LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Met hors de cause, sur leur demande, les sociétés ESJ Médias Montpellier et ESJ Médias Lille, nouvellement dénommées ESJ Pro, contre lesquelles n'est pas dirigé le moyen du pourvoi ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1243-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, les articles L. 6325-1 et L. 6325-3 du code du travail et l'article 1147 du code civil ;
Attendu que lorsque les parties sont liées par un contrat de professionnalisation à durée déterminée, la rupture avant l'échéance du terme ne peut intervenir, à défaut d'accord des parties, qu'en cas de faute grave ou de force majeure ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a conclu avec la Société nationale de radiodiffusion Radio France un contrat de professionnalisation débutant le 28 novembre 2005 et devant s'achever le 28 novembre 2007 ; que cette société a conclu avec la société ESJ Médias Montpellier, filiale de l'association Ecole supérieure de journalisme de Lille, une convention de formation en date du 21 novembre 2005, par laquelle la salariée a été intégrée au centre de formation de Montpellier ; que le 31 juillet 2006, la société ESJ Médias Montpellier a notifié à l'intéressée son exclusion du centre de formation à compter du 7 août 2006 ; que suivant lettre du 1er août 2006, l'employeur a précisé à la salariée que le contrat de professionnalisation ne pourra plus être exécuté à compter du 7 août 2006 à raison de son exclusion définitive de l'organisme de formation et qu'il ne pourra plus l'accueillir dans ses locaux sauf à ce que l'intéressée retrouve un organisme de formation susceptible de lui permettre de mener à bien la formation initialement prévue ; que la salariée a saisi le 6 mars 2007 la juridiction prud'homale pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement de diverses sommes ;
Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que du fait de la formation spécifique choisie de journaliste rédacteur reporter radio, qui ne pouvait être effectuée que par l'organisme dont la salariée a été exclue, l'employeur s'est trouvé dans l'impossibilité de trouver une autre formation et de continuer à exécuter le contrat de professionnalisation ; que l'impossibilité non fautive de l'employeur d'exécuter régulièrement le contrat de professionnalisation et l'impossibilité pour la salariée de respecter son obligation de suivre la formation du fait de son exclusion par le centre de formation justifient la suspension du contrat de professionnalisation, sous réserve d'une nouvelle formation trouvée dans le délai contractuel expirant le 28 novembre 2007 ;
Qu'en statuant ainsi, sans caractériser un cas de force majeure libérant l'employeur de ses obligations, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 octobre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la Société nationale de radiodiffusion Radio France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des sociétés ESJ Médias Montpellier et ESJ Médias Lille, devenues ESJ Pro ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la Société nationale de radiodiffusion Radio France à payer la somme de 2 500 euros à la SCP Vincent et Ohl ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un octobre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils, pour Mme X....
En ce que l'arrêt attaqué déboute Melle X... de ses demandes tendant à la condamnation solidaire de RADIO FRANCE et ESJ-MEDIAS à lui payer diverses sommes à la suite de la décision de RADIO FRANCE de ne plus exécuter à compter du 7 août 2006 le contrat de professionnalisation à durée déterminée à échéance du 28 novembre 2007 ;
Aux motifs que Dans le cadre d'un contrat de professionnalisation, l'employeur s'engage à assurer une formation au salarié lui permettent d'acquérir une qualification professionnelle et à lui fournir un emploi en relation avec cet objectif pendant la durée du contrat à durée déterminée, le salarié, de son côté s'engageant à travailler pour le compte de l'employeur et à suivre la formation prévue au contrat. Au soutien de ses prétentions Madame Nadia X... indique que la Société Nationale de Radiodiffusion Radio France qui ne justifie pas de son impossibilité de lui trouver une nouvelle formation a violé son obligation de formation, carence de nature à entraîner tant la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée que la résiliation du contrat de professionnalisation aux torts exclusifs de l'employeur qui, en toute hypothèse ne pouvait suspendre le contrat mais soit procéder à la rupture anticipée du contrat en lui payant les salaires jusqu'au terme soit transformer le contrat en contrat à durée indéterminée. Il ne peut être contesté par Madame Nadia X... que sa seule exclusion définitive du centre de formation à compter du 7 août 2007 ne permettait effectivement pas à la Société Nationale de Radiodiffusion Radio France de procéder à la rupture anticipée du contrat à durée déterminée. En l'absence d'accord en ce sens et alors que Madame X... conteste les faits à l'origine de son exclusion et conclut expressément à l'absence de force majeure, elle ne saurait raisonnablement reprocher à la Société Nationale de Radiodiffusion Radio France d'adopter une position identique à l'égard des conséquences qu'elle pouvait tirer de la seule exclusion définitive du centre de formation. Dès lors la résolution du litige suppose uniquement de déterminer si cette exclusion a placé ou non la Société Nationale de Radiodiffusion Radio France dans l'impossibilité de poursuivre le contrat de formation en l'obligeant à suspendre ce dernier jusqu'au terme prévu du 28 novembre 2007 sauf à ce que Nadia X... retrouve un organisme de formation susceptible de lui permettre de mener à bien la formation initialement prévue. Le contrat de professionnalisation associe des enseignements généraux, professionnels et technologiques dispensés dans des organismes publics ou privés de formation ou, lorsqu'elle dispose d'un service de formation, par l'entreprise, et l'acquisition d'un savoir-faire par l'exercice en entreprise d'une ou plusieurs activités professionnelles en relation avec les qualifications recherchées. En l'espèce il est établi que les seuls établissements habilités par la Commission paritaire nationale pour l'emploi des journalistes dite CNPEJ à intervenir dans le cadre de contrats de professionnalisation avec Radio France sont le centre de formation et de perfectionnement des journalistes dit CFPJ (société rue du Louvre à Paris) et l'école supérieure de journalisme de Lille dit ESJ. Ce cadre légal de reconnaissance des formations de journaliste est impératif et procède des accords passés par les partenaires sociaux des agence de presse, de la presse écrite et audiovisuelle et la CNPEJ valide les formations présentées sur la base de dossiers présentés par les organismes publics ou privés de formation qui doivent faire acte de candidature, une éventuelle reconnaissance par la CNPEJ étant d'ailleurs sujette à réexamen tous les cinq ans. Dès lors même s'il existe en France de nombreux organismes publics ou privés de formation des journalistes dont le centre international de formation à l'audiovisuel et de production de Montreuil dit CIFAP, la formation spécifique choisie par Madame Nadia X... de journaliste rédacteur reporter radio ne peut être effectuée, par le biais d'un contrat de professionnalisation avec la Société Nationale de Radiodiffusion Radio France, que par l'ESJ qui a exclu Nadia X... et le CFPJ qui l'a informé le 3 octobre 2006 qu'elle ne pouvait l'accueillir. L'appelante, au soutien de sa thèse selon laquelle d'autres organismes publics ou privés de formation pouvaient assurer sa formation, verse en cause d'appel deux tableaux des formations reconnues par la CNPEJ audiovisuelle et la CNPEJ. Or le premier (pièce n° 24) liste des formations assurées par ... l'ESJ et le CFPJ et la lecture complète du second (pièce n° 25) permet de caractériser qu'aucun des établissements qui y figure n'assure de formation en « FPC » définie comme formation professionnelle continue dont CP contrat de professionnalisation. D'autre part il est aussi établi que la Société Nationale de Radiodiffusion Radio France ne dispose pas d'un service de formation qui lui aurait permis d'accueillir Nadia X... et il ne peut lui être imposé de créer ce service pour les seuls besoins de l'appelante qui ne saurait ainsi prétendre qu'il appartenait à la Société Nationale de Radiodiffusion Radio France « d'organiser en interne la formation y compris avec ses employés qui donnaient déjà des cours dans le cadre de la formation dispensée à l'ESJ ». Ces éléments établissent l'impossibilité dans laquelle la Société Nationale de Radiodiffusion Radio France s'est trouvée à raison de l'exclusion de Nadia X... de trouver une autre formation et de continuer à exécuter le contrat de professionnalisation du 24 novembre 2005. Ainsi que l'écrit justement le premier juge l'impossibilité non fautive de la Société Nationale de Radiodiffusion Radio France d'exécuter régulièrement le contrat de professionnalisation et l'impossibilité pour la salariée de respecter son obligation de suivre la formation du fait de son exclusion par le centre de formation justifient la suspension du contrat de professionnalisation, sous réserve d'une nouvelle formation trouvée dans le délai contractuel expirant le 28 novembre 2007. Et aux motifs adoptés que faute de rupture abusive de la part de la Société RADIO FRANCE l'ensemble des demandes de Melle X... seront rejetées ;
Alors que, sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave ou de force majeure ; que la suspension, décidée par l'employeur, de l'exécution du contrat jusqu'à l'échéance du terme s'analyse en une rupture anticipée par l'employeur du contrat à durée déterminée ; que ne constitue pas un cas de force majeure, le renvoi de la salariée du Centre de formation, ce renvoi ne constituant pas un évènement imprévisible ; que, par suite, la Cour d'appel a violé l'article L. 1243-1 du code du travail, ensemble les articles L. 1243-4 et L. 1243-6, L. 6325-1 et L. 6325-3 du même code.