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04/07/2012 | FRANCE | N°11-10594

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 04 juillet 2012, 11-10594


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 novembre 2010), que par acte du 5 juillet 2005, la société ACP participations a acquis 75 % des parts sociales d'une société ; que l'un des vendeurs, Dominique X..., a conservé les autres parts, celles-ci faisant l'objet d'une option de vente pouvant être exercée entre le 1er juillet et le 30 septembre 2008 à un prix fondé sur la valeur de la société au 30 juin 2008 à fixer par expert ; qu'il était convenu qu'en cas de décès du ve

ndeur, l'option de vente serait applicable par anticipation ; que Dominique...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 novembre 2010), que par acte du 5 juillet 2005, la société ACP participations a acquis 75 % des parts sociales d'une société ; que l'un des vendeurs, Dominique X..., a conservé les autres parts, celles-ci faisant l'objet d'une option de vente pouvant être exercée entre le 1er juillet et le 30 septembre 2008 à un prix fondé sur la valeur de la société au 30 juin 2008 à fixer par expert ; qu'il était convenu qu'en cas de décès du vendeur, l'option de vente serait applicable par anticipation ; que Dominique X... est décédé le 15 mars 2007 ; que le 17 janvier 2008, ses parents et son frère, ses héritiers, ont accepté la succession à concurrence de l'actif net ; que, le 15 février 2008, l'administrateur de la succession qu'ils ont fait désigner a informé la société ACP participations qu'il entendait lever l'option ; que celle-ci a refusé en opposant l'expiration du délai d'exercice convenu ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de désignation d'un expert pour évaluer les titres en application de la convention du 5 juillet 2005, alors, selon le moyen, que l'héritier, qui ne devient titulaire des droits du de cujus qu'à compter de son acceptation, dispose d'un délai de dix ans pour exercer librement sa faculté d'option successorale, s'il n'est contraint par un créancier de la succession ou un autre héritier d'opter après l'expiration du délai de réflexion de quatre mois que lui assure la loi ; qu'en l'espèce, en l'absence de sommation, les héritiers de M. X... disposaient d'un délai expirant jusqu'au 16 mars 2017 pour exercer l'option successorale en suite du décès de M. X..., survenu le 15 mars 2007 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui a ainsi considéré que les héritiers pouvaient être conventionnellement contraints d'exercer l'option successorale hors des conditions légales, a violé les dispositions d'ordre public des articles 768, 771 et 780 du code civil ;
Mais attendu que, contrairement à ce que soutient le moyen, les droits et actions du défunt sont transmis de plein droit et par le seul effet du décès aux héritiers désignés par la loi ; que la cour d'appel a d'abord exactement retenu que, ni le délai de quatre mois pendant lequel l'héritier ne peut être contraint par les créanciers de prendre parti sur la succession prévu par l'article 771 du code civil, ni le délai de prescription de dix ans de la faculté d'option de l'héritier prévu par l'article 780 du même code, ne permettaient aux héritiers de Dominique X... de s'affranchir des stipulations de la convention du 5 juillet 2005 et d'imposer à la société ACP participations des modifications du contrat et des charges et conditions nouvelles ; qu'ayant ensuite estimé que, selon la convention, le délai de trois mois pour exercer l'option de vente commençait à courir le lendemain du décès et constaté que les héritiers n'avaient levé celle-ci que le 15 février 2008, la cour d'appel en a déduit à bon droit que leur demande était tardive ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y..., ès qualités d'administrateur provisoire de la succession de Dominique X..., et la condamne, ès qualités, à payer à la société ACP participations une somme de 3 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour Mme Y..., ès qualités
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Mme Y... ès qualités d'administratrice provisoire de la succession de M. X..., de sa demande tendant à voir désigner un expert pour évaluer la valeur des titres détenus par M. X... de son vivant, en application du contrat d'achat d'actions GRANGE SA du 5 juillet 2005 conclu avec la société ACP Participations ;
AUX MOTIFS QUE, comme l'ont justement dit les premiers juges, il convient pour trancher le litige de rechercher quelle a été la commune intention des parties lorsqu'elles ont indiqué à l'article 14.2.2 du contrat du 5 juillet 2005 qu'en cas de décès de Dominique X... les dispositions de l'article 13 s'appliqueraient par anticipation mutatis mutandis ; que l'article 13 du contrat prévoit que le prix d'option sera déterminé sur la base de la valeur des sociétés au 30 juin 2008, c'est-à-dire la veille de la date ixée comme point de départ du délai d'exercice de l'option de vente, soit le 1er juillet 2008 ; que la volonté des parties était donc clairement de fixer la date de valorisation des actions au plus près de la période prévue pour la levée de l'option de vente ; que les parties ont expressément prévu, à l'article 14.2.2 du contrat qu'en cas de décès le prix d'option serait déterminé en fonction de la valeur des sociétés à la date de l'événement ; que la fixation de cette date permet par référence aux stipulations du contrat en cas de déroulement normal de l'opération et à l'intention des parties qu'elles traduisent de déterminer le point de départ du délai d'exercice de l'option de vente pour le situer au lendemain du décès de M. X..., soit le 16 mars 2007 ; que les héritiers de l'intéressé disposaient donc de trois mois à compter de cette date, soit jusqu'au 16 juin 2007, pour exercer l'option de vente ; que s'il est exact que les parents et le frère de M. X... n'ont acquis la qualité d'héritiers qu'à la date de leur acceptation de la succession, le 17 janvier 2008, les intéressés n'expliquent pas pourquoi ils n'ont pas usé de la possibilité d'accepter plus tôt la succession sous bénéfice d'inventaire ; qu'ils ne justifient pas de l'existence de circonstances telles l'incertitude sur l'identité des successibles ou l'ignorance de l'existence du contrat du 5 juillet 2005 ayant pu légitimement retarder leur prise de position ; que ni le délai de quatre mois pendant lequel l'héritier ne peut être contraint par les créanciers, que l'intimée n'est pas, de prendre partie sur la succession prévu par l'article 771 du Code civil, ni le délai de prescription de 10 ans de la faculté d'option de l'héritier prévu par l'article 780 du même code ne leur permettaient de s'affranchir des stipulations de la convention du 5 juillet 2005 telles que voulues par leur auteur et la société ACP Participations et d'imposer à celle-ci des modification du contrat et des charges et conditions nouvelles ; que dès lors la levée de l'option de vente le 15 février 2008 par Maître Y... ès-qualités est tardive ; que la société ACP Participations ne peut être contrainte d'acquérir les actions restantes de la société Grange ; que la demande aux fins de désignation d'un expert avec mission de déterminer le prix de vente des actions à la date du décès de M. X... soit le 15 mars 2005 formée par l'appelante doit être rejetée ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE pour trancher le litige ainsi né entre les parties il convient de rechercher quelle était la commune intention des parties lorsqu'elles ont indiqué à l'article 14.2.2 du contrat du 5 juillet 2005 qu'en cas de décès de Dominique X... les dispositions de l'article 13 s'appliquaient mutatis mutandis ; que l'article 13 du contrat fixe comme point de départ d'exercice de l'option de vente le 1er juillet 2008 ; qu'il précise que le prix d'option sera déterminé sur la base de la valeur des sociétés au 30 juin 2008, c'est-à-dire la veille de la date fixée pour l'exercice de l'option ; que l'article 14.2.2 précise qu'en cas de décès c'est la date de cet événement qui sera retenue pour estimer la valeur des sociétés permettant de fixer le prix des actions ; que le tribunal dit que mutatis mutandis le point de départ de l'exercice de l'option de vente pour les héritiers de Dominique X... est le lendemain de son décès soit le 16 mars 2007 ; que le contrat du 5 juillet 2005 laisse à Dominique X... du 1er juillet 2008 au 30 septembre 2008 pour exercer l'option de vente soit un délai de trois mois, le tribunal dit que mutatis mutandis les héritiers disposaient selon le contrat de trois mois pour exercer l'option à compter du lendemain du décès ; que comme le fait valoir Maître Y..., les parents et frère de Dominique X... n'ont acquis la qualité d'héritiers qu'à la date d'acceptation le 17 janvier 2008 ; qu'il leur était loisible d'accepter sous bénéfice d'inventaire la succession plus tôt ; que Maître Y... ne peut valablement reprocher à ACP de ne pas avoir sommé les héritiers de prendre parti cette disposition de l'article 771 du Code civil n'étant applicable qu'aux créanciers et ne s'appliquant donc pas à ACP qui n'étant pas créancier n'avait aucune qualité pour exercer la sommation prévue par cet article ; que même en considérant qu'en application de l'article 771 du Code civil ces héritiers ne pouvaient être contraints d'accepter la succession avant un délai moratoire de quatre mois c'est à dire qu 16 juillet 2008, la période d'option se terminait trois mois plus tard soit le 16 octobre 2008 ; que Maître Y... en présentant sa demande au représentant d'ACP le 17 janvier 2009 se trouvait donc hors délai ; qu'en conséquence, la succession de Dominique X... n'a pas dans les délais légaux pris le parti d'accepter la succession à une date lui permettant d'exercer dans le délai fixé par le contrat mutatis mutandis l'option de vente, elle n'est pas recevable à demander la nomination d'un expert pour fixation du prix ;
ALORS QUE l'héritier, qui ne devient titulaire des droits du de cujus qu'à compter de son acceptation, dispose d'un délai de dix ans pour exercer librement sa faculté d'option successoral, s'il n'est contraint par un créancier de la succession ou un autre héritier d'opter après l'expiration du délai de réflexion de quatre mois que lui assure la loi ; qu'en l'espèce, en l'absence de sommation, les héritiers de M. X... disposaient d'un délai expirant jusqu'au 16 mars 2017 pour exercer l'option successorale en suite du décès de M. X..., survenu le 15 mars 2007 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui a ainsi considéré que les héritiers pouvaient être conventionnellement contraints d'exercer l'option successorale hors des conditions légales, a violé les dispositions d'ordre public des articles 768, 771 et 780 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-10594
Date de la décision : 04/07/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SUCCESSION - Héritiers - Obligations - Droits du défunt résultant d'une convention passée avec un tiers - Durée - Respect

SUCCESSION - Héritier - Saisine - Effets - Détermination - Portée

Il résulte de l'article 724 du code civil que les droits et actions du défunt sont transmis de plein droit et par le seul effet du décès aux héritiers désignés par la loi de sorte que, ni le délai de quatre mois, prévu par l'article 771 du code civil, pendant lequel l'héritier ne peut être contraint par les créanciers de prendre parti sur la succession, ni le délai de prescription de dix ans de la faculté d'option de l'héritier, prévu par l'article 780 du même code, ne permettent aux héritiers du défunt de prolonger la durée, contractuellement limitée, du droit que le défunt s'était vu reconnaître par un tiers


Références :

articles 724, 771 et 780 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 02 novembre 2010

Sur l'obligation d'un héritier de respecter les conventions passées par son auteur, à rapprocher :1re Civ., 2 juin 1992, pourvoi n° 90-15114, Bull. 1992, I, n° 173 (cassation partielle)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 04 jui. 2012, pourvoi n°11-10594, Bull. civ. 2012, I, n° 156
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, I, n° 156

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : M. Sarcelet
Rapporteur ?: M. Savatier
Avocat(s) : SCP Bénabent, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 06/09/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.10594
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