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10/07/2012 | FRANCE | N°11-13924

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 juillet 2012, 11-13924


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société KCC que sur le pourvoi incident relevé par la société Inter Sales ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 janvier 2011), que la société KCC, qui a pour activité le commerce de gros de produits électroniques, a déposé, le 13 septembre 2000, auprès de l'INPI, la marque française "Denver" pour des produits des classes 9 à 11, enregistrée sous le numéro 00 3 052 608 ; qu'à compter de 1995, la société de droit danois Inter Sales, qui

a pour objet l'importation et la commercialisation de matériel électronique, a ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société KCC que sur le pourvoi incident relevé par la société Inter Sales ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 janvier 2011), que la société KCC, qui a pour activité le commerce de gros de produits électroniques, a déposé, le 13 septembre 2000, auprès de l'INPI, la marque française "Denver" pour des produits des classes 9 à 11, enregistrée sous le numéro 00 3 052 608 ; qu'à compter de 1995, la société de droit danois Inter Sales, qui a pour objet l'importation et la commercialisation de matériel électronique, a vendu ses produits dans divers pays européens, dont la France, sous la marque non enregistrée "Denver" ; qu'elle a déposé le 21 juillet 2003 auprès de l'Office d'harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) la marque communautaire «Denver», enregistrée le 9 décembre 2004 sous le n° 003278843, pour désigner, notamment, les produits des classes 9 et 11 ; qu'informée courant 2007 de la vente en France, sur les sites internet M6Boutique.com et priceminister.com, de produits comportant la marque «Denver» provenant de la société Inter Sales ainsi que de l'existence d'un nom de domaine www.denverelectronics.com accessible en France, puis ayant appris que la société Home Shopping Service avait acquis les produits «Denver» litigieux auprès de la société de droit néerlandais ChartBox, distributeur de la société Inter Sales en France, et après avoir vainement mis en demeure celle-ci de cesser toute utilisation en France de la marque «Denver» pour des produits identiques à ceux visés dans l'enregistrement de sa marque française, la société KCC a fait assigner les sociétés Inter Sales, Home Shopping Service et Chartbox en contrefaçon de sa marque ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que la société KCC fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes alors, selon le moyen :
1°/ qu'en statuant de la sorte sans rechercher si la société Inter Sales, qui avait par le passé commercialisé les produits de la marque Denver en France n'avait pas vendu de tels produits à la société ChartBox bv en sachant que celle-ci serait amenée à les distribuer sur ce territoire, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.713-2 et L.713-3 du code de la propriété intellectuelle ;
2°/ qu'en statuant de la sorte sans rechercher si la société ChartBox bv, en vendant ces mêmes produits à une société française exerçant son activité à destination du public français, n'avait pas nécessairement connaissance, indépendamment des considérations inopérantes déduites du lieu du transfert de propriété résultant des conditions générales de vente arrêtées par la société ChartBox bv, de ce que ces produits seraient commercialisés en France où cette marque en violation des droits de la société KCC, la cour d'appel a de plus fort privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.713-2 et L.713-3 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu que l'arrêt retient que la société ChartBox, implantée aux Pays-Bas, a régulièrement acquis de la société Inter Sales les produits litigieux revêtus de la marque communautaire Denver et les a fournis à la société française Home Shopping Service importatrice ; que par ces motifs, desquels il résulte qu'aucun fait personnel d'usage en France de la marque communautaire Denver n'était imputable aux sociétés Inter Sales et ChartBox, la cour d'appel a, sans être tenue de procéder à des recherches inopérantes, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident :
Attendu que la société Inter Sales fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en condamnation de la société KCC à l'indemniser du préjudice subi à la suite de l'exécution du jugement frappé d'appel et de l'atteinte à l'exploitation de sa marque communautaire "Denver" alors, selon le moyen, que même autorisée à titre provisoire, l'exécution d'une décision de justice frappée d'appel n'a lieu qu'aux risques et périls de celui qui la poursuit, à charge pour lui de réparer, en cas d'infirmation de la décision, le préjudice qui a pu être causé par cette exécution sans qu'il y ait lieu de relever de faute dans l'exécution de la décision ; en l'espèce, en jugeant qu'il n'est pas démontré que la société KCC ait commis une faute pour débouter la société Inter Sales de sa demande en dommages-intérêts visant à réparer les troubles subis à la suite de l'exécution du jugement frappé d'appel, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du code civil ;
Mais attendu que, sous le couvert d'une violation de la loi, le moyen critique une omission de statuer sur un chef de demande, qui ne peut être réparée que par le recours à la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile ; qu'il est dès lors irrecevable ;
Sur le deuxième moyen du même pourvoi :
Attendu que la société Inter Sales fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande en contrefaçon formée par la société KCC alors, selon le moyen :
1°/ que si la nullité d'une marque communautaire n'est pas demandée auprès de l'Office d'enregistrement des marques de l'Union européenne ou sur demande reconventionnelle dans le cadre d'une action en contrefaçon, le tribunal national doit tenir la marque communautaire pour valide sauf lorsque le droit national prévoit une action en violation de droits antérieurs contre l'usage d'une marque communautaire postérieure ; qu'en jugeant qu'une action en contrefaçon pouvait être exercée par la société KCC à l'encontre de la société Inter Sales propriétaire de la marque communautaire Denver pour atteinte à son droit antérieur en l'absence de demande en nullité de la marque communautaire Denver et de disposition nationale prévoyant cette possibilité, la cour d'appel a violé les articles 95, 99, 106, 107 et 110 du Règlement CE n° 207/2009 du 26 février 2009 ;
2°/ que si la nullité d'une marque communautaire n'est pas demandée auprès de l'Office d'enregistrement des marques de l'Union européenne ou sur demande reconventionnelle dans le cadre d'une action en contrefaçon, le tribunal national doit tenir pour valable la marque communautaire sauf lorsque le droit national prévoit une action en violation de droits antérieurs contre l'usage d'une marque communautaire postérieure ; qu'en jugeant recevable l'action en contrefaçon exercée par la société KCC à l'encontre de la société Inter Sales propriétaire de la marque communautaire Denver pour des faits antérieurs à cette action en l'absence de toute demande en nullité de la marque communautaire Denver et de disposition nationale prévoyant cette possibilité, la cour d'appel a violé les articles 95, 99, 106, 107 et 110 du Règlement CE n° 207/2009 du 26 février 2009 ;
Mais attendu que l'article 106 du Règlement CE n° 40/94, devenu l'article 110 du Règlement CE n° 207/2009, prévoit que ce règlement n'affecte pas le droit, existant en vertu de la loi des Etats membres, d'intenter des actions en violation de droits antérieurs contre l'usage d'une marque communautaire postérieure; que ce droit résulte de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, appliqué en conformité avec l'article 5 de la directive CE 89/104 du 21 décembre 1988 ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel a exactement retenu que la recevabilité de l'action en contrefaçon de la société KCC pour des faits antérieurs à l'assignation n'était pas subordonnée à l'obligation d'avoir préalablement engagé une procédure de nullité ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen du même pourvoi :
Attendu que la société Inter Sales fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de voir déclaré frauduleux le dépôt de la marque française Denver par la société KCC alors, selon le moyen, qu'est présumée la connaissance de l'utilisation par un tiers d'un signe identique ou similaire pour un produit déjà commercialisé antérieurement au dépôt de la marque nationale ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la société Inter Sales vendait ses produits en Europe sous la marque Denver depuis au moins 1995, soit cinq ans avant le dépôt par la société KCC de la marque Denver en France ; qu'en reprochant à la société Inter Sales de ne pas démontrer que la société KCC connaissait l'exploitation par la société Inter Sales de la marque Denver avant son dépôt en France le 13 septembre 2000, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve en violation des articles 1315 du code civil, L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle et du règlement CE n° 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 ;
Mais attendu que la cour d'appel a pu, sans inverser la charge de la preuve, qui incombait à la société qui se prévalait du dépôt frauduleux, statuer ainsi qu'elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne les sociétés Inter Sales et KCC aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit, au pourvoi principal, par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils, pour la société KCC
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'ensemble des demandes de la société KCC au titre de la contrefaçon de sa marque française « Denver » en tant que dirigée à l'encontre des sociétés Inter Sales a/s et ChartBox b.v. ;
Aux motifs que selon l'article L.713-2 du Code de la propriété intellectuelle « sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, a) la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, même avec l'adjonction des mots tels que : "formule, façon, système, imitation, genre, méthode" ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement » ; que la réunion des éléments constitutifs de la contrefaçon par reproduction du signe et l'identité des produits désignés dans l'enregistrement ne sont pas contestés par les parties ; que l'article L.713-9 du Code de la propriété intellectuelle prohibe, notamment, l'importation ou l'exportation de marchandises présentées sous une marque contrefaite ; que le titulaire de la marque qui dispose de droits antérieurs sur le territoire national peut interdire ces actes d'usage illicites dès lors que ces produits sont introduits sur ce territoire ; que la société danoise Inter Sales ne peut, toutefois, se voir reprocher d'avoir contrefait la marque française Denver dans la mesure où simple fournisseur de la société néerlandaise ChartBox b.v., elle n'a fait qu'exporter ces produits depuis le Danemark à destination des Pays Bas et n'a vendu aucun des produits litigieux en France ; que la société KCC ne peut davantage faire grief à la société ChartBox b.v., implantée aux Pays Bas qui a régulièrement acquis de cette société danoise les produits litigieux revêtus de la marque communautaire Denver et les a fournis à la société française Home Shopping Service importatrice selon un contrat qui a fixé au lieu d'acceptation de la commande de transfert de propriété de ces produits, d'avoir fait un usage illicite de la marque française sur le territoire français ; que le moyen que la société KCC invoque tiré d'une clause prévoyant que la société ChartBox b.v. doit sa garantie à la société Home Shopping Service insérée dans le contrat qui la lie, est, à cet égard, inopérant ; qu'il s'ensuit que le jugement sera infirmé en ce qu'il a considéré que les actes de commercialisation litigieux constituaient des actes de contrefaçon imputables aux sociétés Inter Sales et ChartBox b.v. et les a condamnées à réparer le préjudice subi en prononçant diverses injonctions et interdictions à leur encontre, étant relevé que le jugement est devenu définitif à l'égard de la société Home Shopping Service ;
Alors, de première part, qu'en statuant de la sorte sans rechercher si la société Inter Sales, qui avait par le passé commercialisé les produits de la marque Denver en France n'avait pas vendu de tels produits à la société ChartBox en sachant que celle-ci serait amenée à les distribuer sur ce territoire, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.713-2 et L.713-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
Alors, de seconde part, qu'en statuant de la sorte sans rechercher si la société ChartBox, en vendant ces mêmes produits à une société française exerçant son activité à destination du public français, n'avait pas nécessairement connaissance, indépendamment des considérations inopérantes déduites du lieu du transfert de propriété résultant des conditions générales de vente arrêtées par la société ChartBox, de ce que ces produits seraient commercialisés en France où cette marque en violation des droits de la société KCC, la Cour d'appel a de plus fort privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.713-2 et L.713-3 du Code de la propriété intellectuelle.
Moyens produits, au pourvoi incident, par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Inter Sales
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la société INTER SALES de sa demande tendant à voir condamner la société K.C.C. à lui payer un dédommagement pour le préjudice subi suite à l'exécution du jugement frappé d'appel et de l'atteinte à l'exploitation de sa marque communautaire Denver.
AUX MOTIFS QUE « la demande indemnitaire reconventionnellement formée par l'appelante afin de se voir indemnisée le préjudice commercial qu'elle déclare avoir subi et voir sanctionner un « mauvais procès » ne saurait prospérer dès lors qu'il n'est pas démontré que la société KCC ait commis une faute dans l'exercice de son droit d'ester en justice ; Que l'équité ne conduit pas à faire application de l'article 700 du code de procédure civile. Que la société KCC supportera les dépens d'appel ».
ALORS QUE même autorisée à titre provisoire, l'exécution d'une décision de justice frappée d'appel n'a lieu qu'aux risques et périls de celui qui la poursuit, à charge pour lui de réparer, en cas d'infirmation de la décision, le préjudice qui a pu être causé par cette exécution sans qu'il y ait lieu de relever de faute dans l'exécution de la décision ; en l'espèce, en jugeant qu'il n'est pas démontré que la société KCC ait commis une faute pour débouter la société INTER SALES de sa demande en dommages intérêts visant à réparer les troubles subis à la suite de l'exécution du jugement frappé d'appel, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré recevable la demande en contrefaçon formée par la société KCC.
AUX MOTIFS QUE « considérant que, se fondant sur les dispositions de l'article 95 du règlement CE 40/94 (repris à l'article 99 du règlement CE 207/2009 du 26 février 2009) selon lesquelles « les tribunaux des marques communautaires considèrent la comarque communautaire comme valide, à moins que le défendeur n'en conteste la validité par une demande reconventionnelle en déchéance ou en nullité », et 106 de ce même règlement visant l'hypothèse de l'invocation d'un droit national antérieur - que l'appelante assimile à une opposition engagée en mars 2008 -, la société Inter Sales soutient que sa marque communautaire, déposée le 21 juillet 2003 et régulièrement publiée le 09 décembre 2004, était valide jusqu'à la date de l'assignation et qu'elle ne peut être condamnée pour des faits de contrefaçon commis avant cette date ; Mais considérant que le titulaire d'une marque est fondé, à moins qu'il n'ait donné son consentement sur ce point, à s'opposer à l'importation de produits licitement commercialisés dans un autre Etat membre de l'union européenne, si ces produits sont revêtus, par une entreprise dont il est juridiquement et économiquement indépendant, d'une marque susceptible de créer un risque de confusion avec celle dont il est titulaire ; Qu'ainsi, c'est à juste titre que la tribunal a considéré que le fait qu'une marque communautaire n'ait pas fait l'objet d'une opposition et ait été enregistrée, ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action en contrefaçon dès la constatation des faits si celle-ci viole des droits antérieurs dans l'un des Etats membres ; Que ce moyen soulevé à titre subsidiaire étant, par conséquent, inopérant le jugement sera confirmé sur ce point ».
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « le fait que la marque communautaire n'ait pas fait l'objet d'une opposition et ait été enregistrée, ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action en contrefaçon dès la constatation des faits si celle-ci viole des droits antérieurs dans un des Etats membres. Ainsi il n'y a pas lieu de prendre en considération uniquement les faits postérieurs à l'assignation en justice ».
1) ALORS QUE si la nullité d'une marque communautaire n'est pas demandée auprès de l'Office d'enregistrement des marques de l'Union européenne ou sur demande reconventionnelle dans le cadre d'une action en contrefaçon, le tribunal national doit tenir la marque communautaire pour valide sauf lorsque le droit national prévoit une action en violation de droits antérieurs contre l'usage d'une marque communautaire postérieure ; qu'en jugeant qu'une action en contrefaçon pouvait être exercée par la société K.C.C. à l'encontre de la société INTER SALES propriétaire de la marque communautaire DENVER pour atteinte à son droit antérieur en l'absence de demande en nullité de la marque communautaire DENVER et de disposition nationale prévoyant cette possibilité, la cour d'appel a violé les articles 95, 99, 106, 107 et 110 du Règlement CE n° 2007/2009 du 26 février 2009 ;
2) ALORS, à titre subsidiaire, QUE si la nullité d'une marque communautaire n'est pas demandée auprès de l'Office d'enregistrement des marques de l'Union européenne ou sur demande reconventionnelle dans le cadre d'une action en contrefaçon, le tribunal national doit tenir pour valable la marque communautaire sauf lorsque le droit national prévoit une action en violation de droits antérieurs contre l'usage d'une marque communautaire postérieure ; qu'en jugeant recevable l'action en contrefaçon exercée par la société K.C.C. à l'encontre de la société INTER SALES propriétaire de la marque communautaire DENVER pour des faits antérieurs à cette action en l'absence de toute demande en nullité de la marque communautaire DENVER et de disposition nationale prévoyant cette possibilité, la cour d'appel a violé les articles 95, 99, 106, 107 et 110 du Règlement CE n° 2007/2009 du 26 février 2009
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté la demande faite par la société INTER SALES de voir déclaré frauduleux le dépôt de la marque française Denver par la société KCC.
AUX MOTIFS QUE "pour se prévaloir du caractère frauduleux du dépôt de la marque française qui fonde l'action de la société KCC, la société INTER SALES soutient qu'à la date à laquelle la société KCC a déposé cette marque, elle devait avoir connaissance de l'exploitation antérieure, sur le territoire français, de la marque non enregistrée qu'elle utilisait dans la vie des affaires ;qu'elle ajoute qu'elle peut prétendre au bénéfice d'un droit antérieur reconnu par l'article 4.4.b de la directive CE n° 89/104 et que ne méconnaît pas l'article L 711-4 du code de la propriété intellectuelle puisqu'il donne, par l'emploi de l'adverbe "notamment", une liste non exhaustive d'antériorités ;qu'elle affirme enfin que le dépôt de la marque française a eu pour unique finalité de l'empêcher de continuer à utiliser le signe Denver en France ;qu'aux termes de l'article L 712-6 du code de la propriété intellectuelle visé par l'appelante si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice";que pour revendiquer l'acquisition de droits sur la marque non enregistrée antérieurement au dépôt de la marque française, la société Inter Sales reprend l'argumentation développée devant les premiers juges étayée par les pièces produites en première instance, s'agissant de deux factures émises en octobre 1997 attestant de la vente à la société française Lansay de 599 petits appareils de hi-fi et d'une attestation de l'un de ses directeurs aux ternies de laquelle "en 1999, (elle) avait un stand à l'IFA qui est la plus grande foire européenne en matière d'équipement électronique et qui se tient à Berlin où (elle) a présenté ses produits Denver", attestation à laquelle est joint un extrait (non traduit) de catalogue en langue allemande "Internationale FunlchaussteHung 1999 -Berlin, 28 août-05 septembre" où figurent son nom et, en regard, la mention de produits désignés sous le signe "Denver" (pièces I et 6) ;qu'outre le fait qu'il n'est pas rapporté la preuve d'une exploitation suffisante en France de la marque communautaire "Denver" permettant à la société Inter Sales de se prévaloir d'un droit antérieur, c'est par motifs pertinents que la cour fait siens que le tribunal a considéré que les éléments de preuve produits ne lui permettaient pas de prétendre que la société KCC, créée peu avant la tenue de cette foire, avait connaissance de l'exploitation, en France, du signe Denver et qu'elle a procédé au dépôt de la marque Denver à l'INPI, en septembre 2000, dans le but de nuire aux intérêts de la société Inter Sales ;qu'en cause d'appel, la société Inter Sales y ajoute une attestation ponant la date raturée d'"octobre 2009" puis "avril 2010" (pièce 25) selon laquelle Monsieur Sunder X... "de la société KBetCo group Hong-Kong" "confirme solennellement par la présente (que) nous avons livré des produits électroniques marqués Denver /JKCC et à Inter Sales m'ont 1999. C'est pourquoi, il ne nous semble pas possible que (la) société 11CC ne soit pas au courant qu'avant 1999 la société Inter Sales vendait des produits sous lu marque Denver en Europe";que c'est, cependant, à juste titre que la société KCC, qui s'interroge sur cette rature, souligne le caractère inopérant de cette attestation en mettant en avant sa formulation hypothétique ("il nous semble" - "we do not find it possible that KCC ..." dans le document original -), l'absence de documents objectifs venant étayer ce point de vue et le fait qu'elle ne permet pas de démontrer que la société Inter Sales, procédant à des ventes en Europe mais sans filiale en France, ait commercialisé ses produits sous ce signe en France ;qu'il convient, par ailleurs, de relever que la livraison de produits à la société KCC "avant 1999" dont il est fait état est incompatible avec la date de formation et d'immatriculation de cette société au registre du commerce et des sociétés de Senlis, à savoir : le 29 juillet 1999 (pièce 5 de l'appelante) ;que le jugement sera, par conséquent, confirmé en ce qu'il a rejeté le moyen tiré du dépôt frauduleux de la marque" ;
ALORS QU'est présumée la connaissance de l'utilisation par un tiers d'un signe identique ou similaire pour un produit déjà commercialisé antérieurement au dépôt de la marque nationale ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la société INTER SALES vendait ses produits en Europe sous la marque Denver depuis au moins 1995, soit cinq ans avant le dépôt par la société KCC de la marque Denver en France ; qu'en reprochant à la société INTER SALES de ne pas démontrer que la société KCC connaissait l'exploitation par la société INTER SALES de la marque Denver avant son dépôt en France le 13 septembre 2000, la Cour d'appel a renversé la charge de la preuve en violation des articles 1315 du Code civil, L 712-6 du Code de la propriété intellectuelle et du règlement CE n° 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-13924
Date de la décision : 10/07/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

UNION EUROPEENNE - Propriété industrielle - Marque communautaire - Règlement (CE) n° 40/94 - Incidences sur le droit des Etats membres - Conflit avec une marque nationale antérieure - Action en contrefaçon - Texte applicable

PROPRIETE INDUSTRIELLE - Marques - Droits conférés par l'enregistrement - Atteinte par une marque communautaire postérieure - Action en contrefaçon - Conditions - Demande préalable en nullité de la marque communautaire (non)

Une cour d'appel retient exactement que la recevabilité d'une action en contrefaçon de marque pour des faits antérieurs à l'assignation n'était pas subordonnée à l'obligation d'avoir préalablement engagé une procédure de nullité d'une marque communautaire dès lors que l'article 106 du Règlement CE n° 40/94, devenu l'article 110 du Règlement CE n° 207/2009, prévoit que ce Règlement n'affecte pas le droit, existant en vertu de la loi des Etats membres, d'intenter des actions en violation de droits antérieurs contre l'usage d'une marque communautaire postérieure et que ce droit résulte de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, appliqué en conformité avec l'article 5 de la Directive CE n° 89/104 du 21 décembre 1988


Références :

article 106 du Règlement CE n° 40/94 du 21 décembre 1988, devenu article 110 du Règlement CE n° 207/2009 du 26 février 2009

article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 janvier 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 jui. 2012, pourvoi n°11-13924, Bull. civ. 2012, IV, n° 159
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, IV, n° 159

Composition du Tribunal
Président : M. Espel
Avocat général : M. Mollard
Rapporteur ?: Mme Pezard
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Roger et Sevaux

Origine de la décision
Date de l'import : 06/09/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.13924
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