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05/09/2012 | FRANCE | N°11-19200

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 05 septembre 2012, 11-19200


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 28 mars 2011) que la société Le Boulingrin, preneuse à bail de locaux à usage de restaurant appartenant à la société civile immobilière 27 rue Ponsardin, a sollicité le renouvellement de son bail le 18 octobre 2005 ; que la bailleresse a refusé par acte du 17 janvier 2006 en offrant une indemnité d'éviction ; qu'une expertise a été ordonnée en référé le 6 septembre 2006 ; que le 24 décembre 2008 la bailleresse a assigné la société preneuse en expuls

ion et payement d'une indemnité d'occupation ; que le 12 mai 2009, la société L...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 28 mars 2011) que la société Le Boulingrin, preneuse à bail de locaux à usage de restaurant appartenant à la société civile immobilière 27 rue Ponsardin, a sollicité le renouvellement de son bail le 18 octobre 2005 ; que la bailleresse a refusé par acte du 17 janvier 2006 en offrant une indemnité d'éviction ; qu'une expertise a été ordonnée en référé le 6 septembre 2006 ; que le 24 décembre 2008 la bailleresse a assigné la société preneuse en expulsion et payement d'une indemnité d'occupation ; que le 12 mai 2009, la société Le Boulingrin a assigné la bailleresse en payement d'une indemnité d'éviction ; que ces instances ont été jointes ;

Sur le premier moyen, qui est recevable :
Attendu que la société Le Boulingrin fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande en payement d'une indemnité d'éviction alors, selon le moyen, que la loi nouvelle qui allonge la durée d'une prescription s'applique immédiatement lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur, sauf à tenir compte du délai déjà écoulé ; qu'il n'y a pas lieu de distinguer selon que l'allongement de la prescription procède d'un allongement du délai ou de la prise en considération de nouvelles causes de suspension ou d'interruption ; qu'en l'espèce, la prescription biennale n'était pas acquise lors de l'entrée en vigueur du nouvel article 2239 du code civil, issu de la loi du 17 juillet 2008, qui suspend le cours de la prescription lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès et précise que le délai de prescription ne recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée ; qu'en refusant néanmoins de prendre en considération la suspension du délai biennal pendant la durée de l'expertise ordonnée le 6 septembre 2006, motif pris que le rapport d'expertise avait été déposé avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, la cour d'appel viole l'article 2 du code civil, ensemble les articles 2222 et 2239 du code civil, dans leur rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
Mais attendu qu'ayant exactement relevé que la loi du 17 juin 2008 n'avait ni augmenté ni réduit le délai de prescription de l'article L. 145-60 du code de commerce et ne prévoyait aucune disposition transitoire pour les causes d'interruption ou de suspension, la cour d'appel, qui a constaté que la prescription de l'action en payement d'une indemnité d'éviction était acquise au 6 septembre 2008, en a déduit à bon droit que l'action de la société Le Boulingrin était irrecevable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Le Boulingrin fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande en payement d'une indemnité d'éviction alors, selon le moyen, que l'effet interruptif de prescription résultant d'une assignation aux fins d'expertise in futurum se prolonge aussi longtemps que l'ordonnance prescrivant la mesure sollicitée n'est pas définitive ; que l'ordonnance de référé prescrivant une mesure d'instruction avant tout procès étant susceptible d'appel et l'appel étant ouvert à toute partie ayant succombé, fût-ce partiellement, il convenait ici de retenir, en l'absence de toute signification de l'ordonnance de référé du 6 septembre 2006, que l'effet interruptif s'attachant à l'assignation en référé s'était prolongé jusqu'à la date où, par l'effet de la péremption, cette ordonnance pouvait être regardée comme définitive, soit jusqu'au 6 septembre 2008 ; qu'en considérant au contraire, pour dire irrecevable comme prescrite la demande en paiement de l'indemnité d'éviction formée par assignation du 12 mai 2009, que l'effet interruptif de prescription s'attachant à l'assignation en référé du 28 juin 2006 avait cessé dès le jour du prononcé de l'ordonnance du 6 septembre 2006, la cour d'appel viole l'article 2244 ancien du code civil, repris à l'article 2241 nouveau de ce même code ;
Mais attendu qu'ayant justement retenu que l'instance introduite par l'assignation délivrée le 28 juin 2006, laquelle ne tendait qu'à l'organisation d'une mesure d'instruction en application de l'article 145 du code de procédure civile, avait trouvé sa solution par l'ordonnance de référé du 6 septembre 2006, la cour d'appel en a exactement déduit, sans violer l'article 2244 dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, que l'action en payement d'une indemnité d'éviction introduite plus de deux ans après cette date était irrecevable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, ci-après annexé :
Attendu que la cour d'appel, qui n'a pas décidé que la société Le Boulingrin ne pouvait se prévaloir de la reconnaissance de son droit à indemnité d'éviction par la bailleresse et qui a relevé, sans dénaturation, que le dire du 17 décembre 2007, invoqué par la société Le Boulingrin, ne portait que sur le mode de calcul et le montant de l'indemnité d'éviction, le bailleur n'ayant pris position que dans l'éventualité de l'exigibilité d'une telle indemnité, a pu décider que ce dire ne valait pas reconnaissance du droit à cette indemnité ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que la société Le Boulingrin fait grief à l'arrêt d'ordonner son expulsion alors, selon le moyen, que la prescription biennale n'atteint que le droit d'agir en paiement de l'indemnité d'éviction, mais ne constitue pas une cause d'extinction du droit à indemnisation, envisagé dans sa substance même ; qu'il s'ensuit que l'irrecevabilité à laquelle se heurte, du fait de la prescription biennale, l'action du locataire tendant à la fixation et au paiement de l'indemnité d'éviction qui lui est due ne saurait faire obstacle à ce que ledit locataire se prévale, par voie d'exception, de son droit à indemnité et du droit au maintien dans les lieux qui en constitue le corollaire pour tenir en échec la demande du bailleur tendant à son expulsion ; qu'en considérant au contraire que la prescription biennale de l'action en paiement de l'indemnité d'éviction avait fait perdre à la société Le Boulingrin son droit même à indemnité d'éviction, de sorte qu'elle ne pouvait opposer son droit au maintien dans les lieux à la demande reconventionnelle du bailleur tendant à son expulsion, la cour d'appel viole, par fausse interprétation, l'article L. 145-60 du code de commerce et, par refus d'application, l'article L. 145-28 du même code ;
Mais attendu qu'ayant retenu que l'action en payement d'une indemnité d'éviction était irrecevable comme prescrite, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la société Le Boulingrin ne pouvait plus se prévaloir, fût-ce par voie d'exception, du droit au maintien dans les lieux qui en est le corollaire ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le cinquième moyen :
Vu l'article L. 145-28 du code de commerce, ensemble l'article 1382 du code civil ;
Attendu qu'aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue ; que jusqu'au paiement de cette indemnité il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré ; que toutefois cette indemnité est déterminée conformément aux dispositions des articles L. 145-33 et suivants, compte tenu de tous éléments d'appréciation ;
Attendu que pour fixer, à compter du 1er avril 2006, date de la fin du bail, l'indemnité d'occupation due par la société Le Boulingrin, l'arrêt retient que cette indemnité n'est pas celle prévue par l'article L. 145-28 du code de commerce et n'a pas à être fixée selon les modalités prévues par ce texte, qu'elle présente un caractère à la fois compensateur et indemnitaire et répare le préjudice subi par le bailleur dont le preneur se maintient indûment dans les lieux ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'action en paiement de l'indemnité d'éviction n'était prescrite qu'à compter du 6 septembre 2008, ce dont il résultait que jusqu'à cette date le preneur s'était maintenu dans les lieux en vertu du titre qu'il tenait de l'article L. 145-28 du code de commerce, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Le Boulingrin à payer à la SCI 27 rue Ponsardin à compter du 1er avril 2006 une indemnité d'occupation mensuelle de 7 500 euros hors taxes et charges, l'arrêt rendu entre les parties le 28 mars 2011, par la cour d'appel de Reims, remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims, autrement composée ;
Condamne la SCI 27 rue Ponsardin aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCI 27 rue Ponsardin à payer à la société Le Boulingrin la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la SCI 27 rue Ponsardin ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq septembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour la société Le Boulingrin.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande de la société LE BOULINGRIN tendant à la fixation de l'indemnité d'éviction et, en conséquence, privé la société LE BOULINGRIN de tout droit à indemnité d'éviction, ordonné son expulsion et condamné celle-ci au paiement d'une indemnité au titre de son occupation sans droit ni titre depuis le 1er avril 2006 ;
AUX MOTIFS QUE, en application de l'article L. 145-60 du code de commerce, l'action en fixation de l'indemnité d'éviction se prescrit par deux ans à compter de la date de signification du congé avec refus de renouvellement, que celui-ci soit donné avec ou sans offre d'indemnité d'éviction ; que, conformément aux dispositions des articles 2244 et 2248 anciens du code civil, la prescription biennale peut être interrompue par une assignation en justice, même en référé, et par la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait ; que la Sarl Le Boulingrin ne conteste pas en cause d'appel que les dispositions introduites par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, attachant désormais un effet suspensif à l'instance en référé et à l'expertise diligentée à l'issue de celle-ci, ne sont pas applicables au cas de l'espèce ; qu'en effet, la loi nouvelle n'a ni réduit ni augmenté le délai de prescription de l'article L. 145-60 du code de commerce et n'a prévu aucune disposition transitoire pour les causes d'interruption et de suspension ; que, conformément aux règles de droit commun relatives à l'application de la loi dans le temps, dans l'hypothèse où, comme en l'espèce, la loi nouvelle allonge ou maintient le délai de prescription, il convient de tenir compte de la période écoulée jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi ; que l'ordonnance de référé ayant été rendue le 6 septembre 2006 et le rapport d'expertise ayant été déposé le 4 janvier 2008, soit avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, il n'y a pas lieu d'appliquer l'effet suspensif nouvellement attaché à l'instance en référé et à l'expertise et de considérer que la prescription n'aurait commencé à courir pour une durée résiduelle qu'à compter du dépôt du rapport d'expertise ; qu'aux termes de l'article 2244 ancien du code civil, une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir ; que l'effet interruptif de la prescription résultant d'une action en justice cesse à compter du jour où le litige trouve sa solution ; qu'en l'espèce, la prescription biennale a été interrompue par l'assignation en référé délivrée le 28 juin 2006 à la SCI 27 rue Ponsardin à la requête de la Sarl Le Boulingrin afin de voir désigner un expert judiciaire chargé d'évaluer le montant de l'indemnité d'éviction ; que l'effet interruptif a pris fin par le prononcé de l'ordonnance de référé du 6 septembre 2006 ayant désigné un expert judiciaire et donné une solution au litige ; que c'est donc à juste titre que le tribunal a fixé au 6 septembre 2006 le point de départ du nouveau délai de deux ans prévu par l'article L. 145-60 du code de commerce ; que la prescription biennale de l'action en paiement de l'indemnité d'éviction était acquise au 6 septembre 2008 de sorte que la demande en paiement formée par assignation délivrée le 12 mai 2009 est irrecevable ;
ALORS QUE la loi nouvelle qui allonge la durée d'une prescription s'applique immédiatement lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur, sauf à tenir compte du délai déjà écoulé ; qu'il n'y a pas lieu de distinguer selon que l'allongement de la prescription procède d'un allongement du délai ou de la prise en considération de nouvelles causes de suspension ou d'interruption ; qu'en l'espèce, la prescription biennale n'était pas acquise lors de l'entrée en vigueur du nouvel article 2239 du code civil, issu de la loi du 17 juillet 2008, qui suspend le cours de la prescription lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès et précise que le délai de prescription ne recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée ; qu'en refusant néanmoins de prendre en considération la suspension du délai biennal pendant la durée de l'expertise ordonnée le 6 septembre 2006, motif pris que le rapport d'expertise avait été déposé avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, la cour viole l'article 2 du code civil, ensemble les articles 2222 et 2239 du code civil, dans leur rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande de la société LE BOULINGRIN tendant à la fixation de l'indemnité d'éviction et, en conséquence, privé la société LE BOULINGRIN de tout droit à indemnité d'éviction, ordonné son expulsion et condamné celle-ci au paiement d'une indemnité au titre de son occupation sans droit ni titre depuis le 1er avril 2006;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 2244 ancien du code civil, une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir ; que l'effet interruptif de la prescription résultant d'une action en justice cesse à compter du jour où le litige trouve sa solution ; qu'en l'espèce, la prescription biennale a été interrompue par l'assignation en référé délivrée le 28 juin 2006 à la SCI 27 rue Ponsardin à la requête de la Sarl Le Boulingrin afin de voir désigner un expert judiciaire chargé d'évaluer le montant de l'indemnité d'éviction ; que l'effet interruptif a pris fin par le prononcé de l'ordonnance de référé du 6 septembre 2006 ayant désigné un expert judiciaire et donné une solution au litige ; que c'est en vain que la Sarl Le Boulingrin soutient que l'effet interruptif attaché à l'acte introductif d'instance ne pendrait fin qu'avec la signification de l'ordonnance de référé, laquelle n'est jamais intervenue en l'espèce ; qu'en effet, l'ordonnance de référé du 6 septembre 2006, qui avait force de chose jugée dès son prononcé en application de l'article 500 du code de procédure civile en ce sens qu'elle ne pouvait pas faire l'objet d'un recours suspensif d'exécution, était dès lors exécutoire en application de l'article 501 du même code ; que si l'exécution forcée de l'ordonnance de référé du 6 septembre 2006 ne pouvait pas être poursuivie à défaut de signification préalable, conformément aux dispositions de l'article 503 du code de procédure civile, force est de constater que la question ne s'est pas posée dans la mesure où la décision a fait l'objet d'une exécution volontaire de la part des deux parties qui ont participé aux opérations d'expertise qu'elle ordonnait ; que la Sarl Le Boulingrin, qui n'a pas relevé appel de l'ordonnance de référé du 6 septembre 2006 et qui a participé aux opérations de l'expertise qu'elle avait elle-même sollicitée, ne peut pas valablement soutenir que cette ordonnance ne mettait pas fin à l'instance introduite par son assignation du 28 juin 2006 au motif qu'elle ne satisfaisait que les droits du bailleur qui avait obtenu, d'une part, l'extension de la mission de l'expert judiciaire au calcul du montant de l'indemnité d'occupation due par le preneur depuis l'expiration du bail et, d'autre part, la mise à la charge du demandeur de la consignation à valoir sur les honoraires de l'expert judiciaire ; que la Sarl Le Boulingrin omet de rappeler que, dans son ordonnance du 6 septembre 2006, le juge des référés a fait droit à ses prétentions qui tenaient à l'organisation d'une mesure d'instruction sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile afin de permettre au juge du fond qui serait éventuellement saisi d'apprécier le montant de l'indemnité d'éviction ; que la Sarl Le Boulingrin ne peut donc pas sérieusement soutenir que l'ordonnance de référé ne satisfaisait en aucun cas ses intérêts et qu'elle se réservait le droit de faire appel, sachant qu'elle n'a pas estimé devoir soumettre à la cour d'appel les dispositions de l'ordonnance de référé ayant fait droit aux demandes reconventionnelles de la SCI 27 rue Ponsardin et ce, sans qu'il fût nécessaire que cette dernière lui fit signifier l'ordonnance ; qu'il s'ensuit que l'instance introduite par l'assignation délivrée le 28 juin 2006 – laquelle ne tendait qu'à l'organisation d'une mesure d'instruction en application de l'article 145 du code de procédure civile – a trouvé sa solution par l'ordonnance de référé du 6 septembre 2006 ; qu'en outre, l'absence de signification de cette ordonnance ne privait la Sarl Le Boulingrin d'aucun droit, notamment pas de celui de participer à la mesure d'instruction qu'elle avait sollicitée et obtenue et à laquelle ne s'était pas opposée la SCI 27 rue Ponsardin ni de celui de relever appel de la décision du chef des dispositions ayant fait droit aux demandes reconventionnelles de son contradicteur ; que c'est donc à juste titre que le tribunal a fixé au 6 septembre 2006 le point de départ du nouveau délai de deux ans prévu par l'article L. 145-60 du code de commerce ; que la prescription biennale de l'action en paiement de l'indemnité d'éviction était acquise au 6 septembre 2008 de sorte que la demande en paiement formée par assignation délivrée le 12 mai 2009 est irrecevable ;
ALORS QUE l'effet interruptif de prescription résultant d'une assignation aux fins d'expertise in futurum se prolonge aussi longtemps que l'ordonnance prescrivant la mesure sollicitée n'est pas définitive ; que l'ordonnance de référé prescrivant une mesure d'instruction avant tout procès étant susceptible d'appel et l'appel étant ouvert à toute partie ayant succombé, fût-ce partiellement, il convenait ici de retenir, en l'absence de toute signification de l'ordonnance de référé du 6 septembre 2006, que l'effet interruptif s'attachant à l'assignation en référé s'était prolongé jusqu'à la date où, par l'effet de la péremption, cette ordonnance pouvait être regardée comme définitive, soit jusqu'au 6 septembre 2008 ; qu'en considérant au contraire, pour dire irrecevable comme prescrite la demande en paiement de l'indemnité d'éviction formée par assignation du 12 mai 2009, que l'effet interruptif de prescription s'attachant à l'assignation en référé du 28 juin 2006 avait cessé dès le jour du prononcé de l'ordonnance du 6 septembre 2006, la cour viole l'article 2244 ancien du code civil, repris à l'article 2241 nouveau de ce même code.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande de la société LE BOULINGRIN tendant à la fixation de l'indemnité d'éviction et, en conséquence, privé la société LE BOULINGRIN de tout droit à indemnité d'éviction, ordonné son expulsion et condamné celle-ci au paiement d'une indemnité au titre de son occupation sans droit ni titre depuis le 1er avril 2006;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 2248 ancien du code civil, la prescription est interrompue par la reconnaissance que le débiteur ou le possesseur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait ; qu'en l'espèce, la Sarl Le Boulingrin se prévaut de la reconnaissance expresse formulée par la SCI 27 rue Ponsardin au cours des opérations d'expertise dans son dire du 17 décembre 2007 dans lequel elle écrivait qu'il lui apparaissait « légitime de fixer l'indemnité d'éviction à partir de l'idée selon laquelle le fonds sera perdu » ; qu'elle en conclut à la reconnaissance du droit à l'indemnité d'éviction indépendamment du quantum qui était discuté par ailleurs ; qu'elle se prévaut par ailleurs des négociations qui ont suivi le dépôt du rapport d'expertise et d'une consultation établie par un des conseils de la SCI 27 rue Ponsardin ; que l'intimée estime en conséquence que la reconnaissance expresse intervenue le 17 décembre 2007 a ouvert un nouveau délai de deux ans qui expirait le 17 décembre 2009 et que l'action en paiement d'une indemnité d'éviction qu'il a introduite le 12 mai 2009 est recevable ; que cependant, tout d'abord, la prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce n'est pas soumise à la condition que le droit du preneur à une indemnité d'éviction soit contesté ; que la SCI 27 rue Ponsardin fait justement valoir que la reconnaissance par le bailleur du droit du preneur au paiement d'une indemnité d'éviction est à la base de la procédure en évaluation de cette indemnité dans la mesure où la procédure commence par la notification de ce droit ; qu'il s'ensuit que la reconnaissance par le bailleur du droit du preneur à une indemnité d'éviction en contrepartie du non-renouvellement du bail s'est exprimée dès le refus de renouvellement notifié le 17 janvier 2006, de sorte que la Sarl Le Boulingrin n'est plus fondée à s'en prévaloir en tant que cause interruptive ultérieure ; que le fait de participer à une expertise judiciaire et de discuter la réclamation du demandeur ne constitue pas une reconnaissance de son droit ; que le dire invoqué par la Sarl Le Boulingrin ne portait que sur le mode de calcul et le montant de l'indemnité d'éviction sans qu'il n'ait comporté reconnaissance du droit à cette indemnité ; qu'en effet, dans son dire du 17 décembre 2007, le bailleur a pris position dans l'éventualité de l'exigibilité de l'indemnité d'éviction dans la mesure où il écrit dans un paragraphe relatif à la perte du fonds de commerce : « Si effectivement le fonds de commerce n'était pas transféré, il me paraît légitime de fixer l'indemnité d'éviction à partir de l'idée selon laquelle le fonds sera perdu. Pour autant, cette perte n'est pas totale. Le propriétaire reste en effet susceptible de vendre les éléments corporels ainsi qu'une partie des éléments incorporels (…) » ; que les développements de la SCI 27 rue Ponsardin – que la Sarl Le Boulingrin rappelle dans ses conclusions en omettant la première partie de la phrase – participent du débat contradictoire devant l'expert judiciaire sur le montant de l'indemnité d'éviction sollicitée par le preneur ; que, comme le fait pertinemment observer l'appelante, « considérer que participer à ce débat démontrerait une reconnaissance tacite du droit du preneur équivaudrait à interdire toute expertise avant dire droit » ; que les développements de l'intimée sur les négociations que les parties auraient entreprises après le dépôt du rapport d'expertise et sur la consultation d'un conseil de l'appelante sont inopérants dès lors que de telles négociations n'ont aucun effet interruptif ni suspensif et que l'opinion émise par un des conseils de l'appelante – qui utilise au demeurant le conditionnel – n'engage que lui ; que c'est donc à tort que le tribunal a déclaré recevable au visa de l'article 2248 ancien du code civil l'action introduite par la Sarl Le Boulingrin ; que la prescription biennale de l'action en paiement de l'indemnité d'éviction était acquise au 6 septembre 2008 de sorte que la demande en paiement formée par assignation délivrée le 12 mai 2009 est irrecevable ;
ALORS QUE, D'UNE PART, si la prescription biennale de l'action en paiement de l'indemnité d'éviction n'est pas soumise à la condition que le droit du preneur à cette indemnité soit contesté et s'applique donc dans l'hypothèse où le congé délivré par le bailleur est assorti d'une offre d'indemnité, une nouvelle reconnaissance du droit du preneur à l'indemnisation de son éviction est de nature à interrompre le délai de deux ans ; qu'en décidant le contraire, la cour viole l'article L. 145-60 du code de commerce, ensemble l'article 2248, devenu l'article 2278, du code civil ;
ET ALORS QUE, D'AUTRE PART, il résulte des motifs mêmes de l'arrêt attaqué que, dans son dire du 17 décembre 2007, le bailleur avait écrit : « Si effectivement le fonds de commerce n'était pas transféré, il me paraît légitime de fixer l'indemnité d'éviction à partir de l'idée selon laquelle le fonds sera perdu (…) » ; que dans cette phrase, la condition « si effectivement le fonds de commerce n'était pas transféré » se rapporte exclusivement au point de savoir si le fonds pouvait ou non être réinstallé ailleurs, mais nullement à la question de savoir si cette indemnité était exigible ; qu'en considérant que, dans son dire du 17 décembre 2007, le bailleur n'avait pris position que « dans l'éventualité de l'exigibilité de l'indemnité d'éviction » » pour en déduire, à la différence des premiers juges, qu'il n'emportait pas reconnaissance explicite ou implicite du droit même du locataire au paiement de l'indemnité d'éviction, la cour statue au prix d'une dénaturation du dire précité du 17 décembre 2007, méconnaissant ce faisant les règles et principes qui gouvernent la dénaturation.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire par rapport aux trois premiers moyens)
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la société LE BOULINGRIN avait perdu tout droit à indemnité d'éviction, constaté qu'elle était devenue occupante sans droit ni titre et ce dès le 1er avril 2006 et ordonné son expulsion dans les deux mois suivant la signification de son arrêt ;
AUX MOTIFS QUE la prescription biennale de l'action en paiement de l'indemnité d'éviction était acquise au 6 septembre 2008 de sorte que la demande en paiement formée par assignation délivrée le 12 mai 2009 est irrecevable ; que, sauf à contourner les règles relatives à la prescription biennale qu'il lui appartenait d'interrompre en assignant son contradicteur au fond après le dépôt du rapport d'expertise, sachant qu'elle disposait d'un délai de huit mois pour ce faire, la Sarl Le Boulingrin ne peut pas prétendre voir juger que son droit à l'indemnité d'éviction existe toujours indépendamment de toute notion de prescription et qu'elle pourra rester dans les lieux tant que l'indemnité d'éviction n'aura pas été payée par le bailleur ; qu'en effet, en raison de son inaction depuis le 6 septembre 2006, date du prononcé de l'ordonnance de référé commettant une expert judiciaire, la Sarl Le Boulingrin a perdu tout droit à indemnité à l'indemnité d'éviction ; que la SCI 27 rue Ponsardin est donc bien fondée à voir juger que la Sarl Le Boulingrin est occupant sans droit ni titre depuis le 1er avril 2006, à voir ordonner son expulsion dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt et à la voir condamner au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle laquelle est la contrepartie de l'occupation sans droit ni titre ;
ALORS QUE la prescription biennale n'atteint que le droit d'agir en paiement de l'indemnité d'éviction, mais ne constitue pas une cause d'extinction du droit à indemnisation, envisagé dans sa substance même ; qu'il s'ensuit que l'irrecevabilité à laquelle se heurte, du fait de la prescription biennale, l'action du locataire tendant à la fixation et au paiement de l'indemnité d'éviction qui lui est due ne saurait faire obstacle à ce que ledit locataire se prévale, par voie d'exception, de son droit à indemnité et du droit au maintien dans les lieux qui en constitue le corollaire pour tenir en échec la demande du bailleur tendant à son expulsion ; qu'en considérant au contraire que la prescription biennale de l'action en paiement de l'indemnité d'éviction avait fait perdre à la société LE BOULINGRIN son droit même à indemnité d'éviction, de sorte qu'elle ne pouvait opposer son droit au maintien dans les lieux à la demande reconventionnelle du bailleur tendant à son expulsion, la cour viole, par fausse interprétation, l'article L. 145-60 du code de commerce et, par refus d'application, l'article L. 145-28 du même code.
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire par rapport aux quatre premiers) ;
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir constaté que la société LE BOULINGRIN était devenue occupante sans droit ni titre depuis le 1er avril 2006 et condamné en conséquence celle-ci à payer à la SCI 27 RUE PONSARDIN, à compter de cette même date, une indemnité mensuelle d'occupation de 7.500 euros, hors taxes et hors charges, déduction faite des éventuelles indemnités versées depuis lors ;
AUX MOTIFS QUE la prescription biennale de l'action en paiement de l'indemnité d'éviction était acquise au 6 septembre 2008 ; qu'en raison de son inaction depuis le 6 septembre 2006, date du prononcé de l'ordonnance de référé commettant un expert judiciaire, la société Le Boulingrin a perdu tout droit à l'indemnité d'éviction ; que la SCI 27 rue Ponsardin est donc bien fondée à voir juger que la Sarl Le Boulingrin est occupante sans droit ni titre depuis le 1er avril 2006 et à la voir condamner au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle, laquelle est la contrepartie de l'occupation sans droit ni titre ; que cette indemnité, qui n'est pas celle prévue par l'article L. 145-28 du code de commerce et qui n'a pas à être fixée selon les modalités auxquelles renvoie cet article, présente un caractère à la fois compensateur et indemnitaire et répare le préjudice subi par le bailleur dont le preneur se maintient indûment dans les lieux et ne lui permet pas de récupérer son bien ; qu'il y a lieu, par ailleurs, de tenir compte de la nature, de la configuration et de la situation des locaux à usage commercial dont il s'agit ; qu'il convient de rappeler à cet égard que la Sarl Le Boulingrin exploite un restaurant, bar brasserie dans un immeuble reconstruit en 1925 ; ,que le rez-de-chaussée est notamment occupé par une salle de bar, une salle de restaurant « Art Déco » conçue pour accueillir cent vingt-cinq couverts, un salon à la suite de vingt-cinq couverts et les cuisines, outre un vestiaire et des sanitaires pour la clientèle et le personnel ; que la surface totale du rez-de-chaussée est de 358,17 m² ; que le sous-sol, d'une superficie de 359,60 m², est utilisé pour la préparation des repas, les réserves et chambres froides t les caves à vins ; que le premier étage, d'une surface de 51,12 m², est occupé par trois bureaux et des sanitaires ; que l'expert judiciaire a estimé la surface totale pondérée à 506,57 m² ; qu'au regard de ces éléments et du caractère de l'indemnité d'occupation rappelé ci-dessus, il convient de fixer à la somme mensuelle de 7.500 euros hors taxes et hors charges le montant de cette dernière à compter du 1er avril 2006 ;
ALORS QUE le locataire évincé a droit au maintien dans les lieux aux clauses et conditions du bail expiré, et ce jusqu'à l'extinction de son droit à indemnité d'éviction ; qu'à suivre la cour d'appel, le droit au paiement de l'indemnité d'éviction dont bénéficiait la société LE BOULINGRIN en raison du congé qui lui avait été délivré s'était trouvé éteint le 6 septembre 2008 par l'effet de la prescription biennale de l'action en paiement de ladite indemnité ; qu'il s'ensuit qu'au moins jusqu'à cette dernière date, la société LE BOULINGRIN ne pouvait être regardée comme occupante sans droit ni titre ; qu'en considérant néanmoins, pour écarter les dispositions de l'article L. 145-28 du code de commerce, que l'occupation de la société LE BOULINGRIN était devenue illicite dès le 1er avril 2006, date à laquelle le précédent bail était venu à l'expiration, la cour viole l'article 1382 du code civil, ensemble l'article L. 145-28 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 11-19200
Date de la décision : 05/09/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

BAIL COMMERCIAL - Indemnité d'éviction - Non-paiement - Maintien dans les lieux - Prix - Indemnité d'occupation - Montant - Calcul - Modalités

Lorsqu'est délivré un congé avec refus de renouvellement et offre de paiement d'une indemnité d'éviction et que l'action du preneur en paiement de cette indemnité est prescrite, l'indemnité d'occupation dont le preneur est redevable doit être calculée selon les critères fixés par les articles L. 145-33 et suivants du code de commerce, pour la période courant de l'expiration du bail à la date de prescription de l'action, ne devenant une indemnité pour occupation sans droit ni titre qu'à compter de cette date


Références :

Sur le numéro 1 : article 2 du code civil

articles 2222 et 2239 du code civil, dans leur rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008

article L. 145-60 du code de commerce
Sur le numéro 2 : article 1382 du code civil

article L. 145-28 du code de commerce

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 28 mars 2011

Sur le n° 2 : Sur les modalités de calcul du montant de l'indemnité d'occupation due par le preneur en cas de maintien dans les lieux, à rapprocher :3e Civ., 21 juin 1972, pourvoi n° 71-10437, Bull. 1972, III, n° 415 (2) (cassation partielle)

arrêt cité ;

3e Civ., 3 juillet 1974, pourvoi n° 73-11054, Bull. 1974, III, n° 284 (2) (cassation) ;

3e Civ., 3 octobre 2007, pourvoi n° 06-17766, Bull. 2007, III, n° 160 (cassation partielle), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 05 sep. 2012, pourvoi n°11-19200, Bull. civ. 2012, III, n° 110
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, III, n° 110

Composition du Tribunal
Président : M. Terrier
Avocat général : M. Laurent-Atthalin
Rapporteur ?: Mme Fossaert
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 07/09/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.19200
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