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09/04/2013 | FRANCE | N°11-27071

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 avril 2013, 11-27071


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'Aoustino X..., né le 7 avril 2009, sans filiation paternelle établie, a fait l'objet d'un placement provisoire à sa naissance, par décision de l'autorité judiciaire ; que suite au décès de la mère survenu le 20 octobre 2009, un procès-verbal de recueil de l'enfant par l'aide sociale à l'enfance en vue de son admission en qualité de pupille de l'Etat a été établi le 30 novembre 2009 ; que par arrêté du même jour, suivi d'un arrêté du 1er décembre 2009 le pr

ésident du conseil général a admis l'enfant en cette qualité ; que le 15 févr...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'Aoustino X..., né le 7 avril 2009, sans filiation paternelle établie, a fait l'objet d'un placement provisoire à sa naissance, par décision de l'autorité judiciaire ; que suite au décès de la mère survenu le 20 octobre 2009, un procès-verbal de recueil de l'enfant par l'aide sociale à l'enfance en vue de son admission en qualité de pupille de l'Etat a été établi le 30 novembre 2009 ; que par arrêté du même jour, suivi d'un arrêté du 1er décembre 2009 le président du conseil général a admis l'enfant en cette qualité ; que le 15 février 2010, Mme Annie X..., grand-mère maternelle de l'enfant, a confirmé sa volonté de le prendre en charge lors de son audition par le juge des tutelles, qu'elle avait saisi d'une demande de tutelle reçue le 29 janvier 2010 ; que celui-ci a, par ordonnance du même jour, sursis à statuer sur cette demande dans l'attente de la décision du tribunal de grande instance sur le recours contre l'arrêté d'admission de l'enfant en qualité de pupille de l'Etat en date du 30 novembre 2009 ; que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 18 février 2010, Mme X... a sollicité du tribunal de grande instance, sur le fondement de l'article L. 224-8 du code de l'action sociale et des familles, outre l'annulation de l'arrêté en cause, sa désignation en qualité de gardien de l'enfant ; que sa demande a été jugée recevable mais rejetée par jugement du 11 mai 2010, lequel a été infirmé par l'arrêt attaqué qui a déclaré cette demande irrecevable ; que par décision du 27 juillet 2012 (n° 2012-268 QPC), le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité incidente au pourvoi formé contre cet arrêt, a déclaré que le premier alinéa de l'article L. 224-8 précité était contraire à la Constitution et que la déclaration d'inconstitutionnalité prendra effet à compter du 1er janvier 2014 ;
Sur la recevabilité de la troisième branche du moyen, contestée en défense :
Attendu que le président du conseil général oppose l'irrecevabilité du grief fondé sur les dispositions de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce qu'il serait nouveau ;
Mais attendu que le moyen, dès lors qu'il invoque une atteinte à la substance même du droit d'accès au juge et n'appelle la prise en considération d'aucun élément de fait qui ne résulterait pas des constatations de l'arrêt, est de pur droit, partant recevable ;
Et sur le moyen :
Vu l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu que si le droit à un tribunal, dont le droit d'accès concret et effectif constitue un aspect, n'est pas absolu, les conditions de recevabilité d'un recours ne peuvent toutefois en restreindre l'exercice au point qu'il se trouve atteint dans sa substance même ; qu'une telle atteinte est caractérisée lorsque le délai de contestation d'une décision, tel que celui prévu par l'article L. 224-8 du code de l'action sociale et des familles, court du jour où la décision est prise non contradictoirement et que n'est pas assurée l'information des personnes admises à la contester ;
Attendu que pour déclarer irrecevable le recours de Mme X..., l'arrêt retient que le président du conseil général a régulièrement admis l'enfant en qualité de pupille de l'Etat suivant un arrêté en date du 1er décembre 2009, que le délai de trente jours courant à compter de cette date, le recours exercé le 18 février 2010 par Mme X... est tardif ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que Mme X... n'avait pas été informée, en temps utile, de l'arrêté et de la faculté de le contester, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 décembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne le président du conseil général des Hauts-de-Seine aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Delvolvé, avocat aux Conseils, pour Mme X...

IL EST REPROCHE A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR déclaré irrecevable comme tardif le recours exercé par Mme Annie X... à l'encontre de l'arrêté d'admission définitive de l'enfant Aoustino X... en qualité de pupille de l'Etat,
AUX MOTIFS QUE la procédure d'admission de l'enfant comme pupille de l'Etat était la suivante : - un procès-verbal de remise ou de recueil de l'enfant établi par les services de l'aide sociale à l'enfance qui ouvrait, en principe, un délai de deux mois, pendant lequel les parents pouvaient demander la restitution de l'enfant, lequel pendant cette période était considéré comme pupille de l'Etat à titre provisoire et ne pouvait pas faire l'objet d'un placement en vue d'une adoption, - un arrêt d'admission comme pupille de l'Etat pris par le président du conseil général ; que, selon l'article L. 224-8 du code de l'action sociale et des familles, « L'admission en qualité de pupille de l'Etat peut faire l'objet d'un recours, formé dans le délai de trente jours suivant la date de l'arrêté du président du conseil général devant le tribunal de grande instance, par les parents, en l'absence d'une déclaration judiciaire d'abandon ou d'un retrait total de l'autorité parentale, par les alliés de l'enfant ou toute personne justifiant d'un lien avec lui, notamment pour avoir assuré sa garde » ; que Mme Annie X..., grand-mère paternelle de l'enfant, avait, par lettre datée du 18 février 2010 reçue au greffe du Tribunal de grande instance de NANTERRE le 22 février 2010, exercé un recours à l'encontre de l'arrêté d'admission pris par le président du conseil général, le 1er décembre 2009 ; qu'au soutien de la recevabilité de ce recours, Mme Annie X... faisait valoir que l'arrêté d'admission à titre définitif en qualité de pupille de l'Etat ne pouvait intervenir qu'à l'issue d'un délai de deux mois à compter de la déclaration d'admission à titre provisoire, soit en l'espèce à compter du 31 janvier 2009, qui était donc le point de départ du délai de recours de trente jours ; que cependant, le 30 novembre 2009, un procès-verbal de recueil de l'enfant Aousitno X... avait été dressé par les services de l'aide sociale à l'enfance des Hauts-de-Seine déclarant l'enfant pupille de l'Etat à titre provisoire à compter de sa date ; que, la mère d'Aoustino X... étant décédée le 20 octobre 2009 et l'enfant n'ayant pas de filiation paternelle établie, de sorte qu'aucune rétractation n'avait pu être exercée dans le délai légal de deux mois pour solliciter la restitution de l'enfant, le président du conseil général avait régulièrement admis l'enfant en qualité de pupille de l'Etat suivant un arrêté en date du 1e r décembre 2009 ; que, le délai de trente jours courant à compter de la date de l'arrêté, le recours exercé par Mme Annie X... était largement tardif et ne pouvait qu'être déclaré irrecevable,
ALORS D'UNE PART QUE, l'article L. 224-6 du code de l'action sociale et des familles dispose à cet que l'enfant est déclaré pupille de l'Etat à titre provisoire à la date à laquelle est établi le procès-verbal prévu à l'article L. 224-5 et que, dans un délai de deux mois suivant la date à laquelle il a été déclaré pupille de l'Etat à titre provisoire, l'enfant peut être repris immédiatement et sans aucune formalité par celui de ses père ou mère qui l'avait confié au service ; que selon l'article L. 224-8 du même code, l'admission en qualité de pupille de l'Etat peut faire l'objet d'un recours, formé dans le délai de trente jours suivant la date de l'arrêté du président du conseil général devant le tribunal de grande instance ; qu'en l'espèce, aux termes de l'arrêté du 1e r décembre 2009, l'enfant Aoustino X... a été déclaré pupille de l'Etat à titre provisoire à compter du 30 novembre 2009 (article 1e r ) et admis en qualité de pupille de l'Etat à compter du 31 janvier 2010 en application de l'article L. 224-4 4° sauf reprise avant cette date (article 4) ; qu'ainsi le délai de recours de 30 jours pour contester cette admission n'a pu commencer à courir qu'à compter de l'expiration du délai de deux mois de l'article L. 224-6, soit du 31 janvier 2010 ; que par suite le délai exercé par lettre du 18 février 2010 par Mme X... l'a été dans ledit délai de sorte que le recours était recevable au regard des exigences de l'article L. 224-8 précité ; qu'en faisant partir le délai de recours de 30 jours à compter de l'arrêté du 1er décembre 2009 qui ne portait admission en qualité de pupille de l'Etat qu'à titre provisoire pour en déduire que le recours de Mme X... était irrecevable comme tardif, la cour d'appel a violé l'article L. 224-8 du code de l'action sociale et des familles,
ALORS D'AUTRE PART QUE l'article L. 224-8 du code de l'action sociale et des familles, en ce qu'il fait courir le délai de trente jours contre l'arrêté d'admission en qualité de pupille de l'Etat à compter de la date de l'arrêté du président du conseil général sans prévoir la publicité de cet arrêté, est contraire au principe constitutionnel garantissant le droit d'exercer un recours effectif devant une juridiction et à l'articles 16 de la déclaration des droits de l'hommes et du citoyen ; qu'en l'espèce, en faisant néanmoins l'application de ce dispositif à l'encontre de Mme X..., la cour d'appel a violé ces principe et texte,
ALORS EN OUTRE QUE le droit au recours effectif contre une décision individuelle ne peut être assuré que si cette décision a fait l'objet d'une mesure de publicité adéquate ; que, si l'article L. 224-8 du code de l'action sociale et des familles fixe le point de départ du recours de trente jours ouvert contre l'admission en qualité de pupille de l'Etat à compter de la date de l'arrêté du président du conseil général, il ne prévoit aucune mesure de nature à assurer la publicité de cette décision d'admission ; que cette absence de publicité fait donc obstacle à ce que ce recours soit régulièrement déclenché ; qu'en l'espèce, en faisant néanmoins partir le délai de recours de cette date de l'arrêté, la cour d'appel a violé le principe du droit à un recours effectif, les articles 16 de la déclaration des droits de l'hommes et du citoyen, et 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE Mme X... avait expressément fait valoir dans ses conclusions (p. 5) que le délai de recours ne pouvait régulièrement courir à son encontre faute d'avoir fait l'objet d'aucune publication ou notification ; que la cour d'appel s'est abstenue de répondre à ce moyen particulièrement pertinent ; qu'elle a donc violé l'article 455 du code de procédure civile,


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-27071
Date de la décision : 09/04/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 § 1 - Tribunal - Accès - Droit d'agir - Restriction - Limites - Dépassement - Applications diverses - Délai de contestation d'une décision courant à compter de son prononcé sans que soit assurée l'information des personnes admises à la contester

AIDE SOCIALE - Enfance - Pupille de l'Etat - Admission - Arrêté du président du conseil général - Contestation - Délai - Point de départ - Date de l'arrêté - Portée

Si le droit à un tribunal, dont le droit d'accès concret et effectif constitue un aspect, n'est pas absolu, les conditions de recevabilité d'un recours ne peuvent toutefois en restreindre l'exercice au point qu'il se trouve atteint dans sa substance même. Une telle atteinte est caractérisée lorsque le délai de contestation d'une décision, tel que celui prévu par l'article L. 224-8 du code de l'action sociale et des familles, court du jour où la décision est prise non contradictoirement et que n'est pas assurée l'information des personnes admises à la contester


Références :

Sur le numéro 1 : article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
Sur le numéro 1 : article 619 du code civil 

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 02 décembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 09 avr. 2013, pourvoi n°11-27071, Bull. civ.Bull. 2013, I, n° 66
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2013, I, n° 66

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : M. Chevalier
Rapporteur ?: Mme Guyon-Renard
Avocat(s) : SCP Delvolvé, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.27071
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