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24/10/2012 | FRANCE | N°11-27956

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 24 octobre 2012, 11-27956


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 15 de la directive 2008/ 115/ CE du 16 décembre 2008 du Parlement européen et du Conseil ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée et les pièces de la procédure, que M. X..., de nationalité turque, qui faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, a été interpellé et placé en rétention administrative le 4 octobre 2010, en exécution de la décision prise par le préfet du Rhône ; qu'un juge des libertés et de la

détention a refusé de prolonger cette mesure ;
Attendu que pour prolonger ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 15 de la directive 2008/ 115/ CE du 16 décembre 2008 du Parlement européen et du Conseil ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée et les pièces de la procédure, que M. X..., de nationalité turque, qui faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, a été interpellé et placé en rétention administrative le 4 octobre 2010, en exécution de la décision prise par le préfet du Rhône ; qu'un juge des libertés et de la détention a refusé de prolonger cette mesure ;
Attendu que pour prolonger la rétention administrative de M. X... et rejeter sa demande d'assignation à résidence, l'ordonnance retient que cette dernière mesure est exceptionnelle ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de la combinaison des paragraphes 1, 4 et 5 de l'article 15 de la directive 2008/ 115/ CE du 16 décembre 2008 du Parlement européen et du Conseil, qui est d'effet direct, que l'assignation à résidence ne peut jamais revêtir un caractère exceptionnel, le premier président a violé le texte susvisé ;
Vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Et attendu que les délais légaux de maintien en rétention étant expirés, il ne reste rien à juger ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait besoin de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 10 octobre 2010, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Lyon ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'ordonnance infirmative attaquée d'avoir déclaré la requête du Préfet du Rhône recevable et prolongé la rétention administrative de Monsieur X... à compter du 9 octobre 2011 à 7h30,
AUX MOTIFS QUE : « D'une part, Omer X... ne pouvait se méprendre sur la date et l'heure de son placement en rétention et que s'il est regrettable que des pièces relatives à une autre procédure figurent au dossier, de telles erreurs ne constituent pas pour autant des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou des inobservations de formalité substantielles, et ne lui ont occasionné aucun grief ; que la requête ne saurait être déclarée irrecevable à ce titre ; Que, d'autre part, la requête préfectorale précise que Omer X... fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français depuis le 31 mars 2011 et qu'il a sollicité l'asile politique tardivement le 4 octobre à 18h15 ; que l'administration indique qu'une assignation à résidence n'est pas suffisante ; que la demande de prolongation du maintien en rétention est donc suffisamment motivée » ;
ALORS, d'une part, QU'à peine d'irrecevabilité, la requête de l'autorité administrative doit être motivée et accompagnée de toutes pièces justificatives utiles ; qu'en retenant, pour déclarer la requête préfectorale recevable, que celle-ci précise que Omer X... fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français depuis le 31 mars 2011 et qu'il a sollicité l'asile politique tardivement le 4 octobre à 18h15 et indique qu'une assignation à résidence n'est pas suffisante, là où ces éléments n'étaient pas suffisants à motiver la requête tendant à la prolongation de la rétention administrative, le délégué du Premier président a violé l'article R. 552-3 du Code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;
ALORS, d'autre part, QU'à peine d'irrecevabilité, la requête de l'autorité administrative doit être motivée et accompagnée de toutes pièces justificatives utiles ; qu'en déclarant la requête préfectorale recevable, après avoir constaté que celle-ci était fondée sur des pièces étrangères à la situation de Monsieur X..., ce dont il résultait qu'elle n'était pas accompagnée des pièces justificatives utiles et devait être déclaré irrecevable, le délégué du Premier président a violé l'article R. 552-3 du Code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;
ALORS, enfin, QUE le non-respect des formalités imposées par l'article R. 552-3 du Code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas prescrites à peine de nullité pour vice de forme mais, plus radicalement, d'irrecevabilité, laquelle n'est pas soumise à la preuve d'un grief ; qu'en se fondant sur l'absence de grief subi par Monsieur X... en raison des erreurs présentes dans la requête préfectorale, le délégué du Premier président a violé le texte susvisé, par refus d'application et l'article L. 552-13 du même Code, par fausse application.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'ordonnance infirmative attaquée d'avoir écarté la demande d'assignation à résidence sollicité par Monsieur X... et prolongé sa rétention administrative à compter du 9 octobre 2011 à 7h30,
AUX MOTIFS QUE : « Omer X... soutient qu'il pourrait bénéficier d'un titre de séjour au motif qu'il dispose d'un emploi ; mais attendu qu'il a indiqué à l'audience être dépourvu d'emploi déclaré depuis la fin du mois de juin 2011, son employeur ayant été avisé de l'irrégularité de sa situation sur le territoire national ; que du reste, le plus récent bulletin de paie produit date de juin 2011 ; Que pour cette raison, il n'est pas certain qu'il puisse bénéficier d'un titre de séjour ; que la promesse d'embauche dont il se prévaut et qu'il ne produit pas ne constitue pas une garantie de représentation suffisante ; Que Omer X... n'a pas non plus produit devant la cour la preuve qu'il disposerait d'un bail à l'adresse de la rue Saint-Nizier ; Qu'enfin, sa présence sur le territoire français le 4 octobre et sa demande d'asile formée le même jour démontrent suffisamment qu'il se trouve dans le cadre de l'article 8 de la directive dite « retour » et qu'un éloignement coercitif avec privation de liberté s'impose, Omer X... refusant manifestement de quitter la France de son plein gré ; Que, dès lors, et bien qu'il soit titulaire d'un passeport, il ne peut être fait droit à sa demande d'assignation à résidence, le risque de fuite étant manifestement important » ;
ALORS, d'une part, QUE, à moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les Etats membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet d'une procédure de retour afin de préparer le retour et/ ou de procéder à l'éloignement ; qu'en ce qu'il prévoit que la mesure d'assignation à résidence ne peut être utilisée qu'« à titre exceptionnel », le droit français n'est pas conforme au droit communautaire et doit être écarté ; qu'en retenant, pour écarter la demande d'assignation à résidence formulée par Monsieur X..., que cette mesure est « exceptionnelle », le délégué du Premier président a méconnu l'article 15 de la directive n° 2008/ 115/ CE du Parlement et du Conseil européen du 16 décembre 2008, ensemble le principe de primauté du droit communautaire ;
ALORS, d'autre part, QUE le risque de fuite est considéré comme établi lorsque l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 ; qu'en retenant que l'assignation à résidence de Monsieur X... présenterait un « risque de fuite manifestement important », après avoir pourtant constaté qu'il demeurait effectivement au... et qu'il disposait d'un passeport en cours de validité, ce dont il résultait qu'il ne présentait aucun risque de fuite, le délégué du Premier président a violé les articles L. 511-1, L. 552-4 et L. 561-1 du Code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, tels qu'interprétés au regard de l'article de la directive n° 2008/ 115/ CE du Parlement et du Conseil européen du 16 décembre 2008 ;
ALORS, encore, QUE le risque de fuite est considéré comme établi lorsque l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 ; qu'en retenant que l'assignation à résidence de Monsieur X... présenterait un « risque de fuite manifestement important » dès lors qu'il s'est maintenu illégalement sur le territoire national et qu'il « refuse manifestement de quitter la France de son plein gré », le délégué du Premier président, qui a statué par des motifs impropres à établir le risque de fuite, a violé les articles L. 511-1, L. 552-4 et L. 561-1 du Code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, tels qu'interprétés au regard de l'article 15 de la directive n° 2008/ 115/ CE du Parlement et du Conseil européen du 16 décembre 2008 ;
ALORS, enfin, QUE, à moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les Etats membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet d'une procédure de retour afin de préparer le retour et/ ou de procéder à l'éloignement en particulier en cas de risque de fuite ; que le dépôt d'une demande d'asile est constitutif de l'exercice d'un droit et ne peut établir l'existence d'un risque de fuite ; qu'en retenant que la demande d'asile formée par Monsieur X... démontre qu'un éloignement coercitif avec privation de liberté s'impose, celui-ci refusant manifestement de quitter la France de son plein gré, le délégué du Premier a violé les articles L. 552-4 et L. 561-1 du Code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, tels qu'interprétés au regard de l'article 15 de la directive n° 2008/ 115/ CE du Parlement et du Conseil européen du 16 décembre 2008.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-27956
Date de la décision : 24/10/2012
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

ETRANGER - Mesures d'éloignement - Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire - Prolongation de la rétention - Ordonnance du juge des libertés et de la détention - Assignation à résidence - Conditions - Circonstances exceptionnelles légitimant cette mesure (non)

UNION EUROPEENNE - Visas, asile, immigration - Directives - Directive 2008/115/CE - Retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier - Article 15 - Effet direct - Portée

Il résulte de la combinaison des paragraphes 1, 4 et 5 de l'article 15 de la Directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 du Parlement européen et du Conseil, qui est d'effet direct, que l'assignation à résidence ne peut jamais revêtir un caractère exceptionnel


Références :

article 15 de la Directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 du Parlement européen et du Conseil

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 10 octobre 2011

Dans le même sens que :1re Civ., 17 janvier 2006, pourvoi n° 04-50170, Bull. 2006, I, n° 22 (cassation sans renvoi)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 24 oct. 2012, pourvoi n°11-27956, Bull. civ. 2012, I, n° 211
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, I, n° 211

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : Mme Petit (premier avocat général)
Rapporteur ?: M. Suquet
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.27956
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