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04/12/2012 | FRANCE | N°11-25958

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 04 décembre 2012, 11-25958


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 1234 et 1300 du code civil, 683 du code général des impôts et L. 17 du livre des procédures fiscales ;
Attendu que la confusion des droits locatifs et de propriété éteint le droit au bail sur le bien immobilier dont le preneur devient propriétaire ; que les travaux et améliorations réalisés par le preneur, qui devaient appartenir au bailleur en fin de bail commercial, ne peuvent entrer dans l'assiette des droits d'enregistrement faute d'avoir transité par le

patrimoine de celui-ci avant la vente et d'avoir ainsi constitué l'objet d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 1234 et 1300 du code civil, 683 du code général des impôts et L. 17 du livre des procédures fiscales ;
Attendu que la confusion des droits locatifs et de propriété éteint le droit au bail sur le bien immobilier dont le preneur devient propriétaire ; que les travaux et améliorations réalisés par le preneur, qui devaient appartenir au bailleur en fin de bail commercial, ne peuvent entrer dans l'assiette des droits d'enregistrement faute d'avoir transité par le patrimoine de celui-ci avant la vente et d'avoir ainsi constitué l'objet de la mutation ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Fuxedis a pris à bail un immeuble appartenant à la société Ariedis, pour y exploiter un centre commercial ; que le contrat stipulait que les travaux faits par le preneur resteraient en fin de bail la propriété du bailleur, sans indemnité à la charge de ce dernier, par accession ; qu'en cours de bail, la société Ariedis a cédé à la société Fuxedis ses droits sur l'immeuble, le prix fixé excluant la valeur des travaux réalisés par la société locataire ; que l'administration fiscale a notifié à la société Fuxedis une proposition de rectification des droits d'enregistrement versés à l'occasion de cette vente, en ajoutant au prix la valeur de ces travaux, puis a mis en recouvrement les droits correspondants ; que la société Fuxedis a saisi le tribunal de grande instance aux fins d'annulation de la décision de rejet de sa réclamation et de décharge de cette imposition ;
Attendu que, pour rejeter la demande de la société Fuxedis, l'arrêt retient que la vente du bien immobilier, par le bailleur au locataire, avait éteint le bail par confusion des droits locatifs et de propriété sur la tête de la même personne, avant son terme normal ; qu'il retient encore que cette extinction avait produit les mêmes effets qu'une résiliation amiable tacite anticipée du bail qui devait être regardée comme impliquant la remise du bien immobilier, dans toutes ses composantes, au bailleur préalablement à la vente et qu'elle constituait une mutation soumise aux droits d'enregistrement pour le tout en sorte que les travaux d'amélioration réalisés par la société Fuxedis ne pouvaient échapper à la taxation correspondante ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'acquisition par le preneur n'avait pas entraîné la résiliation anticipée du bail commercial mais son extinction par confusion des droits au sens de l'article 1300 du code civil et qu'aucun transfert de la propriété des constructions réalisées par le preneur ne s'était produit entre son patrimoine et celui du bailleur avant cette acquisition, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 juillet 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Annule la décision de rejet du 5 décembre 2008 de la réclamation de la société Fuxedis ainsi que l'avis de mise en recouvrement du 7 novembre 2008 ;
Condamne le directeur général des finances publiques aux dépens incluant ceux exposés devant les juges du fond ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer la somme de 2 500 euros à la société Fuxedis ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre décembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Fuxedis
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société FUXEDIS de sa demande d'annulation de la décision de Monsieur le Directeur de la Direction du contrôle fiscal Sud-Pyrénées en date du 5 décembre 2008 ainsi que de ses demandes subséquentes d'annulation de l'avis de mise en recouvrement;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'article 17 du Code de procédure fiscale prévoit, en ce qui concerne les droits d'enregistrement, que l'administration des impôts peut rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien ayant servi de base à la perception d'une imposition lorsque ce prix ou cette évaluation paraît inférieure à la valeur vénale réelle des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations, étant souligné que, pour appréhender cette valeur vénale, il convient de prendre en compte les seuls éléments réels d'appréciation, qu'il s'agisse de facteurs d'ordre socio-économique, physique ou juridique, abstraction faite de circonstances propres à la situation personnelle des parties ; l'acte de bail du 19 octobre 1989 prévoit que le bailleur, la SA Ariedis, devient, en fin de bail, propriétaire par accession et gratuitement des travaux et aménagements effectués par le preneur, la SAS FUXEDIS ; la vente du bien immobilier, objet unique du contrat de location, par le bailleur au locataire éteint le bail par confusion des droits locatifs et de propriété sur la tête de la même personne, avant son terme normal ; cette extinction produit, eu regard de la loi fiscale en matière de droits d'enregistrement, les mêmes effets qu'une résiliation amiable tacite anticipée du bail et doit être regardée comme impliquant la remise du bien immobilier dans toutes ses composantes au bailleur préalablement à la vente et constitue pour le tout une mutation soumise aux droits d'enregistrement des mutations d'immeubles ; les importants travaux d'amélioration réalisés par la SAS FUXEDIS ne peuvent dès lors échapper à la taxation correspondante ; leur valeur vénale estimée par l'administration fiscale à la somme de 1.696.140 euros brute puis sur demande de la SAS FUXEDIS à 1.272.105 euros nette n'étant pas, en elle-même, discutée par cette société doit être entérinée, ce qui donne un supplément de droits de 63.478 euros dont le calcul détaillé n'est pas davantage, en lui-même, contesté ; la SAS FUXEDIS doit, ainsi, être déboutée de sa demande en décharge des suppléments de droits d'enregistrement qui lui ont été assignés au titre de l'année 2002 » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' « au soutien de son action, la Société FUXEDIS fait valoir que les améliorations réalisées par elle ne sont pas retournées dans le patrimoine de la SAS ARIEDIS, de sorte que la vente n'a pu porter sur ces améliorations ; selon la demanderesse, le bail liant les parties n'a pas été résilié avant la vente, mais a pris fin après celle-ci par confusion c'est-à-dire par réunion en la personne de la société FUXEDIS des qualités de preneur et de bailleur propriétaire ; elle cite divers arrêts de la Cour de cassation et la doctrine administrative retenant que la valeur réelle d'un bien immobilier se trouve diminuée par l'existence d'un bail même lorsque le bail prend fin du fait de l'acquisition par le locataire ; ainsi, le bail existe toujours au moment de la transmission de l'immeuble au preneur ; les décisions invoquées par l'administration ne seraient pas transposables à la présente espèce s'agissant d'hypothèses où les parties ont volontairement résilié le bail avant le terme initialement prévu ; quant à la jurisprudence du Conseil d'Etat invoquée par l'Administration, la société demanderesse fait valoir que le litige n'est pas identique mais concerne une imposition dans la catégorie des revenus fonciers, au regard des dispositions des articles 33 bis et 33 ter du Code général des impôts, d'un supplément de loyer correspondant aux travaux réalisés par le preneur ; or, pour que joue la confusion, il est nécessaire, dans le cas de la vente d'un immeuble au preneur, que ce dernier acquière préalablement la qualité de propriétaire de l'immeuble ; et il n'acquiert cette qualité qu'une fois que la vente est réalisée ; l'article L. 17 du Livre des procédures fiscales dispose « en ce qui concerne les droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière ou la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elle est due aux lieu et place de ces droits ou taxe, l'administration des impôts peut rectifier le prix d'un bien ayant servi de base à la perception d'une imposition lorsque ce prix ou cette évaluation paraît inférieur à la valeur vénale des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations » ; pour appréhender la valeur vénale d'un bien, il convient de se placer du point de vue d'un acheteur quelconque et non d'une personne déterminée, seuls étant à prendre en compte les éléments réels d'appréciation ; la Cour de cassation a jugé que, lorsque les relations contractuelles entre les parties au bail s'éteignent avant le terme initialement prévu, la résiliation anticipée du bail a nécessairement pour effet le retour anticipé des constructions dans le patrimoine du bailleur, ce retour constituant un transfert de propriété soumis aux droits d'enregistrement des mutations d'immeubles ; dans ce cas, le bailleur propriétaire du sol, devient, sauf convention contraire, propriétaire des constructions en fin de bail ; par l'effet de la résiliation, le preneur perd son droit de propriété temporaire sur les constructions qu'il avait édifiées et permet au bailleur d'accéder à la propriété de ces constructions avant l'expiration du bail, de sorte qu'entraînant transfert de propriété des immeubles, la résiliation constitue une mutation soumise aux droits d'enregistrement des mutations d'immeubles ; le Conseil d'Etat a jugé qu'en vertu des dispositions combinées des articles 33 bis et 33 ter du CGI, lorsque le prix d'un bail à construction consiste, en tout ou en partie, dans la remise gratuite d'immeubles en fin de bail, la valeur de ces derniers, calculée d'après leur prix de revient, constitue un revenu foncier perçu par le bailleur à la fin du bail ; dans le cas où le bailleur vend le terrain au preneur avant le terme du bail, l'acte de vente produit, au regard de la loi fiscale en matière de revenus fonciers, les mêmes effets qu'une résiliation amiable tacite du bail ; au cas d'espèce, la vente du bien immobilier, objet unique du bail commercial, a eu pour effet la résiliation amiable au bail avant terme et le retour des aménagements et constructions réalisés par le preneur la société FUXEDIS dans le patrimoine du bailleur, la société ARIEDIS, lequel a pu en disposer et procéder à la vente ; dès lors, les parties ont nécessairement convenu, même tacitement, d'une résiliation amiable du bail, ayant eu pour effet le retour anticipé des aménagements et constructions dans le patrimoine du bailleur, ce retour constituant un transfert de propriété soumis, en ce qui concerne la société FUXEDIS, à la formalité fusionnée de l'enregistrement et de la publicité foncière ; en conséquence, c'est à juste titre que la société FUXEDIS a été soumise aux droits de mutation à raison de cette opération, sauf à faire échapper à toute imposition les travaux réalisés » ;
ALORS QUE, lorsque le preneur à bail commercial fait l'acquisition du local loué avant le terme du contrat de bail, ce contrat s'éteint du fait de la confusion des qualités de propriétaire et de locataire ; que cette confusion, qui est une conséquence, aussi immédiate soit-elle, de l'acquisition, intervient postérieurement à celle-ci ; qu'il s'ensuit que les travaux et améliorations que le preneur a pu réaliser et qui étaient appelés à un retour gratuit au bailleur en fin de bail ne peuvent entrer dans l'assiette des droits d'enregistrement faute d'avoir transité par le patrimoine du bailleur/vendeur avant la vente et d'avoir ainsi constitué l'objet de la mutation ; qu'en l'espèce, la société FUXEDIS a acquis le 20 décembre 2002 le local commercial qu'elle louait à la société ARIEDIS selon contrat de bail commercial du 19 octobre 1989 ; qu'en considérant que les droits d'enregistrement devaient porter non sur la seule valeur vénale de l'immeuble dans l'état où il avait été donné à bail mais sur la valeur vénale de cet immeuble tel qu'il avait été amélioré du fait des importants travaux réalisés par la société FUXEDIS au cours de l'exécution du contrat de bail, lorsque la valeur de ces améliorations n'avait pu transiter dans le patrimoine du bailleur/vendeur, la Cour d'appel a violé les articles 1234 et 1300 du Code civil, ensemble les articles 683 du Code général des impôts, et 17 du Code de procédure fiscale.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-25958
Date de la décision : 04/12/2012
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Enregistrement - Droits de mutation - Mutation à titre onéreux d'immeubles - Champ d'application - Vente de l'immeuble loué - Confusion des droits locatifs et de propriété - Effets sur l'assiette des droits

La confusion des droits locatifs et de propriété ayant éteint le droit au bail sur le bien immobilier dont le preneur devient propriétaire, les travaux et améliorations réalisés par le preneur, qui devaient appartenir au bailleur en fin de bail commercial, ne peuvent entrer dans l'assiette des droits d'enregistrement faute d'avoir transité par le patrimoine de celui-ci avant la vente et d'avoir ainsi constitué l'objet de la mutation


Références :

articles 1234 et 1300 du code civil

article 683 du code général des impôts

article L. 17 du livre des procédures fiscales

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 25 juillet 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 04 déc. 2012, pourvoi n°11-25958, Bull. civ. 2012, IV, n° 218
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, IV, n° 218

Composition du Tribunal
Président : M. Espel
Avocat général : M. Mollard
Rapporteur ?: Mme Bregeon
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.25958
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