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20/03/2013 | FRANCE | N°12-10200

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 20 mars 2013, 12-10200


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 15 novembre 2011), que la commune de Saint-Junien est propriétaire d'un barrage en amont de la microcentrale électrique exploitée par M. X..., que celui-ci, estimant que l'élévation de la hauteur de ce barrage intervenue vers 1950 serait à l'origine d'une diminution de la production annuelle d'énergie électrique de sa microcentrale, a recherché la responsabilité de cette commune ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que la commune de

Saint-Junien fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'une somme à ti...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 15 novembre 2011), que la commune de Saint-Junien est propriétaire d'un barrage en amont de la microcentrale électrique exploitée par M. X..., que celui-ci, estimant que l'élévation de la hauteur de ce barrage intervenue vers 1950 serait à l'origine d'une diminution de la production annuelle d'énergie électrique de sa microcentrale, a recherché la responsabilité de cette commune ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que la commune de Saint-Junien fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts et de procéder à la diminution de la hauteur du barrage dans un certain délai et sous astreinte alors que l'action de M. X..., à son encontre, serait prescrite ;
Attendu que, selon l'article 7, alinéa 1er, de la loi du 31 décembre 1968, la prescription quadriennale doit être invoquée avant que la juridiction saisie du litige en première instance se soit prononcée sur le fond ; qu'il ressort du dossier de la procédure que la commune de Saint-Junien ne s'est prévalue de la prescription quadriennale que devant la cour d'appel ; qu'il en résulte que l'exception ne pouvait qu'être écartée ; que, par ce motif de pur droit, substitué, dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile, à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée ; que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen et la première branche du troisième moyen :
Attendu que ces griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé :
Attendu que la commune de Saint-Junien fait le même grief à l'arrêt ;
Attendu qu'en première instance M. X... demandait des dommages-intérêts en raison du préjudice subi et qu'en cause d'appel il sollicitait la mise en conformité du barrage, propriété de la commune, la cour d'appel a pu retenir que cette demande n'était pas nouvelle car tendant aux mêmes fins que celle en indemnisation présentée devant les premiers juges ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la commune de Saint-Junien, agissant par son maire en exercice, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la commune de Saint-Junien, agissant par son maire en exercice, à payer à M. X... la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la commune de Saint-Junien
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la commune de Saint Junien à payer à M. Roland X... la somme de 220.432,50 € à titre de dommages et intérêts, ainsi que 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la commune de Saint Junien à diminuer la hauteur du barrage du moulin Pelgros de 11,2 centimètres, dit que la commune devra faire réaliser ces travaux dans un délai de dix mois à compter de la signification de l'arrêt, dit que si ces travaux ne sont pas terminés à l'expiration de ce délai, la commune devra à M. X..., à partir de cette date, une astreinte provisoire de 100 € par jour de retard ;
AUX MOTIFS QUE « la prescription quadriennale des créances notamment des communes s'applique aux créances d'ores et déjà établies et elle fait obstacle à leur recouvrement. Cela n'est pas le cas en l'espèce puisqu'en l'état M. X... n'est pas titulaire d'une créance conte la commune dont il poursuivrait le recouvrement. L'objet du présent contentieux est de déterminer si M. X... est créancier ou non de la commune de Saint Junien de telle sorte que l'éventualité de la prescription d'une telle créance est prématurée » ;
ET AUX MOTIFS QUE « rien ne permet de considérer que lors de son achat, M. X... ait connu la situation et ait renoncé à s'en prévaloir. Il fallait connaître et analyser l'arrêté de 1886, le procès-verbal de récolement de 1895 avec son annexe, calculer le niveau moyen exact du déversoir, repérer une différence d'une dizaine de centimètres… Le premier expert n'avait pas décelé cet aspect de la situation ; que le fait que M. X... n'ait pas eu ainsi conscience pendant des années d'avoir une perte de production, de subir un préjudice, ne signifie pas que cette perte et ce dommage n'existaient pas et n'implique pas que maintenant il serait privé de pouvoir en demander réparation » ;
ALORS D'UNE PART QUE la déchéance quadriennale des créances sur une commune, prévue par la loi n° 68-1 250 du 31 décembre 1968, commence à courir le premier jour de l'année au cours de laquelle s'est produit le fait générateur du dommage allégué, et non à la date de la décision juridictionnelle constatant l'existence d'une créance sur la commune ; qu'en l'espèce, pour rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la commune et tirée de la déchéance quadriennale, la cour d'appel a retenu que seul le présent contentieux devait permettre de déterminer si Monsieur X... disposait d'une créance de réparation contre la commune, de sorte que l'éventualité de la prescription d'une telle créance était prématurée ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé la loi du 31 décembre 1968 ;
ALORS D'AUTRE PART QUE la déchéance quadriennale des créances sur une commune, prévue par la loi du n° 6 8-1250 31 décembre 1968, commence à courir le premier jour de l'année au cours de laquelle s'est produit le fait générateur du dommage allégué, et non à la date de la décision juridictionnelle constatant l'existence d'une créance sur la commune ; que le fait générateur du dommage allégué par Monsieur X... (une perte d'exploitation) est, comme l'a retenu la cour d'appel, la surélévation en 1950 du barrage du moulin Pelgros ; qu'en conséquence, la déchéance quadriennale a commencé à courir le 1er janvier 1951, de sorte qu'elle était acquise lorsque Monsieur X... a formé un recours contre la commune devant le juge administratif en 2005 et, a fortiori lorsqu'il a assigné la commune devant le juge judiciaire en 2009 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé la loi du 31 décembre 1968 ;
ALORS ENFIN ET EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE si le point de départ de la prescription d'une action en responsabilité peut être fixé postérieurement à la commission du fait générateur, c'est à la condition que la victime établisse qu'elle s'est trouvée dans l'impossibilité d'avoir connaissance de la faute et du dommage, avant qu'elle introduise son action ; que, pour écarter la prescription invoquée, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'entre 1979 et la date à laquelle Monsieur X... a introduit son action, ce dernier n'a pas eu conscience, pendant des années, de subir une perte d'exploitation, que seul le rapport d'expertise établi en 2004 lui a révélée ; qu'en statuant de sorte, sans caractériser en quoi Monsieur X..., depuis 1979, et jusqu'au jour où il a introduit une procédure fondant la désignation d'un expert aurait été dans l'impossibilité d'agir et de faire constater qu'il subissait une perte d'exploitation dont la cause était la surélévation du barrage en 1950, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi du 31 décembre 1968 ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la commune de Saint Junien à payer à M. Roland X... la somme de 220.432,50 € à titre de dommages et intérêts ainsi que 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la commune de Saint Junien à diminuer la hauteur du barrage du moulin Pelgros de 11,2 centimètres, dit que la commune devra fait réaliser ces travaux dans un délai de dix mois à compter de la signification de l'arrêt, dit que si ces travaux ne sont pas terminés à l'expiration de ce délai, la commune devra à M. X..., à partir de cette date, une astreinte provisoire de 100 € par jour de retard ;
AUX MOTIFS QUE « Ainsi l'expert expose dans sa synthèse historique que le moulin Pelgros a subi des modifications au cours du temps importantes sur le plan hydraulique sans avoir été à sa connaissance consignées ou approuvée dans des documents officiels. Le fait que cette surélévation aurait été réalisée avant l'acquisition des sites considérés aussi bien par la commune de Saint Junin que par M. X... est indifférent. Pour la commune, si elle a acquis un ouvrage dont une partie est irrégulière, elle est tenue en tant que nouveau propriétaire de la mise en conformité de son bien avec la réglementation, de la régularisation de la situation de ce chef. Quant à M. X..., si cette irrégularité lui cause préjudice, il est fondé à mettre en jeu la responsabilité de la commune. Rien ne permet de considérer que lors de son achat, M. X... ait connu la situation et ait renoncé à s'en prévaloir. Il fallait connaître et analyser l'arrêté de 1886, le procès-verbal de récolement de 1895 avec son annexe, calculer le niveau moyen exact du déversoir, repérer une différence d'une dizaine de centimètres… Le premier expert n'avait pas décelé cet aspect de la situation. Le fait que M. X... n'ait pas eu ainsi conscience pendant des années d'avoir une perte de production, de subir un préjudice, ne signifie pas que cette perte et ce dommage n'existaient pas et n'implique pas que maintenant il serait privé de pouvoir en demander réparation » ;
ALORS QUE le préjudice réparable doit être certain ; que dans ses conclusions d'appel, la commune soutenait que Monsieur X... n'avait subi aucun préjudice d'exploitation, puisqu'il avait nécessairement acquis sa centrale sur la base d'éléments faisant état d'une capacité de production qui intégrait la réduction de débit liée à la surélévation du barrage, réalisée près de 30 ans auparavant ; qu'en considérant néanmoins que la réduction du débit, bien qu'ayant une origine antérieure à l'acquisition, par Monsieur Y..., de son exploitation industrielle, l'autorisait à agir en réparation contre la Commune au titre d'une perte d'exploitation, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la commune de Saint Junien à payer à M. Roland X... la somme de 220.432,50 € à titre de dommages et intérêts ainsi que 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la commune de Saint Junien à diminuer la hauteur du barrage du moulin Pelgros de 11,2 centimètres, dit que la commune devra fait réaliser ces travaux dans un délai de dix mois à compter de la signification de l'arrêt, dit que si ces travaux ne sont pas terminés à l'expiration de ce délai, la commune devra à M. X..., à partir de cette date, une astreinte provisoire de 100 € par jour de retard ;
AUX MOTIFS QUE « M. X... sollicite aussi la destruction du barrage ou au moins la remise à la cote légale de sa crête, soit une diminution de la hauteur de 11,2 cm. A l'issue du rapport lors de l'audience, il a été évoqué le fait que cette prétention n'était pas été émise en première instance, sans observations des parties, si ce n'est M. X... qui a indiqué qu'il avait toujours demandé la mise en conformité de l'ouvrage à la législation. Quoi qu'il en soit, il peut être considéré que cette prétention constitue une modalité de la réparation de la situation préjudiciable, en nature et pour l'avenir, l'allocation de dommages-intérêts réparant le préjudice passé, et qu'elle s'inscrit dans le cadre de l'action de M. X... visant à réparer son dommage et participe aux mêmes fins. D'ailleurs, l'intimé ne soulève pas de moyen de ce chef » ;
ALORS D'UNE PART QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que dans ses conclusions d'appel déposées le 29 août 2011 la commune a soutenu que la demande de mise en conformité était nouvelle en appel, en rappelant que le jugement du tribunal de grande instance avait constaté que « M. X... qui invoque un préjudice subi depuis plus de trente ans ne sollicite même pas aujourd'hui qu'il y soit mis fin en obligeant la défenderesse à une remise à niveau du seuil de son barrage » (conclusions p. 20) ; qu'en énonçant que la commune ne soulevait pas de moyen tiré de la nouveauté de la demande, la cour d'appel a dénaturé ces conclusions et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS D'AUTRE PART QUE les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions ; que constitue une telle prétention nouvelle irrecevable, la demande présentée en appel tendant à obtenir la mise en conformité de l'ouvrage à la législation, après avoir seulement demandé en première instance des dommages-intérêts destinés à réparer le préjudice subi ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 564 et 565 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12-10200
Date de la décision : 20/03/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription quadriennale - Créance sur une commune - Exception de procédure - Recevabilité - Conditions - Détermination

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription quadriennale - Créance sur une commune - Exception de procédure - Irrecevabilité - Cas - Prescription invoquée pour la première fois en cause d'appel COMMUNE - Créance sur une commune - Prescription quadriennale - Exception de procédure - Recevabilité - Conditions - Détermination

Il résulte de l'article 7, alinéa 1er, de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 que la prescription quadriennale doit être invoquée avant que la juridiction saisie du litige en première instance se soit prononcée sur le fond. Il en résulte que lorsqu'une commune ne se prévaut de la prescription quadriennale que devant la cour d'appel, cette exception ne peut qu'être écartée


Références :

article 7, alinéa 1er, de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 15 novembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 20 mar. 2013, pourvoi n°12-10200, Bull. civ. 2013, I, n° 51
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2013, I, n° 51

Composition du Tribunal
Président : M. Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat général : M. Jean
Rapporteur ?: M. Mansion
Avocat(s) : SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.10200
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