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28/05/2013 | FRANCE | N°12-16317

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 28 mai 2013, 12-16317


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 16 B du livre des procédures fiscales et 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, que, le 22 juin 2011, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Montargis a, sur le fondement de l ‘ article L. 16 B du livre des procédures fiscales, autorisé des agents des impôts à procéder à une visite av

ec saisies dans des locaux et dépendances sis ... à Briare, susceptibles...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 16 B du livre des procédures fiscales et 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, que, le 22 juin 2011, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Montargis a, sur le fondement de l ‘ article L. 16 B du livre des procédures fiscales, autorisé des agents des impôts à procéder à une visite avec saisies dans des locaux et dépendances sis ... à Briare, susceptibles d'être occupés par Mme X..., afin de rechercher la preuve de la fraude fiscale commise par la société de droit irlandais Pegasus Farms Ltd (la société) au titre de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée ; que la société a interjeté appel de cette autorisation ainsi qu'exercé un recours contre le déroulement de la visite opérée le 23 juin 2011 ;
Attendu que, pour annuler la décision du juge des libertés et de la détention ainsi que les opérations de visite, l'ordonnance retient que celui-ci s'est borné à signer une ordonnance prérédigée par l'administration dont les termes sont identiques à ceux de la requête ainsi qu'à ceux d'une autorisation rendue par un autre juge, que, pour satisfaire à l'obligation d'impartialité objective, il ne peut être admis que les motifs et le dispositif sont réputés établis par le juge qui a rendu et signé l'autorisation, qu'il est permis de s'interroger sur le point de savoir si le premier juge a lu l'ordonnance qu'il a signée, dès lors qu'il n'a pas changé une virgule au texte pré-rédigé, n'en retirant pas les paragraphes qui concernaient la visite domiciliaire à effectuer dans le ressort du tribunal d'Argentan et que la société peut dès lors avoir des motifs légitimes de douter de l'impartialité voire de l'indépendance du premier juge ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que les motifs et le dispositif de l'ordonnance rendue en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales sont réputés établis par le juge qui l'a rendue et signée et que cette présomption ne porte pas atteinte aux principes d'impartialité et d'indépendance du juge qui statue sur requête, dans le cadre d'une procédure non contradictoire, le premier président, qui a statué par des motifs impropres à établir que le juge n'aurait pas rempli son office, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 13 mars 2012, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société Pegasus Farms Ltd aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour le directeur général des finances publiques.
L'ordonnance attaquée encourt la censure ;
EN CE QU'elle a annulé l'ordonnance du 22 juin 2011 et décidé par voie de conséquence d'annuler les opérations de visite ;
AUX MOTIFS QU'« en l'espèce, il est constant que le premier juge s'est borné à signer une ordonnance pré-rédigée par l'administration, puisque les termes de son ordonnance sont en tous points identiques à ceux de la requête de l'administration ainsi qu'à ceux d'une ordonnance rendue par un autre juge ; que, pour satisfaire à l'obligation d'impartialité objective, il ne peut, en aucune façon, être admis, qui plus est de *manière'irréfragable, que les motifs et le dispositif de l'ordonnance sont réputés avoir été établis par le juge qui l'a rendue et signée, surtout lorsque tout concourt à laisser penser le contraire ; qu'il est même permis de s'interroger sur le point de savoir si le premier juge a lu l'ordonnance qu'il a signée, dès lors qu'il n'a pas changé une virgule à l'ordonnance pré-rédigée, ne prenant même pas la peine d'en retirer les paragraphes qui concernaient la visite domiciliaire à effectuer dans le ressort du tribunal de grande instance d'Argentan ; que la société PEGASUS FARMS peut dès lors avoir des motifs légitimes de douter de l'impartialité voire de l'indépendance du premier juge ; qu'il est de jurisprudence constante que doit être annulée une décision de justice dans laquelle le juge, pour toute motivation, se borne à recopier les conclusions d'une des parties, alors que pourtant, dans une telle hypothèse, on a au moins la certitude que le juge les a lues et que l'on pourrait donc, dès lors qu'il n'est pas tenu à une obligation d'originalité, lui donner crédit de ce que, en toute objectivité, il a estimé que ces écritures étaient si pertinentes et bien rédigées qu'elles ne méritaient pas d'être paraphrasées ; que rien de tel en l'espèce, où on ignore si l'ordonnance a été lue par son signataire et où la Société PEGASUS FARMS peut donc légitimement imaginer que le premier juge a purement et simplement donné blanc-seing à l'administration ; que, par ailleurs, nous sommes dans l'impossibilité de nous assurer que le premier juge a rempli son office et vérifié de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui était soumise était bien fondée » ;
ALORS QUE, premièrement, réserve faite du cas où la signature serait considérée comme fausse pour ne pas émaner du juge, l'apposition d'une signature, au pied d'un texte, vaut appropriation par le juge de ce texte et celui-ci doit être regardé comme étant son oeuvre ;
qu'en décidant le contraire, pour mettre en doute la volonté du juge motif pris de ce qu'il a apposé sa signature au pied d'un texte pré-rédigé, les juges du fond ont violé l'article L 16- B du livre des procédures fiscales ;
ALORS QUE, deuxièmement, sur le fondement de l'article L 16- B du livre des procédures fiscales, le juge des libertés et de la détention s'assure du bien-fondé de la demande et, s'il est convaincu de ce bien-fondé, délivre l'autorisation sollicitée ; que par suite, la circonstance que le juge de l'autorisation se réfère à un texte préétabli, notamment en ce qui concerne le bien-fondé de l'autorisation, ne saurait être retenue comme révélatrice d'un défaut d'impartialité puisque par hypothèse si l'autorisation est délivrée c'est que le juge a adhéré aux raisons mises en avant par l'administration ; que de ce point de vue, l'ordonnance attaquée a été rendue en violation des articles L 16- B du livre des procédures fiscales, 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS QUE, troisièmement, si, dans le cadre d'une procédure contradictoire, soumise au principe de légalité, le juge ne peut pas faire droit aux prétentions de l'une des parties, en faisant sienne les écritures de cette partie en les reproduisant à la lettre, il en va différemment, en revanche, en cas de procédure unilatérale, qu'impose la nécessité d'une autorisation puisque non seulement le juge n'a pas à trancher entre deux thèses, mais que le propre de l'autorisation est de ne pouvoir être délivrée que si le juge adhère à l'analyse de l'auteur de la requête ; que de ce point de vue également, l'ordonnance attaquée doit être censurée pour violation des articles L 16- B du livre des procédures fiscales, ensemble pour violation de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-16317
Date de la décision : 28/05/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Redressement et vérifications (règles communes) - Visites domiciliaires (article L. 16 B) - Autorisation judiciaire - Conditions - Auteur de l'ordonnance - Motifs et dispositif réputés établis par le juge - Portée

Les motifs et le dispositif de l'ordonnance rendue en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales sont réputés établis par le juge qui l'a rendue et signée. Cette présomption ne porte pas atteinte aux principes d'impartialité et d'indépendance du juge qui statue sur requête, dans le cadre d'une procédure non contradictoire


Références :

article L. 16 B du livre des procédures fiscales

article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 13 mars 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 28 mai. 2013, pourvoi n°12-16317, Bull. civ. 2013, IV, n° 91
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2013, IV, n° 91

Composition du Tribunal
Président : M. Espel
Avocat général : M. Carre-Pierrat
Rapporteur ?: Mme Bregeon
Avocat(s) : Me Foussard, Me Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.16317
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