LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon le jugement attaqué (Le Mans, 12 novembre 2010) rendu en dernier ressort, que Mme X... et dix-huit autres salariés de la société CSF France qui exploite deux magasins sous l'enseigne Carrefour Market et qui est soumise à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, ont saisi la juridiction prud'homale de demande en paiement de rappel de salaire pour les avoir fait récupérer des heures de travail suite à des jours fériés chômés ;
Sur le premier moyen pris en ses deuxième et troisième branches et sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le premier moyen pris en sa première branche :
Attendu que la société CSF France fait grief à l'arrêt de la condamner à payer aux salariés défendeurs au pourvoi diverses sommes à titre d'heures supplémentaires ou complémentaires de «récupération» de jours fériés et, s'agissant de Mme Y..., à titre de retenue pour absence injustifiée ainsi qu'à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et pour préjudice subi, alors selon le moyen, que l'employeur peut en principe, dans l'exercice de son pouvoir de direction, modifier les horaires de travail du salarié ; qu'il est par conséquent fondé à rémunérer les jours fériés sur la base de la durée théorique quotidienne moyenne de travail, sauf à ce que la durée de travail que le salarié devait en principe effectuer le jour concerné ait été contractualisée ; qu'il peut également, dans ce cas, fixer les horaires de travail pour le reste de la semaine, de telle sorte que la somme des heures de travail effectuées durant cette semaine et de la durée théorique prise en compte pour fixer la rémunération du jour férié soit égale à la durée du travail mensuelle du salarié ; que tel est précisément l'objet de la pratique dite du «1/5ème» ou du «1/10ème» consistant à fixer l'horaire de travail restant à effectuer durant la semaine comportant un jour férié chômé, en déduisant de la durée hebdomadaire de travail le 1/5ème ou, pour les salariés qui ne devaient travailler que durant une demi-journée le jour férié ou chômé concerné, le 1/10ème de la durée hebdomadaire théorique de travail ; qu'en estimant que ce mode de valorisation des jours fériés chômés est contraire à l'article L. 3133-2 du code du travail, le conseil de prud'hommes a violé par fausse application ce même texte ;
Mais attendu que selon l'article L. 3133-2 du code du travail les heures de travail perdues par suite de chômage des jours fériés ne peuvent donner lieu à récupération ;
Et attendu que le conseil de prud'hommes ayant fait ressortir que la règle dite du 1/5ème ou du 1/10ème avait pour conséquence de faire effectuer aux salariés le reste de la semaine une durée effective du travail égale aux 4/5ème ou 9/10ème de la durée prévue dans le contrat de travail, quelle que soit la durée du travail qui aurait été accomplie ce jour là, en a exactement déduit que cela avait pour effet de faire récupérer aux salariés des heures effectivement chômées du fait de la durée habituelle de la journée ou demi-journée du jour férié non travaillé, violant ainsi les dispositions de l'article L. 3133-2 du code du travail ; qu'il a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société CSF France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société CSF France à payer à Mme X... et aux dix-huit autres salariés la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société CSF France
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR condamné la société CSF FRANCE à payer aux salariés défendeurs au pourvoi diverses sommes à titre d'heures supplémentaires ou complémentaires de « récupération » de jours fériés (et, s'agissant de Madame Y..., à titre de retenue pour absence injustifiée) ainsi qu'à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et pour préjudice subi, outre les frais irrépétibles ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la valorisation des jours fériés non travaillés: que les demandeurs sollicitent le paiement de la récupération des jours fériés non travaillés, imposée par la Direction par application de la règle dite du 1/5ème ou du 1/10ème sous forme d'heures complémentaires s'ils sont employés à temps partiel ou d'heures supplémentaires s'ils sont employés à temps plein ; Qu'il est constant que la direction dans le cadre du traitement des jours fériés, plus particulièrement au titre des semaines de travail incluant un jour férié chômé individuellement ou collectivement, a instauré la règle dite du 1/5ème ou 1/10ème ; Qu'en application de l'article 5-15 de la Convention Collective Nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, chaque salarié bénéficie chaque année, du chômage collectif ou individuel de six jours fériés en sus du 1er mai ; Que ces dispositions ont été reprises à l'article 19 du statut collectif d'entreprise en vigueur au sein de la Société CSF FRANCE ; Que la règle dite du l/5ème ou du 1/10ème avait pour conséquence de faire effectuer au salarié le reste de la semaine une durée du travail égale aux 4/5ème ou 9/10ème de la durée prévue dans le contrat de travail ; que cela avait donc pour effet de faire récupérer aux salariés des heures chômées du fait de la journée ou demi-journée du jour férié non travaillé, ainsi que le souligne le Contrôleur du travail dans son courrier du 10 Octobre 2008 ; Que l'application de cette règle est contraire aux dispositions de l' article L. 3133-2 du Code du Travail qui dispose que les heures de travail perdues par suite de chômage des jours fériés ne dorment pas lieu à récupération ; qu'il est donc interdit de faire récupérer des heure perdues par suite du chômage d'un jour férié, de sorte que les prétentions des demandeurs seront admises dans leur principe ; Que s'agissant du calcul présenté par les demandeurs arrêté fin juin 2009, qu'il leur est fait grief de ne pas justifier de leurs horaires théoriques; qu'il importe cependant de souligner que la répartition de leurs horaires hebdomadaires ne change pas d'une semaine sur l'autre ; qu'en tout état de cause il incombait à l'employeur chargé de l'établissement des plannings, de produire les feuilles d'enregistrement dès lors qu'il considérait qu'il y avait contestation sur le nombre d'heures effectuées par le salarié; qu'il s'ensuit qu'il sera fait droit aux demandes présentées au titre du paiement des heures complémentaires ou des heures supplémentaires effectuées du fait de la récupération des jours fériés depuis le 1er mai 2007 jusqu'à fin juin 2009 telles qu'elles résultent des termes des dernières conclusions et ·seront reprises au dispositif du jugement ; » ;
ALORS, DE PREMIÈRE PART QUE l'employeur peut en principe, dans l'exercice de son pouvoir de direction, modifier les horaires de travail du salarié ; qu'il est par conséquent fondé à rémunérer les jours fériés sur la base de la durée théorique quotidienne moyenne de travail, sauf à ce que la durée de travail que le salarié devait en principe effectuer le jour concerné ait été contractualisée ; qu'il peut également, dans ce cas, fixer les horaires de travail pour le reste de la semaine, de telle sorte que la somme des heures de travail effectuées durant cette semaine et de la durée théorique prise en compte pour fixer la rémunération du jour férié soit égale à la durée du travail mensuelle du salarié ; que tel est précisément l'objet de la pratique dite du « 1/5ème » ou du « 1/10ème » consistant à fixer l'horaire de travail restant à effectuer durant la semaine comportant un jour férié chômé, en déduisant de la durée hebdomadaire de travail le 1/5ème ou, pour les salariés qui ne devaient travailler que durant une demi-journée le jour férié ou chômé concerné, le 1/10ème de la durée hebdomadaire théorique de travail ; qu'en estimant que ce mode de valorisation des jours fériés chômés est contraire à l'article L. 3133-2 du Code du travail, le conseil de prud'hommes a violé par fausse application ce même texte ;
ALORS, SUBSIDIAIREMENT QUE la valorisation du jour férié chômé à hauteur de la durée théorique quotidienne moyenne de travail est à tout le moins possible lorsque la répartition de l'horaire de travail sur les jours de la semaine est variable et dépend d'un planning fixé unilatéralement, au cours de la relation de travail, par l'employeur ; que l'employeur peut, dans ce cas, fixer les horaires de travail pour le reste de la semaine, de telle sorte que la somme des heures de travail effectuées durant cette semaine et de la durée théorique prise en compte pour fixer la rémunération du jour férié soit égale à la durée du travail mensuelle du salarié ; que tel est précisément l'objet de la pratique dite du « 1/5ème » ou du « 1/10ème » consistant à fixer l'horaire de travail restant à effectuer durant la semaine comportant un jour férié chômé, en déduisant de la durée hebdomadaire de travail le 1/5ème ou, pour les salariés qui ne devaient travailler que durant une demi-journée le jour férié ou chômé concerné, le 1/10ème de la durée hebdomadaire théorique de travail ; qu'en relevant, pour dire que cette pratique est contraire à l'article L. 3133-2 du Code du travail, que la répartition des horaires hebdomadaires de travail des salariés ne changeait pas d'une semaine sur l'autre, sans préciser sur quels éléments de preuve il fondait cette affirmation, le conseil de prud'hommes a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, ENCORE PLUS SUBSIDIAIREMENT QUE la société CSF FRANCE avait fait valoir en page 11 de ses conclusions, pour contester l'évaluation faite par les salariés des sommes qu'ils réclamaient, que ceux-ci effectuaient leurs calculs en appliquant la règle du « 1/10ème », laquelle supposait qu'ils aient habituellement travaillé, le jour calendaire concerné, seulement une demi-journée cependant que plusieurs d'entre eux se prévalaient d'un horaire de travail habituel supérieur à huit heures, ce qui était incompatible avec une demi-journée de travail de sorte que le calcul devait être effectué par référence à la règle du « 1/5ème » ; qu'en entérinant purement et simplement les calculs des salariés demandeurs, sans répondre à ce moyen de défense décisif, le conseil de prud'hommes a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR fait droit à la demande de Mesdames Z..., A..., B... et C... ainsi que de Messieurs D... et E... tendant à obtenir le paiement de diverses sommes à titre de récupération du lundi de Pâques après-midi, chômé collectivement dans l'entreprise ;
AUX MOTIFS QUE « Sur le paiement de la récupération du lundi de Pâques après-midi chômé collectivement de 2004 à 2009 ; Que certains salariés sollicitent le paiement du repos décalé dont ils auraient selon eux dû bénéficier en application des dispositions de l'article 5-15 de la Convention Collective applicable, par ailleurs reprise dans l'article 19 du statut collectif de la société ; Qu'aux termes de cet article, les employés dont la journée ou demi-journée de repos habituel coïncide avec un jour férié fIxe dans la semaine (lundi de Pâques, lundi de Pentecôte, jeudi de l'Ascension) chômés collectivement dans l'établissement bénéficieront en compensation de cette coïncidence jour férié jour/repos habituel d'une journée ou demi-journée de repos décale déterminé en accord avec leur supérieur hiérarchique ; Que l'entreprise soutient que les demandeurs n'apportent pas la preuve qu'ils ne travaillent pas habituellement le lundi après-midi ; qu'il y a lieu de constater que le planning horaire de base DNP (pièce numéro 7) prouve que les six salariés du rayon ne travaillent jamais le lundi après-midi hors les semaines avec récupération de jours fériés ; Que les demandes à ce titre sont donc parfaitement justifiées dans leur principe et leur montant ; qu'il y sera donc fait droit de manière détaillée au dispositif du présent jugement ; » ;
ALORS QU'en retenant que « le planning horaire de base DNP (pièce numéro 7) prouve que les six salariés du rayon ne travaillent jamais le lundi après-midi hors les semaines de récupération de jours fériés » cependant que ce document ne concernait qu'une seule semaine de l'année 2007 et ne pouvait donc établir que les intéressés « ne travaillent jamais le lundi après-midi », le Conseil des Prud'hommes l'a dénaturé et a ainsi violé l'article 1134 du Code civil ;
QU'IL EN VA D'AUTANT PLUS AINSI QU'en affirmant que la répartition des horaires hebdomadaires de travail des salariés ne changeait pas d'une semaine sur l'autre, sans préciser sur quels éléments il fondait cette affirmation, le conseil de prud'hommes a violé l'article 455 du Code de procédure civile.