LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- La commune de L'Etang salé,
contre l'arrêt de la cour d'appel de SAINT-DENIS de la RÉUNION, chambre correctionnelle, en date du 14 décembre 2011, qui, dans la procédure suivie contre M. Dominique X... du chef d'infractions au code de l'urbanisme, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 641-9 du code de commerce, 2, 3, 497 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que la cour d'appel a déclaré recevable et bien fondé l'appel interjeté par M. X... à l'encontre des dispositions civiles du jugement ayant condamné l'intéressé à payer à la commune de l'Etang salé, sur l'action civile exercée par cette dernière, les sommes de 825 000 et 86 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs que l'article L. 641-9 du code de commerce ne créé aucune incapacité du débiteur qui reste capable de conclure certains actes sauf que les actes passés par le débiteur seul sans encourir la nullité sont inopposables au liquidateur qui, en l'espèce, ne saurait contester l'appel diligenté par M. X... tendant à la réduction de son passif ; que, de plus, le débiteur peut également accomplir les actes et exercer les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ; qu'en l'espèce le jugement de liquidation a dessaisi M. X... « de l'administration et de la disposition de ses biens, même ceux acquis à quelque titre que ce soit » ; que la contestation d'une demande en réparation exercée par voie d'action civile consécutive à la commission d'une infraction est étrangère au domaine se rapportant à l'administration et à la disposition des biens, lesquels ne peuvent être considérés que comme des éléments d'actif du patrimoine ;
"1) alors que le droit d'interjeter appel d'un jugement condamnant le débiteur placé en liquidation judiciaire à verser des dommages et intérêts à raison d'une infraction dont il a été déclaré coupable concerne le patrimoine dudit débiteur, relève de la mission du liquidateur et ne peut être, sous peine d'irrecevabilité, exercé que par ce dernier ; qu'en déclarant recevable l'appel interjeté par le seul prévenu, placé en liquidation judiciaire, à l'encontre des dispositions du jugement l'ayant condamné à verser des dommages-intérêts à la partie civile, la cour d'appel a violé les textes précités ;
"2) alors que les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur ; qu'en retenant que l'action en justice ne constituait pas un acte d'administration ou de disposition d'un élément d'actif du patrimoine, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant et a violé l'article L. 641-9 du code de commerce ;
"3) alors que la contestation d'une demande en réparation exercée par voie d'action civile consécutive à la commission d'une infraction est un acte d'administration du patrimoine du débiteur et relève de la mission du liquidateur lorsque ce dernier est chargé de l'administration et de la disposition de l'ensemble des biens du débiteur ; qu'en retenant que la contestation d'une demande en réparation exercée par voie d'action civile ne constitue pas un acte d'administration ou de disposition et qu'elle n'entrait pas dans la mission du liquidateur chargé de l'administration et de la disposition des biens de M. X..., la cour d'appel a violé l'article L. 641-9 du code de commerce ;
"4) alors que l'appel interjeté par un débiteur placé en liquidation judiciaire en lieu et place du liquidateur est entaché d'un défaut de qualité à agir et est à ce titre irrecevable ; qu'en retenant que les actes conclus par le débiteur seul n'encourent pas la nullité et sont uniquement inopposables au liquidateur, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant et a violé les articles L. 641-9 du code de commerce et 497 du code de procédure pénale" ;
Vu l'article L. 641-9 du code de commerce ;
Attendu que, par application de ce texte, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens ; que les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur ; que toutefois, le débiteur peut se constituer partie civile ou exercer les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ;
Attendu que, pour déclarer recevable l'appel de M. X..., en liquidation judiciaire, sans que le mandataire liquidateur soit appelé devant elle, la cour d'appel retient que l'article L. 641-9 du code de commerce ne crée aucune incapacité du débiteur qui reste capable de conclure certains actes et que les actes passés par le débiteur seul sont inopposables, sans encourir la nullité, au liquidateur ; que les juges ajoutent que le débiteur peut également accomplir les actes et exercer les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher si l'appel d'un jugement statuant sur des intérêts patrimoniaux était exclu de la mission du liquidateur, la cour d'appel a violé le texte susvisé et le principe susénoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Et sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 622-24 du code de commerce, 2, 3 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que la cour d'appel a dit n'y avoir lieu à inscrire la créance détenue par la commune de l'Etang salé sur M. X... à raison de l'obligation pour ce dernier de réparer le préjudice causé par l'infraction dont il a été déclaré coupable et a débouté la commune de l'Etang salé de l'intégralité de ses demandes ;
"aux motifs qu'il n'est pas établi que la partie civile ait fait, ne serait-ce à titre provisionnel, une déclaration de créance dans le délai imparti à compter de la publication au Bodac de la liquidation judiciaire de monsieur X..., et ce alors que le contentieux inhérent aux conséquences de l'extension des constructions sans permis préexistait au prononcé du jugement de liquidation du 15 mai 2009 ;
"alors que le délai de déclaration, par une partie civile, des créances nées d'une infraction pénale court à compter de la date de la décision définitive qui en fixe le montant, lorsque cette décision intervient après la publication du jugement d'ouverture ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que le jugement d'ouverture a été prononcé le 15 mai 2009 et que le jugement condamnant M. X... à verser des dommages-intérêts à la commune de l'Etang salé avait été frappé d'appel par l'intéressé ; qu'en retenant que le délai de déclaration avait commencé à courir et qu'il était expiré, cependant que seule sa décision pouvait avoir cet effet, la cour d'appel a violé l'article L. 622-24 du code de commerce" ;
Vu l'article L. 622-24, alinéa 7, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;
Attendu que, selon ce texte, le délai de déclaration, par une partie civile, des créances nées d'une infraction pénale court à compter de la date de la décision définitive qui en fixe le montant, lorsque cette décision intervient après la publication du jugement d'ouverture ;
Attendu que, pour rejeter la demande de dommages-intérêts de la commune, l'arrêt attaqué énonce qu'il n'est pas établi que la partie civile ait fait, ne serait-ce qu'à titre provisionnel, une déclaration de créance dans le délai imparti à compter de la publication au Bodac de la liquidation judiciaire de M. X..., et ce alors que le contentieux inhérent aux conséquences de l'extension des constructions sans permis préexistait au prononcé du jugement de liquidation du 15 mai 2009 ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé et méconnu le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encore encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 14 décembre 2011, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Saint Denis-de-la-Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Fossier conseiller rapporteur, M. Arnould conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Téplier ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;