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11/12/2012 | FRANCE | N°11-87421

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 décembre 2012, 11-87421


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- La société Comag,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBÉRY, chambre correctionnelle, en date du 7 avril 2011, qui, pour blessures involontaires, l'a condamnée à 15 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-1, 222-19 et 222-21 du code pénal, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base l

égale, ensemble excès de pouvoirs ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré la soc...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- La société Comag,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBÉRY, chambre correctionnelle, en date du 7 avril 2011, qui, pour blessures involontaires, l'a condamnée à 15 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-1, 222-19 et 222-21 du code pénal, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble excès de pouvoirs ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré la société Comag coupable de blessures involontaires avec incapacité supérieure à trois mois dans le cadre du travail et l'a condamnée à une peine d'amende de 15 000 euros ;

"aux motifs qu'il résulte des éléments de l'enquête que l'opération de décâblage a été ordonnée par le chef de chantier M. X... qui se trouvait alors présent au moment des faits en bas du pylône, au chef d'équipe de M. Y..., M. Z..., lequel avait demandé à M. Y... de l'accompagner, en emmenant une barre à mine, pour procéder à cette opération alors même que tous les éléments du dossier indiquent que l'utilisation d'un tel engin de levage est interdite, cette opération devant intervenir normalement en utilisant un outil de levage de type palan avec un crochet fermé, un tire-fort pour pouvoir lever le câble et le tenir en position pendant toute la manoeuvre, éléments reconnus par M. A..., PDG de la société Comag alors et par M. Z... lui-même ; que l'inspection du travail a conclu elle aussi à une origine directe de l'accident résultant de l'adoption d'une mauvaise procédure par le chef d'équipe, M. Z..., résultant de la non-mise en place d'un système de palan présentant alors toutes les garanties de protection des salariés, l'Inspection du travail précisant en outre que l'installation d'un limiteur partiel de pivotement de la balancelle aurait rendu impossible l'accident ; que cette procédure anormale résulte également du compte-rendu de réunion et de visite du 7 décembre 2005 et notamment des éléments fournis par M. B..., représentant alors la société Comag, faisant état d'une procédure Poma sur le décâblage avec utilisation d'un tire-fort et reconnaissant devant le représentant de l'Inspection du travail que la procédure utilisée était anormale et que la procédure Poma au tire-fort amont devait être utilisée, alors même, disait-il à l'audience devant le tribunal correctionnel, que malgré le matériel nécessaire au décâblage mis à disposition des chefs de chantier de la société, la technique de la barre à mine était utilisée de façon courante et habituelle au sein de la société ; que cet accident a eu pour conséquence pour le salarié M. Y... une incapacité temporaire totale de travail supérieure à trois mois ; qu'il convient de rappeler que la mise en cause de la personne morale, la SAS Comag, suppose une faute simple ; qu'elle résulte donc du fait d'employer une procédure inadaptée alors même que la décision d'interdire l'usage de la barre à mine pouvait être prise à tout instant par la société par l'intermédiaire de ses chefs de chantier ou responsables, ce qui démontre bien en l'espèce une absence d'accomplissement des diligences normales alors même que ces derniers disposaient du pouvoir et des moyens de décider cette interdiction et de la faire appliquer, le conducteur de travaux se trouvant sur place dessous le pylône en question et n'ayant en rien manifesté son désaccord avec la procédure employée ; qu'en conséquence, les conditions de retenue de la responsabilité de la personne morale de la SAS Comag étant réunies en l'espèce pour avoir par négligence et imprudence involontairement causé les blessures causées à M. Y..., il convient de confirmer la retenue faite par les premiers juges ;

"1°) alors que la responsabilité d'une personne morale ne peut être engagée que si une infraction a été commise pour son compte par une personne physique disposant d'un pouvoir de direction et d'engager la personne morale à l'égard des tiers, agissant en qualité de représentant de celle-ci ; qu'en l'espèce, la société Comag est poursuivie pour avoir, dans le cadre d'une relation de travail, involontairement causé une incapacité totale de travail supérieure à trois mois sur la personne de M. Y... en adoptant une procédure inadaptée pour les opérations de déblocage et n'installant pas de limitateur partiel de pivotement de la balancelle utilisée lors de cette opération ; qu'en la retenant dans les liens de la prévention, bien que l'infraction ait été commise par M. Z..., chef d'équipe, pour lequel il n'était justifié ni de l'existence effective d'une délégation de pouvoirs ni d'un statut et d'attributions propres à en faire un représentant de la personne morale, la cour d'appel a méconnu les articles 121-2, 222-19 et 222-21 du code pénal ;

"2°) alors qu'en tout état de cause, saisi in rem, le juge répressif ne peut statuer que sur les faits visés à l'acte qui le saisit, sauf accord exprès du prévenu d'être jugé sur les faits non compris dans les poursuites ; qu'en l'espèce, la société Comag a été citée devant le tribunal correctionnel à la requête du procureur de la République du chef de blessures involontaires pour avoir involontairement causé une incapacité totale de travail supérieure à trois mois sur la personne de M. Y... en adoptant une procédure inadaptée pour les opérations de déblocage et n'installant pas de limitateur partiel de pivotement de la balancelle utilisée lors de cette opération, c'est-à-dire pour des faits d'imprudence commis par l'un de ses salariés, M. Z... ; qu'ainsi, en le déclarant coupable de blessures involontaires, aux motifs que ses chefs de chantier ou responsables auraient dû interdire l'usage de la barre à mine, sans constater que la société Comag avait accepté d'être jugé sur ces faits distincts de ceux compris dans les poursuites, la cour d'appel a méconnu l'étendue de sa saisine et violé l'article 388 du code de procédure pénale ;

"3°) alors que le délit de blessures involontaires reproché à l'employeur n'est pas caractérisé lorsque, d'une part, celui-ci a satisfait à son obligation de mise à disposition du matériel adéquat et que, d'autre part, l'accident n'est dû qu'à l'initiative prise par un salarié ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué constate que le matériel nécessaire au décâblage était mis à la disposition des chefs de chantier de la société et que l'accident a pour origine directe l'adoption d'une mauvaise procédure par le chef de chantier, résultant de la non mise en place d'un système de palan présentant toutes les garanties de protection des salariés, ce dont il résultait qu'il ne pouvait être reproché à l'employeur aucune faute pénale de nature à engager sa responsabilité ; qu'en déclarant néanmoins la société Comag coupable du délit de blessures involontaires, la cour d'appel a méconnu les articles 222-19 et 222-21 du code pénal" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite de la rotation inopinée de la balancelle d'un télésiège, un salarié de la société Comag a été blessé à la jambe alors qu' il participait, sur la plate-forme d'un pylône, à une opération de dépose d'un câble pratiquée à l'aide d'une barre à mine par un chef d'équipe travaillant à ses côtés ; que la société Comag a été poursuivie devant le tribunal correctionnel sur le fondement de l'article 222-19, alinéa 1er, du code pénal ; que la prévention a été déclarée établie par le tribunal ;

Attendu que, pour confirmer cette décision sur les appels de la société Comag et du ministère public, l'arrêt, après avoir relevé qu'il résultait du plan particulier de sécurité et de protection de la santé que M. X..., désigné par ce document comme conducteur de travaux et responsable de la sécurité sur le site, avait la qualité de représentant de la personne morale en cause, retient que le décâblage, qu'il avait lui-même ordonné, aurait dû être effectué avec un outil de levage de type palan avec crochet fermé ou "tirfor", et non à l'aide d'une barre à mine ; que les juges ajoutent que la décision d'interdire l'usage de cet outil, dont l'utilisation sur les chantiers de la société était fréquente en dépit de la mise à disposition du personnel d'un matériel adapté, pouvait être prise à tout instant par les responsables de la société et qu'en l'espèce, M. X..., pourtant présent sur les lieux au moment de l'accident, ne s'est pas opposé au mode opératoire employé ; qu'ils en déduisent que de ce fait, qui a été à l'origine de l'accident, la responsabilité pénale de la société Comag se trouve engagée ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel, qui n'a pas excédé sa saisine, a caractérisé à la charge de la société poursuivie une faute d'imprudence et de négligence commise pour son compte par un de ses représentants, et ainsi justifié sa décision au regard des dispositions des articles 121-2 et 222-19 du code pénal ;

Que la circonstance qu'aient été visés en particulier dans la citation, au titre des manquements imputés à la société Comag, le recours à une procédure inadaptée pour une opération de décâblage et le défaut d'installation d'un limitateur de pivotement de la balancelle utilisée ne pouvait interdire à la juridiction correctionnelle de rechercher toute faute d'imprudence ou de négligence entrant dans les prévisions de l'article 222-19 précité du code pénal ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Guirimand conseiller rapporteur, M. Beauvais conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

RESPONSABILITE PENALE - Personne morale - Conditions - Commission d'une infraction pour le compte de la société par l'un de ses organes ou représentants - Applications diverses - Accident du travail subi par un salarié et causé par l'imprudence d'un conducteur de travaux

Il résulte de l'article 121-2 du code pénal que les personnes morales ne peuvent être déclarées pénalement responsables que s'il est établi qu'une infraction a été commise, pour leur compte, par leurs organes ou représentants. Est justifiée au regard de ce texte la décision d'une cour d'appel qui retient la responsabilité pénale d'une société, du fait d'un de ses représentants, à la suite de l'accident du travail subi par un salarié et causé par l'imprudence d'un conducteur de travaux désigné par le plan particulier de sécurité et de protection de la santé comme responsable de la sécurité sur le chantier qui, présent sur les lieux de l'accident, a ordonné l'exécution d'une opération de décâblage sans s'opposer à l'utilisation d'un outil inadapté pour la réaliser


Références :

articles 121-2 et 222-19 du code pénal

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 07 avril 2011

Sur la responsabilité pénale d'une personne morale résultant d'une infraction commise par l'un de ses organes ou représentants, à rapprocher :Crim., 11 avril 2012, pourvoi n° 10-86974, Bull. crim. 2012, n° 94 (cassation partielle)

arrêt cité ;Crim., 2 octobre 2012, pourvoi n° 11-84415, Bull. crim. 2012, n° 205 (1) (cassation)


Publications
Proposition de citation: Cass. Crim., 11 déc. 2012, pourvoi n°11-87421, Bull. crim. criminel 2012, n° 274
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2012, n° 274
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Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : M. Boccon-Gibod (premier avocat général)
Rapporteur ?: Mme Guirimand
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Formation : Chambre criminelle
Date de la décision : 11/12/2012
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 11-87421
Numéro NOR : JURITEXT000026963754 ?
Numéro d'affaire : 11-87421
Numéro de décision : C1207529
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2012-12-11;11.87421 ?
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