LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article L.442-3 du code de la construction et de l'habitation;
Attendu qu'il résulte de cet article que nonobstant toute disposition ou stipulation contraire, dans les immeubles appartenant aux organismes d'habitations à loyer modéré, les charges récupérables, sommes accessoires au loyer principal, sont exigibles en contrepartie des services rendus liés à l'usage des différents éléments de la chose louée, des dépenses d'entretien courant et des menues réparations sur les éléments d'usage commun de la chose louée, qui ne sont pas la conséquence d'une erreur de conception ou d'un vice de réalisation et des impositions qui correspondent à des services dont le locataire profite directement ; que la liste de ces charges est fixée par décret en Conseil d'Etat ;
Attendu selon le jugement attaqué ( tribunal d'instance de Beauvais, 28 mars 2011 ) rendu en dernier ressort, que suivant acte du 17 septembre 1985, la société d'habitations à loyer modéré Picardie Habitat (la société ) a consenti à M. X... une location avec promesse unilatérale de vente portant sur un pavillon dont elle était propriétaire ; que la bailleresse a obtenu une ordonnance portant injonction aux époux X... de payer la somme de 318,25 €euros au titre d'un arriéré de charges locatives ; que les locataires ont formé opposition à cette ordonnance et sollicité des dommages et intérêts ;
Attendu que pour mettre à néant l'ordonnance et rejeter la demande en paiement de la société, le jugement retient que le contrat a force de loi, nonobstant tout écrit unilatéral du bailleur, antérieur ou postérieur, à sa signature, qu'il prévoit que des charges locatives peuvent être dues "en matière de collectif", que tel n'est pas le cas en l'espèce, s'agissant d'un pavillon individuel ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'article L.442-3 du code de la construction et de l'habitation n'opère pas de distinction selon le caractère collectif ou individuel de l'immeuble dont dépend le bien donné à bail, le tribunal a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE et ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 25 février 2010 formée par M. X... et dit que cette ordonnance était non avenue, le jugement rendu le 28 mars 2011, entre les parties, par le tribunal d'instance de Beauvais ; remet, en conséquence, sur le surplus, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Compiègne ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Picardie habitat ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois octobre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Tiffreau, Corlay et Marlange, avocat aux Conseils, pour la société HLM Picardie habitat
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche au jugement attaqué d'AVOIR débouté la SA HLM PICARDIE HABITAT de ses demandes tendant notamment à condamner Monsieur et Madame X... à lui payer un arriéré de charges locatives,
AUX MOTIFS QUE « en vertu des dispositions de l'article 1134 du Code civil, « les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles doivent être exécutées de bonne foi » ;
« en l'espèce, le 17 septembre 1985, la SA PICARDIE HABITAT et Monsieur Alain X..., et lui seul, ont signé un « contrat de location assorti d'une promesse de vente d'un logement conventionné » ;
« ce contrat a seul force de loi, nonobstant tout écrit unilatéral du bailleur, antérieur ou postérieur, à la signature dudit contrat ;
« il prévoit que des charges locatives peuvent être dues « en matière de collectifs » ;
« tel n'est pas le cas en l'espèce, s'agissant d'un pavillon individuel ;
« au surplus, la SA PICARDIE HABITAT, dans son « compte général par compte » (pièce n° 1) ne justifie pas de quelles charges les époux X... pourraient être redevables ;
« en conséquence, il convient de considérer que les époux X... ne sont redevables que du loyer principal ;
« la SA PICARDIE HABITAT sera donc déboutée de sa demande de condamnation au titre des charges locatives »,
ALORS QUE 1°), dans ses conclusions (p. 4 et 5), l'exposante faisait notamment valoir que les époux X... ne pouvaient contester leur obligation de payer des charges en plus du loyer, alors que cette contestation avait été déjà tranchée et rejetée par un jugement du 8 décembre 2008, qui avaient condamné les locataires à payer un arriéré de charges locatives ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen tiré de l'autorité de la chose jugée concernant ladite contestation, le tribunal d'instance a violé l'article 455 du Code de procédure civile,
ALORS QUE 2°), il résulte de l'article L. 442-3 du Code de la construction et de l'habitation que, nonobstant toute disposition ou stipulation contraire, les organismes d'habitation à loyers modérés ont le droit de récupérer des charges dans tous les immeubles qui leur appartiennent, que ces immeubles soient collectifs ou individuels ; qu'en estimant cependant que les stipulations du contrat de bail litigieux auraient permis d'exclure toute possibilité de récupération de charges dans un « pavillon individuel », le tribunal d'instance a violé l'article L. 442-3 du Code de la construction et de l'habitation,
ALORS QUE 3°), en affirmant que « la SA PICARDIE HABITAT, dans son « compte général par compte » (pièce n° 1) ne justifie pas de quelles charges les époux X... pourraient être redevables », quand les époux X... ne contestaient pas le décompte des charges ni le fait qu'il s'agissait de charges énumérées à l'article L. 442-3 du Code de la construction et de l'habitation et au décret n° 82-955 du 9 novembre 1982, mais prétendaient seulement que leur contrat de bail aurait exclu le principe de l'obligation de payer des charges en plus du loyer pour la location d'une maison individuelle, le tribunal d'instance a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche au jugement attaqué d'AVOIR condamné la SA HLM PICARDIE HABITAT à payer à Monsieur et Madame X... la somme de 1.200 € à titre de dommages-intérêts,
AUX MOTIFS QUE « Monsieur Alain X... et Madame Martine X... justifient qu'ils rencontrent des difficultés depuis plusieurs années avec leur bailleur sur la question des charges du contrat de bail et que ces difficultés leur sont préjudiciables ;
« en conséquence, il convient de leur allouer, après arbitrage, la somme de 1.200 €, à titre de réparation de leur préjudice moral »,
ALORS QUE 1°), le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en allouant aux époux X... une indemnité, aux seuls motifs qu'ils auraient rencontré des « difficultés » depuis plusieurs années avec leur bailleur sur la question des charges du contrat de bail, et que ces difficultés leur auraient été préjudiciables, sans préciser le régime de responsabilité qui aurait été applicable en l'espèce, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article 12 du Code de procédure civile,
ALORS QUE 2°), subsidiairement, à supposer que le tribunal d'instance ait entendu mettre en oeuvre le régime de responsabilité délictuelle, il lui appartenait de caractériser une faute ; qu'en allouant aux époux X... une indemnité, aux seuls motifs qu'ils auraient rencontré des « difficultés » depuis plusieurs années avec leur bailleur sur la question des charges du contrat de bail, et que ces difficultés leur auraient été préjudiciables, sans mieux s'expliquer sur les « difficultés » rencontrées et sans caractériser une faute délictuelle de la part de l'exposante, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil,
ALORS QUE 3°), subsidiairement, à supposer que le tribunal d'instance ait entendu mettre en oeuvre le régime de responsabilité contractuelle, il lui appartenait de caractériser un manquement contractuel ; qu'en allouant aux époux X... une indemnité, aux seuls motifs qu'ils auraient rencontré des « difficultés » depuis plusieurs années avec leur bailleur sur la question des charges du contrat de bail, et que ces difficultés leur auraient été préjudiciables, sans mieux s'expliquer sur les « difficultés » rencontrées et sans caractériser un manquement contractuel de l'exposante, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.