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24/10/2012 | FRANCE | N°11-17094

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 24 octobre 2012, 11-17094


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris, en sa première branche :
Vu les articles 764 et 815-9 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Jean X... est décédé le 13 décembre 2008 à Paris, laissant pour lui succéder son épouse, Mme Y..., avec laquelle il était marié sous le régime de la séparation de biens, et ses deux filles, issues d'une précédente union, Mme Julia X... et Mme Emmanuelle X... ; que la succession est, notamment, composée d'une maison de famille en Dordogne, sur laquelle Mme Y...

a entendu exercer le droit d'option que confère au conjoint successible l'art...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris, en sa première branche :
Vu les articles 764 et 815-9 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Jean X... est décédé le 13 décembre 2008 à Paris, laissant pour lui succéder son épouse, Mme Y..., avec laquelle il était marié sous le régime de la séparation de biens, et ses deux filles, issues d'une précédente union, Mme Julia X... et Mme Emmanuelle X... ; que la succession est, notamment, composée d'une maison de famille en Dordogne, sur laquelle Mme Y... a entendu exercer le droit d'option que confère au conjoint successible l'article 764 du code civil ; que, par acte du 12 juin 2009, Mmes X... ont assigné Mme Y... devant le tribunal de grande instance, aux fins de voir constater que la résidence principale de celle-ci lors du décès de son mari, était à Paris et de dire, en conséquence, que l'option exercée par cette dernière, sur le fondement de l'article 764 du code civil, ne saurait produire aucun effet, ni lui conférer aucun droit viager sur l'immeuble situé en Dordogne ; que, par acte du 21 décembre 2009, elles ont, par ailleurs, assigné Mme Y... devant le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, sur le fondement des articles 815-6 et 815-9 du code civil, aux fins de voir fixer un calendrier pour la jouissance, par elles, de la maison en Dordogne et condamner Mme Y... à payer une indemnité d'occupation pour ladite maison ;
Attendu que, pour accueillir cette dernière demande, la cour d'appel, après avoir relevé que le tribunal de grande instance saisi de la contestation opposant les indivisaires au conjoint successible qui se prévaut du droit d'usage et d'habitation de l'article 764 du code civil n'avait pas encore statué et que Mme Y... avait admis devant notaire qu'elle demeurait à Paris à l'époque du décès, a retenu que ce droit revendiqué devant elle, n'était pas établi ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la contestation de l'existence même du droit opposé aux autres indivisaires relevait de la compétence exclusive du tribunal que ceux-ci avaient saisi, la cour d'appel, statuant en la forme des référés, a excédé ses pouvoirs relatifs aux seules modalités d'exercice des droits indivis et violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné Mme Y... à payer à l'indivision successorale existant entre elle-même et Mmes X... une indemnité d'occupation pour la jouissance privative du bien indivis sis ..., l'arrêt rendu le 16 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne Mmes X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Tiffreau, Corlay et Marlange, avocat aux Conseils, pour Mme Y...

Il est reproché à la Cour d'appel d'AVOIR condamné à Mme Nathalie Y... veuve X... à payer à l'indivision successorale existant entre elle-même et Mmes Julia X... et Emmanuelle X... une indemnité d'occupation pour la jouissance privative passée et à venir du bien indivis sis ...,
AUX MOTIFS QUE « sur le droit de jouissance des indivisaires ; en vertu de l'article 815-6 du Code civil, le président du tribunal de grande instance peut prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l'intérêt commun des indivisaires ; que selon l'article 815-9 du même Code (…) considérant qu'il est constant que la maison en litige, située à Belves, est un bien indivis entre les parties ; que Mesdames Julia et Emmanuelle X... n'étaient pas fondées à invoquer les dispositions de l'article 815-6 précitées en l'absence de toute urgence ; qu'en revanche, elles pouvaient, comme elles l'ont fait, saisir le président du tribunal ,de grande instance, statuant en la forme des référés, à défaut d'accord entre les indivisaires sur l'usage et la jouissance de ladite maison, peu important que Mme Y... n'entende pas « revendiquer sur ce bien son droit d'indivisaire » ; que Mme Y... ne conteste pas avoir exercé une jouissance exclusive sur ce bien, depuis le décès de son époux le 13 décembre 2008 et jusqu'au prononcé de l'ordonnance du premier président du 9 juillet 2010 (…) que si le Tribunal de grande instance a le pouvoir de statuer sur les droits d'habitation et d'usage prévus à l'article 764 du Code civil, et est en l'espèce saisi du point de savoir si Mme Y... bénéficie de tels droits, la jouissance par un indivisaire d'un bien indivis doit être «compatible avec le droit des autres indivisaires » aux termes mêmes de l'article 815-9 précité ; que le droit certain, en leur qualité d'indivisaires, de Mmes Julia et Emmanuelle X..., est susceptible d'être heurté par le droit d'usage et d'habitation du conjoint successible ; qu'en l'espèce, toutefois, si Mme Y... a vocation à bénéficier en cette dernière qualité d'un droit d'habitation sur un logement dépendant de la succession, encore faut-il qu'elle démontre qu'elle l'occupait effectivement à l'époque du décès à titre d'habitation principale ; que ce droit, contesté, n'est pas établi à ce jour, le Tribunal de grande instance saisi n'ayant pas statué (…) que le juge statuant en la forme des référés dont au fond sur le fondement de l'article 815-9, doit s'assurer de l'effectivité des mesure provisoires qu'il ordonne ; que dès lors, il lui incombe de vérifier si le droit d'indivisaire de Mmes Julia et Emmanuelle X... n'est pas incompatible avec le droit, revendiqué devant lui, par Mme Y..., qui a également la qualité d'indivisaire, sur le fondement de l'article 764 du Code civil ; qu'aucun élément ne démontre, cependant, en l'espèce, l'existence de ce droit, Mme Y... ayant elle-même admis devant notaires le 7 janvier 2009, soit à l'époque du décès, qu'elle demeurait ... ; que les attestations que l'appelante produit doivent céder le pas à cette déclaration, contenue à l'acte de notoriété, faite devant un officier public ministériel et alors que la succession a été ouverte à Paris, dernier domicile du défunt ; que c'est à bon droit que le premier juge a, après avoir dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande relative à l'exercice du droit d'option, fixé un calendrier au profit des intimées, les modalités dudit calendrier n'étant pas discutées devant la Cour, non plus que le droit d'usage du véhicule Tiguan au profit de Mmes X... ; sur l'indemnité d'occupation ; que l'indivisaire ne résidant pas dans un immeuble indivis, mais en détenant seul les clefs, a la faculté d'en avoir la jouissance privative et exclusive et est donc redevable d'une indemnité d'occupation, en application de l'article 815-9 du Code civil (…) qu'il sera fait droit à la demande des intimées de voir fixer l'indemnité d'occupation à 80 % de cette valeur locative, soit 960 euros (…)
ALORS QUE 1°), chaque indivisaire ne peut user et jouir des biens indivis que dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires ; qu'en l'espèce, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué (p. 6) que le droit des indivisaires Julia et Emmanuelle X... d'user et de jouir de la maison d'habitation indivise du ... « est susceptible d'être heurté par le droit d'usage et d'habitation du conjoint successible », en l'occurrence Mme Nathalie Y... veuve X..., qui « a vocation à bénéficier en cette dernière qualité d'un droit d'habitation sur le logement dépendant de la succession » ; qu'en déniant au conjoint successible le bénéfice de ce droit d'ordre public, au-delà de ses modalités d'exercice, quand la contestation de l'existence même du droit opposé aux autres indivisaires relevait de la compétence exclusive du Tribunal saisi au fond, la Cour d'appel, statuant en la forme des référés, a excédé ses pouvoirs et violé les articles 764 et 815-9 du Code civil.
ALORS QUE 2°), au surplus, le droit d'habitation dont est titulaire le conjoint successible au jour du décès du prémourant s'exerce au lieu de son habitation principale, sans qu'il importe que celle-ci soit ou non distincte de son domicile légal ou d'une résidence temporaire, ou encore du lieu d'ouverture de la succession ; qu'en l'espèce, en déclarant (arrêt attaqué, p. 7) par un motif erroné et inopérant que les attestations produites par Mme Nathalie Y... veuve X... aux fins de prouver la réalité, au ..., de son lieu d'habitation principale effective lors du décès de son mari, devaient « céder le pas » devant l'acte de notoriété établi par notaire lors de l'ouverture de la succession à Paris et faisant mention « qu'elle demeurait ...», sans constater que ce dernier lieu aurait constitué l'habitation principale du conjoint successible, la Cour d'appel, statuant en la forme des référés, a privé son arrêt de base légale au regard des articles 764 et 815-9 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-17094
Date de la décision : 24/10/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

SUCCESSION - Conjoint successible - Droits légaux de succession - Droit viager au logement - Existence - Contestation - Décision du président du tribunal de grande instance saisi en matière d'indivision - Excès de pouvoir

INDIVISION - Pouvoirs du président du tribunal de grande instance - Règlement des modalités d'exercice des droits indivis - Décision sur l'existence du droit d'usage et d'habitation du conjoint survivant - Excès de pouvoir POUVOIRS DES JUGES - Excès de pouvoir - Définition - Cas - Juge saisi en la forme des référés en matière d'indivision et statuant sur l'existence du droit d'usage et d'habitation du conjoint survivant REFERE - Décision en la forme des référés - Indivision - Règlement des modalités d'exercice des droits indivis - Portée

Excède ses pouvoirs relatifs aux seules modalités d'exercice des droits indivis, la cour d'appel, statuant en la forme des référés, qui se prononce sur l'existence du droit d'usage et d'habitation que, sur le fondement de l'article 764 du code civil, le conjoint survivant oppose aux autres indivisaires


Références :

articles 764 et 815-9 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 février 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 24 oct. 2012, pourvoi n°11-17094, Bull. civ. 2012, I, n° 216
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, I, n° 216

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : Mme Petit
Rapporteur ?: Mme Bodard-Hermant
Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard, SCP Tiffreau, Corlay et Marlange

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.17094
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