LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Versailles, 10 février 2012, n° 11/02105), que le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Nanterre a autorisé des agents de l'administration des impôts à procéder, en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, à des visite et saisies dans des locaux susceptibles d'être occupés, à Puteaux, par la société HR Access Solutions SAS (la société), en vue de rechercher la preuve de la fraude de la société HR Access Solutions BV, présumée se soustraire à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée ;
Attendu que la société fait grief à l'ordonnance d'avoir rejeté sa demande d'annulation de la décision du juge des libertés et de la détention alors, selon le moyen, qu'il est de principe que les pièces produites par l'administration fiscale à l'appui de sa demande d'autorisation de visite et de saisie domiciliaires doivent avoir une origine licite ; que l'article L. 85 du Livre des procédures fiscales énonce que «Les contribuables doivent communiquer à l'administration, sur sa demande, les livres dont la tenue est rendue obligatoire par les articles L. 123-12 à L. 123-28 du code de commerce ainsi que tous les livres et documents annexes, pièces de recettes et de dépenses» ; qu'il résulte de ces dispositions que le droit de communication se limite aux seules pièces comptables, en sorte que l'administration fiscale ne peut valablement fonder sa demande de visites domiciliaires sur d'autres documents, tels que des contrats ou pré-commandes, qui auraient été collectés dans le cadre de son droit de communication, dès lors que ces documents ont une origine illicite ; que, par suite, en jugeant le contraire, le premier président a violé ensemble les textes susvisés ;
Mais attendu qu'ayant retenu que les éléments litigieux ont été remis par une autre société à l'occasion du droit de communication prévu aux articles L. 81, L. 85 et L. 102 B du livre des procédures fiscales, et que les documents annexes concernés par ledit article L. 85 ne sont pas seulement les pièces de nature comptable au sens strict du terme, mais toutes celles qui ont une corrélation certaine avec les données de la comptabilité commerciale, ce qui inclut nécessairement les facturations et ce qui s'y rattache, y compris les commandes, contrats et avenants quand ils sont, comme en la présente cause, liés à la comptabilité, le premier président a fait l'exacte application de l'article L. 85 du livre des procédures fiscales ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les autres griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
Rejette le pourvoi ;
Condamne la société HR Access Solutions aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer au directeur général des finances publiques la somme de 1 250 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Tiffreau, Corlay et Marlange, avocat aux Conseils, pour la société HR Access solutions
II.- Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'avoir débouté l'exposante de sa demande tendant à l'annulation de l'ordonnance rendue, le 2 mars 2011, par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de NANTERRE, AUX MOTIFS QUE « il est rappelé que la requête susmentionnée a été présentée en raison d'une suspicion d'exercice en France d'activités commerciales sans souscription de l'intégralité des déclarations fiscales s'y rapportant, ce en vue de se soustraire à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les sociétés et de la TVA ; que l'ordonnance du 2 mars 2011 par laquelle il a été fait droit à cette requête a autorisé la visite de locaux situés ... susceptibles d'être occupés par la SAS HR ACCESS SOLUTIONS ou la société HR ACCESS SOLUTIONS BV ; que les opérations ainsi autorisées se sont déroulées le 3 mars 2011 et ont été relatées dans un procès-verbal daté du même jour ; Considérant que la société HR ACCESS SOLUTIONS SAS fait en premier lieu valoir, au soutien de son recours, que l'Administration a illicitement obtenu l'autorisation qui lui a été donnée en produisant des bulletins de « pré-commandes » et des contrats qu'elle avait obtenus de manière illicite en s'adressant à l'une de ses clientes, la société Pierre Fabre, à laquelle elle n'était pourtant en droit de réclamer, conformément aux dispositions de l'article L 85 du livre des procédures fiscales, que des pièces de nature comptable ; Mais considérant que s'il revient certes au juge saisi en application des dispositions de l'article L 16 B du livre des procédures fiscales de contrôler que les pièces présentées à l'appui de la requête ont une origine apparemment licite, il apparaît que cette condition a bien été en l'espèce remplie puisque s'agissant des éléments obtenus de la société Pierre Fabre, qui ne constituent au demeurant qu'une partie des nombreuses pièces qui ont été soumises à son appréciation, il a été indiqué qu'elles ont été remises par cette société dans le cadre du droit de communication prévu aux articles L 81, L 85 et L 102 B du livre des procédures fiscales, et que les documents annexes concernés par ledit article L 85 ne sont pas seulement les pièces de nature comptable au sens strict du terme, mais toutes celles qui ont une corrélation certaine avec les données de la comptabilité commerciale, ce qui inclut nécessairement les facturations et ce qui s'y rattache, y compris les commandes, contrats et avenants quand ils sont, comme en la présente cause, indissociablement liés à la comptabilité ; Que le moyen s'avère partant dénué de pertinence ; Considérant que la société HR ACCESS SOLUTIONS SAS reproche également à l'ordonnance attaquée d'être insuffisamment motivée ; qu'en effet, pour présumer qu'une entreprise néerlandaise se serait soustraite à ses obligations fiscales en France, il aurait été au préalable nécessaire de présumer qu'elle avait dans ce pays de telles obligations, et donc qu'elle y disposait d'un établissement stable selon les critères de la convention franco-néerlandaise, alors qu'aucune explication n'a été à cet égard fournie ; Considérant toutefois qu'au terme d'une analyse très complète, effectuée à partir de la deuxième partie de la page 3 et se prolongeant jusqu'à la page 6, le premier juge a légitimement indiqué qu'il peut être présumé que la société HR ACCESS SOLUTIONS BV qui a son siège à une adresse de domiciliation ne dispose pas aux Pays-Bas de moyens d'exploitation pour exercer une activité commerciale, alors qu'elle dispose en France de moyens décisionnels, matériels et humains ; qu'elle exerce sur le territoire de ce pays une activité économique et qu'elle est présumée occuper en France, 8 cours du Triangle à Puteaux, des locaux susceptibles de contenir des documents ou des supports d'information relatifs à la fraude présumée ; qu'en tout état de cause la société HR ACCESS SOLUTIONS n'est quant à elle pas une société de droit néerlandais, mais une société par actions simplifiées inscrite au registre du commerce et des sociétés de Nanterre ; Qu'il s'ensuit que le moyen doit être rejeté ; Considérant que la société HR ACCESS SOLUTIONS SAS fait en outre grief au premier juge de n'avoir pas effectué une vérification complète du contenu de la requête, car il lui semble évident qu'il n'a pas personnellement rédigé les mentions figurant dans l'ordonnance, s'étant borné à signer le projet présenté par l'Administration, dont il a purement et simplement repris les prétentions ; Considérant cependant que de possibles similitudes entre le contenu de la requête et la motivation de la décision s'expliquent aisément par l'utilisation de références communes et le caractère technique des données, et qu'elles sont dépourvues d'effet sur la validité de l'ordonnance entreprise ; que les motifs et le dispositif de l'ordonnance prononcée en application de l'article L 16 B du livre des procédures fiscales sont réputés établis par le juge qui l'a rendue et signée ; qu'il n'existe pas de doute sérieux et légitime quant à l'authenticité de la vérification en pratique effectuée ; que la société HR ACCESS SOLUTIONS BV échoue totalement dans l'administration de la preuve du reproche grave qu'elle fait au juge de n'avoir pas rempli son office ;
Considérant qu'elle invoque aussi le caractère selon elle disproportionné de l'autorisation de visite accordée, au regard de la liberté d'établissement communautaire ; qu'en effet l'Administration n'aurait pas, à son sens, établi de manière circonstanciée le caractère proportionné de la visite domiciliaire, alors qu'il n'était pas strictement nécessaire de procéder par voie de perquisition fiscale ; Or considérant qu'aucun texte n'impose au juge de vérifier si l'Administration pouvait recourir à d'autres modes de preuve et que les dispositions de l'article L 16 B du livre des procédures fiscales assurent des garanties suffisantes contre d'éventuels abus en cas de recours à une visite domiciliaire qui, en l'espèce, était parfaitement proportionnée eu égard aux présomptions de fraude relevées au terme d'une analyse minutieuse ; Que le moyen se révèle là encore inopérant ; Et considérant que l'est tout autant celui qui tend à démontrer l'absence même de présomption de fraude fiscale alors que le juge des libertés et de la détention, après avoir visé avec précision les nombreuses pièces produites, s'est appuyé sur celles-ci, en en contrôlant la valeur, pour effectuer une démonstration sérieuse et sans faille qui mérite d'être approuvée, dès lors que les pièces en question, dont le contenu a été parfaitement exploité, mettent en évidence les présomptions selon lesquelles la société HR ACCESS SOLUTIONS SAS, qui est manifestement unie à la société HR ACCESS SOLUTIONS SAS BV par des liens très puissants, se serait soustraite à l'établissement de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée ; Que de même est vain son moyen reposant sur l'absence de justification tant de l'absence de tenue d'une comptabilité régulière, que d'une intention de frauder, puisque la présomption de fraude a été parfaitement caractérisée et que le premier juge a sans ambiguïté et exactement estimé qu'elle se rapporte à des actions sciemment commises ».
ALORS QUE 1°) il est de principe que les pièces produites par l'administration fiscale à l'appui de sa demande d'autorisation de visite et de saisie domiciliaires doivent avoir une origine licite ; que l'article L. 85 du Livre des procédures fiscales énonce que « Les contribuables doivent communiquer à l'administration, sur sa demande, les livres dont la tenue est rendue obligatoire par les articles L123-12 à L123-28 du code de commerce ainsi que tous les livres et documents annexes, pièces de recettes et de dépenses » ; qu'il résulte de ces dispositions que le droit de communication se limite aux seules pièces comptables, en sorte que l'administration fiscale ne peut valablement fonder sa demande de visites domiciliaires sur d'autres documents, tels que des contrats ou pré-commandes, qui auraient été collectés dans le cadre de son droit de communication, dès lors que ces documents ont une origine illicite ; que, par suite, en jugeant le contraire, le Premier président a violé ensemble les textes susvisés.
ALORS QUE 2°) il résulte des dispositions de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales que, lorsque l'administration fiscale entend mettre en oeuvre la procédure de visites domiciliaires à l'encontre d'une société étrangère présumée avoir exercée en France une activité commerciale par l'intermédiaire d'un établissement stable en se soustrayant à ses obligations fiscales en France, l'existence d'une présomption d'établissement stable, selon les critères conventionnels, doit être caractérisée ; qu'en l'espèce, l'article 5 de la convention applicable, conclue entre la France et les Pays-Bas, prévoit qu'est considérée comme ayant un établissement stable en France l'entreprise qui dispose en France d'une installation fixe d'affaires au travers de laquelle elle exerce tout ou partie de son activité ou qui dispose en France d'un agent dépendant ayant le pouvoir de signer des contrats en son nom et pour son compte ; que, pour juger fondée la présomption d'établissement stable en France, le Premier président se fonde sur les moyens matériels et humains dont disposerait l'exposante en France et sur le prétendu défaut de substance de l'activité au Pays-Bas alors que de tels éléments sont impropres à caractériser une quelconque présomption d'établissement stable au sens conventionnel ; qu'ainsi, en statuant comme il l'a fait, le Premier Président de la Cour d'appel de VERSAILLES a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.
ALORS QUE 3°) aux termes de l'article L 16 B du livre des procédures fiscales « le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée » ; qu'il résulte de l'article 66 de la constitution et des dispositions des articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme que les personnes faisant l'objet d'une procédure de visite et de saisie domiciliaires prévue à l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales doivent bénéficier d'un contrôle juridictionnel effectif par un tribunal indépendant et impartial ; que le fait pour un juge des libertés et de la détention de s'être borné, au titre de sa motivation, à reproduire une ordonnance prérédigée par l'administration fiscale porte atteinte aux textes et principes susvisés dans la mesure où une telle motivation peut faire peser un doute légitime sur l'impartialité du juge ainsi que sur la réalité, l'effectivité et le caractère concret du contrôle juridictionnel ; que, par suite, en jugeant le contraire, le Premier Président a violé les dispositions susvisées.
ALORS QUE 4°) l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales porte atteinte à la liberté d'établissement dès lors qu'une société française se trouvant dans la même situation qu'une société étrangère, présumée exercer une activité sur le territoire national par le biais d'un établissement stable sans souscrire les déclarations y afférentes, n'est pas soumise à une telle procédure ; qu'il est de principe que les entraves à la liberté d'établissement doivent, pour être licites, être justifiées par une raison impérieuse d'intérêt général et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre leur objectif ; qu'ainsi, le juge autorisant la mesure de visite et de saisie domiciliaires prévues à l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales doit contrôler la proportionnalité de l'atteinte portée à la liberté d'établissement par rapport au but poursuivi ; qu'en l'espèce, ainsi que le faisait valoir l'exposante, le juge des libertés et de la détention s'est néanmoins abstenu de justifier du caractère proportionné, au regard des éléments en sa possession, de la demande de visites et de saisies domiciliaires ; qu'en jugeant néanmoins que la mise en oeuvre de la procédure prévue à l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales serait seulement subordonnée à l'existence d'une présomption de fraude visée à cet article, le Premier président de la Cour d'appel de VERSAILLES a violé les dispositions susvisées.
ALORS QUE 5°) la procédure de visites et de saisies domiciliaires prévue à l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales est réservée aux hypothèses de présomptions de fraudes fiscales commises aux moyens d'un ou plusieurs des procédés spécifiquement visés par ledit article L. 16 B du Livre des procédures fiscales à savoir, l'achat ou la vente sans facture, les factures fictives, l'omission intentionnelle d'écritures comptables et la passation intentionnelle d'écritures comptables fictives ou inexactes ; qu'en l'espèce, au terme d'une argumentation particulièrement détaillée, l'exposante a contesté la pertinence des éléments sur lesquels repose l'ordonnance, fondés notamment sur l'absence de moyens de la société HR ACCESS SOLUTIONS BV aux PAYS-BAS, sur le rôle de cette dernière société dans le processus de commercialisation et sur l'existence d'un prétendu établissement stable de cette société sur le territoire français ; qu'en se bornant à affirmer que le premier juge aurait rempli son office sans répondre de manière circonstanciée aux nombreux moyens non dénués de pertinence développés par l'exposante, le Premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article et des principes susvisés.