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05/06/2013 | FRANCE | N°12-18465

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 05 juin 2013, 12-18465


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 29 février 2012), que suivant acte authentique du 13 novembre 1992, la SA Bernard X... (la SA) a donné solidairement à bail à M. et Mme Y... un corps de ferme et des terres ; que par acte du 26 mai 2009, M. Bernard Adrien X..., devenu seul propriétaire des biens loués après réunion, en 2009, de toutes les parts de la SA entre ses mains, a délivré congé à M. et Mme Y... aux fins d'exploitation de la ferme par son fils Bernard Raymond X... ; que les locatair

es ont contesté ce congé et sollicité l'autorisation de céder le bail ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 29 février 2012), que suivant acte authentique du 13 novembre 1992, la SA Bernard X... (la SA) a donné solidairement à bail à M. et Mme Y... un corps de ferme et des terres ; que par acte du 26 mai 2009, M. Bernard Adrien X..., devenu seul propriétaire des biens loués après réunion, en 2009, de toutes les parts de la SA entre ses mains, a délivré congé à M. et Mme Y... aux fins d'exploitation de la ferme par son fils Bernard Raymond X... ; que les locataires ont contesté ce congé et sollicité l'autorisation de céder le bail à leur fils, Xavier Y... ; qu'en cours de procédure, Mmes Jacqueline et Sophie X... et M. Bernard Raymond X... (les consorts X...) sont venus aux droits de M. Bernard Adrien X..., décédé ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt d'annuler le congé alors, selon le moyen :
1°/ que les juges appelés à se prononcer sur la validité d'un congé doivent vérifier si le bénéficiaire de la reprise est ou non titulaire d'une autorisation d'exploiter ou est soumis au régime de la déclaration ; qu'est soumise à déclaration préalable la mise en valeur d'un bien agricole reçu par donation, location, vente ou succession d'un parent ou allié jusqu'au troisième degré inclus, lorsque le déclarant satisfait aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle, lorsque les biens sont libres de location au jour de la déclaration et lorsque les biens sont détenus par le parent ou allié depuis neuf ans au moins ; que sont assimilées aux biens qu'elles représentent les parts d'une société constituée entre les membres d'une même famille ; que toutefois il n'est pas exigé que la société dont les parts représentent les biens repris ait un caractère exclusivement familial ; que dès lors en se déterminant comme elle l'a fait, cependant que le capital social de la société X... était détenu à hauteur de 99,86 % par les membres de la famille X..., la cour d'appel a ajouté à la loi une considération qu'elle ne postule pas et violé l'article L. 331-II 2° du code rural et de la pêche maritime ;
2°/ que la circonstance que M. Bernard Raymond X... exerce une activité agricole sur une autre exploitation n'était pas en elle-même de nature à lui interdire d'exploiter les biens repris de façon effective et permanente ; que dès lors en se déterminant comme dans le cadre du seul contrôle « a priori », la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime ;
Mais attendu qu'ayant relevé que M. Bernard Adrien X... n'avait pas détenu les terres litigieuses pendant 9 ans, que la détentrice antérieure, la SA, comportait un associé étranger à la famille X... et que M. Bernard Raymond X... n'était pas titulaire d'une autorisation d'exploiter, la cour d'appel, qui a retenu à bon droit que, la société n'étant pas constituée entre les membres d'une même famille, le bénéficiaire de la reprise ne pouvait se prévaloir du régime de la déclaration, a exactement déduit, de ces seuls motifs, que le congé devait être annulé ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime ;
Attendu que sous réserve des dispositions particulières aux baux cessibles hors du cadre familial et nonobstant les dispositions de l'article 1717 du code civil, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipés ; qu'à défaut d'agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire ;
Attendu que pour autoriser la cession de bail, la cour d'appel retient que les preneurs n'ont commis aucun manquement dans l'exécution de leurs obligations contractuelles susceptible de faire obstacle à la cession ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que Mme Y... n'avait pas été associée au sein de la société à la disposition de laquelle les terres louées avaient été mises, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui se déduisaient d'un manquement de la copreneuse aux obligations du bail, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a autorisé les époux Y... à céder leur bail à leur descendant, l'arrêt rendu le 29 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juin deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils, pour les consorts X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que Bernard Raymond X... ne remplissait pas les conditions requises pour bénéficier de la reprise, et annulé en conséquence le congé signifié aux époux Y... le 26 mai 2009 à la requête de Bernard Adrien X... ;
AUX MOTIFS QUE Bernard Adrien X..., duquel Bernard Raymond X... prétend reprendre les terres, ne les détient pas personnellement depuis 9 ans et que la société BERNARD X... qui en était la détentrice antérieure, n'était pas une société à caractère exclusivement familial puisque, même en petit nombre, elle comportait des membres étrangers à la famille X... ; que la condition posée au 3° du paragraphe II de l'article L. 331-2 du code rural n'est pas remplie; que c'est au régime de l'autorisation préalable d'exploiter que se trouvait soumis Bernard X... ; que toutefois au jour d'effet du congé, M. Bernard X... n'était pas titulaire d'une autorisation d'exploiter, la demande ayant fait l'objet d'un rejet par arrêté du 6 juillet 2010 ;
ET ENCORE AUX MOTIFS QU'en tout état de cause, M. Bernard Raymond X... est à la tête d'une autre exploitation située dans l'Essonne, à une centaine de kilomètres des terres, objet de la reprise ; que la conduite simultanée de deux exploitations aussi éloignées l'une de l'autre n'apparaît pas économiquement viable ; que l'éloignement rend difficilement envisageable que Bernard Raymond X... puisse se consacrer lui-même effectivement à cette exploitation, dans les conditions de l'article L. 411-59 du code rural ;
ALORS, D'UNE PART, QUE les juges appelés à se prononcer sur la validité d'un congé doivent vérifier si le bénéficiaire de la reprise est ou non titulaire d'une autorisation d'exploiter ou est soumis au régime de la déclaration ; qu'est soumise à déclaration préalable la mise en valeur d'un bien agricole reçu par donation, location, vente ou succession d'un parent ou allié jusqu'au troisième degré inclus, lorsque le déclarant satisfait aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle, lorsque les biens sont libres de location au jour de la déclaration et lorsque les biens sont détenus par le parent ou allié depuis neuf ans au moins ; que sont assimilées aux biens qu'elles représentent les parts d'une société constituée entre les membres d'une même famille ; que toutefois il n'est pas exigé que la société dont les parts représentent les biens repris ait un caractère exclusivement familial ; que dès lors en se déterminant comme elle l'a fait, cependant que le capital social de la société X... était détenu à hauteur de 99,86 % par les membres de la famille X..., la Cour d'appel a ajouté à la loi une considération qu'elle ne postule pas et violé l'article L. 331-II 2° du code rural et de la pêche maritime ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la circonstance que M. Bernard Raymond X... exerce une activité agricole sur une autre exploitation n'était pas en elle-même de nature à lui interdire d'exploiter les biens repris de façon effective et permanente ; que dès lors en se déterminant comme dans le cadre du seul contrôle "a priori", la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir autorisé les époux Y... à céder leur bail à leur fils Xavier Y... ;
AUX MOTIFS QU'il ne peut être tiré de la pratique d'une activité de maraîchage, l'existence d'une infraction aux clauses du bail ; que Robert Y... justifie de ce qu'il a régulièrement avisé le bailleur, le 1er janvier 2009, de la mise à disposition des terres au bénéfice de l'EARL BERRY SOL ; que la circonstance que Chantal Y..., épouse cotitulaire du bail, n'a pas été associée à la mise à disposition n'a causé aucun préjudice au bailleur, car chacun des époux reste tenu, à son égard, des obligations nées du bail ; qu'aucun manquement dans l'exécution de leurs obligations contractuelles, susceptible de faire obstacle à la cession du bail, ne peut par conséquent être reproché aux époux Y... ;
ALORS QUE le fait pour des époux copreneurs solidaires de mettre les biens pris à bail à la disposition d'une société, sans que l'un d'entre eux ait acquis la qualité d'associé, constitue la mauvaise foi les privant de la faculté de céder leur bail en raison de la méconnaissance de l'obligation mise à la charge des copreneurs associés d'une société, de continuer à se consacrer à la mise en valeur de l'exploitation prise à bail, au sein de cette société, ; que dès lors, en se déterminant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article L. 411-3 du code rural et de la pêche maritime.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 12-18465
Date de la décision : 05/06/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

BAIL RURAL - Bail à ferme - Reprise - Conditions - Contrôle des structures - Autorisation préalable d'exploiter - Dérogation - Déclaration préalable - Application - Société constituée entre les membres d'une même famille - Définition - Société constituée exclusivement entre les membres d'une même famille

Pour l'application du régime de la déclaration, les sociétés constituées entre les membres d'une même famille s'entendent de sociétés constituées exclusivement des membres d'une même famille


Références :

article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 29 février 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 05 jui. 2013, pourvoi n°12-18465, Bull. civ. 2013, III, n° 72
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2013, III, n° 72

Composition du Tribunal
Président : M. Terrier
Avocat général : M. Petit
Rapporteur ?: M. Crevel
Avocat(s) : SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.18465
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