LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- L'Association française des maladies de la thyroïde,
- L'association Commission de recherche et d'information
indépendante sur la radioactivité,
- M. Jacques X..., parties civiles,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 4e section, en date du 7 septembre 2011, qui, dans l'information suivie, sur leurs plaintes, contre personne non dénommée, des chefs d'homicides et blessures involontaires et, contre M. Pierre Y..., des chefs de tromperie et tromperie aggravée, a prononcé non-lieu ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 23 octobre 2012 où étaient présents : M. Louvel président, Mme Radenne conseiller rapporteur, MM. Arnould, Le Corroller, Nunez, Pers, Mme Mirguet conseillers de la chambre, Mme Harel-Dutirou, M. Roth conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Berkani ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de Mme le conseiller RADENNE, les observations de Me BROUCHOT, de Me BOUTHORS, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BERKANI ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I-Sur le pourvoi de M. X...:
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
II-Sur les autres pourvois :
Vu le mémoire commun aux demanderesses et le mémoire en défense produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite de l'explosion, le 26 avril 1986, de l'un des réacteurs de la centrale nucléaire de Tchernobyl, des substances radioactives se sont échappées dans l'atmosphère sous forme d'un panache, constitué d'iode 131, de tellure 132, de césium 137 et 134, qui, sous l'effet des vents, a été entraîné vers le sud-est de la France, où, arrivé le 29 avril 1986, il est resté jusqu'au 5 mai suivant ; que le 1er mars 2001, l'Association française des maladies de la thyroïde (AFMT), la Commission de recherche et d'information indépendante sur la radioactivité (CRIIRAD) et cinquante et une personnes physiques souffrant d'une affection thyroïdienne ont porté plainte et se sont constituées partie civile des chefs, notamment, d'empoisonnement, administration de substances nuisibles, blessures et homicides involontaires ; qu'au cours de l'information, de nombreuses autres personnes physiques atteintes de ces mêmes pathologies ou proches de personnes en étant décédées se sont constituées partie civile ; que M. Y..., directeur du Service central de protection contre les rayonnements ionisants (SCPRI), mis en examen, le 31 mai 2006, des chefs de tromperie et de tromperie aggravée et, entendu comme témoin assisté sur les faits de blessures et homicides involontaires, a sollicité la clôture de l'information ; que l'arrêt attaqué, infirmant l'ordonnance de poursuite de l'information rendue par le juge d'instruction, a prononcé non-lieu ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 221-6, 221-8, 221-10, 222-19, 222-44, 222-46 du code pénal, 319 et 320 du code pénal abrogé, L. 213-1 et L. 213-2 1° du code de la consommation, 2, 485 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt de non-lieu attaqué ne vise aucun des textes d'incrimination dont il est fait application et ne contient l'énoncé d'aucun d'eux ;
" alors que tout jugement doit comporter les motifs qui en sont le soutien nécessaire ; qu'en l'absence de tout visa des textes d'incrimination et de tout énoncé desdits textes dont il est fait application, l'arrêt est entaché d'un défaut de motif en violation des textes susvisés " ;
Attendu que l'arrêt satisfait en la forme aux exigences de l'article 216 du code de procédure pénale, propre à la chambre de l'instruction, lequel n'exige pas que la décision de non-lieu mentionne les textes d'incrimination écartés par cette juridiction ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 221-6, 221-8, 221-10, 222-19, 222-44, 222-46 du code pénal, 319 et 320 du code pénal abrogé, et des articles 2, 485 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre contre M. Y..., ou contre quiconque, des chefs d'« atteinte involontaire à l'intégrité d'autrui » ;
" aux motifs que le 1er mars 2001, l'Association française des malades de la thyroïde, la commission de recherche et d'information indépendante sur la radioactivité ci-après « CRII-RAD » et 51 personnes physiques souffrant d'un cancer de la thyroïde ou d'affections de la thyroïde déposaient plainte avec constitution de partie civile des chefs d'empoisonnement, administration de substances nuisibles, violences et atteintes involontaires à l'intégrité de la personne ; que, selon la plainte, la thyroïde fixait l'iode dans l'organisme et, en situation de contamination environnementale, elle fixait les iodes radioactifs inhalés ou ingérés ; que la radioactivité reçue dépendait de la quantité de radioactivité mais aussi de l'effet du rayonnement ; que les études dans le monde sur les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl montraient que la présence de césium 137 et a fortiori d'iode 131 et de césium 137 augmentait les risques de développement des pathologies thyroïdiennes ; qu'en France, la population avait été exposée de façon externe aux gaz et aérosols du panache radioactif d'une durée d'un jour sur les zones à l'ouest les moins contaminées et d'une durée de huit jours dans le sud-est ; que, sur l'infraction de blessures involontaires, selon toutes les enquêtes, nonobstant les déclarations d'une partie civile dans son mémoire, les cancers de la thyroïde augmentent en France depuis 1975, qu'il n'est observé à ce jour, aucune augmentation plus significative, en France, dans la période postérieure à l'accident de Tchernobyl ; que les cancers radio-induits sont une réalité médicale, que cependant, il résulte des dires constants des experts qu'en l'absence de connaissance de la dose d'iode ingérée, le lien de causalité ne peut être établi, que ce fait était connu et admis des parties civiles qui l'indiquaient dans leur plainte, à l'origine de la procédure ; que le juge d'instruction a nommé un collège d'experts pour examiner les dossiers médicaux de soixante-quatre parties civiles atteintes d'un cancer de la thyroïde puis un deuxième collège d'experts pour examiner les dossiers médicaux de trente-neuf autres parties civiles, que tous les experts ont conclu, dans chaque cas, qu'en l'état actuel de la science il était impossible d'établir un lien de causalité certain entre le passage, en France du panache radioactif de Tchernobyl et les pathologies constatées, que depuis 2004 le juge d'instruction a cessé d'ordonner des expertises de cette nature ; que l'impossibilité de faire la preuve du lien de causalité entre les cancers diagnostiqués et les retombées du panache radioactif de Tchernobyl résulte de l'état actuel des connaissances scientifiques, qu'elle est acquise et constante, qu'il n'est pas utile d'ordonner une expertise médicale pour chacune des autres parties civiles ; que, pour le même motif, le lien de causalité entre les cancers de Mmes Z...
A...
B..., Z...
A..., épouse H..., de M. Almeida A..., présents en France en 1986, et les retombées radioactives du panache radioactif de Tchernobyl, ne peut être établi ; qu'une enquête épidémiologique révèle des probabilités, qu'en raison notamment de la diversité des personnes exposées et de l'absence de puissance statistique, elle est contestée et ne peut pas davantage faire la preuve d'un lien de causalité ; qu'en l'absence de preuve d'un lien de causalité certain entre le dommage et le fait reproché, aucune atteinte involontaire à l'intégrité des personnes ayant déposé plainte ou pour lesquelles les ayants droit ont déposé plainte ne peut être retenue et les faits, sous cette qualification et celles d'empoisonnement ou administration de substances nuisibles ne peuvent être reprochés à quiconque, qu'il n'y a lieu à suivre de ce chef ;
" 1) alors qu'est réprimé le fait de causer à autrui, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois ;
qu'il existe autant d'infractions poursuivies que de victimes éventuelles, les juges étant tenus de se prononcer dans chaque cas sur les circonstances de l'espèce ; que la chambre de l'instruction était saisie de poursuites dirigées contre M. Y...du fait de cancers de la thyroïde ou d'affections de la thyroïde présentés par des patients ; qu'elle devait dès lors rechercher l'existence d'un lien de causalité, entre, d'une part, les actes accomplis par ce dernier et, d'autre part, chaque pathologie invoquée individuellement par chacun des quatre-cent-soixante-quatorze patients constitués parties civiles, souffrant de cancers ou de pathologies thyroïdiennes, sans pouvoir se borner, comme elle l'a fait pour déduire l'absence de toute infraction, à affirmer d'une manière générale et impersonnelle sur la base de l'expertise de soixante-quatre dossiers médicaux de patients d'une part, trente-neuf autres expertises d'autres patients d'autre part ainsi qu'en considération des seuls cancers diagnostiqués enfin ; qu'en déduisant de « l'impossibilité de faire la preuve du lien de causalité entre les cancers diagnostiqués et les retombées du panache radioactif de Tchernobyl résulte de l'état actuel des connaissances scientifiques » l'absence d'atteinte à l'intégrité des personnes, sans caractériser dans chaque cas la pathologie particulière du patient constitué partie civile pris individuellement et l'absence d'un lien de causalité entre les actes reprochés à M. Y...et la pathologie de ce patient dans les circonstances de l'espèce, la cour d'appel a statué par des motifs généraux et impersonnels équivalant à une absence de motifs, privant ainsi sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
" 2) alors que le lien de causalité entre les actes reprochés et la pathologie présentée par un patient peut être déduit non seulement de la preuve positive de l'imputabilité auxdits actes, mais encore de l'impossibilité d'imputer cette pathologie à une autre cause que l'exposition au risque résultant des actes reprochés ; qu'en se bornant à énoncer que l'impossibilité de faire la preuve du lien de causalité entre les cancers diagnostiqués et les retombées du panache radioactif de Tchernobyl résulte de l'état actuel des connaissances scientifiques, sans rechercher dans chaque cas si cependant le lien de causalité entre la pathologie d'un patient et le risque induit par les fautes reprochées pouvait être déduit de l'impossibilité d'imputer dans les circonstances de l'espèce, la pathologie du patient à une exposition à un autre risque ou à un antécédent autre que l'exposition au risque radioactif résultant des actes reprochés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;
Attendu que, pour dire n'y avoir lieu à suivre des chefs de blessures et homicides involontaires, empoisonnement et administration de substances nuisibles à la santé, l'arrêt, après avoir relevé qu'à ce jour, il n'a pas été constaté, en France, une augmentation significative des cancers de la thyroïde, retient que, compte-tenu de l'impossibilité de déterminer la dose d'iode ingérée par chaque malade, il est, en l'état des connaissances scientifiques actuelles, impossible d'établir un lien de causalité certain entre les pathologies constatées et les retombées du panache radioactif de Tchernobyl ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
Que, dès lors, le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 213-1 et L. 213-2 du code de la consommation, des articles 2, 485 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre contre M. Y...ou quiconque du chef de tromperie ;
" aux motifs qu'informé le dimanche 27 avril au soir le professeur Y...a donné des informations dès le 28 avril 1986 sur l'existence du panache radioactif, et dès le 30 sur l'arrivée du panache radioactif qui avait atteint le sud-est de la France, qu'il a ensuite diffusé des communiqués quotidiens, que, selon l'enquête, il n'a jamais dissimulé l'existence du panache radioactif sur le territoire français ; que le professeur Y...était le premier informé de l'arrivée du nuage et de sa composition en raison de ses fonctions, qu'il a informé différentes administration et notamment le cabinet du premier ministre, qu'aucune disposition ne lui interdisait de faire état de ces informations notamment à la presse, qu'il ressort des auditions l'absence de nombreux fonctionnaires dans les services administratifs en raison d'une période de deux week-ends prolongés, que, contrairement aux déclarations de M. C..., ancien président de la CRIIRAD, les représentants des laboratoires indépendants, de l'IPSN notamment pouvaient donner des informations, que certains l'ont fait, que nonobstant les critiques de M. D..., secrétaire général du CISN, qui estime que son service n'a pas été suffisamment informé, l'attitude du professeur Y...n'est pas révélatrice d'une volonté de s'arroger le monopole de l'information ; que, concernant la radioprotection, le professeur Y...a affirmé que les retombées du panache radioactif de Tchernobyl n'étaient pas dangereuses pour la santé publique et qu'il n'était pas nécessaire de prendre des mesures prophylactiques, qu'il a expliqué, sans être formellement démenti par les experts, que ses connaissances sur la centrale de Tchernobyl et l'usage des abaques de Doury lui permettaient de faire une telle déclaration, qu'il n'était pas seul pour faire ces calculs, qu'il avait consulté Sir Edward E...et réuni le comité national d'experts médicaux, que les circonstances dans lesquelles la décision a été prise révèlent une réflexion scientifique prise après des consultations-notamment avec un scientifique écossais ayant connu une situation similaire-peu compatible avec une volonté de tromper ; que le décret du 20 juin 1966 et les directives Euratom fixent les limites de la dose délivrée à l'organisme calculée en mSv ; que selon l'enquête, aucune des méthodes appliquées par les chercheurs depuis 1986 ne permet d'indiquer avec certitude les " doses délivrées aux organismes " en 1986, que l'enquête ne permet pas d'établir la fausseté des affirmations du professeur Y...; que, concernant les mesures prophylactiques, la prise de cachet d'iode et le changement de lait du nourrisson, apparaissent comme des mesures nécessaires dans les cas particuliers de contamination élevée, qu'il n'est pas établi par l'enquête qu'en France, en 1986, ces mesures étaient nécessaires ; qu'il résulte de l'instruction que l'IPSN, la DDCRF et les laboratoires indépendants faisaient leurs propres analyses sans se concerter, que ces derniers surveillaient notamment les laits et la viande, qu'aucun, à l'époque, n'a fait état d'un danger pour la population et n'a préconisé des mesures de précaution ; que lorsqu'un danger local est apparu, les autorités ont pu intervenir et qu'ainsi, un préfet a fait interdire la vente d'épinards sur un marché dans l'est de la France ; que 25 années plus tard, la nécessité de telles mesures n'est toujours pas démontrée, qu'aucune comparaison avec les décisions prises par les autres pays limitrophes de la France n'est pertinente en raison des différences de pluviométrie et de relief, qu'il est seulement certain, selon les spécialistes, qu'avec l'expérience et l'évolution des exigences de santé, il serait préférable de prendre de telles mesures ; que le seul fait, en 1986, de ne pas avoir conseillé de maintenir les animaux à l'étable, de laver les légumes, ne peut caractériser, dans ces circonstances et à cette époque, une volonté de tromper ; que, concernant les contrôles effectués par le SCPRI, en mai et juin 1986, 5 000 prélèvements et 1 500 contrôles supplémentaires ont été effectués, qu'aucune insuffisance quantitative des contrôles n'est constatée que les omissions, les erreurs relevées par les experts s'expliquent par un surcroît d'activité, que les personnes interrogées ayant travaillé au SCPRI ont indiqué que les chiffres étaient exacts et qu'aucune instruction n'avait été donnée pour les falsifier ; que, quelles que soient les critiques sur l'insuffisance qualitative des méthodes de prélèvements et des analyses pratiquées par le SCPRI, notamment l'usage de filtre à charbon, celles-ci sont appliquées depuis 1956 pour connaître la radioactivité ambiante due aux essais nucléaires des années 1960 et n'ont pas été utilisées volontairement pour obtenir des résultats insuffisants ou tronqués, que par ailleurs, aucune information n'a été diffusée pour faire croire à l'existence de contrôles inexistants, que le SCPRI a fonctionné avec les moyens dont il disposait ; que le professeur Y...et son service ont étudié les relevés effectués dans des lieux fixés depuis 1956, que la CRIIRAD a fait des relevés dans des lieux choisis en raison d'une haute radioactivité probable, que les résultats obtenus par chacun ne peuvent être comparés pour conclure à une tromperie ; que, concernant les taux de radioactivité communiqués par le SCPRI, le professeur Y...n'a pas contesté que des taux de radioactivité supérieurs aux taux proposés par la recommandation de la Commission des communautés européennes du 6 mai 1986 ont été décelés, que le professeur Y...n'a jamais fait une déclaration tendant à faire croire que tous les aliments en France étaient conformes à cette recommandation, qu'il n'est cependant pas établi par l'enquête que les marchandises notamment celle exportée vers l'Italie, et pour lesquelles le professeur Y...a signé des certificats de conformité, présentaient un taux de radioactivité non conforme à cette recommandation ; que M. F..., directeur de la météorologie nationale, a indiqué qu'à cette époque il n'existait pas d'information sur la pluviométrie, que M. G..., en fonction à l'IPSN, a déclaré que l'impact de la pluviométrie avait échappé au SCPRI qui n'était pas informatisé et ne faisait pas de statistiques, que d'autres témoins ont indiqué que les zones les plus contaminées n'étaient pas connues, que les scientifiques de l'IRSN soulignent l'insuffisance des moyens dont disposait le SCPRI et qu'en 2006, il n'existait pas de modélisation permettant d'introduire avec certitude le facteur « lessivage » du nuage, que ces informations expliquent l'absence de prise en compte d'une contamination en " taches de léopard " et la bonne foi du mis en examen ; qu'il résulte des auditions effectuées par les experts que les chiffres de radioactivité diffusés par le SCPRI étaient des moyennes dans le calcul desquelles avaient été exclus les chiffres les plus élevés, parce qu'ils étaient discordants et considérés comme des anomalies, que ces explications sont conformes aux travaux méticuleux et complets des experts qui expriment leur incompréhension, relèvent des anomalies, des erreurs, des insuffisances, dont il résulte une minoration des taux de la radioactivité, que cependant les experts n'apportent pas d'éléments de preuve de falsification, de document révélateur d'une entreprise dirigée vers le but de tromper, qu'ainsi les taux de la radioactivité diffusés par le SCPRI et contestés par les parties civiles et notamment la CRIIRAD ne sont pas des évaluations sous-estimées volontairement dans le but de tromper ; que, concernant l'atlas européen, selon les propres déclarations du directeur de l'IRSN en 2002, les chiffres de la radioactivité publiés sont inexacts du fait de l'insuffisance des chiffres du SCPRI et de l'absence de communication des chiffres de l'IRSN par suite d'un dysfonctionnement de ce service, ce dont le professeur Y...n'était pas informé ; que les cartes de la radioactivité élaborées en 1986 par le SCPRI sont également remises en cause par l'IRSN, que cependant ces nouvelles estimations de la radioactivité résultent des connaissances acquises depuis 1986, que les résultats dépendent, selon l'IRSN lui-même, de la méthode utilisée et de la question posée et qu'il est encore impossible d'établir une carte précise de la radioactivité en 1986, qu'au contraire, l'introduction en 2005 du facteur " lessivage " et de sa variabilité implique de nouvelles recherches dont la complexité est telle que certains préconisent d'y renoncer ; qu'aux termes de l'instruction, il n'est pas démontré que le professeur Y...ait, de mauvaise foi, donné des informations fausses, inexactes ou tronquées sur les qualités substantielles, les contrôles des produits alimentaires atteints par la radioactivité ou les précautions à prendre après l'explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl, que les faits reprochés ne peuvent recevoir la qualification de tromperie ou toute aucune qualification pénale ; que les marchés étaient surveillés par le service de la répression des fraudes, que les investigations n'ont mis en cause aucune autre personne, que l'instruction est complète et qu'il n'y a pas lieu à suivre contre quiconque ;
" 1) alors que l'élément intentionnel de l'infraction de tromperie est constitué par le fait d'avoir sciemment formulé une affirmation catégorique sur l'absence de danger pour la santé publique au plan national, sans avoir mis en oeuvre l'ensemble des moyens pertinents permettant de fonder une telle affirmation ; que, pour dire n'y avoir lieu à suivre contre M. Y...ni contre quiconque du chef de tromperie, l'arrêt attaqué retient qu'il « n'est pas démontré que le professeur Y...ait de mauvaise foi, donné des informations fausses, inexactes ou tronquées » et énonce « concernant la radioprotection, que le professeur Y...a affirmé que les retombées du panache radioactif de Tchernobyl n'étaient pas dangereuses pour la santé publique et qu'il n'était pas nécessaire de prendre des mesures prophylactiques » ; que l'arrêt relève toutefois s'agissant de l'insuffisance de la méthode des « filtres à charbon » datant de 1956, que « le SCPRI a fonctionné avec les moyens dont il disposait », que s'agissant des relevés, le professeur Y...a étudié des « relevés effectués dans des lieux fixés depuis 1956 » cependant que « la CRIIRAD a fait des relevés dans des lieux choisis en raison d'une haute radioactivité probable », que « l'impact de la pluviométrie avait échappé au SCPRI qui n'était pas informatisé et ne faisait pas de statistiques », que « les scientifiques de l'IRSN soulignent l'insuffisance des moyens dont disposait le SCPRI », que « les chiffres de radioactivité diffusés par le SCPRI étaient des moyennes dans le calcul desquelles avaient été exclus les chiffres les plus élevés parce qu'ils étaient discordants et considérés comme des anomalies », que les experts « expriment leur incompréhension, relèvent des anomalies, des erreurs, des insuffisances, dont il résulte une minoration de la radioactivité », que concernant l'atlas européen, « les chiffres de la radioactivité publiés sont inexacts du fait de l'insuffisance des chiffres du SCPRI » ; qu'en l'état de ces constatations d'où il résultait que M. Y...a formulé une affirmation catégorique sur l'absence de danger pour la santé publique en affirmant « que les retombées du panache radioactif de Tchernobyl n'étaient pas dangereuses pour la santé publique et qu'il n'était pas nécessaire de prendre des mesures prophylactiques », sciemment, sans avoir mis en oeuvre l'ensemble des moyens pertinents, permettant de fonder une telle affirmation au plan national, la cour d'appel qui n'a pas déduit de ses constatations de fait les conséquences légales qui en découlaient, a violé les textes susvisés ;
" 2) alors que l'élément moral de la tromperie est réalisé indépendamment de la volonté d'induire en erreur le consommateur, dès lors que la personne poursuivie ne peut ignorer l'absence de vérifications du risque en conformité avec les règles de l'art, son attitude étant appréciée au regard des règles de prudence écrites ou usuelles ; que, pour dire n'y avoir lieu à suivre contre M. Y...directeur du SCPRI ni contre quiconque, après avoir constaté « que le professeur Y...a affirmé que les retombées du panache radioactif de Tchernobyl n'étaient pas dangereuses pour la santé publique et qu'il n'était pas nécessaire de prendre des mesures prophylactiques », la cour d'appel a relevé à propos de la radioprotection, que l'attitude de l'intéressé était « peu compatible avec une volonté de tromper », à propos des contrôles effectués que « aucune instruction n'avait été donnée pour les falsifier », à propos de l'insuffisance qualitative des méthodes de prélèvements et analyses que « aucune information n'a été diffusée pour faire croire à l'existence de contrôles inexistants », à propos des relevés du SCPRI qui ont « été effectués dans des lieux fixés depuis 1956 » cependant que « la CRIIRAD a fait des relevés dans des lieux choisis en raison d'une haute radioactivité probable » que « les résultats obtenus par chacun ne peuvent être comparés pour conclure à une tromperie », à propos des chiffres inexacts de la radioactivité retenus par Y...que « les experts n'apportent pas d'éléments de preuve de falsification » et qu'ainsi les taux de radioactivité « ne sont pas des évaluations sous-estimées volontairement dans le but de tromper » ; que la cour d'appel en déduit « qu'il n'est pas démontré que le professeur Y...ait, de mauvaise foi, donné des informations fausses, inexactes ou tronquées sur les qualités substantielles, les contrôles des produits alimentaires atteints par la radioactivité ou les précautions à prendre après l'explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl » ; qu'en l'état de ces constatations, d'où il ressort que la cour d'appel en recherchant l'existence d'un dol spécial, s'est méprise sur l'élément moral de l'infraction de tromperie, qui était caractérisé, l'arrêt a méconnu les textes susvisés ;
" 3) alors que les juges du fond sont tenus de répondre aux articulations essentielles des mémoires qui les saisissent, l'absence de réponse équivalant à une absence de motifs ; que si l'arrêt attaqué relève certes que M. Y...n'a jamais fait une déclaration tendant à faire croire que tous les aliments en France étaient conformes à la recommandation de la commission européenne du 6 mai 1986, l'arrêt n'a en revanche pas répondu aux conclusions de l'AFMT faisant valoir qu'il avait délibérément écarté lors de ses prises de position l'applicabilité de cette recommandation qui lui était par surcroît rendue impérative en France par décision ministérielle ; qu'ainsi, par son mémoire régulièrement déposé, l'AFMT faisait expressément valoir que « lors de la reprise à son compte par le gouvernement français de cette recommandation et particulièrement par une décision conjointe des ministères de l'agriculture et de l'économie publiée dès le 7 mai 1986, le mode impératif a expressément été utilisé : " conformément à la recommandation de la commission des communautés européennes publié le 7 mai 1986 au JOCE (L118), les taux maxima de radioactivité admissible dans le lait, produit témoin car très sensible, sont les suivants-à compter du 6 mai : inférieur à 500 Becquerels par kilos (…) ". Ces limitations ont constamment et obstinément été rejetées par le professeur Y...pour des motifs qu'il n'a jamais expliqués, cependant qu'il se réfugiait derrière des données largement moins protectrices de la santé publique qu'il tirait soit de sa lecture d'une recommandation de l'OMS soit de son interprétation du traité d'Euratom. Ainsi par exemple, dans son courrier type adressé à tous les Préfets de France il indiquait : " J'appelle votre attention sur la conformité des échantillons mesurés aux normes de base de radioprotection du traité d'Euratom, seules d'application en matière d'hygiène publique (les niveaux de tolérance de 300 à 600 bk/ kg n'ont qu'un caractère économique et ne régissent que les mouvement transfrontaliers. Ils ne sont pas opposables à la consommation). " (Scellé 42). De même par exemple encore, dans un télex n° 25178 du 6 mai 1986, il est indiqué : " Suite à notre conversation téléphonique de ce jour qu'il n'existe aucune disposition dans le traité d'Euratom qui autorise la commission à établir une réglementation en matière de contrôle sanitaire sur les produits alimentaires " (ibid). Il ne s'agit là que d'un échantillonnage des multiples prises de positions irréductibles de M. Y...à chaque fois que les données recommandées par la commission européenne et mise en application en France lui étaient opposées durant la période à risque. Ces éléments montrent que le professeur Y...avait parfaitement connaissance des limites imposées au plan national et qu'il s'en est délibérément abstrait par des explications qui montrent son choix personnel d'appliquer des limites autres, cependant que sa seule qualité de chef de service ne lui permettait pas d'arbitrer entre les différentes recommandations internationales dès lors que le gouvernement avait fait un choix. Cette obstination inexpliquée dans un sens défavorable à la santé publique a persisté au cours de l'instruction pénale puisque notamment à la question du juge d'instruction relative à la non-application par lui-même de ces taux maximaux et à sa préférence pour des recommandations de l'OMS du 6 mai 1986 selon lui moins contraignantes, le mis en examen a confirmé qu'il avait bien le 19 juin 1986 affirmé à propos de la recommandation européenne rendue impérative en France que : " Ce n'est qu'une recommandation et elle est devenu sans objet de fait suite à la décision (sic) de l'OMS du même jour d'arrêter toute disposition spéciale … " (D. 4772). Les scellés qui contiennent une grande partie des décisions et des communiqués émanant du professeur Y...montrent que dans de multiples cas il a affirmé la conformité à l'absence de risque sanitaire de denrées dont les mesures qui lui étaient communiquées révélaient qu'elles étaient contaminées à des taux très supérieurs à ce qui était impérativement admis par le gouvernement français » (mémoire AFMT pages 11 à 13) ; qu'il s'agissait là d'un moyen de nature à établir que M. Y...avait délibérément choisi sans en nier l'existence, de s'affranchir de la norme qui s'imposait à lui ou à tout le moins de la recommandation qu'il devait prendre en compte ; qu'en s'abstenant d'y répondre, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, violant de ce fait, les textes susvisés ;
" 4) alors que la chambre de l'instruction a expressément relevé l'existence d'une contamination dangereuse au plan local et ainsi précisé que « lorsqu'un danger local est apparu, les autorités ont pu intervenir et qu'ainsi un préfet a fait interdire la vente d'épinards sur un marché dans l'est de la France » ; qu'en refusant de constater que le fait par M. Y...d'avoir, en parfaite connaissance de l'insuffisance des moyens de contrôle, d'analyse et de diagnostic dont il disposait pour se prononcer sur la contamination radioactive effective de l'ensemble des zones du territoire national, affirmé péremptoirement « que les retombées du panache radioactif de Tchernobyl n'étaient pas dangereuses pour la santé publique et qu'il n'était pas nécessaire de prendre des mesures prophylactiques », était constitutif du délit de tromperie aggravée, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;
" 5) alors que les juges du fond sont tenus de motiver leur décision, la contradiction entre les motifs de fait équivalant à leur absence ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt, d'une part, « que le professeur Y...a affirmé que les retombées du panache radioactif de Tchernobyl n'étaient pas dangereuses pour la santé publique et qu'il n'était pas nécessaire de prendre des mesures prophylactiques » et, d'autre part, « que le professeur Y...n'a pas contesté que des taux de radioactivité supérieurs aux taux proposés par la recommandation de la commission des communautés européennes du 6 mai 1986 ont été décelés, que le professeur Y...n'a jamais fait une déclaration tendant à faire croire que tous les aliments en France étaient conformes à cette recommandation » ; qu'en statuant ainsi par des motifs contradictoires entre eux, portant sur un chef péremptoire de la poursuite, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation des textes susvisés ;
" 6) alors que les juges du fond sont tenus de motiver leur décision, la contradiction entre les motifs de fait équivalant à leur absence ; que, pour décider qu'il n'y avait lieu à suivre contre M. Y...ni contre quiconque du chef de tromperie, la cour d'appel a constaté s'agissant des mesures de prévention tout à la fois, d'une part, que « la nécessité de telles mesures n'est toujours pas démontrée » et, d'autre part, « qu'il est seulement certain qu'avec l'expérience et l'évolution des exigences de santé, il serait préférable de prendre de telles mesures » ; qu'en statuant par de tels motifs alors que des mesures de santé publique « préférables » en raison des « exigences de santé » s'imposent nécessairement, la cour d'appel a formulé des motifs contradictoires équivalant à une absence de motifs, privant sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;
Attendu qu'il est essentiellement reproché à M. Y..., d'une part, la fourniture d'informations inexactes sur la contamination radioactive de l'ensemble du territoire national par le SCPRI, lequel avait, notamment, pour rôle de mesurer la radioactivité et les rayonnements ionisants dans les divers milieux où ils pouvaient présenter des risques pour la santé, l'information du ministère de la santé et la mise à sa disposition des éléments d'appréciation fiables lui permettant de prendre les décisions appropriées pour assurer la protection correcte de chaque citoyen, et, d'autre part, ses affirmations rassurantes quant aux conséquences des retombées du panache radioactif, présentées comme dénuées de danger pour la santé publique et ne nécessitant pas de mesures prophylactiques, de sorte que des aliments contaminés ont été commercialisés sur le territoire national ;
Attendu que, pour dire n'y avoir lieu à suivre du chef de tromperie, l'arrêt rappelle que, entre mai et juin 1986, le SCPRI a effectué 5 000 prélèvements et 1 500 contrôles supplémentaires, en utilisant les méthodes et les moyens alors à sa disposition ; que les erreurs relevées dans l'information restituée par le SCPRI résultent de ce surcroît d'activité, de l'insuffisance de ses moyens et de l'utilisation de taux moyens de radioactivité qui ne prenaient pas en compte l'impact de la pluviométrie ; que les juges ajoutent que les marchés étaient surveillés par le service de répression des fraudes, dont les contrôles, comme ceux de l'Institut de protection nucléaire, n'ont pas fait apparaître de danger, sauf pour un aliment localement interdit à la vente ; que la chambre de l'instruction en déduit qu'il n'est pas démontré que M. Y...ou toute autre personne a, de mauvaise foi, donné des informations fausses, inexactes ou tronquées sur les qualités substantielles et les contrôles des produits alimentaires ou sur les précautions à prendre après la catastrophe de Tchernobyl ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, exemptes d'insuffisance comme de contradiction, l'arrêt, qui a répondu aux articulations essentielles des mémoires produits par les parties civiles, n'encourt pas la censure, dès lors que le délit de tromperie suppose l'existence d'un contrat ou d'un acte à titre onéreux qui est ou va être conclu et qui porte soit sur une marchandise soit sur une prestation de service déterminées, et que tel n'est pas le cas d'informations d'ordre général, délivrées en dehors de tout lien contractuel et ne se rapportant à aucun produit particulier ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt novembre deux mille douze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;