LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Delta machines (la société Delta) a vendu le 20 octobre 2006 avec clause de réserve de propriété une machine à la société Serop Concept (la société Serop), la vente étant conclue sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt pour son financement avant le 31 mai 2007 ; que la condition suspensive n'étant pas réalisée à cette date, cependant que la machine, qui avait été livrée le 30 octobre 2006, avait été laissée dans les locaux de la société Serop, un accord a été conclu entre les parties le 20 septembre 2007 comportant une clause de réserve de propriété ; que la société Serop ayant été placée sous sauvegarde le 16 mars 2009, et M. X... désigné administrateur judiciaire, la société Delta a revendiqué la machine ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la société Delta fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son opposition et confirmé l'ordonnance du juge-commissaire, alors, selon le moyen, que les parties peuvent toujours renoncer au bénéfice d'une condition suspensive ; qu'en jugeant que la vente du 20 octobre 2006, assortie de la condition suspensive d'obtention d'un prêt par la société Serop, était devenue caduque de plein droit dès lors que la condition n'avait pas été réalisée, sans rechercher si, comme le soutenait la société Delta, les parties à l'acte, les sociétés Delta et Serop n'avaient pas renoncé à la condition litigieuse puisque l'une et l'autre avaient accepté que la vente fût financée non plus par un emprunt mais au moyen d'une chaîne de traites, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1181 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que la vente du 20 octobre 2006 s'était trouvée caduque de plein droit le 31 mai 2007 faute d'obtention du prêt à cette date, l'arrêt retient que le nouvel accord du 20 septembre 2007, qui était parfaitement clair et ne nécessitait aucune interprétation, constituait une nouvelle vente, comportant également une clause de réserve de propriété, et que dans le courrier adressé à l'administrateur le 27 mars 2009, la société Delta avait fait exclusivement référence à la clause de réserve de propriété insérée dans ce dernier acte, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel, procédant ainsi à la recherche prétendument omise, a retenu que les sociétés Delta et Serop étaient liées par la vente du 20 septembre 2007 ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, desquelles il résulte qu'elle a implicitement mais nécessairement procédé à la recherche prétendument omise, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article L. 624-16 du code de commerce, ensemble l'article 1606 du code civil ;
Attendu que la délivrance d'un meuble s'opère par le seul consentement des parties, si l'acheteur l'avait déjà en son pouvoir à un autre titre ; qu'en ce cas la clause de réserve de propriété affectant ce bien doit, pour être opposable aux tiers, avoir été convenue dans le contrat de vente ;
Attendu que pour rejeter l'opposition formée par la société Delta et confirmer l'ordonnance du juge-commissaire, l'arrêt retient que la société Delta se devait de reprendre son matériel qu'elle a choisi de laisser de son plein gré dans les locaux de la société Serop, avant de conclure le 20 septembre 2007 une nouvelle vente avec réserve de propriété et que celle-ci n'a pas été conclue dans les conditions exigées par l'article L. 624-16 du code de commerce, la machine n'ayant pas quitté les locaux de la société Serop depuis le 30 octobre 2006 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que l'acheteur détenait le matériel au titre d'une précédente vente devenue caduque par suite de la défaillance de la condition suspensive, de sorte que la délivrance s'était opérée lors de la vente du 20 septembre 2007, par le seul consentement des parties, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 avril 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne la société Serop Concept aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour la société Delta machines.
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a débouté la société DELTA MACHINES de son opposition et a confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge-commissaire en date du 14 septembre 2009 ;
AUX MOTIFS QUE « le 20 octobre 2006, les parties ont convenu d'une opération portant sur la vente d'une machine professionnelle précisément définie et moyennant un prix de 133 000 frs ; que l'accord des parties a été concrétisé le même jour par une facture PROFORMA, mentionnant la date de livraison et les conditions de paiement avec, en particulier, une condition suspensive d'obtention d'un prêt ; que l'appelante, en sa qualité de -professionnelle des affaires, ne pouvait ignorer le mécanisme juridique de la condition suspensive ; que la société SEROP CONCEPT n'ayant pu obtenir le pre et faute de virement bancaire à la date butoir du 31 mai 2007, l'accord en date du 20 octobre 2006 s'est trouvé caduc de plein droit, sans qu'il y ait lieu de rechercher une éventuelle "révocation par consentement mutuel" ; que la société DELTA MACHINES se devait, conformément à son obligation contractuelle, de reprendre son matériel qu'elle a choisi de laisser de son plein gré le matériel dans les locaux de la société SEROP CONCEPT ; que quelques mois plus tard, les parties sises sont à nouveau rapprochées et ont conclu, le 20 septembre 2007, une nouvelle convention sous seing privé prévoyant expressément la vente de la machine demeurant dans les locaux de la société SEROP CONCEPT pour un montant de 133.000 E FIT, avec clause de réserve de propriété ; que ce nouvel accord de vente, que l'appelante ne saurait mettre surie compte d'une "erreur de service", est parfaitement clair et ne nécessite aucune interprétation qu'il s'agissait d'une nouvelle vente ; qu'ainsi, lorsque la société DELTA MACHINES a adressé son courrier par lettre recommandée avec accusé de réception à Me Z... le 27 mars 2009, elle fait exclusivement référence à la clause de réserve lie propriété insérée dans le Pacte du 20 septembre 2007 et que c'est seulement en réaction au courrier de Me X... du 22 avril 2009 que cette même société a essayé de tenter de revendiquer le bénéfice de la clause de réserve de propriété signée le 20 octobre 2006 ; que toutefois, la société appelante a en tout, connaissance de cause choisi de ne pas récupérer son matériel le 31 mars 2001 en prenant le risque qu'en cas de déconfiture de son co-contractant, elle pourrait perdre le bénéfice de la clause de réserve de propriété qui n'a pas été conclue dans les conditions exigées par l'article L 624-16 du Code de Commerce ; que la machine n'ayant pas quitté les locaux de la société SEROP CONCEPT depuis le 30 octobre 2006, il convient de débouter la société DELTA MACHINES de sa demande en revendication ; que par ailleurs, le courrier de la société SEROP CONCEPT en date du 29 mai 2009 ne constitue nullement une reconnaissance de la clause de réserve de propriété de la société DELTA MACHINS, mais simplement un document de circularisation type qui a été adressé à certains des fournisseurs de cette société (SEROP CONCEPT), à la demande de son Commissaire aux comptes, dans le cadre d'un sondage destiné à permettre à ladite société (SEROP CONCEPT) de s'assurer que les écritures comptables de ses fournisseurs correspondaient bien aux siennes ; que la Société SEROP CONCEPT produit plusieurs courriers attestant de l'envoi de ce document à ses fournisseurs et démontrant que la clause stipulant "monrceni inclus dans ce total et qui correspond à des livraisons avec clause de réserve de propriété" figure systématiquement dans ce courrier, sans nulle distinction entre les fournisseurs auxquels est accordé normalement le bénéfice d'une telle clause et ceux pour lesquels la clause est inappropriée, soit parce qu'ils fournissent un produit immédiatement consommable et donc insusceptible d'être récupère, soit parce qu'ils sont des crédits-bailleurs et ne facturent que des loyers ; que L'ADEFIM DE BRETAGNE étant un organisme collecteur de fonds de formation, la clause de propriété no peau, s'appliquer, puisque la transaction ne porte pas Sur un bien matériel ; qu'il convient de confirmer le jugement déféré et de débouter la société DELTA MACHINES de toutes ses demandes en la condamnant aux dépens du fait de sa succombance ; qu'il sera alloué eux intimés une somme de 3 000 e en compensation de leurs frais non répétibles de procédure » ;
ALORS QUE, premièrement, les parties peuvent toujours renoncer au bénéfice d'une condition suspensive ; qu'en jugeant que la vente du 20 octobre 2006, assortie de la condition suspensive d'obtention d'un prêt par la société SEROP CONCEPT, était devenue caduque de plein droit dès lors que la condition n'avait pas été réalisée (arrêt, p. 3, antépénultième §), sans rechercher si, comme le soutenait l'exposante, les parties à l'acte, les sociétés DELTA MACHINES et SEROP CONCEPT n'avaient pas renoncé à la condition litigieuse puisque l'une et l'autre avaient accepté que la vente fût financée non plus par un emprunt mais « au moyen d'une chaîne de traites » (conclusions de la société DELTA MACHINES, p. 7, § 3), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1181 du code civil ;
ALORS QUE, deuxièmement et subsidiairement, peuvent être revendiqués dans le patrimoine de l'acquéreur à l'encontre duquel est ouverte une procédure de sauvegarde, les biens vendus avec une clause de réserve de propriété convenue entre les parties dans un écrit à la condition que cet écrit ait été dressé au plus tard au moment de la livraison ; que cette condition n'est pas requise dès lors que la clause de réserve de propriété est stipulée au moment de la conclusion de la vente ; qu'en jugeant au cas d'espèce que la clause de réserve de propriété stipulée au profit de la société DELTA MACHINES lors de la vente conclue le 20 septembre 2007 n'était pas efficace aux motifs qu'à cette date, l'acquéreur, la société SEROP CONCEPT, détenait déjà le bien vendu, lorsque pourtant la réserve de propriété avait été convenue dès la formation de la vente, la cour d'appel a violé l'article L. 624-16 du code de commerce.