LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 novembre 2009), qu'ayant refusé l'indemnisation qui lui était proposée par la Sodedat 93, aux droits de laquelle vient la société Sequano aménagement, pour l'expropriation des deux lots de copropriété dont il était propriétaire dans un immeuble situé ... à Aubervilliers, M. X...a saisi la juridiction de l'expropriation pour voir fixer le montant de l'indemnité de dépossession due ;
Attendu que pour dire M. X...déchu de son appel en application de l'article R. 13-49 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, l'arrêt retient que les articles 38 et 39 du décret du 19 décembre 1991, relatifs à l'effet interruptif des demandes d'aide juridictionnelle se limitent aux actions devant la juridiction du premier degré et aux recours devant la Cour de cassation et qu'aucun texte n'énonce que la demande d'aide juridictionnelle en appel suspend le délai prévu à l'article R. 13-49 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'introduction d'une demande d'aide juridictionnelle dans le délai d'appel interrompt les délais pour conclure jusqu'à, en cas d'admission, la désignation de l'auxiliaire de justice si elle est plus tardive, la cour d'appel, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles (chambre des expropriations) ;
Condamne la société Sequano aménagement aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile et l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Sequano aménagement à payer à la SCP Célice, Blancpain et Soltner la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que Monsieur Fatah X...est déchu de son droit d'appel, en application de l'article R 13-49 du Code de l'expropriation ;
AUX MOTIFS QUE : « les articles 38 et 39 du décret du 19 décembre 1991, relatifs à l'effet interruptif des demandes d'aide juridictionnelle se limitent aux actions devant la juridiction du premier degré et aux recours devant la Cour de cassation et qu'aucun texte n'énonce que la demande d'aide juridictionnelle en appel suspend le délai prévu à l'article R 13-49 du Code de l'expropriation ; que l'exproprié ayant interjeté appel le 12 mars 2009, il n'a fait parvenir son mémoire d'appel que le 16 juillet 2009, ce dont il se déduit que cet appelant est déchu de son appel ; qu'en outre le commissaire du gouvernement, qui n'a pas fait appel principal, est irrecevable en ses conclusions en ce qu'elle tendrait à la réformation du jugement déféré, dès lors l'appelant principal est déchu de son appel » ;
ALORS QUE le droit à un procès équitable, au sens de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, implique que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle soit placé dans la position d'être assisté, concrètement et effectivement, d'un auxiliaire de justice ; que se trouve dès lors nécessairement interrompu par le dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle-jusqu'à la désignation de l'auxiliaire-le délai dans lequel l'auteur d'un recours est tenu de déposer un mémoire ou des conclusions au soutien de ses prétentions ; qu'ainsi, viole le texte susvisé, la Cour d'appel qui déclare déchu de son appel, l'appelant d'un jugement fixant une indemnité de dépossession à la suite d'une procédure d'expropriation, au motif qu'il n'a pas déposé son mémoire dans le délai de deux mois prévu par l'article R 13-49 du Code de l'expropriation, après avoir constaté que celui-ci avait déposé, dans le délai prévu par ce texte, une demande d'aide juridictionnelle pour être assisté d'un avocat, ce qui avait eu pour effet d'interrompre le délai en cause jusqu'à la désignation de l'auxiliaire de justice, date à compter de laquelle un nouveau délai de même durée avait recommencé à courir.