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16/04/2013 | FRANCE | N°12-81027

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 avril 2013, 12-81027


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Robert X..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'ANGERS, en date du 18 janvier 2012, qui, dans l'information suivie contre MM. Jacques Y..., Bernard Z..., Mmes Céline A..., épouse B..., Christine C..., épouse D..., Josiane E..., épouse F..., du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire ou dépositaire de l'autorité publique, a constaté la caducité de sa plainte avec constitution de partie civile, et prononcé

sur une demande de nullité de pièces de la procédure ;
La COUR, sta...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Robert X..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'ANGERS, en date du 18 janvier 2012, qui, dans l'information suivie contre MM. Jacques Y..., Bernard Z..., Mmes Céline A..., épouse B..., Christine C..., épouse D..., Josiane E..., épouse F..., du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire ou dépositaire de l'autorité publique, a constaté la caducité de sa plainte avec constitution de partie civile, et prononcé sur une demande de nullité de pièces de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 avril 2013 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Monfort conseiller rapporteur, Mme Guirimand conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller MONFORT, les observations de la société civile professionnelle BARTHÉLEMY, MATUCHANSKY et VEXLIARD, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. X..., maire de Pornichet, a porté plainte et s'est constitué partie civile du chef de diffamation publique envers un dépositaire de l'autorité publique ou citoyen chargé d'un service public, en raison de la publication, sur un blog, d'un texte intitulé " La note sera salée ", signé par des opposants, qui mettait en cause sa gestion financière, et évoquait des " cadeaux faits à des promoteurs " ; qu'après avoir été mis en examen, les auteurs de ce texte ont déposé auprès de la chambre de l'instruction une requête excipant de la caducité de la plainte, du fait de la tardiveté du versement de la consignation fixée par le juge d'instruction, partant, de la nullité du réquisitoire introductif et des actes ultérieurs ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 192 et 591 du code de procédure pénale ;
" en ce qu'il résulte des mentions de l'arrêt que la chambre de l'instruction statuait en présence, lors des débats, de M. Brudy, substitut général, et avec l'assistance de Mme G..., adjoint administratif principal, et en présence, lors du prononcé, de M. Bignon, avocat général et avec l'assistance de Mme Nicault, greffier ;
" alors que le greffier fait partie intégrante de la juridiction ; que la seule présence aux débats d'un adjoint administratif principal dont il n'est pas indiqué qu'il assiste la juridiction en faisant fonction de greffier entache d'irrégularité la composition de la chambre de l'instruction "
Attendu que la mention de l'arrêt attaqué selon laquelle la chambre de l'instruction a statué, lors des débats, " avec l'assistance de Mme G..., adjoint administratif ", fait présumer que celle-ci a assisté la juridiction en faisant fonction de greffier ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 26 3° de la loi n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, 48 3° de la loi du 29 juillet 1881, 80, 88, 171, 173 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a constaté la caducité de la plainte avec constitution de partie civile et a prononcé, en conséquence la nullité du réquisitoire introductif du 24 novembre 2010 et de l'ensemble des actes subséquents ;
" aux motifs que, par courrier du 24 juin 2010, M. X..., en sa qualité de maire de la commune de Pornichet a déposé plainte auprès du procureur de la République de Saint-Nazaire pour des écrits diffamatoires ; que le principe de l'unité de caisse, invoqué par la partie civile, est une règle générale qui s'explique par le fait que les comptables publics sont chargés du recouvrement des recettes et du paiement des dépenses de tous les organismes publics qu'ils gèrent, les opérations n'étant pas suivies organisme par organisme mais dans deux sections, dont l'une est chargée du recouvrement des recettes et l'autre du paiement de l'ensemble desdits organismes, une compensation automatique étant exercée entre encaissements et décaissements ; que les recettes et les dépenses de chacun d'entre eux ne peuvent être suivies que par les écritures faites sur le compte de gestion ; qu'en outre, le principe de l'unité de trésorerie fait que les comptables publics ne sont titulaires que d'un seul compte bancaire, ouvert à la Banque de France, sous le nom du Trésor public, lequel, en application de la loi organique relative à la loi de finance (LOLF), reçoit les fonds disponibles des collectivités et des établissements publics ; que, cependant ces règles n'emportent pas compensation de tous les mouvements de fonds entre personnes de droit public, disposant d'un patrimoine et de pouvoirs propres, et relevant de surcroît de régimes juridiques différents ; que s'il s'agit de deux postes comptables distincts, il y a donc virement d'un compte courant à un autre, ou encore d'une caisse à une autre ; qu'en la cause, la commune de Pornichet a agi dans le but de protection juridique d'un de ses élus, ainsi que la loi l'y autorise ; qu'il est, dès lors, naturel de lui faire application des règles applicables à toute autre personne déposant une plainte avec constitution de partie civile et notamment celles relevant de l'application de l'article 88 du code de procédure civile et de l'interprétation qu'en fait la Cour de cassation ; que si l'opérateur est, en effet, le Trésor public, la consignation de 2 500 euros ordonnée par la décision du magistrat instructeur le 27 septembre 2010 pour le 27 octobre 2010 au soir au plus tard, constitue une somme qui passe du patrimoine d'une collectivité territoriale au patrimoine de l'Etat, à l'instar de ce qui serait dans l'hypothèse d'un transfert de sommes au sein d'une même banque ; que le versement de la consignation, fait par la commune, entre dans le cadre de ses pouvoirs, s'agissant de la gestion de ses dépenses propres ; que bien que la caisse et le compte soient tenus par l'Etat, elle gère elle-même ses finances et donc ses dépenses ; qu'il convient à ce titre que la consignation soit devenue effective non pas à la date de l'exécution par la trésorerie de Montoir-de-Bretagne de l'ordre de virement donné par le maire de Pornichet mais à la date à laquelle le compte de la régie du tribunal a été effectivement crédité ; que le certificat de versement par le greffier porte l'indication de la date du 26 octobre 2010 pour le virement fait par la trésorerie et indique que ce virement a été effectif le 28 octobre 2010 ; que le comptable public agissant sur ordre de la commune de Pornichet, et la régie d'avances et de recettes du tribunal sont deux organismes publics indépendants l'un de l'autre ; que le jour ouvrable au cours duquel le montant de l'opération a été crédité sur le compte de la régie est le 28 octobre 2010 ; que l'argument tiré par la partie civile de l'application de l'article L. 133-14 du code monétaire et financier est inopérant ; que le délai prévu par l'ordonnance de consignation du 27 septembre 2010 expirait le 27 octobre 2010 au soir, qui était un jour ouvrable (mercredi) ; qu'il n'y a pas lieu à mesure d'instruction complémentaire ; qu'il échet de constater la caducité de la plainte avec constitution de partie civile et la nullité du réquisitoire introductif du 24 novembre 2010 ainsi que de tous les actes subséquents ;
1°) " alors que le défaut de versement de la consignation dans le délai imparti par le juge d'instruction, à le supposer avéré, a pour seule conséquence la non-recevabilité de la plainte et n'affecte pas la validité, en la forme, du réquisitoire introductif ; qu'en annulant le réquisitoire introductif, ainsi que l'ensemble des actes subséquents, en raison du prétendu défaut de versement de la consignation dans les délais impartis, la chambre de l'instruction a violé les articles 80 et 88 du code de procédure pénale ;
2°) " alors qu'à supposer que la non-recevabilité de la plainte avec constitution de partie civile du fait du versement prétendument tardif de la consignation puisse affecter la validité du réquisitoire introductif lorsque la mise en mouvement de cette dernière est subordonnée au dépôt d'une plainte préalable, la chambre de l'instruction, qui a constaté que la partie civile avait déposé plainte du chef de diffamation devant le procureur de la République avant de déposer une plainte avec constitution partie civile, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les textes précités ;
3°) " alors que la chambre de l'instruction saisie sur le fondement de l'article 173 du code de procédure pénale ne peut prononcer d'autres mesures que l'annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure et ce uniquement à raison de son irrégularité ; qu'en déclarant la plainte caduque pour défaut de versement de la consignation, la chambre de l'instruction a violé l'article 173 précité et a excédé ses pouvoirs ;
4°) " alors que l'unité de trésorerie des collectivités et établissements publics, bien que laissant distincts les comptes des différentes personnes morales de droit public, a pour conséquence que le virement de compte à compte entre personnes morales ou organismes droit public donne lieu à la passation, par le Trésor public, de deux écritures en débit et en crédit de sous-comptes et que les sommes concernées sont créditées sur le compte de leur destinataire dès la réalisation dudit virement ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt qu'un virement avait été fait par la Trésorerie générale de Loire-Atlantique le 26 octobre 2010, à la veille de l'expiration du délai imparti à la partie civile pour procéder à la consignation ; qu'en se prononçant au regard de la date à laquelle ce virement aurait été effectif pour la régie du tribunal et non en fonction de la date à laquelle ce virement et l'inscription en crédit des sommes concernées avaient été réalisées par le Trésor public, la chambre de l'instruction a violé les articles 26 3° de la loi n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances et 88 du code de procédure pénale ;
5°) " alors qu'en se bornant à constater que le certificat de versement établi par le greffier mentionnait un virement effectif sur le compte bancaire de la régie du tribunal le 28 octobre 2010 sans déterminer, ainsi qu'il lui était demandé par la partie civile et par le ministère public qui sollicitait qu'un supplément d'information soit ordonné à cette fin, la date à laquelle de l'opération comptable d'inscription au crédit du compte de la régie des sommes concernées avait été effectivement réalisée par le Trésor public, la chambre de l'instruction n'a pas légalement motivé sa décision ;
6°) " alors que l'attestation du régisseur du tribunal mentionnait que la trésorerie de Montoir-de-Bretagne, à la demande de M. X..., a effectué le 26 octobre 2010 (date de valeur Trésorerie de Montoir de Bretagne) un virement sur le compte de bancaire de la régie dudit tribunal d'un montant de 2 500 euros, virement effectif sur le compte bancaire de la régie le 28 octobre 2010 (date de valeur compte bancaire régie) ; qu'en déduisant de cette attestation que le montant de l'opération avait été crédité le 28 octobre 2010 sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée, si la date du 28 octobre 2010 mentionnée par le régisseur était la date d'inscription du montant du virement au crédit du compte de la régie ou la date de valeur dudit virement, la chambre de l'instruction n'a pas légalement motivé sa décision " ;
Attendu que, pour faire droit à l'argumentation des requérants, l'arrêt relève, par les motifs repris au moyen, que, par ordonnance du 27 septembre 2010, le juge d'instruction a fixé le montant de la consignation, à verser " au plus tard le 27 octobre 2010 ", que le versement a été fait par un virement du compte de la commune au Trésor public à celui du régisseur du tribunal, et que la consignation est devenue effective, non pas à la date d'exécution par la trésorerie de l'ordre de virement donné par le maire de Pornichet, soit le 26 octobre 2010, mais à la date à laquelle le compte de la régie du tribunal a été effectivement crédité, soit le 28 octobre 2010 ; que les juges en déduisent que, le délai fixé pour consigner ayant expiré le 27 octobre, la plainte était caduque, et que, par suite, le réquisitoire introductif était nul, ainsi que les actes subséquents ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen ;
Qu'en effet, d'une part, lorsqu'elle est effectuée sous la forme, non d'un dépôt au greffe, mais d'un virement, la consignation est réputée faite à la date à laquelle le compte du régisseur d'avances et de recettes est effectivement crédité de la somme fixée par le juge d'instruction, peu important que le compte du débiteur de la consignation et celui du régisseur soient ouverts dans le même établissement ; que, d'autre part, lorsque la mise en mouvement de l'action publique est subordonnée au dépôt d'une plainte préalable, l'irrecevabilité de la plainte assortie de constitution de partie civile entraîne la nullité du réquisitoire introductif qui s'y réfère, ainsi que des actes subséquents, et que tel est le cas en matière de diffamation envers un dépositaire de l'autorité publique ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 1 500 euros la somme globale que M. X... devra payer à MM. Jacques Y..., Bernard Z..., Mmes Céline B..., Christine D..., Josiane F..., au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize avril deux mille treize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 12-81027
Date de la décision : 16/04/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ACTION PUBLIQUE - Mise en mouvement - Plainte préalable - Irrecevabilité de la plainte avec constitution de partie civile - Effet - Nullité du réquisitoire introductif et des actes subséquents

PRESSE - Procédure - Instruction - Constitution de partie civile initiale - Irrecevabilité de la plainte avec constitution de partie civile - Effet - Nullité du réquisitoire introductif et des actes subséquents

Lorsque la mise en mouvement de l'action publique est subordonnée au dépôt d'une plainte préalable, l'irrecevabilité de la plainte assortie de constitution de partie civile entraîne la nullité du réquisitoire introductif qui s'y réfère, ainsi que des actes subséquents. Tel est le cas en matière de diffamation envers un dépositaire de l'autorité publique


Références :

Sur le numéro 1 : article 88 du code de procédure pénale
Sur le numéro 2 : article 48, 3°, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Angers, 18 janvier 2012

Sur le n° 1 : Sur la détermination de la date du virement de la consignation imposée en cas de plainte avec constitution de partie civile, dans le même sens que :Crim., 12 décembre 2006, pourvoi n° 06-82034, Bull. crim. 2006, n° 309 (cassation). Sur la nullité du réquisitoire introductif en cas d'irrecevabilité de la plainte avec constitution de partie civile indispensable à la mise en mouvement de l'action publique, à rapprocher :Crim., 8 novembre 2005, pourvoi n° 05-83598, Bull. crim. 2005, n° 283 (2) (cassation), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 avr. 2013, pourvoi n°12-81027, Bull. crim. criminel 2013, n° 87
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2013, n° 87

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : M. Desportes
Rapporteur ?: M. Monfort
Avocat(s) : SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.81027
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