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25/09/2012 | FRANCE | N°11-24526

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 25 septembre 2012, 11-24526


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 22 juin 2011), que le 28 juin 2010, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Grasse a, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, autorisé des agents des impôts à procéder à une visite avec saisies, dans des locaux et dépendances sis à Carros, susceptibles d'être occupés par la SAS Promondo, la SARL Modata, la SAS Mologistique, la SARL H

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 22 juin 2011), que le 28 juin 2010, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Grasse a, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, autorisé des agents des impôts à procéder à une visite avec saisies, dans des locaux et dépendances sis à Carros, susceptibles d'être occupés par la SAS Promondo, la SARL Modata, la SAS Mologistique, la SARL Home distribution, la SARL Modata, la SARL Vital confort ou la SARL Bien être et confort, afin de rechercher la preuve de la fraude fiscale de la société Promo délices Gmbh au titre de l'impôt sur les sociétés ; que, le même jour, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Nice a, sur le même fondement, autorisé des agents des impôts à procéder à une visite avec saisies, dans des locaux et dépendances sis à Nice, susceptibles d'être occupés par la SARL BRM conseils, également aux fins de recherche de la preuve de la fraude sus-évoquée ; que les sociétés BRM conseils, Modata, Mologistique, Promondo, Bien être et confort, Home distribution et Vital confort ayant formé appel à l'encontre de ces autorisations, le premier président de la cour d'appel a déclaré irrecevable celui des sociétés Bien être et confort, Home distribution et Vital confort et a rejeté celui des quatre autres sociétés ;

Sur le moyen unique, en ce qu'il est soutenu par les sociétés Bien être et confort, Home distribution et Vital confort :
Attendu que ces sociétés ne contestant pas l'irrecevabilité de leur appel, le moyen est inopérant ;
Sur le moyen unique, en ce qu'il est soutenu par les autres sociétés, pris en sa cinquième branche :
Attendu que les sociétés BRM conseils, Modata, Mologistique et Promondo font grief à l'ordonnance d'avoir rejeté leur recours contre les autorisations de visite, alors, selon le moyen, que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; qu'en retenant que la circonstance que le juge ait signé une ordonnance pré-rédigée par l'administration ne présumait pas de l'irrégularité de cette décision, cependant qu'une telle motivation faisait peser un doute sur l'impartialité du juge des libertés ayant autorisé les visites et saisies, le délégué du premier président a violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que les motifs et le dispositif de chacune des deux ordonnances rendues en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales sont réputés établis par le juge qui les a rendues et signées ; que le premier président a constaté qu'aucun fait vérifiable n'autorisait les demanderesses à suspecter l'impartialité de celui-ci ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le même moyen, pris en sa sixième branche :
Attendu que les sociétés BRM conseils, Modata, Mologistique et Promondo font le même grief à l'ordonnance, alors, selon le moyen, que la société BRM conseils faisait valoir, dans ses écritures, que l'administration s'était uniquement fondée sur un courriel émanant de la société Strategialis, spécialisée dans les conseils d'optimisation fiscale aux entreprises, qui faisait état de paiements, en février 2007, par la société Promo délices, de factures émises en 2006 par la société Danman LLC, soit avant la date de création de cette société ; qu'en retenant, pour confirmer les ordonnances autorisant les visites et saisies, que les décisions critiquées avaient motivé les présomptions de fraude pesant sur la société Promo délices, sans répondre aux conclusions de la société BRM conseils faisant valoir que le courriel invoqué relatifs aux factures provisionnées en décembre 2006 ne suffisait pas à établir une présomption de fraude, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la société BRM conseils, qui est seule recevable à invoquer un défaut de réponse à ses conclusions, ne faisant l'objet d'aucune présomption de fraude, n'est pas fondée à se prévaloir d'une insuffisance de telles présomptions à l'encontre de la société Promo délices Gmbh ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Et sur le même moyen, pris en sa septième branche :
Attendu que les sociétés BRM conseils, Modata, Mologistique et Promondo font encore le même grief à l'ordonnance, alors, selon le moyen, que les sociétés Promondo, Mologistique et Modata contestaient l'effectivité du recours contre de telles mesures, faisant valoir que l'occupant des locaux visités ne peut pas saisir le juge des libertés au début et au cours des opérations et que le contribuable faisant l'objet d'une telle intrusion n'a pas la faculté d'exercer un recours durant le déroulement des opérations de visite ; qu'en retenant que le moyen relatif à l'effectivité des opérations de visite et la saisie était inopérant, motif pris que les sociétés Promondo, Mologistique et Modata n'avaient pas formé de recours contre celle-ci dans le délai de 15 jours après achèvement de la visite, cependant qu'elles dénonçaient l'absence de possibilité de former un recours pendant le déroulement des opérations, le délégué du premier président a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales prévoit la possibilité d'un recours devant le premier président de la cour d'appel contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie ; que, dès lors, celui-ci ne peut être saisi de la contestation des conditions dans lesquelles ces opérations ont été effectuées que dans le cadre du recours spécifiquement prévu par ce texte ; qu'ayant constaté que les sociétés Promondo, Mologistique et Modata n'avaient pas exercé un tel recours, le premier président a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les autres griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés BRM conseils, Home distribution, Modata, Mologistique, Promondo, Bien être et confort et Vital confort aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer au directeur général des finances publiques la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour les sociétés BRM - conseils, Home distribution, Modata, Mologistique, Promondo, Bien-être et confort et Vital confort.
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté les recours formés par les sociétés BRM-Conseils, Promondo, Mologistique, Modata, Bien Etre et Confort, Home Distribution et Vital Confort contre les ordonnances des 28 juin 2010 ayant autorisé des visites et saisies dans les conditions prévues au I bis de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans les locaux sis zone industrielle Carros 1ère avenue et au 37, boulevard Carabacel, Le Centralia, à Nice ;
AUX MOTIFS QUE la recevabilité des appels des autres sociétés n'est pas discutée ; que les appelants soutiennent que Mme X..., inspectrice des impôts, n'a pas justifié de son habilitation, celle-ci ne figurant pas parmi les pièces accompagnant la requête ; qu'il ne résulte pas de l'article L16 B que les habilitations doivent être annexées à la requête ; qu'en mentionnant que l'agent lui avait présenté une copie de son habilitation le JLD a satisfait aux exigences légales ; que les appelants font valoir que la décision querellée a été prérédigée par l'administration et que le juge n'a opéré aucun contrôle effectif ; que ce seul fait ne permet pas de présumer que celui-ci a rendu sa décision sans examiner les pièces produites par l'administration et sans adopter les motifs qui étaient soumis à son appréciation, étant en outre observé qu'aucun élément ne permet de déterminer le temps dont il a disposé pour apprécier lesdites pièces, les requêtes ayant été présentées le 21 juin alors que les ordonnances ont été rendues une semaine plus tard ; que les appelants soutiennent encore que les JLD ont d'autant moins pu exercer leur contrôle que les éléments qui leur étaient fournis étaient inexistants et qu'ils n'ont pas été en mesure d'apprécier la vraisemblance de la fraude alléguée ; que les décisions critiquées ont, après avoir analysé chacune des pièces produites par l'administration, motivé les présomptions de fraude pesant sur la société PROMO DELICES GMBH tendant à minorer son bénéfice imposable et à ne pas procéder régulièrement à la passation de ses écritures comptables ; qu'ensuite a été rappelé le fait que France INFORMATIQUE, et MODATA étaient des sous- traitants de PROMO DELICES, tandis que PROMONDO, qui a la même activité de vente par correspondance que cette dernière, préparait des commandes pour elle ; qu'à ce titre ces sociétés étaient susceptibles de détenir dans leurs locaux des documents ou des supports relatifs à la fraude présumée ; qu'il en va de même pour BRM CONSEILS expert comptable de PROMO DELICES qui détenait des documents comptables de cette dernière ; que par ailleurs MOLOGISTIQUE était susceptible d'occuper tout ou parties des locaux communs avec PROMONDO et MODATA et qu'elles avaient le même dirigeant ; qu'ainsi l'autorisation de visite est fondée à l'égard de l'ensemble de ses sociétés ; que le moyen relatif à l'effectivité du recours contre les opérations de visite et la saisie est inopérant en ce que les sociétés PROMONDO, MODATA et MOLOGISTIQUE n'ont pas formé de recours contre celles-ci ; qu'il est également soutenu que, en violation de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme, le principe de proportionnalité n'a pas été respecté et que les JLD auraient du vérifier l'utilité de la mesure au regard des buts poursuivis par l'administration ; mais que cette dernière fait valoir, à bon droit, que ni l'article L 16 B, ni la Cour de cassation, ni la Cour européenne n'imposent une telle exigence ;
1°) ALORS QUE le juge qui autorise des visites et saisies doit vérifier, de manière concrète, en fait et en droit, que la demande qui lui est soumise est fondée ; qu'en retenant que le seul fait que le juge ait signé une ordonnance pré-rédigée par l'administration ne permettait pas de présumer que celui-ci avait rendu sa décision sans examiner les pièces produites par l'administration et sans adopter les motifs qui étaient soumis à son appréciation, le délégué du premier président, qui n'a pas contrôlé que le juge des libertés avait vérifié de manière certaine et concrète que la demande qui lui était soumise était fondée, a violé les articles L. 16 B du livre des procédures fiscales et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
2°) ALORS QUE dans ses dernières conclusions d'appel, la société BRM Conseil (conclusions, p. 6 dernier paragraphe et p. 7 § 1 et 2) faisait valoir que la présence de fautes d'orthographe grossières démontraient que le juge n'avait pas exercé la mission de contrôle qui lui incombait au regard de l'article L. 16 B II du livre des procédures fiscales ; que, de la mêmes façon, les sociétés Promondo, Mologistique et Modata faisaient également valoir (concl., p. 8 § 5) que toutes les ordonnances rendues présentaient les mêmes fautes d'orthographe, de syntaxe et de grammaire, ce qui démontrait qu'aucun contrôle effectif n'avait pu avoir lieu ; qu'en se contentant de relever que le fait que la décision ait été pré-rédigée ne permettait pas de présumer que le juge avait rendu sa décision sans examiner les pièces produites par l'administration et sans adopter les motifs qui étaient soumis à son examen, sans répondre au moyen des exposantes selon lequel les nombreuses fautes, laissées en l'état, démontraient l'absence de tout contrôle effectif, le délégué du premier président a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE n'est pas suffisamment équitable le procès qui se déroule dans des conditions de nature à placer injustement une partie dans une situation de net désavantage par rapport à son ou ses adversaires ; que le juge qui signe une ordonnance préétablie par l'administration fiscale, même s'il en vérifie les termes et le contenu, place la personne dans les locaux de laquelle les visites sont autorisées en position de net désavantage par rapport à l'administration fiscale ; qu'en retenant que la circonstance que le juge ait signé une ordonnance pré-rédigée par l'administration ne présumait pas de l'irrégularité de cette décision, le délégué du premier président a violé le principe d'égalité des armes et l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
4°) ALORS QUE le juge saisi d'une demande d'autorisation de visites et saisies doit vérifier si cette mesure, qui porte atteinte au droit au respect du domicile de l'intéressé, est proportionnée au but recherché ; qu'en retenant que la circonstance que le juge ait signé une ordonnance pré-rédigée par l'administration ne présumait pas de l'irrégularité de cette décision, cependant que la reprise, par le juge des libertés, d'une ordonnance préétablie par l'administration fiscale ne permettait pas de vérifier qu'il avait contrôlé la proportionnalité de cette ingérence au but poursuivi, le délégué du premier président a violé l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
5°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; qu'en retenant que la circonstance que le juge ait signé une ordonnance pré-rédigée par l'administration ne présumait pas de l'irrégularité de cette décision, cependant qu'une telle motivation faisait peser un doute sur l'impartialité du juge des libertés ayant autorisé les visites et saisies, le délégué du premier président a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
6°) ALORS QUE la société BRM-Conseil faisait valoir, dans ses écritures, que l'administration s'était uniquement fondée sur un courriel émanant de la société Strategialis, spécialisée dans les conseils d'optimisation fiscale aux entreprises, qui faisait état de paiements, en février 2007, par la société promo Délices, de factures émises en 2006 par la société Danman LLC, soit avant la date de création de cette société (pp. 4, 5 de ses conclusions) ; qu'en retenant, pour confirmer les ordonnances autorisant les visites et saisies, que les décisions critiquées avaient motivé les présomptions de fraude pesant sur la société Promo Délices, sans répondre aux conclusions de la société BRM Conseils faisant valoir que le courriel invoqué relatifs aux factures provisionnées en décembre 2006 ne suffisaient pas à établir une présomption de fraude, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
7°) ALORS QUE les sociétés Promondo, Mologistique et Modata contestaient l'effectivité du recours contre de telles mesures, faisant valoir que l'occupant des locaux visités ne peut pas saisir le juge des libertés au début et au cours des opérations et que le contribuable faisant l'objet d'une telle intrusion n'a pas la faculté d'exercer un recours durant le déroulement des opérations de visite ; qu'en retenant que le moyen relatif à l'effectivité des opérations de visite et la saisie était inopérant, motif pris que les sociétés Promondo, Mologistique et Modata n'avaient pas formé de recours contre celle-ci dans le délai de 15 jours après achèvement de la visite, cependant qu'elles dénonçaient l'absence de possibilité de former un recours pendant le déroulement des opérations, le délégué du premier président a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-24526
Date de la décision : 25/09/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Redressement et vérifications (règles communes) - Visites domiciliaires (article L. 16 B) - Autorisation judiciaire - Conditions - Présomption de fraude - Personnes susceptibles de la contester - Tiers (non)

Le tiers, dans les locaux duquel une visite avec saisie a été autorisée en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, n'est pas fondé à se prévaloir d'une insuffisance de présomptions de fraude à l'encontre de la société qui en est suspectée


Références :

Sur le numéro 1 : article L. 16 B du livre des procédures fiscales

article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
Sur le numéro 2 : article L. 16 B du livre des procédures fiscales

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 22 juin 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 25 sep. 2012, pourvoi n°11-24526, Bull. civ. 2012, IV, n° 167
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, IV, n° 167

Composition du Tribunal
Président : M. Espel
Avocat général : M. Carre-Pierrat
Rapporteur ?: Mme Bregeon
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.24526
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