LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 28 juillet 2010 et 24 mars 2011) qu'après qu'un jugement du 29 avril 2004 eut prononcé le divorce de Mme X... et de M. Y..., attribué à ceux-ci l'exercice conjoint de l'autorité parentale à l'égard de leur enfant Zina, née le 27 octobre 1999, fixé la résidence de cette dernière chez Mme X... et accordé à M. Y... un droit de visite et d'hébergement, plusieurs décisions sont intervenues à l'effet de fixer les modalités d'exercice de ce droit ;
Attendu que Mme X... fait grief aux arrêts de rejeter sa demande de suspension provisoire de celui-ci, alors selon le moyen :
1°/ que l'audition de l'enfant et son compte rendu sont soumis au principe du contradictoire ; qu'en se bornant à rendre compte oralement de l'audition de l'enfant à l'audience du 4 janvier 2011, au moment même où l'affaire a été débattue au fond, la cour d'appel, qui n'a pas permis aux parties de faire des observations dans un délai raisonnable sur le compte-rendu de l'audition, a méconnu le principe du contradictoire et violé, en conséquence, l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ que l'exercice du droit de visite et d'hébergement peut être refusé pour des motifs graves au parent chez qui l'enfant ne réside pas habituellement ; qu'en jugeant, en l'espèce, que rien ne justifie une suspension du droit de visite et d'hébergement du père, tout en relevant que l'enfant Zina refusait catégoriquement de voir son père et qu'elle avait maintenu, à l'occasion de son audition devant un conseiller, les très graves accusations portées contre son propre père et le fils de sa nouvelle compagne, circonstances caractérisant nécessairement l'existence de motifs graves justifiant le refus du droit de visite et d'hébergement au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé ensemble l'article 373-2-1 du code civil et les articles 3 et 9 de la Convention internationale sur les droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
3°/ que Mme X... produisait devant la cour d'appel un rapport d'expertise daté du 16 mars 2009 et dressé par Mme Z..., psychologue, aux termes duquel il ressortait que l'enfant Zina était atteinte de troubles psychosomatiques étant apparus au moment où elle a rencontré des difficultés avec son père en 2007 et qu'elle évoluait favorablement, se libérant peu à peu de ses troubles, depuis qu'elle ne voyait plus son père ; qu'en ne se prononçant pas sur cette pièce essentielle, de nature à établir l'existence de motifs graves justifiant la suspension du droit de visite et d'hébergement de M. Y..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé ensemble l'article 373-2-1 du code civil et les articles 3 et 9 de la Convention internationale sur les droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
Mais attendu qu'ayant relevé, d'une part, que l'enfant, assistée de son avocat, avait été entendue par un membre de la cour et que le compte rendu de cette audition avait été effectué oralement lors de l'audience en présence des parties ou de leurs représentants, d'autre part, que cette audition n'était pas de nature à modifier les analyses concordantes résultant des rapports d'expertise, étant précisé que le rapport de Mme Z... avait déjà été écarté des débats comme étant non contradictoire et reposant sur les seules affirmations de Mme X..., c'est sans se contredire ni méconnaître le principe de la contradiction que la cour d'appel, prenant en considération l'intérêt supérieur de l'enfant, a fixé les modalités d'exercice du droit de visite et d'hébergement du père ; que le moyen, mal fondé dans ses deux premières branches, manque en fait dans sa troisième ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... et la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour Mme A....
Il est reproché aux deux arrêts attaqués (28 juillet 2010 et 24 mars 2011) d'avoir débouté Madame A...de sa demande de suspension provisoire du droit de visite et d'hébergement de Monsieur Y... pendant une durée de trois ans ;
Aux motifs que, « L'enfant a été entendu, conformément à l'arrêt du 28 juillet 2010, le 15 septembre 2010 par un membre de la Cour, assisté de Maître Carine MAHON, avocat de l'enfant désigné, et le compte-rendu de cette audition effectué oralement aux parties et à leur représentant à l'audience du 4 janvier 2011.
(…)
Attendu que nonobstant les termes de l'arrêt du 28 juillet 2010, Alain Y... n'a pu exercer son droit de visite et d'hébergement au mois d'Août, Zina, au moment de prendre l'avion ayant fait une crise et les services d'AIR France ayant, en conséquence, refusé son embarquement ;
Que pour les vacances de Noël, elle a adressé une lettre recommandée à son père lui faisant connaître qu'elle refusait de le voir ;
Attendu que l'audition de Zina par un magistrat de la Cour a seulement permis à l'enfant de soutenir une nouvelle fois les propos accusatoires à l'égard de son père et du fils de la compagne de celui-ci ;
Qu'il a été constaté que Zina évoquait ses souvenirs sur un ton monocorde, sans larmes, sans cris, triturant ses doigts en permanence, présentant un visage figé répétant les mêmes mots, les mêmes phrases que ceux utilisés devant les experts et concluant :
« J'ai pas envie d'y aller … parce qu'il m'a fait mal quand j'avais 7 ans. A mon avis, il veut continuer à me voir pour me faire du mal.
Si j'ai dit que c'était pas vrai, c'est parce que j'avais peur … car il m'avait dit de ne rien dire à personne. Je l'ai dit à Maman et il me l'a reproché au point-rencontre »
Et interrogée sur l'épisode du 9 août 2010, elle a déclaré :
« Dès que j'ai vu les sièges dans l'avion, je me suis mise à pleurer... j'ai revu tout ce qu'il m'a fait … j'avais peur … on m'a fait descendre de l'avion ».
Attendu que cette audition n'est, en conséquence, pas de nature à modifier les analyses concordantes de la problématique familiale telles qu'elles résultent des rapports des experts B...et C... ;
Que sans reprendre ces rapports pour ne pas les plagier, il convient de mettre en exergue :
- l'absence de pathologie psychiatrique avérée chez les parents de l'enfant,- l'attachement tout à fait sincère d'Alain Y... et de Houda X... à leur enfant,- l'absence de danger psychiatrique pour l'enfant à accorder au père un droit de visite et d'hébergement classique prenant en compte l'éloignement des domiciles familiaux,- ces facteurs objectifs étant toutefois pollués par la persistance du conflit toujours très prégnant existant entre les parents et plaçant Zina dans un conflit de loyauté majeur dont elle tente de se sortir en éliminant de sa vie le père, pou ne pas trahir la mère avec laquelle elle a toujours vécu, actuellement au sein d'une famille recomposée dans laquelle elle ne veut pas risquer de perdre sa place quand elle part ;
Attendu qu'il est temps que chacun des parents prenne conscience de l'impasse psychique dans lequel leur conflit a conduit Zina, instrumentalisée dans un conflit d'adulte qui aurait du lui rester étranger ;
Qu'en effet, la vie conjugale, amoureuse et sociale des adultes n'a rien à voir avec l'exercice de leur parentalité, qu'être parents c'est être garants de la stabilité affective de l'enfant, et cela pour la vie, quand bien même la passion amoureuse conjugale a cessé ;
Qu'en aucun cas, l'enfant ne peut être la proie de leur conflit ;
Qu'il appartient à chacun d'analyser son comportement dans le conflit actuel qui les oppose et de parfaitement distinguer ce qui relève du conjugal et du parental ;
Que plus particulièrement, Houda X... dont l'esprit critique à l'égard des experts, des juges, du père, est exacerbé, doit dans l'intérêt prioritaire et exclusif de Zina impérativement, se remettre en question et rechercher ses motivations réelles et profondes dans sa volonté évidente de couper l'enfant du père ;
Que les rapports des experts sont de nature à l'éclairer dans cette recherche avec l'aide éventuelle de professionnels qualifiés objectifs, psychologue ou médiateur ;
Qu'elle doit prendre conscience qu'à ce stade, Zina ne s'autorisera à aller voir son père que si elle est persuadée que sa mère y consent réellement ;
Que l'équilibre de Zina, son développement harmonieux passe par là ;
Attendu qu'en l'état des investigations diligentées, rien ne justifie une suspension du droit de visite et d'hébergement du père, qu'au contraire, il convient de tout mettre en oeuvre pour que le lien père-enfant soit restauré, au besoin avec la mise en place d'une mesure d'AEMO » (arrêt du 24 mars 2011) ;
Et aux motifs éventuellement adoptés de l'arrêt du 28 juillet 2010 que « Houda X... refuse toute médiation et veut, à toute force, prouver que la santé de sa fille dépend de l'effacement total du père dans la vie de l'enfant ; que pour preuve, ces 14 séances de psychothérapie suivies par Zina avec Laure Z... jusqu'au 31 mars 2010, Laure Z... trouvant, à l'issue de ces séances, une nette amélioration de l'enfant, antérieurement triste, dépressive et anxieuse. Attendu que la Cour ne peut, dans l'intérêt de Zina, tolérer ce comportement maternel mais doit prendre toutes mesures permettant de garantir la continuité et l'effectivité du maintien des liens de l'enfant avec son père ; » (arrêt avant-dire droit du 28 juillet 2010, p. 7 in fine) ;
Alors que, de première part, l'audition de l'enfant et son compte rendu sont soumis au principe du contradictoire ; qu'en se bornant à rendre compte oralement de l'audition de l'enfant à l'audience du 4 janvier 2011, au moment même où l'affaire a été débattue au fond, la Cour d'appel, qui n'a pas permis aux parties de faire des observations dans un délai raisonnable sur le compte-rendu de l'audition, a méconnu le principe du contradictoire et violé, en conséquence, l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Alors que, de deuxième part, l'exercice du droit de visite et d'hébergement peut être refusé pour des motifs graves au parent chez qui l'enfant ne réside pas habituellement ; qu'en jugeant, en l'espèce, que rien ne justifie une suspension du droit de visite et d'hébergement du père, tout en relevant que l'enfant Zina refusait catégoriquement de voir son père et qu'elle avait maintenu, à l'occasion de son audition devant un conseiller, les très graves accusations portées contre son propre père et le fils de sa nouvelle compagne, circonstances caractérisant nécessairement l'existence de motifs graves justifiant le refus du droit de visite et d'hébergement au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé ensemble l'article 373-2-1 du code civil et les articles 3 et 9 de la Convention internationale sur les droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
Alors que, de troisième part, Madame A...produisait devant la Cour un rapport d'expertise daté du 16 mars 2009 et dressé par Madame Z..., psychologue, aux termes duquel il ressortait que l'enfant Zina était atteinte de troubles psychosomatiques étant apparus au moment où elle a rencontré des difficultés avec son père en 2007 et qu'elle évoluait favorablement, se libérant peu à peu de ses troubles, depuis qu'elle ne voyait plus son père ; qu'en ne se prononçant pas sur cette pièce essentielle, de nature à établir l'existence de motifs graves justifiant la suspension du droit de visite et d'hébergement de Monsieur Y..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 373-2-1 du code civil.