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02/10/2012 | FRANCE | N°10-18005

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 02 octobre 2012, 10-18005


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu l'arrêt n° 1847 F-D de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 17 novembre 2011 rabattant l'arrêt n° 1269 F-D rendu par elle le 23 juin 2011 et disant qu'il sera procédé à un nouvel examen du pourvoi ;
Attendu, selon le jugement attaqué et les productions, que M. X... a investi, le 22 octobre 2001, auprès de la société Phoenix Kapitaldienst GmbH (société Phoenix), établie en Allemagne, une certaine somme sur des marchés à terme, dont le placement lui a procuré une plus-value ; qu

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu l'arrêt n° 1847 F-D de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 17 novembre 2011 rabattant l'arrêt n° 1269 F-D rendu par elle le 23 juin 2011 et disant qu'il sera procédé à un nouvel examen du pourvoi ;
Attendu, selon le jugement attaqué et les productions, que M. X... a investi, le 22 octobre 2001, auprès de la société Phoenix Kapitaldienst GmbH (société Phoenix), établie en Allemagne, une certaine somme sur des marchés à terme, dont le placement lui a procuré une plus-value ; qu'une juridiction allemande a ouvert les 14 mars puis 1er juillet 2005 une procédure collective à l'égard de la société Phoenix et nommé, en qualité de syndic, M. Y... ; que cette procédure étant exclue, en raison de la nature de l'activité de la société débitrice, du champ d'application du règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité par l'article 1er, alinéa 2, de celui-ci, les décisions d'ouverture ont fait l'objet d'un exequatur par un tribunal français ; que M. Y..., ès qualités, a alors exercé devant le tribunal de grande instance de Strasbourg l'action révocatoire du droit allemand en vue de recouvrer la plus-value perçue par M. X..., laquelle serait fictive, comme résultant d'une escroquerie ; que le tribunal saisi s'est déclaré incompétent et a désigné pour connaître de la demande la juridiction de proximité d'Alès, dans le ressort de laquelle M. X... est domicilié ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Y... fait grief au jugement d'avoir rejeté son exception de connexité, alors, selon le moyen :
1°/ que seule la juridiction saisie en second d'une action connexe à une précédente demande peut retenir l'exception de connexité ; qu'en décidant que l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 16 juin 2009 s'opposait à ce que le juge second saisi se prononce sur l'exception de connexité, quand la juridiction strasbourgeoise première saisie n'avait pu se prononcer sur cette exception, la juridiction de proximité a violé les articles 101 et 480 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en toute hypothèse l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée à une demande fondée sur des événements postérieurs à ceux sur lesquels a statué la première décision ; qu'en opposant à M. Y... l'autorité de la chose jugée par le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg le 16 juin 2009, qui s'était déclaré incompétent pour connaître du litige aux motifs qu'il était seul saisi et que l'exception de connexité ne pouvait jouer car elle suppose la saisine de deux juridictions différentes, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, pour en déduire que l'exception de connexité ne pouvait plus être invoquée devant elle, sans rechercher si un événement nouveau, en l'occurrence la saisine d'une deuxième juridiction devant statuer sur l'action révocatoire exercée par M. Y..., ne s'opposait pas à ce que puisse être opposée l'autorité de la chose jugée attachée à la première décision, la juridiction de proximité a privé sa décision de base légale au regard de l'article 480 du code de procédure civile ;
Mais attendu que le tribunal de grande instance de Strasbourg s'étant déclaré incompétent et ayant renvoyé les parties devant la juridiction de proximité d'Alès, celle-ci était tenue de statuer, par application des dispositions de l'article 96, alinéa 2, du code de procédure civile ; que par ce motif de pur droit substitué, après avis donné aux parties, à ceux critiqués, la décision se trouve légalement justifiée ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles 3 et 2221 du code civil ;
Attendu qu'en droit international privé commun, l'action qu'exercent les organes d'une procédure collective en annulation, révocation ou inopposabilité d'actes passés par le débiteur avant l'ouverture de celle-ci et estimés préjudiciables aux créanciers est, en raison de son lien avec la procédure, soumise au droit applicable à celle-ci, y compris en ce qui concerne les délais pour agir ;
Attendu que, pour déclarer prescrite l'action exercée par M. Y..., le jugement retient que l'article L. 137-2 du code français de la consommation est applicable au litige et qu'il résulte des pièces versées aux débats que le délai de prescription de deux ans qu'il prévoit est expiré ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que M. Y..., agissant en tant qu'organe d'une procédure collective, fondait son action sur la loi allemande gouvernant celle-ci, laquelle, selon lui, l'autorisait, sur une période suspecte pouvant remonter jusqu'à quatre années avant l'ouverture de la procédure, à recouvrer les bénéfices fictifs distribués par la société débitrice, la juridiction de proximité, en ne mettant pas en oeuvre la loi allemande, après en avoir vérifié la teneur, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
Statuant à nouveau, CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté l'exception de connexité soulevée par M. Y..., ès qualités, le jugement rendu le 9 mars 2010, entre les parties, par la juridiction de proximité d'Alès ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant la juridiction de proximité de Nîmes ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y..., ès qualités ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. Franck Y..., ès qualités
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR débouté Maître Y... de son exception de connexité déjà jugée par le Tribunal de grande instance de Strasbourg le 16 juin 2009 par jugement définitif et ce en application de l'article 480 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS qu'un jugement de TGI de Strasbourg devenu définitif a statué sur cette exception déjà présentée par Maître Y..., ce jugement déboute Maître Y... de sa demande de connexité, rappelle le principe de l'article 42, alinéa 1er, du Code de procédure civile, rappelle que la connexité suppose la saisine de juridictions différentes ce qui n'était pas le cas en l'espèce et renvoie selon l'article L. 231-2 du Code de l'organisation judiciaire devant la juridiction de proximité territorialement compétente d'Alès ; que Maître Y... est donc mal fondé à soulever cette exception déjà jugée par le Tribunal de grande instance de Strasbourg ; qu'il sera débouté de son exception et de sa demande de renvoi devant le TGI de Strasbourg et ce en vertu de l'article 480 du Code de procédure civile et de l'autorité de la chose jugée ;
1) ALORS QUE seule la juridiction saisie en second d'une action connexe à une précédente demande peut retenir l'exception de connexité ; qu'en décidant que l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du Tribunal de grande instance de Strasbourg du 16 juin 2009 s'opposait à ce que le juge second saisi se prononce sur l'exception de connexité, quand la juridiction strasbourgeoise première saisie n'avait pu se prononcer sur cette exception, la Juridiction de proximité a violé les articles 101 et 480 du Code de procédure civile ;
2) ALORS QU'en toute hypothèse l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée à une demande fondée sur des événements postérieurs à ceux sur lesquels a statué la première décision ; qu'en opposant à Maître Y... l'autorité de la chose jugée par le jugement du Tribunal de grande instance de Strasbourg le 16 juin 2009, qui s'était déclaré incompétent pour connaître du litige aux motifs qu'il était seul saisi et que l'exception de connexité ne pouvait jouer car elle suppose la saisine de deux juridictions différentes, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, pour en déduire que l'exception de connexité ne pouvait plus être invoquée devant elle, sans rechercher si un événement nouveau, en l'occurrence la saisine d'une deuxième juridiction devant statuer sur l'action révocatoire exercée par Maître Y..., ne s'opposait pas à ce que puisse être opposée l'autorité de la chose jugée attachée à la première décision, la Juridiction de proximité a privé sa décision de base légale au regard de l'article 480 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR déclaré l'action de Maître Y... représentant PHOENIX forclose en vertu de l'article L. 137-2 du Code de la consommation ;
AUX MOTIFS QUE le conseil de Monsieur X... soulève la prescription visée à l'article L. 137-2 du Code de la consommation ; qu'il résulte des pièces versées aux débats que l'action de PHOENIX est forclose le délai de deux ans étant dépassé ;
ALORS QU'en matière de droits indisponibles, il incombe au juge français de mettre en oeuvre, même d'office, la règle de conflits de lois, de rechercher la teneur du droit étranger et de l'appliquer sous réserve qu'il ne soit pas contraire à l'ordre public international français ; qu'en jugeant prescrite, en application de la loi française, l'action révocatoire de Maître Y..., tendant à voir annuler les actes commis pendant la période suspecte et préjudiciables aux créanciers de la société Phoenix, quand cette action étroitement liée à la procédure d'insolvabilité ouverte en Allemagne était régie par la loi allemande qu'il lui appartenait de mettre en oeuvre d'office en cette matière, la Juridiction de proximité a violé l'article 3 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-18005
Date de la décision : 02/10/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CONFLIT DE LOIS - Procédure collective - Loi applicable - Loi du lieu d'ouverture de la procédure collective - Domaine d'application - Action en nullité des actes de la période suspecte - Limites - Délais pour agir en droit français (non)

En droit international privé commun, seul applicable à la procédure collective d'une société allemande ne relevant pas, en raison de son activité, du champ d'application du Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, l'action qu'exercent les organes d'une procédure collective en annulation, révocation ou inopposabilité d'actes passés par le débiteur avant l'ouverture de celle-ci et estimés préjudiciables aux créanciers est, en raison de son lien avec la procédure, soumise au droit allemand de celle-ci, y compris en ce qui concerne les délais pour agir. En conséquence, viole les articles 3 et 2221 du code civil la cour d'appel qui, déclarant prescrite l'action exercée par le syndic sur le fondement de l'article L. 137-2 du code français de la consommation, ne met pas en oeuvre la loi allemande gouvernant la procédure collective, après en avoir vérifié la teneur, alors que le syndic, agissant en tant qu'organe d'une telle procédure, fondait son action sur cette loi, laquelle, selon lui, l'autorisait, sur une période suspecte pouvant remonter jusqu'à quatre années avant l'ouverture de la procédure, à recouvrer les bénéfices fictifs distribués par la société débitrice


Références :

articles 3 et 2221 du code civil

Décision attaquée : Tribunal d'instance d'Alès, 09 mars 2010

A rapprocher :Com., 2 octobre 2012, pourvoi n° 11-14406, Bull. 2012, IV, n° 176 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 02 oct. 2012, pourvoi n°10-18005, Bull. civ. 2012, IV, n° 175
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, IV, n° 175

Composition du Tribunal
Président : M. Espel
Avocat général : Mme Bonhomme
Rapporteur ?: M. Rémery
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 11/09/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.18005
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