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25/10/2012 | FRANCE | N°11-24029

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 25 octobre 2012, 11-24029


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 16 juin 2011), que le 26 juin 1997, Mme Sylvie X..., exerçant la profession d'agent administratif du district d'Artois, a été blessée dans un accident de la circulation impliquant le véhicule conduit par M. Y..., assuré auprès de la MRACA, société d'assurance du Crédit agricole du Nord Pas de Calais (l'assureur) ; que Mme X..., représentée par son père, M. Daniel X..., devenu son tuteur, a assigné M. Y... et l'assureur en indemnisation, en présence de la ca

isse primaire d'assurance maladie de Lens et de la Caisse des dépôts et ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 16 juin 2011), que le 26 juin 1997, Mme Sylvie X..., exerçant la profession d'agent administratif du district d'Artois, a été blessée dans un accident de la circulation impliquant le véhicule conduit par M. Y..., assuré auprès de la MRACA, société d'assurance du Crédit agricole du Nord Pas de Calais (l'assureur) ; que Mme X..., représentée par son père, M. Daniel X..., devenu son tuteur, a assigné M. Y... et l'assureur en indemnisation, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de Lens et de la Caisse des dépôts et consignations (le tiers payeur) ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que M. Y... et l'assureur font grief à l'arrêt de refuser d'imputer le solde de créance du tiers payeur sur le déficit fonctionnel permanent, alors, selon le moyen, que la pension de retraite majorée prévue par les articles 29 et 30 du code des pensions civiles et militaires indemnise d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité et, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent, si bien qu'elle doit s'imputer sur ces postes de préjudice ; qu'en refusant d'imputer la pension de retraite majorée versée par le tiers payeur sur la somme de 405 000 euros mise à la charge de M. Y... et de l'assureur au titre du déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel a violé les articles 29 et 30 du code des pensions civiles et militaires, ensemble les articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Mais attendu que, selon l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires, le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps peut être radié des cadres par anticipation ; qu'il a droit, dans ce cas, à la pension rémunérant les services, sous réserve que ses blessures ou maladies aient été contractées ou aggravées au cours d'une période durant laquelle il acquérait des droits à pension ; qu'il s'en déduit que l'attribution de la pension définie à l'article L. 29 précité, qui est subordonnée exclusivement à la circonstance que le fonctionnaire victime ne peut plus exercer ses fonctions du fait de son invalidité, est calculée sur la base de son dernier traitement selon la grille indiciaire de la fonction publique et d'une valorisation égale à 2% par année de service, et concédée à titre viager pour la durée de la seule période antérieure à la date normale de mise à la retraite, et que la créance correspondante du tiers payeur qui l'a versée, s'impute exclusivement sur les postes de préjudice patrimonial des pertes de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle de l'incapacité ;
Et attendu que l'arrêt retient exactement que c'est à tort que l'assureur et M. Y... entendent imputer sur l'indemnité allouée au titre du déficit fonctionnel permanent le solde de la créance du tiers payeur après imputation sur les pertes de gains professionnels dès lors qu'il correspond, non pas à une rente d'invalidité comme l'écrivent les intimés dans leurs conclusions, mais à une pension de retraite anticipée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Attendu que M. Y... et l'assureur font le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'en retenant, pour refuser d'imputer la prestation versée par le tiers payeur sur la somme allouée au titre du déficit fonctionnel permanent, qu'il s'agissait d'une pension de retraite anticipée avec majoration pour tierce personne, sans rechercher si cette somme n'indemnisait pas ce chef de préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Mais attendu que l'arrêt rejette la demande de la victime au titre d'un besoin en tierce personne qui serait resté à sa charge ; qu'il retient que, si l'expert a conclu que l'aide d'une tierce personne était médicalement justifiée, le recours à une telle tierce personne n'est pas établi et qu'il n'est justifié d'aucun accueil de Mme X..., épouse Z..., le week-end ou à l'occasion de vacances chez des membres de sa famille alors qu'elle est hébergée dans un établissement spécialisé à Berck :
D'où il suit que le moyen est inopérant ;
Et sur le moyen unique, pris en ses troisième et quatrième branches :
Attendu que M. Y... et l'assureur font le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1°/ que la créance pour laquelle le tiers payeur est admis à exercer un recours subrogatoire a nécessairement un caractère indemnitaire ; que le juge viole le principe de la réparation intégrale s'il la met à la charge du responsable de l'accident et de son assureur sans l'imputer sur les sommes allouées à la victime en réparation de son préjudice, si bien qu'en considérant que le tiers payeur disposait au titre des prestations versées d'une créance de 473 413,01 euros à l'encontre de M. Y... et son assureur, et en refusant d'imputer cette somme sur les indemnités allouées à la victime, la cour d'appel a violé les articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, ensemble le principe de la réparation intégrale ;
2°/ que les juges du fond ne peuvent mettre la créance d'un tiers payeur à la charge du responsable de l'accident sans préciser quel poste de préjudice de la victime a été indemnisé par la prestation correspondant à cette créance ; qu'en mettant à la charge de M. Y... et de l'assureur le montant de la créance du tiers payeur, sans préciser le préjudice indemnisé par la prestation correspondant à cette créance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ;
Mais attendu que l'arrêt retient exactement que la créance du tiers payeur s'impute sur le seul poste de préjudice patrimonial des pertes de gains professionnels futurs, dès lors que Mme X..., prise en charge dans un établissement spécialisé à Berck, n'avait subi aucun dommage du chef du poste de préjudice d'assistance d'une tierce personne, et qu'elle ne percevait par ailleurs aucune rente invalidité en application de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que la cinquième branche du moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... et la société MRACA aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils, pour la société MRACA et M. Y...

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du tribunal de grande instance de SAINT OMER en date du 18 novembre 2005 en ce qu'il a condamné in solidum la SA MRACA et Gérard Y... à payer à la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS la somme de 424.817,62 € en remboursement des prestations qu'elle a versées et, l'infirmant pour le surplus, d'avoir également condamné in solidum la SA MRACA et Gérard Y... à payer à Daniel X... ès qualité de tuteur de Sylvie X... épouse Z... les sommes de 8.955 € au titre du déficit fonctionnel temporaire, 12.900 € au titre des souffrances endurées, 405.000 € au titre du déficit fonctionnel permanent, 1.000 € au titre du préjudice esthétique permanent, 30.000 € au titre du préjudice d'agrément, 20.000 € au titre du préjudice sexuel, dont à déduire les provisions d'un montant de 30.489,80 € et la somme versée au titre de l'exécution provisoire du jugement, puis d'avoir fixé la créance de la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS à la somme de 473.413,01 €, constaté qu'elle avait été remboursée de 425.567,62 € par la SA MRACA et condamné in solidum la SA MRACA et Gérard Y... à payer à la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS la somme de 47.845,39 €,
AUX MOTIFS QUE "Daniel X... ès qualités demande la condamnation de la SA MRACA et de Gérard Y... au paiement d'une somme de 617.118,90 euros à ce titre tandis que ces derniers demandent la confirmation du jugement qui a alloué à la victime la somme de 405.000 euros. Sylvie X... épouse Z... présente de nombreuses séquelles neurologiques, neuropsychologiques, sensorielles et abdominales, l'expert ayant fixé le taux d'incapacité permanente à 90%. Au regard de ce taux et de l'âge de la victime lors de la consolidation, le tribunal a fait une juste appréciation du préjudice de la victime en fixant ce poste de préjudice à la somme de 405.000 euros. C'est à tort que la SA MRACA et Gérard Y... entendent imputer sur cette somme le solde de la créance de la Caisse des Dépôts et Consignations après imputation sur les pertes de gains professionnels actuels dès lors qu'il correspond, non pas à une rente d'invalidité comme l'écrivent les intimés dans leurs conclusions, mais d'une part à une pension de retraite anticipée et d'autre part à une majoration pour tierce personne" (arrêt p. 7).
ET QUE "Au vu de ces éléments, la SA MRACA et Gérard Y... doivent être condamnés in solidum au paiement des sommes de 8.955 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 12.900 euros au titre des souffrances endurées, 405.000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 1.000 euros au titre du préjudice esthétique, 30.000 euros au titre du préjudice d'agrément et 20.000 euros au titre du préjudice sexuel, sauf à déduire le montant de provisions versées (4.573,47 euros le 12 août 1998, 15.244,90 euros le 29 janvier 1999 et 10.671,43 euros le 28 juillet 2000) et la somme perçue au titre de l'exécution provisoire du jugement;
Sur les demandes de la Caisse des Dépôts et Consignations à l'encontre de la SA MRACA et de Gérard Y..., il convient de confirmer le jugement, s'agissant de dispositions non contestées, en ce qu'il a condamné in solidum la SA MRACA et Gérard Y... à payer à la Caisse des Dépôts et Consignations la somme de 424.817,62 euros, montant de sa créance au 31 juillet 2005, outre une indemnité de procédure de 750 euros. Les parties s'accordent par ailleurs sur la fixation de la créance de la Caisse des Dépôts et Consignations à la somme de 473.413,01 euros et sur le règlement par la SA MRACA à son profit d'une somme de 425.567,62 euros, qu'il y a lieu de constater. Il convient dans ces conditions de condamner in solidum la SA MRACA et Gérard Y... à payer à la Caisse des Dépôts et Consignations le solde restant dû correspondant à la somme de 47.845,39 euros" (arrêt p. 8);
ALORS, D'UNE PART, QUE la pension de retraite majorée prévue par les articles 29 et 30 du code des pensions civiles et militaires indemnise d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité et, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent, si bien qu'elle doit s'imputer sur ces postes de préjudice; qu'en refusant d'imputer la pension de retraite majorée versée par la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS sur la somme de 405.000 € mise à la charge de M. Gérard Y... et de la MRACA au titre du déficit fonctionnel temporaire, la cour d'appel a violé les articles 29 et 30 du code des pensions civiles et militaires, ensemble les articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985.
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en retenant, pour refuser d'imputer la prestation versée par la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS sur la somme allouée au titre du déficit fonctionnel permanent, qu'il s'agissait d'une pension de retraite anticipée avec majoration pour tierce personne, sans rechercher si cette somme n'indemnisait pas ce chef de préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985;
ALORS, EGALEMENT, QUE la créance pour laquelle le tiers-payeur est admis à exercer un recours subrogatoire a nécessairement un caractère indemnitaire ; que le juge viole le principe de la réparation intégrale s'il la met à la charge du responsable de l'accident et de son assureur sans l'imputer sur les sommes allouées à la victime en réparation de son préjudice, si bien qu'en considérant que la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS disposait au titre des prestations versées d'une créance de 473.413,01 € à l'encontre de M. Gérard Y... et son assureur, et en refusant d'imputer cette somme sur les indemnités allouées à la victime, la cour d'appel a violé les articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, ensemble le principe de la réparation intégrale;
ALORS, ENCORE, QUE les juges du fond ne peuvent mettre la créance d'un tiers-payeur à la charge du responsable de l'accident sans préciser quel poste de préjudice de la victime a été indemnisé par la prestation correspondant à cette créance ; qu'en mettant à la charge de M. Gérard Y... et de la MRACA le montant de la créance de la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, sans préciser le préjudice indemnisé par la prestation correspondant à cette créance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice;
ALORS, ENFIN, QUE le juge, tenu de respecter le principe du contradictoire, ne peut relever d'office un moyen sans inviter les parties à faire valoir leurs observations ; qu'en relevant d'office que les prestations versées par la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS ne pouvaient s'imputer sur les sommes allouées à la victime au titre du déficit fonctionnel permanent s'agissant d'une pension de retraite anticipée avec majoration pour tierce personne sans inviter les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire en violation de l'article 16 du code de procédure.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 11-24029
Date de la décision : 25/10/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE, REGIMES SPECIAUX - Fonctionnaires - Assurances sociales - Invalidité - Invalidité ne résultant pas du service - Pension civile d'invalidité - Imputation - Modalités - Détermination - Portée

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - Sécurité sociale - Assurances sociales - Invalidité - Invalidité ne résultant pas du service - Pension civile d'invalidité - Imputation - Modalités - Détermination - Portée

Selon l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires, le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps peut être radié des cadres par anticipation. Il a droit, dans ce cas, à la pension rémunérant les services, sous réserve que ses blessures ou maladies aient été contractées ou aggravées au cours d'une période durant laquelle il acquérait des droits à pension. Il s'en déduit que l'attribution de la pension définie à l'article L. 29 précité, qui est subordonnée exclusivement à la circonstance que le fonctionnaire victime ne peut plus exercer ses fonctions du fait de son invalidité, est calculée sur la base de son dernier traitement selon la grille indiciaire de la fonction publique et d'une valorisation égale à 2 % par année de service, et concédée à titre viager pour la durée de la seule période antérieure à la date normale de mise à la retraite, et que la créance correspondante du tiers payeur qui l'a versée, s'impute exclusivement sur les postes de préjudice patrimonial des pertes de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle de l'incapacité


Références :

article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 16 juin 2011

Rapprochements :Evolution par rapport à : 2e Civ., 4 février 2010, pourvoi n° 09-11536, Bull. 2010, II, n° 29 (cassation partielle)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 25 oct. 2012, pourvoi n°11-24029, Bull. civ. 2012, II, n° 180
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, II, n° 180

Composition du Tribunal
Président : M. Bizot (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat général : M. Lautru
Rapporteur ?: M. Adida-Canac
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Odent et Poulet, SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.24029
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