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27/02/2013 | FRANCE | N°11-26864

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 février 2013, 11-26864


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi incident qui est préalable :
Vu les articles 544 et 545 du code de procédure civile ;
Attendu qu'en vertu de ces textes, les décisions qui ne tranchent pas le fond du litige et qui ne mettent pas fin à l'instance ne peuvent faire l'objet d'un appel immédiat ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que dans le litige l'opposant à la société AG2R, la société Boulangerie-pâtisserie Y... a demandé que la Cour de justice de l'Union européenne soit saisie d'une question préjudicielle ; que le tr

ibunal saisi a rejeté cette demande et invité les parties à s'expliquer sur ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi incident qui est préalable :
Vu les articles 544 et 545 du code de procédure civile ;
Attendu qu'en vertu de ces textes, les décisions qui ne tranchent pas le fond du litige et qui ne mettent pas fin à l'instance ne peuvent faire l'objet d'un appel immédiat ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que dans le litige l'opposant à la société AG2R, la société Boulangerie-pâtisserie Y... a demandé que la Cour de justice de l'Union européenne soit saisie d'une question préjudicielle ; que le tribunal saisi a rejeté cette demande et invité les parties à s'expliquer sur une question de droit distincte ; que la société Boulangerie-pâtisserie Y... a interjeté appel de cette décision, " sur la seule question de l'applicabilité du Traité européen " ;
Attendu que, pour dire cet appel recevable, la cour énonce qu'il ressort de l'application combinée des articles 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et 74 du code de procédure civile, que la demande de sursis à statuer soulevée en vue de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle en interprétation ou en appréciation de validité, ne relève pas du régime des exceptions de procédure et notamment des exceptions dilatoires ; qu'il s'agit donc d'un moyen de défense au fond et non d'une fin de non recevoir de l'article 122 du code de procédure civile ; que dès lors, en rejetant la demande de renvoi préjudiciel devant la juridiction européenne formée devant lui, le premier juge a tranché une question de fond dans le dispositif de son jugement ;
Qu'en statuant ainsi alors que le jugement qui refusait de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne et renvoyait l'examen de la cause sur le fond ne tranchait pas le fond du litige et ne mettait pas fin à l'instance, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 septembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare irrecevable l'appel interjeté par la société Boulangerie-pâtisserie Y... contre le jugement du tribunal d'instance de Mont-de-Marsan du 30 juin 2009 ;
Condamne la société AG2R prévoyance aux dépens de cassation et à ceux exposés devant les juges du fond ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Boulangerie-pâtisserie Y... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour la société Boulangerie-ptisserie Y..., demanderesse au pourvoi principal
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit qu'il n'y avait lieu à renvoi d'une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne ;
AUX MOTIFS QUE « L'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dispose que lorsqu'une question relative à l'interprétation d'une norme communautaire est soulevée devant une juridiction nationale d'un des Etats membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de justice de statuer sur cette question. Le renvoi ne s'impose donc pas chaque fois que, soit la question a déjà été tranchée par la Cour européenne, soit qu'il n'existe aucune difficulté sérieuse d'interprétation, l'application du droit communautaire s'imposant sans laisser place à un doute raisonnable ; qu'en l'espèce, comme l'a déjà affirmé le premier juge, la question posée par la SARL Y... a déjà été tranchée par la CJUE non seulement dans l'arrêt A...du 21 septembre 1999 mais encore dans le récent arrêt X...du 03 mars 2011 ; qu'en effet dans l'arrêt A..., la Cour européenne avait affirmé que n'était pas contraire aux articles 81 et 82 du CE (aujourd'hui les articles 101 et 102 du TFUE) l'affiliation obligatoire à un fonds de pension chargé du droit exclusif de gérer un régime de pension complémentaire instauré par convention collective ; que dans l'arrêt X..., la Cour a été encore plus précise. Dans cette instance en effet, la question préjudicielle posée par le tribunal de Périgueux était strictement la même que celle posée par la SARL Y..., soit l'interprétation des articles 81 et 82 CE devenus les articles 101 et 102 du TFUE, présentée dans le cadre d'un litige opposant l'institution de prévoyance AG2R à un boulanger (la SARL X...) qui refusait d'adhérer au régime complémentaire de frais de soins de santé, géré par AG2R pour le secteur de la boulangerie artisanale, aux termes du même avenant n° 83 du 24 avril 2006 à la convention collective nationale du 19 mars 1978 ; que la contestation portait exactement sur les articles 13 et 14 de l'avenant, c'est-à-dire sur la désignation de l'AG2R pour la gestion du régime et sur le caractère obligatoire de cette adhésion (les clauses de désignation et de migration) ; que dans cet arrêt la CJUE a répondu en ces termes : « 1°) L'article 101 TFUE, lu en combinaison avec l'article 4 § 3du TFUE, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à la décision des pouvoirs publics de rendre obligatoire, à la demande des organisations représentatives des employeurs et des salariés d'un secteur d'activité déterminé, un accord issu de négociations collectives qui prévoit l'affiliation obligatoire à un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé pour l'ensemble des entreprises du secteur concerné, sans possibilité de dispense ; 2°) Pour autant que l'activité consistant dans la gestion d'un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé tel que celui en cause au principal doit être qualifié d'économique, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, les articles 102 TFUE et 106 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas, dans des circonstances telles que celles de l'affaire au principal, à ce que les pouvoirs publics investissent un organisme de prévoyance du droit exclusif de gérer ce régime, sans aucune possibilité pour les entreprises du secteur d'activité concerné d'être dispensées de s'affilier audit régime » ; que la Cour a donc admis que le dispositif des articles 13 et 14 de l'avenant n° 83 instituant une adhésion obligatoire à TAG2R désignée en qualité de gestionnaire exclusif du régime complémentaire de remboursement de frais de santé pour le secteur de la boulangerie, n'est pas contraire aux articles 101 et 102 du TFUE, en ce qu'il ne constitue pas un accord susceptible de fausser la concurrence à l'intérieur du marché intérieur ni ne constitue l'exploitation de façon abusive d'une position dominante sur ledit marché intérieur ; qu'il doit donc en être conclu exactement que la question ayant été déjà tranchée clairement par la CJUE, le renvoi préjudiciel devient inutile » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE si les articles 102 et 106 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ne s'opposent pas à ce que les pouvoirs publics investissent un organisme de prévoyance du droit exclusif de gérer un régime de remboursement complémentaire des frais de soins de santé pour l'ensemble des entreprises d'un secteur d'activité, sans possibilité, pour les entreprises de ce secteur, d'être dispensée de s'affilier audit régime, il appartient néanmoins aux pouvoirs publics, lorsqu'ils confient à un organisme de prévoyance la gestion d'un tel régime, de respecter les règles fondamentales du traité de l'Union européenne et notamment le principe de non-discrimination, lequel implique le respect d'une obligation de transparence consistant à garantir un degré de publicité adéquat permettant une mise en concurrence ainsi que le contrôle de l'impartialité des procédures de choix ; que la cour d'appel, qui a refusé de renvoyer une question préjudicielle à la CJUE en ce que cette dernière aurait déjà déclaré l'avenant n° 83 conforme aux articles 101 et 102 du TFUE quand la CJUE ne s'est prononcée que sur la seule question de savoir si l'obligation d'adhérer au régime complémentaire santé institué par cet accord était conforme au droit communautaire et non sur celle, qui était seule posée par la SARL BOULANGERIE PATISSERIE Y..., de savoir si la désignation de l'AG2R en tant qu'organisme assureur était conforme au droit de l'Union européenne et notamment au principe de transparence, a statué par des motifs inopérants et a violé ledit principe, ensemble les articles 18 et 267 du TFUE ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la question de savoir si la désignation de l'AG2R en tant qu'organisme assureur est conforme aux principes régissant, en droit communautaire, la commande publique et notamment au principe de transparence, pose une question d'interprétation du droit de l'Union européenne ; qu'il appartient donc à la Cour de cassation de renvoyer celle-ci à la CJUE sur le fondement de l'article 267 du TFUE. Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société AGR2 prévoyance, demanderesse au pourvoi incident

Ce n'est que dans l'hypothèse ou par extraordinaire, la Cour de cassation accueillerait le pourvoi principal que l'exposante entend former un pourvoi incident éventuel.

Il est reproché à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR déclaré recevable l'appel de la société Y... ;
AUX MOTIFS QUE « selon l'article 544 du Code de procédure civile : « les jugements qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d'instruction ou une mesure provisoire peuvent être immédiatement frappés d'appel comme les jugements qui tranchent tout le principal ; il en est de même lorsque le jugement qui statue sur une exception de procédure, une fin de non recevoir ou tout autre incident, met fin à l'instance ; toutefois, il ressort de l'application combinée des articles 267 TFUE et 74 du Code de procédure civile que la demande de sursis à statuer soulevée en vue de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle en interprétation ou en appréciation de validité ne relève pas du régime des exceptions de procédure et notamment des exceptions dilatoires ; il s'agit donc d'un moyen de défense au fond et non d'une fin de non recevoir de l'article 122 du Code de procédure civile, en ce qu'il n'est pas invoqué un des cas prévus par ce texte soit le défaut de qualité, d'intérêt, un moyen de prescription ou de forclusion ni l'autorité de la chose jugée ; dès lors en rejetant la demande de renvoi préjudiciel devant la juridiction européenne, le premier juge a tranché une question de fond dans le dispositif de son jugement mixte du 30 juin 2009 ; l'appel immédiat est donc recevable en application de l'article 544 du Code de procédure civile » ;
1°) ALORS QUE n'est pas susceptible d'appel immédiat une décision qui statue sur une exception de procédure sans mettre fin à l'instance ; que constitue une exception de procédure tout moyen qui tend à suspendre le cours de la procédure ; que la demande de renvoi d'une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne qui tend à suspendre le cours de la procédure devant les juges nationaux jusqu'à la décision de la Cour de justice constitue une exception de procédure ; qu'en énonçant, pour déclarer recevable l'appel de la société Y..., « qu'il ressort de l'application combinée des articles 267 TFUE et 74 du Code de procédure civile que la demande de sursis à statuer soulevée en vue de saisir la Cour de justice de l'union européenne d'une question préjudicielle en interprétation ou en appréciation de validité ne relève pas du régime des exceptions de procédure », mais constituait un moyen de défense au fond et que le premier juge avait dès lors tranché une question de fond, la Cour d'appel a violé les articles 74, 544 et 545 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE n'est pas susceptible d'appel immédiat une décision qui statue sur une exception de procédure mais qui ne met pas fin à l'instance ; que constitue une exception de procédure tout moyen qui tend à suspendre le cours de la procédure ; que la demande de renvoi d'une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne qui tend à suspendre le cours de la procédure devant les juges nationaux jusqu'à la décision de la Cour de justice constitue une exception de procédure ; qu'en énonçant, pour déclarer recevable l'appel de la société Y..., qu'une telle question préjudicielle ne constituait pas une exception dilatoire ni une fin de non recevoir, la Cour d'appel a statué par des motifs inopérants à justifier la recevabilité de l'appel contre le jugement ayant dit n'y avoir lieu à renvoyer une question préjudicielle devant la Cour de justice de l'Union européenne et a ainsi violé les articles 74, 544 et 545 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-26864
Date de la décision : 27/02/2013
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Analyses

APPEL CIVIL - Décisions susceptibles - Décision non susceptible d'appel immédiat - Décision statuant sur un incident de procédure - Décision ne mettant pas fin à l'instance - Application - Cas - Question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne

Ne tranche pas le fond du litige et ne met pas fin à l'instance le jugement qui se borne à refuser de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne et renvoie l'examen de la cause sur le fond. Un tel jugement n'est, en conséquence, par application des articles 544 et 545 du code de procédure civile, pas susceptible d'un appel immédiat


Références :

articles 544 et 545 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 22 septembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 fév. 2013, pourvoi n°11-26864, Bull. civ. 2013, V, n° 56
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2013, V, n° 56

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Lalande
Rapporteur ?: M. Maron
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Fabiani et Luc-Thaler

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.26864
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