LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Jean-Gérard X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'ORLÉANS, en date du 5 juillet 2012, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de complicité de contrefaçon d'une oeuvre de l'esprit, complicité d'apposition de fausses signatures sur des oeuvres non encore tombées dans le domaine public, escroqueries et recels, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction l'ayant placé sous contrôle judiciaire ; Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 138, 800-1, R. 92, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le placement de M. X... sous contrôle judiciaire, lui imposant le versement d'un cautionnement de 500 000 euros ;
" aux motifs que, même si le conseil de M. X... a limité oralement son appel au cautionnement prononcé par le magistrat instructeur, la chambre de l'instruction doit apprécier toutes les obligations du contrôle auquel le mis en examen doit être astreint ; que les expertises, les écoutes téléphoniques et les auditions de plusieurs témoins permettent de penser que des toiles faussement attribuées à Mme Y... ont été exposées par M. X... qui avait attesté lui-même de leur authenticité ; que les nécessités de l'instruction imposent donc, jusqu'à ce que l'enquête, toujours en cours, permette de déterminer le rôle de chacun des protagonistes du dossier, qu'il n'existe aucune relation entre M. X..., d'une part, et Mme Z... et M. A..., d'autre part ; qu'un placement sous contrôle judiciaire de l'appelant est d'autant plus nécessaire que les écoutes téléphoniques ont révélé qu'il était en contact avec une galerie allemande SNZ, dont la gérante est comme lui membre de l'association des experts en oeuvres d'arts, et un nommé B..., qui sont eux-mêmes impliqués dans une affaire d'appels téléphoniques malveillants à l'égard de M. A... ; que, par ailleurs, des doutes importants planant sur le sérieux des certificats d'authenticité délivrés par le mis en examen qui est encore possesseur de plusieurs oeuvres attribuées à Mme Y..., il apparaît nécessaire, pour éviter le renouvellement des infractions, de lui interdire de délivrer de nouveaux certificats d'authenticité et de vendre ou acheter des oeuvres de cette artiste ; que le conseil du mis en examen soutient que le magistrat instructeur n'était pas saisi de faits lui permettant d'ordonner le versement d'une caution ; que M. X... encourt au minimum une peine d'emprisonnement correctionnel, ce qui permettait son placement sous contrôle judiciaire comprenant l'obligation de verser une caution ; que, si le magistrat instructeur n'a pas été saisi pour instruire sur des ventes de tableaux par M. X..., il a été saisi des faits de complicité de contrefaçon par édition ou reproduction d'une oeuvre de l'esprit au mépris des droits de l'auteur et de complicité d'apposition de fausses signatures sur des oeuvres non encore tombées dans le domaine public ; que, si de tels faits ont été commis par le mis en examen, ils ont entraîné, tant pour l'association Alexandra Y... que pour la ville de Tours, un préjudice moral important devant être indemnisé ; que si ces mêmes faits sont avérés, ils ont conduit plusieurs personnes à acquérir des faux et que plusieurs possesseurs de tableaux se sont d'ailleurs d'ores et déjà portés parties civiles ; qu'au regard des prix de transactions, qui oscillent de 100 000 à 200 000 euros pour une oeuvre de Mme Y..., le préjudice financier causé par les complicités de faux et de fausses signatures reprochées à M. X... peut s'élever à plusieurs millions d'euros ; que, par ailleurs, les expertises déjà réalisées sur tableaux ont coûté plus de 10 000 euros et que, s'il devait être procédé à l'expertise de tous les tableaux exposés à Tours, il parviendrait à plus de 200 000 euros ; que le versement d'une caution apparaît dès lors non seulement souhaitable mais absolument nécessaire ; que la chambre de l'instruction, qui est investie, en matière de contrôle judiciaire, des mêmes pouvoirs que le magistrat instructeur, doit apprécier toutes les obligations du contrôle auquel le mis en examen est soumis et peut lui imposer de nouvelles obligations ou aggraver celles déjà prononcées ; qu'interrogé sur ce point par la cour, M. X... a déclaré qu'il est marié sous le régime de la communauté réduite aux acquêts et n'a pas fait état de liquidités qui appartiendraient en propre à son épouse ; qu'il ressort de la pièce D 903 du dossier d'instruction que, s'il dispose bien d'une somme d'environ 500 000 euros sur les comptes bancaires ouverts à son nom, il est détenteur, en tenant compte des nombreux autres comptes ouverts au nom de son épouse, de liquidités s'élevant, au total, à plus de deux millions d'euros ; que son épouse est propriétaire du logement du couple et que le conseil du mis en examen n'a fait état d'aucune charge particulière incombant à son client ; qu'au regard des intérêts financiers en jeu et du coût des expertises judiciaires déjà réalisées et prévisibles, il apparaît nécessaire de mettre à la charge de l'appelant un cautionnement d'un montant de 500 000 euros qui est loin d'excéder ses capacités financières ; que l'enquête diligentée n'a pas permis d'infirmer les dires de l'appelant de ce que les biens immobiliers dont il jouit appartiennent en propre à son épouse qui les a reçus par succession et qu'il n'est lui-même propriétaire que d'un seul immeuble en indivision avec d'autres membres de sa famille ; qu'en l'état des éléments portés à la connaissance de la cour, il apparaît dès lors impossible de grever ces biens d'une hypothèque et que le ministère public n'ayant pas précisé la nature des autres " sûretés réelles ou personnelles " qu'il souhaitait voir imposer à M. X..., il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande ;
" alors que les frais de justice criminelle, correctionnelle et de police – au nombre desquels figure le coût des expertises sollicitées par un magistrat instructeur – sont à la charge complète et définitive de l'Etat, sans recours contre les condamnés ; qu'en fixant le montant du cautionnement imposé à M. X... dans le cadre de son contrôle judiciaire « au regard du coût des expertises judiciaires déjà réalisées et prévisibles », quand le coût de ces mesures ne pouvait en aucune façon être supporté par M. X... et ne pouvait donc être pris en considération pour la détermination du montant du cautionnement auquel était astreint ce dernier, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen " ;
Vu les articles 138 11°, 142, 800-1 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que, les frais de justice criminelle, correctionnelle et de police étant à la charge de l'Etat et sans recours envers les condamnés, le cautionnement auquel est astreinte une personne mise en examen, par une décision de placement sous contrôle judiciaire, ne peut en garantir le paiement ;
Attendu que l'arrêt attaqué astreint M. X... à fournir un cautionnement garantissant notamment le paiement des frais de justice ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Orléans, en date du 5 juillet 2012, en ses seules dispositions relatives au cautionnement, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Orléans autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Orléans et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Foulquié conseiller rapporteur, M. Pometan conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.