CHAMBRE MIXTE
Arrêt n° 274 P + B + R + I Pourvoi n° W12-15. 063
LA COUR DE CASSATION, siégeant en CHAMBRE MIXTE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par la caisse de Crédit mutuel de l'Etang de Berre Est, dont le siège est 11 cours Mirabeau, 13 700 Marignane,
contre l'arrêt rendu le 9 décembre 2011, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (15e chambre A), dans le litige l'opposant à :
1°/ M. Serge X...,
2°/ Mme Laurence Y..., épouse X...,
tous deux domiciliés..., 83440 Callian,
défendeurs à la cassation ;
EN PRESENCE DE :
1°/ Jean-Pierre Z..., notaire associé, domicilié..., 13100 Aix-en-Provence,
2°/ la société Yves A..., Michel B..., Jean-Pierre Z..., Cyril C..., Jean-Christophe D..., notaires associés (SCP), dont le siège estHaut du cours Mirabeau, 13100 Aix-en-Provence ;
M. le premier président a, par ordonnance du 7 septembre 2012, renvoyé le pourvoi devant une chambre mixte composée des première, deuxième et troisième chambres civiles ;
La demanderesse invoque, devant la chambre mixte, le moyen de cassation annexé au présent arrêt ;
Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la caisse de Crédit mutuel de l'Etang de Berre Est ;
Des observations et un mémoire en défense ont été déposés au greffe de la Cour de cassation par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat de M. et Mme X... ;
Un mémoire " conclusions d'association " et des observations en vue de l'audience ont été déposés au greffe de la Cour de cassation par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. Z... et de la SCP A..., B..., Z..., C..., D... ;
La SCP Potier de la Varde et Buk-Lament s'est constituée en défense pour M. et Mme X... en lieu et place de la SCP Baraduc et Duhamel et a déposé au greffe de la Cour un mémoire complémentaire en défense ;
La SCP Lyon-Caen et Thiriez a déposé des observations en vue de l'audience ;
La SCP Potier de la Varde et Buk-Lament a déposé des observations en réponse en vue de l'audience ;
Le rapport écrit de M. Maunand, conseiller, et l'avis écrit de M. Azibert, premier avocat général, ont été mis à la disposition des parties ;
Sur quoi, LA COUR, siégeant en chambre mixte, en l'audience publique du 10 décembre 2012, où étaient présents : M. Lamanda, premier président, MM. Charruault, Terrier, Mme Flise, présidents, M. Maunand, conseiller rapporteur, MM. Bargue, Pluyette, Bizot, Mme Bardy, MM. Mas, Grellier, Mme Feydeau, M. Savatier, conseillers, M. Azibert, premier avocat général, Mme Tardi, directeur de greffe ;
Sur le rapport de M. Maunand, conseiller assisté de M. Cardini, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, de la SCP Potier de la Varde et Buk-Lament, l'avis de M. Azibert, premier avocat général, auquel, parmi les parties invitées à le faire, la SCP Boré et Salve de Bruneton a répliqué, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu les articles 8 et 23 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971, dans leur rédaction applicable à la cause, ensemble l'article 1318 du code civil ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que les procurations doivent être annexées à l'acte à moins qu'elles ne soient déposées aux minutes du notaire rédacteur de l'acte ; que, dans ce cas, il est fait mention dans l'acte du dépôt de la procuration au rang des minutes ; que de la combinaison des deux autres textes il résulte que l'inobservation de ces obligations ne fait pas perdre à l'acte son caractère authentique, partant son caractère exécutoire ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte dressé par M. Z..., notaire, membre de la société civile professionnelle A...
B...
Z...
C...
D... (la SCP), la caisse de Crédit mutuel de l'Etang de Berre Est (la caisse) a consenti un prêt aux époux X... pour financer l'achat d'un bien immobilier ; que les époux X... ont sollicité la mainlevée des saisies-attributions pratiquées à la demande de la caisse en invoquant les irrégularités qui affecteraient l'acte de prêt ; que la caisse a appelé en intervention forcée M. Z... et la SCP ;
Attendu que pour dire irrégulières les saisies-attributions pratiquées par la caisse et en ordonner la mainlevée, l'arrêt retient qu'il n'est pas indiqué que la procuration est annexée à l'acte ni qu'elle est déposée au rang des minutes des notaires, que les dispositions du décret du 26 novembre 1971 n'opèrent pas de distinction de ce chef entre les actes déposés " au rang des minutes " et les copies exécutoires et que cette irrégularité essentielle porte atteinte à la force exécutoire de l'acte qui sert de fondement aux poursuites et qui ne vaut seulement que comme écriture privée en vertu de l'article 1318 du code civil et non pas comme un titre exécutoire ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 décembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. et Mme X... à payer à la caisse de Crédit mutuel de l'Etang de Berre Est la somme de 2 500 euros et à M. Z... et la SCP A..., B..., Z..., C..., D... la somme globale de 1 500 euros ; rejette la demande de M. et Mme X... ;
Dit qu'à la diligence du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, et prononcé le vingt-et-un décembre deux mille douze par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils pour la caisse de Crédit mutuel de l'Etang de Berre Est
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'acte de prêt du 3 novembre 2003 ne constitue pas un titre exécutoire régulier, déclaré nul et de nul effet les saisies-attribution effectuées le 1er septembre 2009 entre les mains de la société Groupe suites résidences, le 10 décembre 2009 entre les mains de la société Suite Inn et le 22 décembre 2009 entre les mains de la société Les Résidences du soleil et ordonné leur mainlevée aux frais du Crédit mutuel,
Aux motifs, sur les irrégularités du titre exécutoire, que les époux X... ont, par acte notarié, reçu le 3 juin 2003 par Maître Z..., donné procuration à tous clercs de l'étude de ce dernier pour les représenter lors de l'acquisition du bien immobilier sis à Rousset-sur-Arc et lors de la signature du prêt ; que l'article 8 du décret du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires et applicable en l'espèce avant sa modification par décret du 10 avril 2005 dispose que " les procurations sont annexées à l'acte à moins qu'elles ne soient déposées aux minutes du notaire rédacteur de l'acte. Dans ce cas il est fait mention dans l'acte du dépôt de la procuration au rang des minutes " ; que l'acte de prêt notarié du 3 novembre 2003 porte la mention suivante en page 2 : " l'emprunteur : A ce non présent mais représenté par Mme Marie-Noëlle E..., clerc de notaire, domiciliée professionnellement à 13100 Aix-en-Provence, ... en vertu des pouvoirs qu'il lui a confiés aux termes d'une procuration, reçue par Maître Jean-Pierre Z..., notaire à Aix-en-Provence, le 3 juin 2003 " ; qu'il n'est pas indiqué que la procuration est annexée à l'acte ni qu'elle est déposée au rang des minutes des notaires ; qu'à cet égard il sera relevé que les dispositions du 26 novembre 1971 n'opèrent pas de distinction, de ce chef, entre les actes déposés " au rang des minutes " et les copies exécutoires ; que cette irrégularité essentielle porte atteinte à la force exécutoire de l'acte qui sert de fondement aux poursuites, et qui ne vaut seulement que comme écriture privée en vertu de l'article 1318 du code civil et non pas comme un titre exécutoire au sens de l'article 3-4° de la loi du 9 juillet 1991 ; les saisies-attribution sont donc irrégulières et il convient d'en donner mainlevée,
alors, d'une part, qu'aucune disposition légale n'impose que les pièces annexées de l'acte authentique soient également annexées à la copie exécutoire ; qu'en considérant que la procuration donnée par les époux X... au clerc de notaire qui les avait représentés à l'acte aurait dû être annexée à la copie exécutoire dès lors que " les dispositions (du décret) du 26 novembre 1971 n'opèrent pas de distinction, de ce chef, entre les actes déposés au rang des minutes et les copies exécutoires ", la cour d'appel a violé les articles 1er de la loi du 15 juin 1976 et 15, devenu 34, du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971, ensemble les articles 2 et 3 de la loi du 9 juillet 1991,
Et alors, d'autre part, et en toute hypothèse, à raisonner même en considération de l'acte authentique, de la minute, que l'obligation, pour le notaire, de faire figurer les procurations en annexe de l'acte authentique ou de les déposer au rang de ses minutes n'est pas sanctionnée par la nullité de l'acte en tant que titre exécutoire ; qu'en considérant " que cette irrégularité essentielle porte atteinte à la force exécutoire de l'acte qui sert de fondement aux poursuites, et qui ne vaut seulement que comme écriture privée, en vertu de l'article 1318 du code civil, et non pas comme un titre exécutoire au sens de l'article 3-4° de la loi du 9 juillet 1991 ", la cour d'appel a violé les articles 8, devenu 21, et 23, devenu 41, du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971, et l'article 1318 du code civil, ensemble les articles 2 et 3 de la loi du 9 juillet 1991.