Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Sébastien X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de LIMOGES, en date du 15 mars 2012, qui, sur renvoi après cassation (Crim. 12 octobre 2011, n° 11-85-474), l'a renvoyé devant la cour d'assises de la Vienne sous l'accusation de viol aggravé ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 222-23, 222-24, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-48-1 et 132-80 du code pénal, atteinte à la présomption d'innocence, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la mise en accusation et ordonné le renvoi de M. X... devant la cour d'assises de la Vienne pour viol commis par ancien concubin de la victime ;
" aux motifs que M. X... et Mme Y... font tous deux état de plusieurs actes de pénétration sexuelle le 12 janvier 2009 mais leur version des faits diffère sur le point de savoir si Mme Y... était d'accord pour ces actes et sur la conscience que M. X... a eue de l'absence de consentement ; qu'au moment des faits, les deux protagonistes avaient mis fin depuis plusieurs mois à leur communauté de vie, chacun ayant désormais un domicile distinct, de sorte qu'ils étaient d'anciens concubins ; que des relations sexuelles ont cependant perduré entre eux ; que Mme Y... a, néanmoins, affirmé ne pas avoir été consentante le 12 janvier 2009 ; qu'elle a manifesté un mal-être profond après les faits ; qu'elle a soutenu avoir manifesté de façon non ambigüe son absence de consentement, en s'opposant physiquement à M. X..., qui y est passé outre en usant de violences importantes ; que le fait qu'elle ait envoyé un SMS à M. X... le matin des faits, avant de s'opposer à sa venue, et la circonstance qu'elle n'a pas verrouillé la porte de son domicile ne peut être considérée comme un consentement à une relation sexuelle ; que M. X... justifie les actes de violence en leur conférant un caractère de jeu sexuel accepté et même demandé par sa partenaire ; qu'il a cependant expliqué avec difficulté l'origine des hématomes constatés sur la partie civile ; que les sextoys auxquels il a fait allusion pour justifier la présence d'un hématome au niveau du périnée n'ont pas été retrouvés, alors même que la perquisition a été effectuée très rapidement après les faits ; que les explications de M. X... sur la perception du comportement de Mme Y... au cours de la relation sexuelle se sont révélées plusieurs fois paradoxales ; qu'il a, en effet, déclaré avoir été surpris de l'attitude de son ex-compagne, tout en affirmant qu'il n'existait aucun doute sur la signification de ce comportement ; qu'il n'est pas établi que les relations sexuelles dans le couple Y...-X...présentaient de façon habituelle un caractère violent ; que Mme Y... a contesté avoir précédemment frappé son partenaire lors de leurs relations sexuelles ; qu'en outre, les déclarations de M. X... sur la fréquence de ces relations sexuelles violentes et sur leur intensité ont évolué au fur et à mesure de ses auditions ; que les auditions des partenaires sexuelles que M. X... avait en même temps que Mme Y... ont infirmé ses dires selon lesquels il était hebdomadairement porteur de marques de violences ; que M. X... a affirmé que les coups donnés par Mme Y... juste avant son départ n'entraient plus dans la phase de jeu, sans être capable d'expliquer en quoi les gestes considérés avec évidence quelques minutes plus tôt comme un jeu sexuel étaient devenus de véritables violences ; qu'il existe des charges suffisantes à l'encontre de M. X... d'avoir exercé des violences volontairement sur la victime pour la contraindre à des actes sexuels non désirés, violences qui n'ont pas seulement accompagné des actes sexuels acceptés et accomplis de façon brutale, mais ont été exercées pour vaincre la résistance de Mme Y..., qui manifestait son refus, et pour l'obliger, contre son gré, à des actes de pénétration sexuelle non consentis ; que les explications fournies par M. X... suivant lesquelles il a pu se méprendre sur l'attitude de sa partenaire et sur sa résistance en raison de l'ambiguïté et de l'ambivalence de leurs relations antérieures n'apparaissent pas convaincantes eu égard à la multiplicité des traces de violences relevées sur le corps de la victime et à leur intensité, alors que cette dernière a toujours été constante dans ses déclarations excluant tout jeu sexuel à connotation violente et qu'il existe une différence importante de gabarit entre les deux personnes ayant pu favoriser la commission des faits ; que l'élément moral de l'infraction de viol apparaît donc caractérisé ; que la circonstance aggravante d'ancien concubin suppose que les coups, violence et la contrainte ont été motivés par les relations de concubinage ayant existé entre les parties ; qu'en l'espèce, les faits ont manifestement été commis en raison des relations ayant existé entre l'auteur et la victime au sens de l'article 132-80 du code pénal dès lors que la personne mise en examen et la plaignante ont vécu pendant deux ans en concubinage puis ont poursuivi une relation régulière quoique chaotique et que l'annonce d'une rupture paraît avoir favorisé la réalisation des faits qui se sont déroulés dans l'ancien domicile commun du couple où M. X... est entré sans frapper comme s'il était encore chez lui alors qu'il n'était pas prévu qu'il y vienne ; que la circonstance aggravante de l'article 132-80 du code pénal sera donc retenue dès lors que la circonstance aggravante de concubin par l'alinéa 1er de ce texte est visée par l'article 222-24-11° du code pénal ;
" 1°) alors qu'en s'abstenant de rechercher si la relation sexuelle poursuivie pendant plus de deux ans avec des pratiques perverses, sadomasochistes et violentes avait pu conduire M. X... à considérer que, le jour des faits, Mme Y... était consentante même si les violences pratiquées par lui au cours des ébats étaient plus importantes que d'ordinaire, la chambre de l'instruction n'a pas caractérisé l'élément moral de l'infraction et a privé sa décision de base légale ;
" 2°) alors qu'en s'abstenant de rechercher si la circonstance que M. X... et Mme Y... ont eu « environ 20 000 contacts téléphoniques entre le 1er septembre 2008 et le jour des faits (12 janvier 2009) » et un « rapport sexuel consenti (…) le 10 janvier 2009 », soit deux jours avant les faits révélait que, malgré la fin de la cohabitation, leur relation demeurait passionnelle et fusionnelle, même dans la dispute, de sorte que les refus affirmés, cris et protestations contre des relations sexuelles n'avaient jamais empêché la poursuite de cette relation, ce qui avait conduit M. X... à considérer que la résistance de Mme Y... le jour des faits, quoique plus forte qu'usuellement, n'exprimait pas un réel refus de pratiquer des relations sexuelles, la chambre de l'instruction n'a pas établi l'élément moral de l'infraction et a privé sa décision de base légale ;
" 3°) alors qu'en s'abstenant de rechercher si les violences reprochées à M. X... étaient irrésistibles pour Mme Y..., ce que la différence de corpulence ne suffisait pas à établir, d'autant que, comme souligné dans le mémoire, les ébats ont eu lieu successivement sur le canapé, dans le couloir, dans les toilettes et dans la chambre à coucher, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale ;
" 4°) alors qu'en affirmant, pour retenir la circonstance aggravante tenant à la qualité d'ancien concubin, que l'annonce d'une rupture « paraît avoir favorisé la réalisation des faits » qui se sont déroulés dans l'ancien domicile commun du couple, la chambre de l'instruction a statué par des motifs hypothétiques, équivalents à un défaut de motifs " ;
Attendu que les motifs de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la chambre de l'instruction, après avoir exposé les faits et répondu comme elle le devait aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, a relevé l'existence de charges qu'elle a estimé suffisantes contre M. X... pour ordonner son renvoi devant la cour d'assises sous l'accusation de viol commis par l'ancien concubin de la victime ;
Que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Mais sur le moyen relevé d'office, pris de la violation de l'articles 611 du code de procédure pénale ;
Vu ledit article ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que, lorsque l'arrêt de la Cour de cassation qui l'a saisie comme cour de renvoi n'a pas réglé de juges par avance, la chambre de l'instruction ne peut renvoyer l'affaire que devant une juridiction de jugement de son ressort ;
Attendu que, par arrêt du 12 octobre 2011, la Cour de cassation a cassé un arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers prononçant la mise en accusation de M. X... devant la cour d'assises de la Vienne pour viol commis par l'ancien concubin de la victime et a renvoyé l'affaire devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Limoges ; que cette juridiction a, par l'arrêt attaqué, prononcé le renvoi de M. X... devant la cour d'assises de la Vienne sous la même accusation ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de désigner une juridiction de jugement située dans son ressort et compétente pour connaître du crime, la chambre de l'instruction a méconnu le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Limoges, en date du 15 mars 2012, en ses seules dispositions désignant la cour d'assises de la Vienne pour connaître de l'affaire, toutes autres dispositions étant expressément maintenues,
DIT que M. X... est renvoyé devant la cour d'assises de la Haute-Vienne ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Limoges et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Bloch conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Téplier ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;