusqu'à ce que ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 29 février 2012), que la société France télécom a, sur le fondement de la voie de fait, saisi les juridictions de l'ordre judiciaire aux fins de voir ordonner le retrait des câbles et fibres optiques installés par le Syndicat intercommunal d'énergie et de e-communication de l'Ain (SIEA) dans les chambres de tirage et fourreaux lui appartenant, situés sur le territoire des communes de Versonnex et Billiat, et en réparation de son préjudice ; que le SIEA a sollicité qu'il soit sursis à statuer jusqu'à ce que soit tranchée par la juridiction administrative la question préjudicielle de la légalité des conventions conclues entre ces deux communes et la société France télécom et ayant transféré à cette dernière la propriété des infrastructures litigieuses, dépendant, selon lui, du domaine public communal ;
Attendu que le SIEA fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de question préjudicielle et de sursis à statuer et d'accueillir les prétentions de la société France télécom, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge judiciaire doit surseoir à statuer et poser une question préjudicielle lorsqu'une difficulté sérieuse relative à la légalité d'un acte administratif lui est posée ; que le domaine public est incessible et imprescriptible, de sorte qu'une convention portant cession d'une de ses dépendances est en principe illégale ; qu'en se bornant à relever que la société France télécom se fondait sur des conventions lui transférant la propriété des infrastructures litigieuses, sans se prononcer sur la question de savoir si l'appréciation de la légalité de ces conventions devait être renvoyée au juge administratif, dès lors qu'il était soutenu qu'elles emportaient cession du domaine public, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 49 et 378 du code de procédure civile et L. 1311-1 du code général des collectivités territoriales ;
2°/ que la sortie du domaine public est possible par un acte de déclassement ; qu'en se référant, sans plus de précision, au fait que les conventions avaient fait l'objet d'une délibération du conseil municipal, sans donner la moindre précision sur leur objet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 49 et 378 du code de procédure civile et L. 1311-1 du code général des collectivités territoriales ;
3°/ qu'il résulte des constatations des juges du fond que le litige portait sur le passage du réseau mis en place par le SIEA dans des chambres de tirages et fourreaux, et donc sur la légalité des conventions ayant cédé la propriété de ces derniers à la société France télécom ; qu'en se fondant exclusivement sur la propriété des lignes aériennes par l'Etat, puis sur leur transfert à l'établissement public France télécom et ensuite à la société du même nom, sans montrer en quoi la propriété des installations aériennes par l'Etat pouvait avoir une quelconque influence sur l'appartenance au domaine public des communes des installations souterraines distinctes constituées par les chambres de tirage et les fourreaux litigieux, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 49 et 378 du code de procédure civile et L. 1311-1 du code général des collectivités territoriales ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'article 1er de la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 avait transféré à la société France télécom, après déclassement, l'ensemble des biens immobiliers, incluant les lignes aériennes, de l'ancien établissement public éponyme, la cour d'appel a, par motifs adoptés, retenu, d'une part, que les conventions conclues antérieurement à la publication du décret d'application du 30 mai 1997 ne pouvaient remettre en cause la propriété des infrastructures de télécommunications et, d'autre part, que les conventions conclues postérieurement à cette date, qui ne portaient que sur des travaux d'enfouissement de lignes aériennes intégrées dans le patrimoine de la société France télécom, étaient sans effet sur la propriété de ces infrastructures ; qu'elle en a déduit que la question de la légalité de ces conventions n'était pas nécessaire à la solution du litige, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de saisir par voie préjudicielle la juridiction administrative ; que par ces seuls motifs, et abstraction faite de ceux critiqués par les première et deuxième branches du moyen, elle a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le Syndicat intercommunal d'énergie et de e-communication de l'Ain aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour le Syndicat intercommunal d'énergie et de e-communication de l'Ain.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, confirmant le jugement entrepris, rejeté les demandes de question préjudicielle et de sursis à statuer, dit que la société FRANCE TELECOM était propriétaire des chambres de tirage situées à Versonnex et à Billiat, que le SIEA avait implanté sans droit ni titre ses câbles et fibres optiques dans ces chambres de tirage, d'avoir condamné le SIEA à retirer ses câbles et fibres optiques sous astreinte et à payer la société FRANCE TELECOM une somme de 24.845,38 € et d'avoir autorisé la société FRANCE TELECOM à faire procéder, passé un délai, à l'enlèvement des infrastructures de génie civil occupées par le SIEA aux frais de celui-ci ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE vu les dispositions des articles 49 et 378 du code de procédure civile, la décision premier juge doit être confirmée en ce qu'elle retient que la difficulté n'a pas de caractère sérieux et qu'elle ne porte pas sur une question nécessaire au litige. En effet, comme l'expose, à bon droit, dans ses dernières écritures, la SA France Télécom, elle établit bien que les conventions conclues entre elle et les deux communes, lui transfèrent la propriété des infrastructures en cause ; les ouvrages sont rétrocédés en toute propriété à France Télécom lors des travaux de l'enfouissement des réseaux de télécommunications. Les conventions citées dans les conclusions emploient les termes suivants :
1 - sera intégré au patrimoine de France Télécom,2 - sera transféré dans le patrimoine de France Télécom,3 - sera rétrocédé en toute propriété à France Télécom,Et ces conventions font l'objet de délibération du conseil municipal. La cour en conclut, après avoir lu les pièces de preuve apportées au débat et évoquées pages 12 à 17 des conclusions du 30 novembre 2011 que France Télécom est bien propriétaire en titre des infrastructures et que le SIEA ne peut lui opposer aucun titre autre et sérieux, de sorte que la question ne fait aucune difficulté et ne nécessite aucun sursis à statuer, sans avoir à entrer dans le détail de l'argumentation de l'appelant qui ne revendique aucune propriété sur les infrastructures qu'il a utilisées, sans avoir au préalable, sollicité une autorisation. Le jugement qui doit être confirmé en ce qui concerne la question préjudicielle.
Vu l'article 122 du code de procédure civile, France Télécom qui est propriétaire de bonne foi des installations par l'effet des conventions conclues avec les communes et qui en assume la responsabilité, a un intérêt légitime et certain à agir contre toute personne qui vient troubler, sans autorisation, sa propriété et sa possession ; ce qui est le cas en l'espèce, eu égard aux éléments de preuve donnée dans la procédure d'appel. La pièce 41 de France Télécom démontre comme le constat de l'huissier Legrand, en date du 20 mai 2010 que les droits de France Télécom sont atteints par les agissements du SIEA. D'autre part, l'action qui est recevable, est fondée en ce que France Télécom subit bien atteinte à ses droits du fait d'une occupation sans droit. Le préjudice qui naît de cette atteinte est direct, certain et personnel à la SA France Télécom et les premiers juges ont fait une exacte appréciation de l'étendue de ce préjudice que cour adopte, de sorte qu'il convient de confirmer la décision en son entier ;
ALORS D'UNE PART QUE le juge judiciaire doit surseoir à statuer et poser une question préjudicielle lorsqu'une difficulté sérieuse relative à la légalité d'un acte administratif lui est posée ; que le domaine public est incessible et imprescriptible, de sorte qu'une convention portant cession d'une de ses dépendances est en principe illégale ; qu'en se bornant à relever que la société FRANCE TELECOM se fondait sur des conventions lui transférant la propriété des infrastructures litigieuses, sans se prononcer sur la question de savoir si l'appréciation de la légalité de ces conventions devait être renvoyée au juge administratif, dès lors qu'il était soutenu qu'elles emportaient cession du domaine public, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 49 et 378 du code de procédure civile et L 1311-1 du code général des collectivités territoriales ;
ALORS D'AUTRE PART QUE la sortie du domaine public est possible par un acte de déclassement ; qu'en se référant, sans plus de précision, au fait que les conventions avaient fait l'objet d'une délibération du conseil municipal, sans donner la moindre précision sur leur objet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 49 et 378 du code de procédure civile et L 1311-1 du code général des collectivités territoriales ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les communes de Versonnex et Billiat ont signé des conventions de partenariat avec la société FRANCE TELECOM pour la construction d'ouvrages de génie civil pour la dissimulation des lignes de télécommunication, après l'extension de ses compétences en matière de communication électronique, le SIEA a décidé le 6 octobre 2006 de développer un réseau de communication électronique en créant une infrastructure pour le très haut débit (…) il a commencé à déployer ce réseau à partir des ouvrages de génie civil (chambres de tirage et fourreaux) enterrés sur les communes de Versonnex et de Billait ; en 2008 la société FRANCE TELECOM a mis en demeure le SIEA d'enlever les câbles installés dans les chambres de tirage et fourreaux situés dans ces deux communes (…) la question préjudicielle concerne la validité des contrats conclus avec deux communes qui insèrent une stipulation reconnaissant la propriété des infrastructures à la société FRANCE TELECOM ; or, les conditions demandées ne sont pas réunies car cette question n'est pas de nature à permettre la résolution du litige ; en effet, la propriété de la société FRANCE TELECOM ne souffre aucune discussion sans qu'il soit nécessaire des statuer sur la validité des conventions ; il n'est pas contesté qu'à l'origine, toutes les installations étaient aériennes et existantes bien avant 1996 tant pour Versonnex que pour Billiat ; en cette qualité, elles ne pouvaient qu'être la propriété de France Télécom créée sous la forme d'un établissement public par la loi du 2 juillet 1990 ; l'article 23 lui a transféré de plein droit et en pleine propriété l'ensemble des biens immobiliers, incluant les lignes aériennes, et mobiliers du domaine public ou privé de l'Etat attachés aux services relevant de la direction générale des télécommunications. France Télécom a ensuite été transformée en SA par la loi du 26 juillet 1996 ; L'article 1er a intégré dans le patrimoine de cette nouvelle société, après déclassement, les biens de l'ancien établissement public ; la société FRANCE TELECOM est restée propriétaire de tous les biens ; la demanderesse l'admet d'ailleurs pour tous les biens entrés dans ce patrimoine jusqu'à la publication du décret d'application du 30 mai 1997 ; or, une bonne part de ces conventions sont antérieures à cette date. Elles ne peuvent remettre en cause la propriété des infrastructures de télécommunication ; de plus, les conventions postérieures ne consistent qu'en des travaux d'enfouissement des lignes aériennes propriété de la société FRANCE TELECOM ; ces conventions, limitées à l'enfouissement, n'avaient pas pour nature de transformer la propriété du réseau et des infrastructures ; le défendeur n'apporte aucun élément prouvant l'absence de propriété de la société FRANCE TELECOM par un titre contradictoire ; s'il prouve son intention de devenir propriétaire par une résolution adoptée en 2001, il n'apporte aucune preuve de ce transfert de propriété ; il ne peut non plus invoquer à son profit la théorie des biens de retour ;
ALORS ENFIN QU'il résulte des constatations des juges du fond que le litige portait sur le passage du réseau mis en place par le SIEA dans des chambres de tirages et fourreaux, et donc sur la légalité des conventions ayant cédé la propriété de ces derniers à la société FRANCE TELECOM ; qu'en se fondant exclusivement sur la propriété des lignes aériennes par l'Etat, puis sur leur transfert à l'établissement public France Télécom et ensuite à la société du même nom, sans montrer en quoi la propriété des installations aériennes par l'Etat pouvait avoir une quelconque influence sur l'appartenance au domaine public des communes des installations souterraines distinctes constituées par les chambres de tirage et les fourreaux litigieux, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 49 et 378 du code de procédure civile et L 1311-1 du code général des collectivités territoriales.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12-18979
Date de la décision : 19/06/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

POSTES ET COMMUNICATIONS ELECTRONIQUES - Communications électroniques - Réseau téléphonique - Société France télécom - Ouvrages immobiliers lui appartenant - Infrastructures de télécommunications - Infrastructures établies sur le domaine public communal - Propriété - Remise en cause après déclassement - Exclusion - Cas - Portée

Justifie légalement sa décision une cour d'appel qui, pour rejeter une demande de question préjudicielle et ordonner le retrait de câbles et fibres optiques installés par un syndicat intercommunal dans des chambres de tirage et fourreaux dont la société France télécom soutenait être propriétaire, a relevé que l'article 1er de la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 avait transféré à cette dernière, après déclassement, l'ensemble des biens immobiliers, incluant les lignes aériennes, de l'ancien établissement public éponyme et retenu que ni les conventions conclues antérieurement à la publication du décret d'application du 30 mai 1997 ni les conventions conclues postérieurement à cette date, qui ne portaient que sur des travaux d'enfouissement de lignes aériennes, ne pouvaient remettre en cause la propriété de ces infrastructures de télécommunications


Références :

article 1er de la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 relative à l'entreprise nationale France télécom

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 29 février 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 19 jui. 2013, pourvoi n°12-18979, Bull. civ. 2013, I, n° 129
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2013, I, n° 129

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : Mme Falletti
Rapporteur ?: Mme Canas
Avocat(s) : Me Ricard, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.18979
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