LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Sofiane X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 12 mars 2012, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs, notamment, d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a confirmé la décision du juge d'instruction ordonnant la saisie d'un bien immobilier ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 septembre 2012 où étaient présents : M. Louvel président, Mme Guirimand conseiller rapporteur, MM. Blondet, Beauvais, Guérin, Straehli, Finidori, Monfort, Buisson conseillers de la chambre, Mme Divialle, MM. Maziau, Barbier conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Berkani ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de Mme le conseiller GUIRIMAND, les observations de Me SPINOSI, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BERKANI ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 22 mai 2012, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 131-21, alinéa 5 et 6, 132-24 du code pénal, 706-148, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a confirmé l'ordonnance du 21 décembre 2011 ayant autorisé la saisie immobilière d'un immeuble lui appartenant ;
" aux motifs que M. X... a notamment été mis en examen des chefs de transport, détention, offre, cession, acquisition ou emploi illicites de stupéfiants ; que, si c'est à tort que le magistrat instructeur a ordonné la saisie, en application des dispositions de l'article 131-21, alinéa 5, du code pénal, dans la mesure où le mis en examen n'avait pas été mis en mesure de s'expliquer sur les biens dont la confiscation était envisagée, la décision n'encourt pas pour autant la critique ; qu'en effet, selon les dispositions de l'article 222-49, alinéa 2, du code pénal, « dans les cas prévus par les articles 222-34, 222-35, 222-36, 222-37 et 222-38 peut également être prononcée la confiscation de tout ou partie des biens du condamné, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis » ; qu'ainsi, la saisie préalable de la maison d'habitation de M. X... pouvait être ordonnée par le juge d'instruction, ce bien étant susceptible de confiscation, sans qu'il soit nécessaire d'établir un lien de causalité direct ou indirect avec l'infraction commise ; que la disposition précitée (loi du 9 juillet 2010) est applicable à la présente procédure, compte tenu de la date des faits retenue à savoir « jusqu'au 28 juin 2011 » ; qu'il convient en conséquence de confirmer, par substitution de motifs, l'ordonnance de saisie, en date du 21 décembre 2011 ;
" 1°) alors que, en confirmant, par une substitution de motifs, la saisie conservatoire prise irrégulièrement sur le fondement de l'article 131-21, alinéa 5, du code pénal, seul visé par le juge d'instruction, M. X... n'ayant pas été mis en mesure de s'expliquer sur le bien confisqué et d'en justifier l'origine, sur le fondement de l'alinéa 6 de ce texte autorisant la confiscation de patrimoine, la chambre de l'instruction, qui a ainsi procédé à une requalification d'office du fondement de la saisie sans que le mis en examen n'ait été en mesure de présenter une défense utile sur ce nouveau fondement, M. X... ayant présenté en cause d'appel un moyen de défense spécifique à l'alinéa 5 au visa duquel la saisie a été faite, mais inopérant quant à l'alinéa 6, la chambre de l'instruction a porté une atteinte disproportionnée à l'exercice des droits de la défense ;
" 2°) alors que, destinées à garantir l'exécution de la peine complémentaire de confiscation prévue à l'article 131-21 du code pénal, les saisies conservatoires s'appliquent dans les conditions fixées par ce texte et celles qui régissent le prononcé des peines ; que la confiscation de patrimoine prévue à l'article 131-21, alinéa 6, du code pénal est soumise au principe d'individualisation de la peine et doit être motivée conformément à l'article 132-24 du code pénal ; qu'ainsi, la chambre de l'instruction ne pouvait substituer à la confiscation décidée par le juge d'instruction pour défaut de justification de l'origine du bien saisi, la confiscation de patrimoine, sans avoir motivé ce choix conformément à l'article 132-24 du code pénal, ni contrôlé la proportionnalité de cette mesure ;
" 3°) alors qu'il résulte de l'article 706-148 du code de procédure pénale que la saisie de patrimoine peut, dans les cas prévus aux alinéas 5 et 6 de l'article 131-21 du code pénal, être autorisée par le juge d'instruction sur requête du procureur de la République ou d'office, après avis du ministère public ; que le juge d'instruction a autorisé la saisie immobilière au visa de l'alinéa 5 de l'article 131-21 du code pénal, après avis du ministère public ; qu'il résulte des mentions mêmes de la décision attaquée que cette saisie est irrégulière, M. X... n'ayant pu s'expliquer sur l'origine de l'immeuble saisi ; qu'en confirmant l'ordonnance de saisie sur le fondement de l'alinéa 6 de ce texte, sans que l'avis du ministère public n'ait été recueilli par le juge d'instruction sur ce fondement, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 706-148 du code de procédure pénale " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 21 décembre 2011, le juge d'instruction a ordonné la saisie d'un bien immobilier dont M. X..., mis en examen des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, est propriétaire ; que cette ordonnance a été prise, après avis du procureur de la République, sur le fondement de l'article 131-21, alinéa 5, du code pénal ; que M. X... a relevé appel de la décision ;
Attendu que, pour confirmer la saisie ordonnée et écarter l'argumentation de M. X..., qui faisait valoir qu'il n'avait pas été mis en mesure de s'expliquer sur l'origine des biens dont la confiscation était envisagée, la chambre de l'instruction, substituant ses motifs à ceux du premier juge, retient que l'intéressé, poursuivi, en particulier, pour infractions à la législation sur les stupéfiants sur le fondement des dispositions de l'article 222-37 du code pénal, encourt la confiscation de tout ou partie de ses biens, quelle qu'en soit la nature, sans qu'il soit nécessaire d'établir un lien direct ou indirect avec l'infraction ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, l'avis du ministère public ayant été recueilli sur l'application des dispositions de l'article 706-148 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans méconnaître les textes invoqués par le demandeur ;
Que, d'une part, selon les dispositions de l'article 706-148 du code de procédure pénale, dans les cas où l'infraction poursuivie est punie d'au moins cinq ans d'emprisonnement et où la saisie de patrimoine est prévue par le texte de répression, le juge d'instruction peut ordonner la saisie de tout ou partie des biens de la personne concernée ; que tel était le cas en l'espèce, M. X... se voyant reprocher des infractions à la législation sur les stupéfiants et le délit d'association de malfaiteurs ;
Que, d'autre part, la saisie en cause, ordonnée à titre conservatoire pour garantir l'exécution de la confiscation encourue en cas de condamnation, ne constitue pas une peine, au sens de l'article 132-24 du code pénal ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-huit septembre deux mille douze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;